Succès de la détection active des cas de tuberculose dans les

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Succès de la détection active des cas de tuberculose dans les
INT J TUBERC LUNG DIS 18(9):1099–1104
© 2014 The Union
Succès de la détection active des cas de tuberculose dans les
groupes à risque élevé des bidonvilles urbains du Pakistan
R. Fatima,* E. Qadeer,* D. A. Enarson,†‡ J. Creswell,§ R. Stevens,¶ S. G. Hinderaker,# M. ul Haq*
*National Tuberculosis Control Program Pakistan, Islamabad, Pakistan; †International Union Against Tuberculosis and Lung
Disease, Paris, France; ‡University of Stellenbosch, Stellenbosch, South Africa; §TB REACH Stop TB Partnership, World Health
Organization, Geneva, Switzerland; ¶HLSP Institute, London, UK; #University of Bergen, Bergen, Norway
_______________________________________________________________________________RÉSUMÉ
CONTEXTE : Au Pakistan, les patients présentant des symptômes suggérant une tuberculose (TB) sollicitent des soins auprès
d’un nombre de prestataires de soins de santé, dont la majorité ne déclare pas les cas au Programme National de TB.
OBJECTIF : Evaluer une intervention de détection active de cas dans cinq districts sélectionnés au hasard et comprenant des
bidonvilles urbains dans la province pakistanaise de Sindh.
SCHÉMA : Etude transversale de la détection des cas de TB associée à un projet d’intervention intégrée dans des camps de
dépistage.
RÉSULTATS : Entre avril 2011 et septembre 2012, le nombre de total de clients vus dans ces camps a atteint 165 280. Parmi
eux, 13 481 (12,7%) ont eu un examen microscopique de frottis. La proportion de frottis positifs a été significativement plus
élevée parmi les patients vus par des praticiens privés recrutés par le projet que parmi ceux référés des camps de dépistage
(OR 1,54 ; IC95% 1,42–1,66). Pendant la durée du projet, le nombre total de notifications de cas de TB à frottis positifs est
passé de 5158 à 8275.
CONCLUSION : La détection active des cas grâce au recrutement de prestataires privés et à des camps de dépistage peut
accroitre significativement le nombre de notifications de cas de TB à frottis positif.
MOTS CLÉS : tuberculose ; détection active des cas ; praticiens privés ; camps poumons
PLUS DE 95% des décès de la tuberculose (TB) surviennent dans les pays à faible ou moyen revenu, même si le
dépistage et le traitement sont disponibles gratuitement à
travers les programmes nationaux de lutte contre la tuberculose (PNLT).1 L’une des raisons tient à l’insuffisance de la détection des cas : on estime que, chaque année, sur les 8,6 millions estimés de nouveaux cas, environ
3 millions ne sont pas déclarés ; nombre de ces cas ne
sont jamais diagnostiqués ou reçoivent un traitement
dans le secteur privé.2 Les patients non traités continuent
à transmettre la TB et ceux qui ne sont pas traités correctement peuvent développer une pharmacorésistance ;
dans les deux cas, la mortalité est élevée.3
Bien que la détection passive des cas mise en œuvre
à travers la stratégie DOTS ait démontré un impact positif
sur la détection des cas dans des pays durement frappés,4,5 la recherche active des cas (ACF) peut être employée comme une approche supplémentaire afin de réduire le délai de diagnostic et d’atteindre les cas manqués
par les services de routine. L’ACF est une initiative entreprise par le personnel de santé afin d’identifier les patients symptomatiques pour une évaluation médicale et
de faciliter une prise en charge précoce de la TB.1 Cette
approche a montré qu’elle augmentait la détection des cas
à la fois dans les centres de santé et dans les communautés.6,7 Grâce à des programmes complets d’ACF, la prise
en charge des cas de TB présumés, la détection des cas et
les résultats du traitement de la TB se sont améliorés
parmi les patients sollicitant des soins de santé auprès de
praticiens privés.2
Engager tout le personnel de santé dans la prise en
charge de la TB et la lutte contre la TB grâce à des approches mixtes public-privé (PPM) est un élément essentiel de la stratégie Halte à la Tuberculose de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS). Les activités encourageant la collaboration entre les services de santé privés et
publics, appelés « PPM pour la prise en charge et la lutte
contre la TB », représentent une approche intégrée à l’implication systématique dans la TB de tout le personnel de
santé concerné. La PPM peut contribuer à augmenter la
détection des cas de 10% à 60%, améliorer les résultats
du traitement jusqu'à 85%, atteindre les pauvres et réduire les coûts.8 Le Pakistan a rapporté un taux de détection des cas de 64% en 2011 pour toutes les formes de
TB et de 50% pour la TB à frottis positif, en partant de
13% en 2005.1 Pour améliorer la notification des cas, le
Pakistan a introduit la PPM et a plus récemment étendu
le partenariat afin d’engager la communauté, de mettre
en œuvre la détection active des cas et d’introduire les
services de TB dans la pratique privée. Près de 20% des
déclarations nationales émanent de praticiens privés ; ce
résultat doit encore être amélioré comme le montre un récent inventaire qui a observé 28% de sous-déclaration.9
Le projet actuellement en cours d’évaluation s’est concentré sur l’organisation de « camps poumons » pour la
détection active des cas dans les cabinets de médecins généralistes privés hors PNLT (GP) et sur l’utilisation d’un
microscope à diode électroluminescente (LED) avec examen en fluorescence, car cet outil de diagnostic rapide a
un faible coût unitaire et prend moins de temps que les
Auteur pour correspondance : Razia Fatima, National Tuberculosis Control Program, EPI Building NIH, Islamabad, Pakistan. Fax:
(+92) 518 438081. e-mail: [email protected]
[Traduction de l’article : « Success of active tuberculosis case detection among high-risk groups in urban slums in Pakistan » Int J
Tuberc Lung Dis 2014; 18(9): 1099–1104. http://dx.doi.org/10.5588/ijtld.14.0001]
2 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
autres. L’étude actuelle est une évaluation des résultats
de cette intervention.
POPULATION, SCHÉMA ET MÉTHODES
Schéma de l’étude
Le schéma de l’étude a été quasiment expérimental afin
d’évaluer l’augmentation de la déclaration des cas de TB
grâce à l’adoption de cette intervention intégrée.
Contexte
Sindh, l’une des cinq provinces du Pakistan, est divisée
en 23 districts. Les services de TB sont intégrés dans le
système de soins de santé primaires au niveau du district
et sont fournis par des dispensaires de pneumologie au
niveau tertiaire (public et privé), dans les hôpitaux de district et de sous-district, dans des centres de santé ruraux
(RHC) et des unités de santé de base (BHU).10 Les soins
sont prodigués par des professionnels médicaux à la fois
qualifiés et non qualifiés. Selon l’association médicale et
dentaire du Pakistan, le nombre total de GP enregistrés
en 2014 était de 56 144 à Sindh, Pakistan.11 Tous les districts comprennent des bidonvilles urbains, dont la plus
grande concentration se trouve dans la plus grand ville,
Karachi. Les infrastructures de santé ne sont pas développées dans ces bidonvilles et l’accès aux services de soins
de santé primaires est médiocre, bien qu’il existe de nombreux centres de santé du secteur privé. Nous avons sélectionné au hasard quatre districts sur les 23 districts de
Sindh : Dadu, Thatta, Larkana et Sanghar. Nous avons
également sélectionné au hasard cinq villes (Jamshed,
Gadap, Orangi, Baldia et Kemari) du district de Karachi.
La population estimée au milieu de l’année 2011 de Karachi, Larkana, Dadu, Sanghar et Thatta était de 2 993
800, 502 607, 687 307, 1 158 856 et 702 535, respectivement. Toutes les zones comprennent de nombreux foyers
qui ont un faible revenu et appartiennent aux principaux
groupes ethniques du Pakistan. Les personnes des districts voisins peuvent avoir utilisé les services, mais nous
n’avons pas eu d’information à ce sujet.
Un exercice de cartographie a été réalisé afin d’identifier les sites des « camps poumons » en se basant sur la
charge de travail quotidienne, la distance du BHU et leur
emplacement dans le bidonville. Les GP qui ont accepté
de participer à l’intervention ont été formés et la zone du
bidonville a été divisée en quartiers, avec 10 GP autour
d’un laboratoire pour la microscopie de suivi. Au moins
un GP et un infirmier de chaque centre de santé sélectionné ont été identifiés et formés grâce au kit de formation standard du PNLT destiné aux prestataires privés.
Seuls les médecins diplômés ont été autorisés à participer. Pour soutenir leur motivation et indemniser le temps
passé, ils ont reçu 1500 roupies pakistanaises (environ
US$15) par jour pour leurs activités dans les « camps
poumons ».
L’intervention, financée par le partenariat Stop TB à
travers TB REACH, a consisté en 1) la mise en place de
« camps poumons » d’un jour avec des GP locaux formés
et encouragés à référer les cas présumés de TB aux laboratoires temporaires dans un cabinet de GP proche ; 2) la
mise en place de laboratoires temporaires utilisant la microscopie en fluorescence (FM) avec un équipement de
microscopie de frottis LED-FM ; 3) une formation de 3
jours dans le bureau provincial du programme de lutte
contre la TB (PTP) des GP participants au diagnostic, à
l’enregistrement et à la déclaration des TB ; et 4) des activités promotionnelles en faveur des camps.
Procédures
Le « camp poumons » a consisté en un rassemblement de
la communauté locale autour de centres de santé sélectionnés après une préparation préalable comme des annonces par haut-parleurs la veille du camp et l’exposition
de posters et de bannières en Urdu et en langue locale de
Sindhi avec des informations relatives à la gratuité des
médicaments. Pour attirer la communauté locale, des
« foires de santé » ont été organisées, incluant du théâtre
de rue, des spectacles comiques et des échoppes. Les
camps ont été promus comme des occasions de bénéficier
d’un dépistage de problèmes respiratoires en général,
plutôt que de la TB spécifiquement ou de doléances plus
générales.
Les camps ont été organisés par cinq équipes différentes, une dans chaque district, une fois par semaine,
dans des sites différents et un questionnaire de dépistage
a permis d’identifier les symptômes qui justifiaient une
recherche de TB. Tout le dépistage a été réalisé par le GP
local formé. Toute personne qui déclarait une toux de
plus de 2 semaines a été référée à un microscopiste formé,
présent sur le site pour un examen en LED-FM des crachats. Deux échantillons de crachats ont été recueillis le
même jour pour éviter tout délai dans le recueil d’un deuxième échantillon. Tous les résultats de microscopie de
frottis ont été communiqués à l’officier médical du
« camp poumons ». Les cas de TB confirmés ont été référés au cabinet du GP le plus proche de leur domicile et
enregistrés dans des registres TB de routine fournis au
cabinet. Le traitement a été fourni par le programme provincial de lutte contre la TB et suivi par du personnel de
terrain selon la strategie DOTS. Après la fin des activités
du « camp poumons », les GP formés ont été responsables de la prise en charge de tout cas de TB présumée
venu à leur cabinet. Ces cas ont été enregistrés séparément, avec une mention des résultats dans les registres
TB conservés par les mêmes GP responsables de la prise
en charge des cas de TB.
Les GP formés par le projet ont tenu, pour les cas examinés et détectés dans leurs cabinets, des dossiers distincts de ceux des « camps poumons » de façon qu’il n’y
ait pas de duplication des cas ; les agents de terrain ont
été responsables du recueil des données des deux interventions.
Recueil et analyse des données
Deux sources de données ont été utilisées pour l’analyse :
1) les données des registres du laboratoire qui consistaient en nombre de personnes visitant la structure, en
nombre de patients référés pour un examen de frottis de
crachats et en nombre des frottis positifs ; et 2) les données des registres de traitement qui comprenaient des informations relatives à l’âge, au sexe, au site du cabinet et
au type de TB. Le taux de déclaration des cas avant l’intervention a été recueilli à partir des données de surveillance de routine pendant les 18 mois précédant le projet
(1er octobre 2009–31 mars 2011) et pendant les 18 mois
de fonctionnement du projet (1er avril 2011–30 septembre
2012). Les agents de terrain ont été formés avant le début
Détection active des cas au Pakistan 3
du recueil de données. Le projet a été mis en œuvre du 1er
avril 2011 au 30 septembre 2012. Le nombre de « camps
poumons » à Karachi a été initialement de 12 par mois dans
un effort accéléré pour atteindre les objectifs du projet, mais
il a été réduit à 6 par mois du 1er avril au 30 septembre 2012.
Après l’achèvement du projet, toutes les données de l’étude
ont été rassemblées et analysées de janvier à août 2013.
Les données ont été analysées avec le logiciel SPSS
dans sa version 18 (IBM Corp, Armonk, NY, Etats-Unis).
Notre mesure de résultats a été le nombre de cas détectés.
Les variables analysées dans l’étude ont été l’âge, le sexe,
le type de cas de TB, la source de détection des cas, leur
localisation et les cas de TB diagnostiqués. Après la saisie des données et leur nettoyage, les proportions ont été
informatisées et les différences entre les groupes ont été
analysées avec le test de χ2. Dans un but de comparaison,
les zones du projet ont été divisées en zones à l’intérieur
de Karachi et en dehors de Karachi et pour comparer les
tendances dans la détection des cas, dans les zones du
projet et les zones hors projet.
Considérations éthiques
TB REACH a financé ce projet à travers le partenariat
Stop TB. Le financeur n’a eu aucune influence sur la conception de l’étude ni sur le recueil des données ; il a été
informé des progrès à travers les rapports de routine trimestriels. Le projet a été approuvé par l’unité de recherche du PNLT. Toutes les personnes qui ont eu accès
aux dossiers d’un patient quelconque dans l’étude ont été
impliquées dans la mise en œuvre du projet. Des statistiques synthétiques ont été utilisées sans les identifiants
des patients. Un membre de TB REACH a exécuté l’analyse des données, leur interprétation et le rapport. L’auteur correspondant a eu plein accès à toutes les données
du projet et a été responsable d’entreprendre l’étude.
Comme l’étude a impliqué l’analyse rétrospective des informations de routine du projet, il n’a pas été jugé utile
de requérir le consentement des patients individuels.
RÉSULTATS
Le Tableau 1 montre la comparaison des patients TB pendant la période précédant l’intervention et pendant l’intervention. Durant la période précédant l’intervention, un
total de 10 374 cas de TB (tous types) a été déclaré au
bureau du PTP ; ce nombre a significativement augmenté
pendant la période d’intervention, avec 14 140 TB cas
déclarés. La distribution par âge et sexe est restée similaire pendant les deux périodes. Tous les districts ont fait
état d’une augmentation de l’identification des cas, avec
Dadu et Karachi enregistrant l’augmentation la plus importante. La proportion de cas à frottis négatif a été significativement plus élevée pendant l’intervention.
La Figure 1 montre le flux de clients dans les districts
sélectionnés dans la zone du projet : un total de 3117 cas
de TB à frottis positif a été détecté dans les camps et dans
les cabinets des GP combinés. Dans les camps, 165 280
clients ont été dépistés et 13 481 (8,2% du total) ont bénéficié d’un examen direct de crachats au microscope
(Tableau 2). Parmi ces derniers, 1707 (12,6% de ceux
examinés) ont eu un frottis de crachats positif (Figure 1).
En plus de ceux examinés dans les camps, 7747 individus
ont été envoyés vers des cabinets de GP pour un examen
direct des crachats dans les mêmes zones. Parmi eux,
1410 (18,2%) se sont avérés avoir un frottis positif (Figure 1).
Le Tableau 2 montre une comparaison des contributions respectives des camps et des GP dans la détection
des cas de TB dans les cinq zones d’intervention. Le rendement des cas à frottis positif parmi les clients des
camps suspects d’avoir une TB a varié entre les districts
de 9% à 14%, mais parmi les GP, le rendement dans
chaque district a varié beaucoup plus, jusqu'à 69% à
Dadu.
Le nombre total de cas déclarés dans les districts des
zones du projet (Figure 2) a augmenté régulièrement
chaque trimestre pendant la période du projet, à la fois à
Karachi, passant de 194 à 402 et dans d’autres lieux (de
150 jusqu'à 261), avec un déclin quand le nombre de
« camps poumons » a été réduit.
DISCUSSION
Le but de cette étude a été de détecter des cas de TB non
diagnostiqués dans les bidonvilles périurbains de la province de Sindh. Le taux de notification a augmenté, suggérant que davantage de cas de TB peuvent être identifiés grâce à une détection active à base communautaire.
Tableau 1 Caractéristiques des patients tuberculeux identifiés avant et pendant l’intervention du projet au Pakistan
Total cas de TB
Districts
Karachi
Larkana
Dadu
Sanghar
Thatta
Age, années
0–24
25–44
≥45
Sexe
Masculin
Féminin
Type
Frottis pulmonaire positif
Frottis pulmonaire négatif
Extra-pulmonaire
TB = tuberculose.
Avant l’intervention
(octobre 2009–mars 2011)
n
10 374
7 064
774
816
854
866
3 005
3 634
3 735
5 257
5 117
8 933
543
898
Intervention
(avril 2011–septembre 2012)
n
14 140
9 760
1 046
1 171
1 048
1 115
3 944
5 083
5 113
7 216
6 924
11 392
1 766
982
Augmentation de la
détection des cas
%
36
38
35
44
23
29
31
40
37
37
35
28
225
9
4 The International Journal of Tuberculosis and Lung Disease
Camps
GP*
Individus dépistés
n = 165 280
Cas de TB présumés vus dans les
« camps poumons »
n = 13 481
Cas de TB présumés vus par les GP
n = 7747
Diagnostic positif dans les
« camps poumons »
n = 1707
Diagnostic positif par les GP
n = 1410
Cas à frottis positif traités par PTP et suivis
par le personnel de terrain
n = 3117
Figure 1 Flux des clients dans des districts sélectionnés du Pakistan impliqués dans un projet d’intervention pour la détection de la
tuberculose, 2011–2012. * Les médecins généralistes (GP) ont tenu les dossiers des cas de TB présumés seulement. TB = tuberculose ;
PTP = Programme provincial de lutte contre la TB.
des cas à travers des « camps poumons » spécialisés.
Autres études de détection active des cas ont abouti à des
rendements de cas de TB parmi les personnes référées allant de 4% en Afrique du Sud à 13% en Ethiopie.12,13 Une
étude réalisée au Pakistan,14 impliquant une configuration de soins privés avec un hôpital tertiaire, 54 centres
de santé familiaux et des travailleurs communautaires
pour augmenter la détection des cas de TB, a trouvé que
parmi 469 896 individus dépistés, 2416 (0,5%) avaient
une TB, comparés aux 1,9% de notre étude. Dans notre
projet, nous avons essayé de dépister les gens présentant
des symptômes respiratoires tandis que l’autre projet a
dépisté chaque personne qui s’est présentée dans les cabinets des GP.
La microscopie à LED-FM en fluorescence est plus
utile dans la détection des cas de TB à frottis positif dans
les régions à faible revenu et durement frappées par la
TB.15–17 Dans notre étude, nous avons choisi d’utiliser la
microscopie à fluorescence pour examiner les échantillons de crachats dans les « camps poumons », une alternative plus sensible que le microscope optique, parce que
les patients à frottis positif sont de loin les plus contagieux et que la microscopie à LED décentralisée est déjà
bien introduite dans la monde et qu’elle a un faible coût
unitaire. La recherche active des cas a été une partie intégrante de la lutte contre la TB dans les pays industrialisés
depuis les années 1920.18
Les programmes initiaux ont utilisé le dépistage ra-
Tableau 2 Cas de tuberculose identifiés dans les zones d’intervention à partir des « camps poumons » et par les GP, Pakistan, 2011–2012
Détection dans les camps
District
Karachi*
Larkana
Dadu
Sanghar
Thatta
Total
Camps
n
Visiteurs
des
camps
n
Cas présumés
n
199
129
115
117
92
652
55 253
34 797
26 592
29 241
19 397
165 280
3370
3589
3753
1790
979
13 481
Détection par les GP
Cas à frottis positif
n
Rendement %
46
42
56
15
94
17
*Karachi représente cinq villes (Jamshed, Gadap, Orangi, Baldia et Kemari).
GP = médecin généraliste
13,9
11,9
15,1
8,6
9,6
12,7
Cas présumés
n
6741
598
130
124
154
7747
Cas à frottis positif
n
Rendement %
1261
56
90
0
3
1410
18,7
9,4
69,2
0
1,9
18,2
Détection active des cas au Pakistan 5
450
402
380
400
342
31
350
300
266
244
250
254
261
Autres
194
200
150
16
144
Karachi
150
100
50
2011Q2 2 11Q3 211Q4 2012Q1 2012Q2 2012Q3
Figure 2 Identification des cas de tuberculose pendant l’intervention, par trimestre, à Sindh, Pakistan. Q = trimestre.
diologique des cas présumés de TB au début des années
1930.5,17 La politique des années 1970 a recommandé le
dépistage ciblé des proches contacts de patients atteints
de TB, des immigrants récents, des prisonniers, des personnes sans domicile fixe et des personnes infectées par
le virus de l'immunodéficience humaine, mais pas de la
population générale.19 Dans ces groupes à prévalence élevée, la détection active des cas peut affecter l’incidence
de la TB par le biais de la prévention des cas secondaires.20,21
Diverses études émanant d’autres endroits du monde
démontrent l’amélioration de la détection des cas à travers des camps.22,23 Les résultats de notre étude sont également en faveur de l’efficacité d’une intervention basée
sur des « camps poumons » pour détecter des cas de TB
supplémentaires dans notre contexte. De nombreux facteurs sont impliqués dans la contribution à la détection
active des cas, qui est un outil efficace de notre projet ;
par exemple, de nombreuses personnes ne connaissent
pas les symptômes de la TB. Le temps qu’elles développent des symptômes et sollicitent des soins de santé, souvent auprès de prestataires privés, leurs symptômes initiaux peuvent s’être un peu améliorés et ne pas être détectés, tandis que grâce à la détection active des cas, les
patients symptomatiques peuvent être correctement examinés plus tôt. Un autre facteur tient à la publicité avant
les camps, comme par exemple des annonces relatives à
l’horaire et au lieu et des informations sur la gratuité des
médicaments en général, notamment des antibiotiques, ce
qui en augmente le caractère attractif pour les communautés locales. La participation active et la formation des
GP locaux a également été un facteur clé.
La différence entre Karachi et les autres districts, à la
fois pour les « camps poumons » et pour les cabinets des
GP, est difficile à expliquer. Une explication possible serait que les personnes habitant à Karachi ont un accès
plus facile au secteur privé (comme l’indique leur
nombre moins élevé dans les camps et, inversement, plus
élevé dans les cabinets des GP à Karachi).
L’étude a plusieurs points forts. Elle a inclus un grand
nombre de participants et impliqué le PNLT dès le début
du projet. Elle s’est également concentrée sur les questions très prioritaires pour le PNLT. On note cependant
quelques limites. En tant qu’étude opérationnelle, les informations recueillies ont toutes les faiblesses des registres de données de routine. L’étude a également été
réalisée en tant que projet à financement externe et pas
comme pratique de routine du PNLT. Des incitations financières ont été offertes à 366 GP et 35 travailleurs de
santé impliqués dans l’intervention. Il est nécessaire
d’évaluer le rapport coût/efficacité et le temps investi par
le département de la santé local et par le PNLT. Des cas
supplémentaires ont été détectés à la fois pendant les
« camps poumons » et aussi par les GP locaux, indépendamment des « camps poumons ». Il faut tenir compte de
ce fait dans d’autres projets évaluant le rendement des interventions en communauté. Les leçons tirées de ce projet
visant à augmenter la détection des cas par une intervention intégrant des « camps poumons » et impliquant des
GP est très en faveur de l’expansion de l’approche PPM
dans le pays. Le même modèle a été adopté avec le soutien du Fonds Mondial contre le Sida, la Tuberculose et
le Paludisme pour répliquer les activités ; l’expansion est
planifiée dans le Plan Stratégique national/Vision 2020
(programme national de lutte contre la TB). (Ebauche du
plan stratégique national 2014 : Vision 2020, non publié).
En conclusion, engager les GP privés et utiliser la microscopie en fluorescence à LED dans des « camps poumons » communautaires pour la lutte contre la TB a été
associé à une augmentation significative des cas de TB
déclarés dans les bidonvilles de Sindh, Pakistan.
Remerciements
Nous remercions chaleureusement pour leur soutien le secrétariat de TB REACH du partenariat Halte à la TB pour avoir financé cette étude et le Programme provincial de lutte contre la
TB au Pakistan et tout le personnel de terrain qui a montré son
dévouement en atteignant les objectifs établis par le projet.
Conflit d’intérêt : pas de conflit déclaré.
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