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Communiqué de presse
29 mai 2001
ATTENTION EMBARGO
jusqu’au jeudi 31 mai 2001 à 20h00
Cancers du sein et/ou de l’ovaire liés à une altération héréditaire du gène BRCA1
Les méthodes industrielles de séquençage ne suffisent
pas à détecter toutes les mutations génétiques
Le Service de Génétique Oncologique de l’Institut Curie vient de mettre en évidence, dans une
famille américaine, une altération du gène BRCA1 non détectée par les techniques
industrielles de séquençage de Myriad Genetics.
Cette mutation de grande taille a pu être décelée grâce au peignage d’ADN, une méthode
d’analyse plus globale qui permet d’obtenir une sorte de « code-barre coloré » du gène.
Publiée dans le Journal of Medical Genetics de juin 2001, cette étude montre que, pour donner
aux patients des résultats avec le plus de fiabilité possible, la recherche d’altérations sur le
gène BRCA1 ne doit pas être effectuée par les seules méthodes industrielles de séquençage.
Le Service de Génétique Oncologique de l’Institut Curie, dirigé par le Dr Dominique Stoppa-Lyonnet, en
collaboration avec des équipes françaises et américaines, a mené une étude dont les résultats vont
rendre plus efficace la première recherche de mutation génétique dans les familles ayant une histoire de
cancers du sein et/ou de l’ovaire.
Focalisées sur la recherche d’anomalies ponctuelles ou de petites tailles, les analyses génétiques
habituellement pratiquées, en particulier par la technique de séquençage utilisée par le laboratoire
américain Myriad Genetics1, ne permettent de détecter que deux tiers des mutations attendues.
Or, les médecins et les chercheurs ont émis l’hypothèse de l’existence de mutations de plus grandes
tailles, pouvant même affecter l’ensemble du gène.
L’équipe de l’Institut Curie a donc utilisé une méthode différente pour effectuer l’étude génétique d’une
famille américaine présentant de nombreux cas de cancers du sein et de l’ovaire, chez qui Myriad
Genetics n’avait trouvé aucune altération. Cette technique, appelée peignage d’ADN, qui permet l’analyse
globale du gène, a montré l’existence d’une grande délétion2 représentant 15 % de BRCA1. Cette
délétion, qui conduit à la synthèse d’une protéine anormale, serait donc à l’origine de la prédisposition au
cancer dans cette famille.
1
2
La société américaine Myriad Genetics, qui a gagné dans la dernière ligne droite la course à l’identification du gène BRCA1, a
obtenu les brevets correspondants aux Etats-Unis et détient par ailleurs l’exclusivité de l’exploitation du brevet concernant le gène
BRCA2. Alors que trois des quatre demandes de brevets pour l’utilisation diagnostique de ces deux gènes sont encore en cours
d’examen à l’Office Européen des Brevets, Myriad Genetics a déjà anticipé ses revendications. L’entreprise américaine exige en
effet de réaliser, pour toute l’Europe, la première recherche de mutation familiale dans son « usine à test » de Salt Lake City.
D’une part, la réalisation des tests par ce laboratoire entraînerait un surcoût important (x 3) ; d’autre part, leur sensibilité de
détection n’est pas supérieure à celle des laboratoires français. En outre, elle représenterait une perte d’informations et une perte
d’expertise pour les laboratoires français, voire un danger potentiel (constitution de banques d’ADN provenant des patients
français).
Délétion : perte d’un fragment d’ADN, pouvant aller d’une seule paire de bases à un gène ou à une grande portion de
chromosome.
L’Institut Curie : Face au cancer, l’union d’un Hôpital et d’un Centre de Recherche
Fondation reconnue d’utilité publique depuis 1921
26 rue d’Ulm 75248 Paris cedex 05
www.curie.fr
Ces résultats doivent inciter les généticiens à ne pas se contenter des seules analyses issues des
méthodes industrielles de séquençage, mais à effectuer des recherches complémentaires par des
techniques plus globales comme le peignage d’ADN.
Dans ce cas, l'analyse des altérations des gènes BRCA1 et BRCA2, impliquées dans les cancers
héréditaires du sein et/ou de l’ovaire, devrait devenir plus fiable.
Le peignage d’ADN, sorte de « code-barre coloré » du gène
Le peignage moléculaire de l’ADN consiste à étirer uniformément des molécules d’ADN purifié sur une surface de verre
traitée de façon à ne permettre leur ancrage que par leurs extrémités. La lame de verre est plongée dans la solution
d’ADN puis retirée de façon régulière et contrôlée, permettant le déroulement des molécules d’ADN qui sont ainsi toutes
étirées dans le même sens comme si on les avait peignées.
Fixant l’ADN de façon irréversible à la surface et l’étirant de façon constante et uniforme, cette méthode donne la
possibilité d’étudier les gènes dans leur globalité.
Développée et brevetée par l’équipe d’Aaron Bensimon*, laboratoire de biophysique de l’ADN, à l’Institut Pasteur, cette
technique a été adaptée à l’étude du gène BRCA1 à l’Institut Curie**.
En utilisant différentes molécules fluorescentes spécifiques du gène, on aboutit à une visualisation directe de BRCA1,
qui apparaît alors comme une succession de lignes et de points bleus, rouges, verts… formant un « code-barre coloré »
(voir image page suivante).
Régulière et précise, cette méthode offre une vue panoramique du gène et améliore considérablement la cartographie
physique, tout en la simplifiant. Elle est ainsi particulièrement intéressante pour la détection des mutations de grandes
tailles.
* « Alignment and sensitive detection of DNA by a moving interface »
A. Bensimon et coll. Science, 265, p. 2096-98, 1994
** « Color bar coding the BRCA1 gene on combed DNA : a useful strategy for detecting large gene rearrangements »
S. Gad et coll. Genes, Chromosomes & Cancer, 31, p.75-84, 2001
Référence
« Identification of a large rearrangement of the BRCA1 gene using colour bar code on combed DNA in an
American breast/ovarian cancer family previously studied by direct sequencing »
Sophie Gad (1), Maren T. Scheuner (2), Sabine Pages-Berhouet (1), Virginie Caux-Moncoutier (1), Aaron
Bensimon (3), Alain Aurias (4), Mark Pinto (2), Dominique Stoppa-Lyonnet (1)
Journal of Medical Genetics, vol. 38, n°6, pp. 388-391, juin 2001
(1)
(2)
(3)
(4)
Service de Génétique Oncologique, Institut Curie
GenRISK program, UCLA School of medicine, USA
Laboratoire de biophysique de l’ADN, Institut Pasteur
Unité INSERM 509 Pathologie moléculaire des cancers, Institut Curie
Images disponibles au Service de presse
Contacts
Relations Presse :
Catherine Goupillon
Iconographie :
Cécile Charré
[email protected]
Fax 01 44 32 41 67
tél. 01 44 32 40 63
tél. 01 44 32 40 51
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Pour en savoir plus
La prédisposition génétique aux cancers du sein et/ou de l’ovaire
La recherche de mutation génétique permet soit de rassurer les sujets
non porteurs et leurs descendants, soit d’améliorer le suivi et la prise en
charge des sujets porteurs.
Dans ce domaine, les outils du généticien sont l’analyse de l’histoire
médicale de la famille puis l’étude des gènes impliqués.
Les éléments importants à prendre en compte dans l’histoire familiale
sont : le nombre de cas de cancers, leur distribution sur l’arbre
généalogique, les sites tumoraux, les âges au diagnostic, la taille de la
famille.
Puis, lorsque l’histoire familiale est effectivement évocatrice, une analyse
moléculaire, communément appelée « test génétique », est proposée.
Les limites et les enjeux de l’analyse sont expliqués au consultant qui
dispose alors d’une période de réflexion. Enfin, son consentement est
recueilli. La prescription des tests génétiques est encadrée par les lois de
bioéthique de 1994 et ses décrets d’application.
Les altérations génétiques sont différentes d’une famille à l’autre. En
revanche, on retrouve la même mutation chez les membres d’une même
famille. Il y a donc deux types de tests génétiques : la première
recherche de mutation familiale et le test individuel.
La première analyse moléculaire dans une famille est une étape longue
car le nombre de mutations possibles est proportionnel à la taille du
gène : sur le gène BRCA1, plus de 900 mutations ont déjà été mises en
évidence. En revanche, dès lors qu’une altération a été identifiée chez un
des membres de la famille, un test individuel peut être proposé aux
apparentés : l’analyse est alors rapide et d’interprétation simple (porteur
ou non porteur de la mutation familiale).
Un suivi très spécifique est ensuite proposé aux personnes prédisposées.
§ 5 à 10 % des femmes atteintes de cancer
du sein seraient porteuses d’une
altération génétique (BRCA1, BRCA2 et
d’autres gènes non identifiés), soit au
moins une personne sur 200 dans la
population générale.
§ Pour le gène BRCA1, le pourcentage est
de 2,5 à 5 %, soit environ 500 à 1 500
cancers du sein par an.
§ La fille d’une femme porteuse d’une
mutation a 50 % de risque d’être ellemême porteuse.
§ Selon l’expertise collective
INSERM/Fédération Nationale des
Centres de Lutte Contre le Cancer (1998),
lorsque la mutation génétique sur BRCA1
est établie, le risque de développer un
cancer du sein serait de 50 % à l’âge de
50 ans et atteindrait 85 % à 75 ans.
§ Identifiés respectivement en 1994 et
1995, BRCA1 (chromosome 17) et
BRCA2 (chromosome 13) sont impliqués
dans la réparation de l’ADN, comme le
gène p53, et jouent un rôle dans le
contrôle de la prolifération cellulaire.
A l’Institut Curie, une prise en charge globale et multidisciplinaire
En 2000, le Service de Génétique Oncologique, dirigé par le Dr Dominique Stoppa-Lyonnet, a réalisé plus de 800
consultations d’oncogénétique et près de 500 tests génétiques. La majorité de son activité concerne l’étude des
prédispositions aux cancers du sein et de l’ovaire (l’Institut Curie est le premier centre européen dans la prise en charge des
cancers du sein). Ce service mène également des activités de recherche dont l’objectif est de mieux comprendre l’origine
des prédispositions (amélioration des techniques de détection, recherche de facteurs modificateurs des risques…). Il fait par
ailleurs partie du groupe « Génétique et Cancers » de la Fédération Nationale des Centres de Lutte Contre le Cancer,
chargé d’une réflexion sur le déroulement des tests génétiques et la prise en charge des femmes à risque.
Le suivi des femmes prédisposées génétiquement, coordonné par le Dr Pascale This, gynécologue-endocrinologue,
s’appuie sur les réflexions du groupe multidisciplinaire réunissant les oncogénéticiens, les cliniciens, les radiologues et les
psychologues de l’Institut Curie. Il s’agit de mettre en place une stratégie de surveillance individuelle.
§ Concernant le cancer de l’ovaire, on conseille d’effectuer une échographie pelvienne annuelle à partir de l’âge de 35 ans.
D’autre part, on recommande actuellement d’enlever les ovaires (ovariectomie prophylactique) si possible à partir de 40
ans (quand les projets de maternité sont accomplis).
§ Concernant le cancer du sein, la surveillance doit être plus précoce, plus fréquente et plus spécialisée que dans la
population générale : on conseille un examen clinique 2 fois par an dès l’âge de 20 ans ; une mammographie et une
échographie annuelle dès 30 ans, voire plus tôt dans certaines familles.
En prévention, deux traitements d’hormonothérapie, le Tamoxifène et le Raloxifène, sont actuellement à l’étude aux
Etats-Unis et donnent de premiers résultats prometteurs.
La mammectomie prophylactique bilatérale (ablation préventive des deux glandes mammaires) est une intervention très
rarement pratiquée en France. Elle n’est jamais recommandée, mais reste une option possible, à discuter au cas par cas,
au terme d’une réflexion multidisciplinaire.
Dans tous les cas et à tous les stades de la démarche, les femmes sont invitées à rencontrer les psycho-oncologues.
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