Patrice Enard - Philippe Cote
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Patrice Enard - Philippe Cote
BREF109-ÉCHOS_4-9 14/10/13 23:08 Page6 / / DVD PATRICE ÉNARD, DE MAO À MONDRIAN Marx, Mao et Godard étaient les références de Patrice Énard (1945-2008) lorsqu’il a commencé à tourner dans les années 1960. La décennie suivante, il animait, avec Jean-Pierre Bouyxou, Paul-Hervé Mathis et sa compagne Britt Nini, la revue Sex Star System consacrée à l’érotisme cinéphile. Ce profil singulier a longtemps tenu le cinéaste éloigné d’une reconnaissance artistique que la sortie d’un coffret de deux DVD, chez L’Harmattan vidéo, devrait lui apporter. Énard travaille la notion de dua- Les premiers titres sont laco- lité dans Le cinéma en deux, film dans niques: 1967, 1968, 1969, 1970, qui ren- 6 voient aux années de tournage. On y lequel il met en parallèle le tournage pratique: tournages avec des amis, en avec la création de son propre opus. de Docteur Popaul de Claude Chabrol, décèle les prolégomènes de sa future La parole en deux, certainement le plus extérieurs, dans des clairières, des sous- abouti de ses “courts métrages idéo- bois, jamais en ville ; le filmage est logiques”, clôt la “veine politique” de généralement frontal. Ces films sont sa filmographie. On retient deux élé- courts, en noir et blanc, et muets. ments du commentaire de Sabourin, l’idéologie maoïste bordelais coauteur du texte: éviter d’injecter artificiellement des On distingue, ensuite, trois périodes dans ce trajet. La trilogie des Différences et répétitions (1970-1971) ils seront élevés au statut de véri- changer le cinéma. Il est, alors, dans tique du réalisateur, le cycle des “films numéro deux pose la question du ou Cinéthique. qui organise l’univers artistique et poli- clivés” (surtout Le cinéma en deux et La parole en deux, 1972-1973), qui sont des illustrations in situ des préoccupations idéologiques de l’auteur; enfin tables symphonies dans Pourvoir. Le comment et pourquoi filmer ? Différences et répétitions III introduit la vision architectonique d’écrans clivés en deux ainsi que des reflets les deux derniers films (La vie en deux, de miroirs qui seront les figures sty- passage d’Énard à un cinéma psy- métrage. 1980, et Pourvoir, 1981) marquent le chanalytique et formel qui traduit, le cinéma commercial. Des bruits d’eaux envahissent la bande sonore ; Il n’y aura plus de rhétorique dans les films suivants. Cet effort pour trou- ver la “manière juste” de faire un film Les films-années sont de minus- qu’en français que répétition ça veut font plus qu’un. ment articuler les images. Différences machine à aliéner que met en place de Louvain d’octobre 1972, où le maître, comme en symbiose avec les préoc- l’art comme synthèse portera, comme chez Vertov, sur un Différences et répétitions I, II et III se veulent des réflexions marxi- par Jacques Lacan, Énard est boule- versé par l’audition de la conférence cette seconde voie. cupations du filmmaker, parle lon- cules fenêtres sur le quotidien du jeune santes qui visent à démonter la Intéressé par la psychanalyse et Pourtant, Énard opte, désormais, pour listiques centrales de son long visuellement, à l’aube des années 1980, ses pensées. la mouvance des groupes Dziga Vertov théories dans les films, et, également, se méfier des nouvelles écritures. homme qui ne sait pas encore comet répétitions pose des questions sur ce que filmer signifie pour celui qui guement de répétition : “Il n’y a pas dire ce que ça veut dire, c’est-à-dire deux travail esthétique où forme et fond ne Le court métrage de rupture, La fois ou trois fois ou une infinité de fois, vie en deux, dans lequel le réalisateur la répétition, ça veut dire que la de l’actrice italienne de films bis Erika la pétition, c’est-à-dire la demande. Et demande, ça ne s’arrête pas, et que rien cisèle plastiquement les confessions Blanc, éclaire un autre versant des pré- refuse d’entrer dans un moule. Énard ne l’étanche.” Le réalisateur citera occupations d’Énard, celles touchant que la réflexion idéologique peut dans Pourvoir. pointe les contraintes du genre ; son soutiendra, jusqu’à La parole en deux, d’autres passages de cette conférence au cinéma érotique. La parole d’Erika Bref 109 / 2013 – VOLUME 4 BREF109-ÉCHOS_4-9 14/10/13 23:08 Page7 © Musée de l’Histoire de l’immigration - Mathieu Nouvel nce r lisateur en réside Un réa ggratit on mi i iggra de l’im au Musée dde l’Histoire 14 1 20 i décembre 2013 - ma plastique, tout s’y exprime par l’image; isées Des productions cro i entre Paris et Varsovie a nk avec le Studio Mu 4 14 01 printemps 20 Bientôt au grec les découpages de cadre évoquent souvent Mondrian, les divers bruisse- évolution se développe parallèlement à la permissivité des mœurs et non ments mixés à des sons électroniques concoctent une troublante sympho- nie bruitiste. Des nudités apparais- selon de vraies préoccupations artis- sent dans les eaux, dans les draps, dans de prendre un bain jusqu’à l’égérie de d’une sexualité qui se dérobe, suggé- tiques: de soubrette à qui l’on demande saynètes SM se dessine, ici, une car- tographie des fantasmes du mâle méditerranéen. Dans Pourvoir, il y a une véritable synthèse de tout ce que le réalisateur les herbes ; elles formalisent la figure rée par la présence récurrente d’un tee-shirt blanc qui vêt les femmes juste à hauteur de sexe, parfois entrevu. Tee-shirt qu’on étire avec un doigt qui masque autant qu’il désigne, c’est ce a expérimenté jusque-là. Le filmage que Robert Lapoujade nommait “le calme, agité, éveillé, somnambulique, films. C’est par le travail sur la plasti- de dix-huit femmes “en sommeil”, est frontal, en vert, blanc et chair. La surimpression est quasi-absente ainsi que le recours délibéré au baroque. Le plan d’ouverture montre une sourire vertical”, du nom d’un de ses blant poème visuel, les divers choix du cinéaste enfin unifiés. Pourvoir demeure un film-ovni, comme Le joueur de quilles de Jean- se battre ; sur la droite, il y a un miroir de Jackie Raynal (1969), entre post- femmes qui (nous) regardent. Puis, Raphaël Bassan Remerciements à Martine Boyer qui reflète les visages de quatre assis devant un lit où une femme (toutes les femmes?) s’endort, on croise Paul-Hervé Mathis, ami du cinéaste et fils d’un psychanalyste proche de Lacan : c’est le maître des sommeils. Pourvoir est un film graphique et 2 2013 /12/ Des projections le 21 o rrtt, ou co s l plu le r pour le Jou leurs ail et n, éo au Nouvel Od cité du film que se révèlent, en un trou- charpente de fenêtres sans carreaux à travers laquelle on voit deux hommes De nouveaux films du D.U. CREAATACC janvier 2014 Pierre Lajournade (1968) ou Deux fois OIRES La collection TERRIT ur Histooires co tes dans H mbre 2013 sur France 2 enn déce Nouvelle Vague et art contemporain. Patrice Énard, L’œuvre complète, coffret de deux DVD, L’Harmattan Vidéo, 2013, 25 euros. Et aussi, prochain dépôt des projets pour les collèges de lecture : décembre 2013 www.grec-info.com Depuis s sa création é en 1969 le GREC est soutenu par le