4 décembre 2009 - Université Rennes 2
Transcription
4 décembre 2009 - Université Rennes 2
Compréhension, incompréhension : du malentendu à la provocation Séminaire de lʼéquipe Arts : pratiques et poétiques (EA 3208) année 2009-2010 Journée dʼétude du vendredi 04 décembre 2009 Amphithéâtre du bâtiment O - musique/culture, 2e étage L’obscène à l’œuvre sous la responsabilité scientifique de Christiane Page (département Arts du Spectacle - Théâtre) et Joseph Delaplace (département Musique) Le séminaire comprend 3 journées dʼétudes qui auront lieu les 04 décembre 2009, 12 février 2010 et 12 mars 2010. Comité de pilotage : Pierre Braun, Joseph Delaplace, Anthony Fiant (assisté de Pascale Borrel), Joël Laurent, Christiane Page, Christophe Viart Coordination : Leszek Brogowski Matinée (modération : Joseph Delaplace) 09h45 Accueil 10h00 Introduction 10h20 L’obscène et la photographie 10h50 Discussion 11h10 ! ! De l’esthétique d’Ilka Schönbein. Du sinistre à l’immonde, variations sur l’obscène Christiane Page, professeur des universités en Arts du Spectacle, Université Rennes 2 Sandrine Ferret, maître de conférences en Arts Plastiques, Université Rennes 2 ,Il sʼagira dʼétudier, par le croisement de diverses images scandaleuses en leur temps , lʼopération photographique de révélation de lʼobscène ; comment sʼéquilibrent éthique et libertinage? Si hier le sexe révélé faisait scandale, aujourdʼhui la scène privée sʼaffiche sur les écrans. Depuis plus dʼun siècle, les modalités de présentation de lʼobscène ont peu varié dans les entreprises commerciales, et certains artistes s'en inspirent, tandis que d'autres bouleversent les modalités dʼécriture de lʼimage obscène, en s'inspirant de l'image amateur, sans faire scandale, mais aujourd'hui l'image amateur scandalise à son tour lorsqu'elle est publiée sur le net. Est-ce lʼimage qui est obscène ou son public ? Baudelaire, dans un texte écrit à lʼoccasion du salon de 1859 « Le public moderne et la photographie », pariait sur le public et mettait en cause la photographie. Cette communication aura pour objet de réfléchir à ces questions. Brigitte Prost, maître de conférences en Arts du Spectacle, Université Rennes 2 Lʼesthétique du sale, du lambeau, de lʼobjet usé ou dégradé peut définir le travail scénique dʼIlka Schönbein et être rapprochée de celle de Tadeusz Kantor : si lʼon se souvient des différentes versions du Roi Grenouille, de Métamorphose des métamorphoses, du Voyage dʼhiver, comme de Chair de ma Chair, ce qui court dʼune création à lʼautre, cʼest un souffle de vie, mêlé à un souffle de mort, cʼest un mouvement oscillant entre une profonde laideur et une tenace humanité. Souvenons-nous du bestiaire de ces créations (Roi Grenouille, Serpent des origines, Rat proxénète à la queue phallique, vautours acharnés, araignées dévoreuses…) ; souvenons-nous de ces figures dʼhumains aux traits altérés, aux tailles amplifiées ou diminuées (petite vieille à la tête comme rétrécie sur un corps trop haut, énorme face lunaire irrégulière de lʼenfant du Roi Grenouille ou de celui de Chair de ma chair), à la peau granuleuse ou vérolée ; souvenons-nous de ces marionnettes qui, dʼabord masques ou prothèses, nous font rire et trembler à la fois - et nous nʼaurons aucune peine à penser que le théâtre dʼIlka Schönbein relève de lʼesthétique dʼun grotesque obscène – tel est du moins ce que cherchera à démontrer ma communication. 11h40 Discussion 12h00 Pause-déjeuner Après-midi (modération : Christiane Page) 14h00 Le Grand Macabre de György Ligeti : un opéra obscène ? Joseph Delaplace, maître de conférences en Analyse Musicale, Université Rennes 2 Unique opéra de lʼun des plus grands compositeurs de la seconde moitié du XXe siècle, Le Grand Macabre est une œuvre provocante, à la fois comique et sérieuse. La multiplication et lʼamalgame des références constituent un espace-temps scénique et musical des plus étranges, où allusions, citations et parodies sont au service dʼun univers absurde. Les situations licencieuses se multiplient, portées par un texte des plus truculents. Il sʼagit dʼinterroger les dimensions provocatrices dʼune œuvre qui fut taxée de pornopéra, à travers les éléments obscènes présents dans le livret, la musique, ainsi que les costumes élaborés par Roland Topor en 1979. 14h30 Discussion 14h45 Maddin et le crime-exquis : endroit et envers de l'obscène Anouk Bellanger, étudiante en Master 2 de cinéma, Université Rennes 2 Les films de Guy Maddin recèlent tous un aspect provocateur mettant le spectateur dans une posture d'activité/réactivité, lʼobligeant à prendre la posture de voyeur, à regarder « ce qui aujourd'hui ne se montre pas » quand bien même cela se construit en souterrain dans les esprits par la prolifération des images en tout genre affichées sur les divers écrans. Maddin opère, avec un jeu d'économie remarquable, un montage dʼimages, de mots, en somme, de signes dont le sens subit une série de glissements plus ou moins perceptibles. Offrant à construire ce que toute « bonne conscience » tenterait immanquablement de refouler sur le champ, son travail questionne la capacité du spectateur à produire luimême, avec le film, et plus généralement avec les images, du « sens obscène », si tant est quʼil y en ait. 15h15 Discussion 15h30! La Pornographie ou l’histoire d’une fascination Pavel Cazenove, docteur en arts plastiques, Université Rennes 2 Pierre Bourgeade a écrit : « de lʼimage érotique à lʼimage pornographique, la différence est objective : lʼérotisme dévoile le sexe de la femme ; la pornographie, lʼintérieur du sexe ». À partir de cette constatation qui sʼavère parfois aussi juste quʼelle est percutante, nous évoquerons certains artistes qui, soit directement pornographes soit se référant à la pornographie, mettent en œuvre ce regard sur lʼintimité – lʼintériorité – du corps érotique féminin, que ce soit sur un mode fantastique, ironique ou critique. Parmi le corpus envisagé, citons la performance dʼAnnie Sprinkle « Public Cervix Announcement », les photographies (aux rayons) X de scènes pornographiques par Wim Delvoye, ou encore les étonnants mangas de John K. Pe-Ta représentant lʼintérieur des corps féminins afin de montrer lʼinvisible de la pénétration sexuelle. Ce que la pornographie met en scène, symptomatiquement, cʼest cette fascination (masculine) suscitée par un sexe féminin qui, se dérobant au regard, se retrouve au centre dʼun dispositif fantasmatique cherchant vainement à en percer le « secret ». 16h00 Discussion et clôture de la journée L’obscène à l’œuvre Pourquoi la question de lʼobscène revient-elle en force aujourdʼhui ? Après une pause de presque trente ans, cette notion resurgit aussi bien dans les productions artistiques que dans le discours universitaire (colloque Obscène, obscénités, Metz 2006), comme en témoignent les publications de ces dernières années (Corinne Maier : Lʼobscène. La mort à lʼœuvre, Encre Marine, 2004, Estelle Bayon : Le Cinéma obscène, LʼHarmattan, 2007), et la chose interpelle aussi bien les pouvoirs publics (interdiction de lʼexposition Our body par la justice française en avril 2009) que les sociologues et les critiques dʼart. À lʼaube du XXIe siècle, les domaines de prédilection de lʼobscénité restent la sexualité (la sexualité des « malades mentaux », celle du troisième et quatrième âge...), la mort (exposition de cadavres, de chairs vivantes atteintes dans leur intégrité...), et les traumatismes collectifs comme la Shoah (le « jeu » du dernier film de Quentin Tarentino avec la seconde guerre mondiale, dénoncé par une partie de la critique...). Mais, est-ce lʼart qui est obscène ou le regard sur lʼobjet dʼart qui porte en lui lʼobscénité ? Peut-on être innocemment obscène ? Lʼobscène tient-il à la volonté de révélation, non seulement de lʼhorreur mais aussi de la jouissance jusque-là ignorée qui est alors révélée ? Peut-on aborder la question de lʼobscène sans prendre en compte les valeurs morales spécifiques de chaque société ? La journée de décembre 2010 a pour ambition dʼinterroger cette « puissance de scandale » quʼest lʼobscène. Il sʼagit de se pencher sur les processus par lesquels ce dernier infiltre la sphère esthétique, entre représentation et irreprésentable, entre lʼexcès et le manque, de cerner les ambiguïtés de ce qui révulse et fascine à la fois, et travaille au cœur des œuvres. Christiane Page Joseph Delaplace