La Vie des réserves... - Museum d`histoire naturelle de Marseille
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La Vie des réserves... - Museum d`histoire naturelle de Marseille
La Vie des réserves... Pauvre-type ? Sale-type ?... Non ! Holotype ! Définition du Code internationale de Nomenclature zoologique Prenons un exemple Une des missions du Muséum de Marseille, comme tout musée d’ailleurs, est de mettre les collections de l’institution à disposition des chercheurs tant français qu’étrangers. Nos collections étant très riches, nous recevons régulièrement des demandes pour venir étudier les spécimens conservés dans tous les domaines des sciences naturelles : paléontologie, entomologie, malacologie.... « Holo quoi ? ». Une petite explication s’impose Lorsque l’on nomme une nouvelle espèce, des règles précises sont à respecter. Fondée en 1895, l’ICZN, l’International Commission on Zoological Nomenclature, est l’instance qui édicte les règles qui encadrent la création de tout nouveau nom scientifique (espèces, genre, familles...) (http://www.iczn.org/iczn/index.jsp), à travers un code : l’International code of zoological nomenclature. L’holotype Ainsi, il y a quelques temps une collègue et chercheuse argentine nous a contacté pour savoir si l’holotype de la sous-espèce Parelephas columbi cayennensis, une sous-espèce de mammouth provenant de Guyane, était disponible dans nos réserves. 1 La vie des réserves - mai 2016 HOLOTYPE : Spécimen unique désigné comme le porte-nom d’une espèce ou d’une sous-espèce lorsqaue celle-ci est établie. Stéphane JOUVE, Assistant de conservation - Collections Paléontologie/Géologie Stéphane JOUVE, Docteur en Paléontologie, Assistant de conservation, Muséum de Marseille A noter que son équivalent existe pour la botanique. Si les règles de l’ICZN ne sont pas respectées lors de la création d’un nouveau nom scientifique, ce nom ne sera pas valide, et ne sera pas considéré par la communauté scientifique. L’une de ces règles impose, lors de la création d’une nouvelle espèce ou sous-espèce, la création d’un holotype. Cet holotype est un spécimen, choisi par le créateur de la nouvelle espèce, auquel s’attachera le nouveau nom. Pour quoi faire ? La vie des réserves - mai 2016 Stéphane JOUVE, Assistant de conservation - Collections Paléontologie/Géologie L’holotype Squelette du mammouth de Colombie (Mammuthus columbii) au George C. Page Museum, La Brea Tar Pits, Los Angeles. ©WolfmanSF 2 Si l’on attache un spécimen en particulier à un nouveau nom, c’est pour assurer une stabilité à ces noms scientifiques, et pour pouvoir s’y retrouver. Imaginez un chercheur qui découvre une nouvelle espèce d’araignée au fond d’une forêt tropicale. Les caractéristiques morphologiques et/ou génétiques indiquent clairement qu’il s’agit d’une espèce différente de toutes celles connues jusqu’à présent. Il décide de lui donner un nom, Aphonophelma johnnycashi par exemple, et désigne un individu en particulier comme holotype, individu qui sera déposé et conservé dans un musée, comme le Muséum de Marseille, avec un numéro d’inventaire : MHNM.16533 par exemple (MHNM étant le sigle du Muséum d’histoire naturelle de Marseille). Ce chercheur peut citer et décrire d’autres individus qu’il a trouvé dans la région et les rapporter à cette espèce. De même d’autres chercheurs pourraient à leur tour décrire de nouveaux spécimens se rapportant à cette espèce dans d’autres régions. Mais si un chercheur découvre parmi les spécimens décrits et rapportés à Aphonophelma johnnycashi que certains sont différents, il peut décider à son tour de créer une autre nouvelle espèce. Et c’est là que l’holotype montre toute son importance ! Il y a donc deux espèces possibles dans Aphonophelma johnnycashi ! Pour savoir quels individus se rapportent effectivement à Aphonophelma johnnycashi, et ceux qui se rapportent à la nouvelle espèce, il faut consulter l’holotype de Aphonophelma johnnycashi, MHNM.16533, sur lequel repose le nom. Tous les individus similaires à l’holotype appartiennent à l’espèce Aphonophelma johnnycashi, et tous les autres se rapportent donc à la nouvelle espèce, pour laquelle il faudra désigner un holotype pour porter le nouveau nom. Les holotypes sont donc des spécimens de référence, et sont donc à ce titre extrêmement importants pour les scientifiques ! Dans les années 70, l’espèce Parelephas columbi (et donc notre sous-espèce, fut transférée dans le genre L’holotype OSBORN a désigné le spécimen MHNM.8449 comme holotype du nouveau nom Parelephas columbi cayennensis, un spécimen constitué de deux fragments de dent. Il n’a d’ailleurs jamais vu les pièces originales, et a utilisé un moulage conservé à l’American Museum of Natural History de New York et des photos envoyées par le directeur de l’époque L. LAURENT. Extrait de H. OSBORN, 1929 - Eurasiatic and American Proboscideans, American Museum Novitates, 393 : 20-21-21. 3 La vie des réserves - mai 2016 Dans le cas qui nous occupe, la sous-espèce Parelephas columbi cayennensis a été crée par le célèbre paléontologue américain Henry Fairfield OSBORN (http:// www.nasonline.org/publications/biographical-memoirs/memoir-pdfs/osborn-henry-f. pdf) en 1929 dans une publication dans l’American Museum Novitates (http:// digitallibrary.amnh.org/handle/2246/3138). H. OSBORN est notamment célèbre pour être le paléontologue à avoir décrit et nommer le célèbre Tyrannosaurus rex en 1905. Stéphane JOUVE, Assistant de conservation - Collections Paléontologie/Géologie Et les «holoplastotypes» alors ? MHNM.8449, Holoplastotype de Mammuthus (Parelephas) columbi cayennensis Mammuthus, les différences entre les genres Parelephas et Mammuthus n’étant pas Nous nous sommes donc mis en quête de ce spécimen pour répondre aux attentes de notre collègue qui désirait effectuer des comparaisons avec d’autres échantillons, et déterminer si H. OSBORN avait bien raison en créant une nouvelle sous-espèce. Après quelques recherches, nous avons donc retrouvé un spécimen correspondant à la description et portant le numéro MHNM.8449… Mais surprise, il ne s’agit pas d’un spécimen original, mais d’un moulage ! Impossible de retrouver l’original. Heureusement, le moulage, est d’une qualité suffisante pour permettre la réalisation de photos, qui ont été envoyées à notre collègue argentine. Pour l’heure, l’holotype est donc considéré comme perdu, et notre moulage est donc un holoplastotype, appellation pour le moulage d’un holotype. La vie des réserves - mai 2016 Stéphane JOUVE, Assistant de conservation - Collections Paléontologie/Géologie L’holotype jugées suffisantes pour justifier une séparation. 4 Mais où est donc passé l’original ? Pour l’instant aucune piste. Des contacts ont été pris avec l’American Museum of Natural History pour s’assurer que le spécimen conservé dans leur collection est bien un moulage, et non l’original qui aurait été envoyé par erreur. Affaire à suivre donc.