Entre crabes et « Matoutou » - Collectivité Territoriale de Martinique

Transcription

Entre crabes et « Matoutou » - Collectivité Territoriale de Martinique
Entre crabes et « Matoutou »
La tradition martiniquaise veut que nous consommions le « Matoutou crabes » chaque année
principalement à 2 occasions, le lundi de Pâques et le lundi de Pentecôte.
D’ où nous vient cette tradition du crabe ?
- Le crabe est consommé quasi quotidiennement chez les Amérindiens « premiers peuples »
qui ont habité la Martinique et l’archipel des Antilles. D’après l’Anonyme de Carpentras qui
relate un récit de 1618, « Nos indiens l’aiment [les crabes] si fort qu’ils quittent toutes sortes
de viandes, farce, fruits et poissons pour en manger ».
Le Père Breton en 1640 renchérit « Le manger le plus commun des sauvages …sont de gros
crabes de terre ou cancres blanc qui sont en des trous assez proches de la mer. De vrai, ils
sont bons… »
- Le crabe et la cassave sont les éléments de base du premier repas de la journée « sullilivuiyou », qui est le repas communautaire après la toilette du matin, au lever du soleil.
Nos Amérindiens chassent comme nous les crabes de terre et de mer, sous les roches et les
rochers, ou la nuit à la lueur d’un flambeau.
Les plus connus à l’époque semblent être ceux que nous dénommons aujourd’hui : les crabes
de terre, les mantous (poilus), les ciriques, les zagaïa, les tourlouroux (dits « touloulou »
rouge et noir) que les amérindiens appelaient «itouroucou ».
Quelques recettes d’époque
Plusieurs recettes d’époque nous sont parvenues :
- D’après Breton « Après les avoir écalés, nettoyés et lavés, ils les mettent sur le feu dans un
canari avec un peu d’eau, les couvrent de feuilles, à moitié –cuits, ils les tirent ils les
distribuent entre eux ».
- La sauce pimentée ou taumali – taumalin, jus de manioc, crabes, piments
Faire bouillir obligatoirement (le jus de manioc n’est plus toxique une fois qu’il est bouilli).
Il semble que le taumali soit cette graisse rougeâtre ou verdâtre qu’on trouve dans la tête des
crabes et qui serait à la base de cette sauce.
- Le ragoût de crabes
Les crabes sont préparés dans la sauce tomali.
C’est me semble t-il la recette la plus proche de notre matoutou.
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Le « matoutou » ou « matoto »
C’est une petite table tressée de joncs, de latanier ou d’arouman de 20 à 30 cm de haut, « de la
grandeur ou un peu plus d’une cassave ».
Au repas du matin, on pose sur cette table la cassave, le coui de sauce taumali, et le coui de
crabes.
La mémoire collective nous a transmis ce plat à base de crabes qui s’appelle « matété » en
Guadeloupe et « matoutou » en Martinique.
Cécile Celma
Historienne et conservateur
du musée départemental d’archéologie.
Pour aller plus loin
- « Un flibustier français dans la mer des Antilles 1618-1620 » dit Anonyme de Carpentras,
présenté par Jean Pierre Moreau. Ed. Seghers.
- « La vie quotidienne des Indiens Caraïbes aux Petites Antilles, XVIIème siècles ». Verrand,
Laurence. Ed. Karthala.
Publié dans le quotidien « France Antilles Le Magazine » du Samedi du 30 mai 2009.
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