Du bilan professionnel a la gestion previsionnelle

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Du bilan professionnel a la gestion previsionnelle
DU BILAN PROFESSIONNEL A LA GESTION
PREVISIONNELLE DE L'EMPLOI ET DES COMPETENCES
(GPEC)
"Nous savons que le business est devenu si compliqué, si difficile, et la survie d'une firme si
problématique, qu'une entreprise doit chaque jour mobiliser toute l'intelligence de tous pour
avoir une chance de s'en tirer.
Parce que nous avons pris la mesure des nouveaux défis technologiques et économiques, nous
savons que l'intelligence de quelques technocrates, si brillants soient-ils est dorénavant
insuffisante pour les relever.".
MATSUSHITA
De nouvelles dispositions légales viennent de paraître, accordant aux salariés du secteur privé
la possibilité de réaliser un congé pour le bilan des compétences professionnelles ainsi que de
leurs aptitudes, leurs motivations et intérêts professionnels, ceci afin de définir, si nécessaire,
plusieurs fois au cours de leur vie professionnelle, un projet professionnel et, le cas échéant,
un projet de formation.
Au-delà d'un aspect purement réglementaire, un certain nombre d'entreprises des secteurs
industriels et tertiaires ont compris tout l'intérêt qu'elles avaient d'avoir des salariés acteurs de
leur évolution professionnelle ; en effet, la prise en compte des enjeux stratégiques nouveaux
nécessite une mobilité accrue liée à des redéploiements et des réallocations de ressources, une
polyvalence permettant une plus large flexibilité et réactivité, des formations prenant en
compte les métiers et leur évolution.
La gestion prévisionnelle n'est donc pas une mode, un discours, un outil, mais une
démarche prenant en compte une nécessité économique, face à des incertitudes majeures
:
"la survie et la réussite de l'entreprise sont liées à sa capacité d'anticipation et d'adaptation"
(Hubert Landier).
La gestion anticipée de l'emploi et des compétences, c'est alors la rencontre entre deux
projets.
Le projet de l'entreprise, dans le cadre de ses orientations du futur, prenant en compte les
Ressources Humaines comme une variable stratégique et non d'ajustement, et qui conditionne
la réussite de ce projet.
L'objectif est alors de définir des politiques et de mettre en oeuvre des plans d'actions à court
terme (mobilité, formation, recrutement, temps de travail,...) en leur donnant du sens par
rapport au futur probable de l'entreprise.
Rencontre avec le projet professionnel du salarié : la GPEC n'a de sens que si elle se
concrétise dans des choix individuels.
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La GPEC, c'est donc essentiellement une aide à la décision professionnelle, et non la
définition par l'entreprise de la carrière de chacun des agents (ce qui serait d'ailleurs
techniquement impossible).
Encore faut-il que le management soit capable de répondre aux interrogations majeures du
salarié ; le dispositif de gestion prévisionnelle repose essentiellement sur sa capacité à faire
émerger, clarifier et confronter les choix du salarié avec ceux de l'entreprise tenant compte
des enjeux, risques et opportunités de chacun.
Il faut alors communiquer, échanger, mais il faut surtout se taire quand on n'a rien à dire ;
bien souvent l'entretien individuel n'est qu'un rite durant lequel l'encadrement intermédiaire
est souvent sans réponse.
A QUELLES QUESTIONS L’ENCADREMENT INTERMEDIAIRE, QUI SE
SITUE A L’INTERSECTION DE CES 2 PROJETS, ET DONC PIVOT
ESSENTIEL DE LA MISE EN ŒUVRE DE LA GPEC, DOIT-IL POUVOIR
REPONDRE A SES COLLABORATEURS ?
1) Quelles sont les produits, les marchés, les investissements futurs de l'entreprise ?
Il n'y a pas de gestion prévisionnelle sans clarification du métier de l'entreprise et de sa
volonté et de son ambition stratégique, des enjeux, risques et opportunités futures.
Les entreprises les plus performantes sont celles qui savent se concentrer sur leur métier de
base, se recentrer sur leurs savoir-faire spécifiques et leur pôle d'excellence et les gérer dans
la continuité sur des périodes longues sans rechercher à court terme une optimisation du profit
immédiat. Et l'investissement humain est un investissement de longue durée. Métier de
l'entreprise et gestion à long terme des compétences vont de pair. (cf. le Maître des Horloges
de Philippe DELMAS - Editions Odile JACOB)
2) Quel est l'avenir de mon métier? quels métiers sont et seront porteurs à terme?
L'effort de planification stratégique des ressources humaines prend tout son sens lorsqu'il
permet de décliner en métiers les choix d'activités et d'organisation prenant en compte à la
fois les objectifs de productivité globale, et l'intérêt professionnel des agents. On ne
mobilisera les compétences et les capacités d'initiative des salariés que si on leur propose des
emplois qui valorisent leur potentiel et accroissent leurs responsabilités, et leur donnent une
autonomie et une maîtrise plus large sur leur situation de travail.
L'effort à accomplir pour y accéder n'a d'intérêt que si la lecture des possibilités à terme du
marché interne du travail permet aux collaborateurs de s'y préparer.
Ceci nous amène à deux réflexions majeures :
L'organisation devient un facteur clé de compétitivité, les entreprises les plus efficaces
pensent solidairement changements technologiques, organisation et contenu qualifiant du
travail ce qui sous-tend le plus souvent une évolution des rapports sociaux internes à
l'entreprise.
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Certaines compétences et métiers, parce qu'ils sont spécifiques à l'entreprise en tant que
facteurs de différenciation par rapport à son marché, à la concurrence, doivent faire l'objet
d'une réflexion prospective approfondie ; encore plus que pour les autres métiers, il faut
anticiper, fabriquer, stabiliser et capitaliser la compétence, gage du développement et du cash
flow de demain.
De même, il faut s'interroger sur les métiers communs ou transversaux à toutes les entreprises
et à leur valeur ajoutée. Quelle politique d'emploi pour ces métiers ? Les garder, les
extérioriser, les requalifier ?
Et que dire des "métiers maison" pour lesquels au cours de la décennie écoulée, les plans FNE
établis à partir des structures d'âge et non sur la base de structure de compétences ont eus pour
conséquence des dysfonctionnements ou des blocages de l'outil industriel ainsi que des
erreurs de recrutement ou de promotion par manque de vision des profils requis à terme.
3) Quels sont les métiers qui me sont accessibles?
Définir la cartographie des métiers c'est permettre au salarié de s'orienter de façon réaliste, à
partir des passerelles et des filières identifiées, sur la base d'une logique de parcours
professionnel dans des grandes familles professionnelles, transversales aux structures de
l'entreprise plutôt qu'une logique de postes de travail dans des organisations figées et
tayloriennes.
4) Quelle est l'offre formation de l'entreprise?
Encore actuellement près de 50 % des salariés non cadres disent pratiquement ne jamais utiliser
la formation reçue. Déficit de la réflexion sur les compétences requises futures ? Intangibilité
de l'organisation qui ne permet pas la mise en oeuvre des acquis ? Blocage par un encadrement
qui risque d'être remis en cause ?
L'accroissement important de l'investissement formation nécessite une plus grande intégration
dans le dispositif de l'emploi, par rapport aux métiers sensibles, aux compétences stratégiques,
et parfois la nécessité de requalifier les bas niveaux de qualification de façon massive.
(comment dans la banque transformer un guichetier en conseiller clientèle et dans quel délai
?, et dans la sidérurgie un opérateur en conducteur de process ou en technicien procédé ?).
5) A quelles conditions est-ce réalisable?
Bien souvent, les procédures internes valorisent plus la stabilité, l'ancienneté, les acquis (les
concours, la formation de base...) la conformité au détriment de la flexibilité, la mobilité,
l'initiative. La modernisation passe par une révision des règles du jeu et des conditions afin de
valoriser le professionnalisme et la mobilité plutôt que le statut ou l'ancienneté, les savoirfaire plutôt que les diplômes.
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En quoi la reconnaissance de la compétence est-elle inscrite dans les accords d'entreprise et
les conventions collectives ? Encore faut-il se donner les moyens d'évaluer ces savoir-faire de
façon objective !
Répondre à l'ensemble de ces interrogations, c'est faire de l'entretien individuel un moment
privilégié, d'écoute, d'échange d'information et de confrontation pour actualiser le "contrat de
travail" et crédibiliser la démarche de GPEC, à condition que les conséquences en terme de
décision et de plans d'actions soient effectives.
Le bilan de compétence devient alors un enjeu positif qui entraîne le passage à l'acte ; on ne
peut pas parler de "résistance au changement" (comme de "vertu dormitive de l'opium") on
peut parler de résistance à l'inconnu, de repli face à un déficit crucial de communication, de
prise de moindre risque. L'immobilisme est dans ce cas une réponse adaptée.
6) Et moi, quelles sont mes envies et intérêts, mes forces et mes faiblesses?
61) En quoi ce métier peut-il m'intéresser? en quoi est-il attractif pour moi ?
Il est clair que des populations mieux scolarisées, mieux informées des possibilités deviennent
plus exigeantes sur l'intérêt du travail et pas seulement sur les conditions d'exercice de leur
métier. Comment des salariés ayant un solide bagage scolaire peuvent-ils accepter un poste
rétréci, un travail répétitif et routinier, dans une organisation et un mode de fonctionnement
datant d'avant-guerre ?
C'est l'intérêt de l'entreprise, en terme économique, d'analyser ce décalage et à rendre les
organisations adaptées (et adaptables) à la compétence effective des salariés : c'est à
l'encadrement qu'en incombe la responsabilité.
Les travaux de HERZBERG, datant de plus de vingt ans, gardent encore toute leur valeur : les
facteurs intrinsèques d'intérêt au travail (contenu des tâches, responsabilités, valorisation) à
mesure de l'évolution culturelle, prennent un poids plus important que les facteurs
extrinsèques de réalisation (relations hiérarchiques, statut, rémunération, nuisances ...). Ce
n'est pas parce que les conditions d'exercice du métier sont moins insatisfaisantes que l'intérêt
du travail est plus fort. Or, les politiques sociales se sont focalisées essentiellement sur ce qui
est négociable, plus facilement négociable entre les différents partenaires. Les accords récents
d'entreprises, sur l'emploi, la gestion prévisionnelle, la formation qualifiante, le bilan
professionnel sont les prémices d'une évolution de la réflexion des acteurs institutionnels.
62) Quels métiers correspondent le mieux à mes intérêts personnels et/ou
professionnels?
Souvent, les choix professionnels n'ont pas forcément de liaison avec la formation de base.
On est tout étonné, quand on fait l'analyse des cheminements effectifs de carrière, de se rendre
compte que les intérêts professionnels ont un poids déterminant dans les évolutions
successives de métier. Ces intérêts, relativement stables au cours de la vie, sont une traduction
de la motivation en terme de choix et de comportements professionnels et peuvent être
considérés comme des facteurs d'évolution plus puissants que l'intelligence, les capacités, le
tempérament ou encore la personnalité.
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Clarifier ses choix professionnels à partir d'une prise de conscience progressive de ses
motivations et intérêts permet d'ouvrir le champ des futurs possibles et d'opérer un
investissement dans le travail plus efficient.
Des collaborateurs qui expriment dans leur travail ou dans leurs loisirs des motivations et
intérêts bien spécifiques, n'identifient pas ou ne pensent pas toujours à pouvoir exploiter ce
ressort extraordinaire pour une mobilité possible. Quant à l'encadrement, il est plus en
situation de jugement ou d'évaluation normative que d'écoute et de conseil. Et il a bien
souvent du mal à ne pas combattre les aspirations de son salarié qu'il trouve non légitimes
tenant compte de l'appréciation des performances qu'il fait ou encore des besoins de son
service. Qui n'a jamais entendu ce genre de réflexion "c'est un employé médiocre et qui
s'intègre mal et vous voudriez qu'il évolue comme bureauticien, parce qu'il anime un club de
micro-informatique les week-end" ou encore "c'est mon meilleur élément, et vous voulez qu'il
change alors qu'il n'est dans son poste que depuis 3 ans".
Aider le salarié à explorer ses motivations, à repérer ses attitudes face au travail et à pouvoir
formuler des choix est sans doute une voie d'avenir pour l'entreprise dans le cadre d'une
orientation professionnelle interne continue.
Les entreprises qui ont proposé des sessions de bilans professionnels, qui mettent à la
disposition des salariés des centres internes d'orientation professionnelle en appliquant les
règles de neutralité dans le conseil et de confidentialité dans la relation avec le salarié, sont
souvent étonnés des résultats positifs qu'elles engrangent, même si à court terme cela peut
parfois entraîner des décisions qui paraissent dommageables pour l'entreprise (départ de
certains pour créer une entreprise, changement interne entraînant une perte provisoire de
savoir-faire...).
Mais quels gains pour l'entreprise, par l'image qu'elle se donne, par la fluidité qu'elle génère,
par l'efficacité qu'elle retrouve...
Faciliter la recherche d'un emploi correspondant mieux aux intérêts personnels en les faisant
émerger pour que le salarié puisse passer ensuite à une phase de décision et de mise en place
de son projet professionnel, c'est jouer d'autres acteurs que la hiérarchie, au moins dans un
premier temps ; c'est aussi utiliser des méthodes et outils spécifiques à cette démarche, qui
n'ont rien à voir avec des tests d'intelligence ou de niveau. (Ceux-ci peuvent être utiles dans
un deuxième temps en fonction du métier ou de la fonction choisie pour estimer la capacité à
se former, à y réussir). Mais aussi c'est un nouveau mode de relations qui parfois entraîne un
refus de l'entreprise, principalement pour des raisons culturelles ou à cause d'une évaluation
(fausse) des risques : dans tout changement professionnel, le salarié cherche à avoir des avis
autorisés, une clarification de ce qu'il est, de ce qu'il veut faire, pourquoi pas un conseil en
interne, qui ne soit pas forcément dans un premier temps la ligne hiérarchique, forcément juge
et partie !
63) Quelles sont mes capacités à me former, à développer mes compétences?
Changer d'emploi, c'est accepter d'acquérir et de mettre en oeuvre des savoirs et savoir-faire
nouveaux. Trois types de mobilité peuvent intervenir :
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- une promotion en terme de carrière, dans le cadre de la gestion des postes clés et
stratégiques ou de la gestion des compétences rares ; le concept de potentiel ou "compétences
inférées" est dans ce cas dominant, sous forme d'une hypothèse d'accession à d'autres niveaux
de responsabilités. Une gestion des ressources rares doit permettre de minimiser la
vulnérabilité de l'entreprise en cas de perte, ou d'absence provisoire.
Le souci est alors de tester des savoir-faire - savoir-être autres dans des situations de travail
variées et très différentes afin de confirmer (ou d'infirmer) cette hypothèse de potentiel. On
parlera de mobilité individuelle dirigée ou pilotée à travers les plans de remplacement et plans
de succession à court et moyen terme (organigrammes d'évolution exploités pour ces
populations spécifiques lors de comités de carrière animés par le management).
L'évaluation de la compétence ne suffit pas à définir le potentiel ; ce n'est pas parce que l'on
est un brillant mécanicien qu'on sera un chef d'atelier reconnu... Il faut à la fois faire un "pari
raisonnable" à partir des critères caractérisant le potentiel, en exploitant les informations
données par les différents responsables hiérarchiques ou fonctionnels, et mettre le salarié en
situation de réussite possible. Cela amène à définir des filières différentes d'évolution selon
que l'on recherche une confirmation dans le rôle managérial ou d'expert. (La "dual ladder" ou
"double échelle" identifiant des passages possibles et des règles de promotion en fonction de
critères transparents de reconnaissance par niveaux d'expertise ou de management comme
l'ont développés par exemple HONEYWELL ou MOTOROLA). La communication sur la
procédure, les critères retenus déterminent aussi les comportements du salarié.
S'il n'est pas indispensable ni peut-être souhaitable de communiquer au salarié son "potentiel"
correspondant à une hypothèse d'évolution à un moment donné susceptible d'être remise en
cause, l'offre faite en terme de promotion, de métier nouveau, d'élargissement de
responsabilités, de missions nouvelles est une manière dynamique de le lui signifier.
En second lieu, on peut aussi parler de mobilité suscitée dans le cadre d'une gestion par corps
de métier permettant une professionnalisation liée à l'acquisition progressive de compétences
complémentaires afin d'exercer les métiers d'une famille professionnelle donnée (exemple :
logistique, production, finances, personnel...). A travers des itinéraires de métier à métier
transversaux aux structures et aux établissements, et tenant compte de l'évaluation des
compétences qui est faite, le salarié peut faire le point sur la base de ces résultats discutés lors
des entretiens périodiques pour déterminer avec son responsable les moyens de cette
professionnalisation.
Le concept de compétence observable à travers des résultats objectifs, des comportements
significatifs de la réussite, est le concept majeur de cette mobilité suscitée. Il va de soi que
cette forme de gestion de la mobilité n'est réalisable que dans des groupes de grande taille,
aux nombreuses structures ou centre d'activités et/ou établissements géographiques (c'est le
cas pour des groupes comme ELF, SLIGOS, BULL...).
Enfin la mobilité orientée est celle qui correspond pour le plus grand nombre à rechercher de
façon interne (ou externe) un métier correspondant à ses motivations et intérêts et permettant
en même temps une acquisition ou un transfert progressif en terme de proximité de
compétences dans le cadre d'une évolution latérale ou encore une reconversion. C'est
seulement ensuite à partir du référentiel d'exigences du métier, qu'il est possible de créer des
situations de formation et des outils d'évaluation, afin de permettre un auto-diagnostic de
compétences. C'est l'intérêt de l'évaluation formative, qui facilite la prise de conscience de "ce
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que je sais et de ce que je suis capable d'apprendre". Le bilan professionnel réalisé avec le
conseil professionnel (interne ou externe à l'entreprise) est sans doute le moyen le plus adapté
pour amener le salarié à mûrir sa décision tenant compte de cet auto-évaluation des intérêts
professionnels et des compétences et définir un plan individuel de progression par rapport au
métier choisi.
Ce dernier type de mobilité est le plus nouveau à gérer "à froid" avec des moyens et des
méthodes spécifiques car il touche un grand nombre de salariés pour lesquels cette mobilité
devient une nécessité, ( on sait que chaque salarié, dans sa vie professionnelle, changera en
moyenne 3 à 4 fois de métier). L'existence de centres internes de bilan et d'orientations
professionnelle n'en est qu'à ses débuts. Quelques expérimentations pilotes, comme celle de
l'AEROSPATIALE, à travers ses centres "COMPAS" sont, à notre avis, porteuses du futur.
QUI PEUT M'INFORMER ET ME CONSEILLER SUR CES
DIFFERENTS PREMIERS POINTS ?
Pour transformer une idée vague, un désir ressenti mais non précisé en un plan d'actions
individuel, la confrontation au réel est indispensable. Dans le cas de la mobilité dirigée et
suscitée, l'entreprise est fortement incitatrice, laissant une marge de manoeuvre faible au
salarié, même si en général la proposition faite prend en compte les souhaits du salarié. Les
échecs viennent plus, dans ce cas, d'une minimisation des motivations et des intérêts
personnels du salarié que d'une erreur d'évaluation sur ses compétences non exploitées.
Dans le cas de la mobilité orientée, le poids décisionnel du salarié est très large. Mais souvent
la faible information sur l'ensemble des possibilités dans d'autres corps de métier ou d'autres
structures ne permet pas toujours la formulation pratique d'une évolution réaliste.
Dans ce cas on ne peut pas se limiter à une information fournie uniquement par
l'encadrement. Autant son rôle est capital pour évaluer et valoriser les compétences et le
potentiel, autant il apparaît que c'est en même temps à l'entreprise à communiquer directement
sur les métiers, les besoins à moyen terme, les passerelles et filières, les règles et conditions
de gestions de personnel. De par sa position, en tant qu'homme de l'organisation (et donc
coupé d'une certaine compréhension des autres secteurs de l'entreprise) que de responsable,
qui n'a pas forcément les mêmes intérêts que ses salariés à cette mobilité, l'encadrement n'est
donc pas le seul acteur de cette communication.
Enfin, le rôle du conseil professionnel qui est aussi un communicateur et doit permettre à
chacun, pas seulement lors d'un traitement "à chaud" des sureffectifs, de mieux maîtriser son
virage. Que d'erreurs et d'échecs n'a-t-on pas constatés dû à l'absence de cette "pause" ou de
ce "check-up" par exemple pour des ingénieurs de Recherche-Développement de 32-35 ans, à
la croisée des chemins et qui ont persévéré dans une voie qui ne pouvait plus leur convenir !
ou pour des salariés de faible qualification qu'il faut reconvertir, et qui ont abouti dans des
formations-parking et des impasses professionnelles par manque d'information et d'orientation
et sans avoir pris conscience à temps des risques liés à l'immobilisme.
Cette communication suppose :
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- un réel savoir-faire pour la structuration du contenu de l'information, le choix des supports,
etc.. un plan média de communication sur l'emploi : quels messages ? Pour quelles cibles ?
Par qui ? Comment ? Quand ? A quels coûts ?
Ce n'est pas tant un nouveau professionnalisme de la fonction Personnel à développer, mais
surtout une capacité à faire prendre en charge la communication sous ses aspects techniques
par les autres services fonctionnels de l'entreprise et à l'organiser avec les structures
opérationnelles.
Cela revient à dire que l'on communique :
- quand on a quelque chose à dire (sinon il vaut mieux se taire... et préparer les
éléments de la communication),
- que ce que l'on va dire entraîne de la part des salariés des questions,
demandes d'informations ou décisions qu'il faut pouvoir prendre en compte et
gérer.
Il faut comprendre que la communication peut être considérée comme une étape-cible, prise
comme un "activateur" entre une préparation indispensable et une gestion des "retombées". Et
qu'à ce titre, point n'est besoin d'avoir déjà tout préparé de façon détaillée, pour décider de la
communication sur l'emploi et les métiers dans l'entreprise, mais qu'en définir la finalité, le
contour, les étapes et les supports devient le moyen de motiver les acteurs et particulièrement
l'encadrement.
La gestion de la mobilité nécessite une communication permanente sur l'emploi et les métiers
avec des moments forts et structurés, où il faut chercher, comme lors d'opérations "Carrefour
des métiers" ou "SITEMPLOI" (RNUR), à ce que les professionnels parlent à tous les autres.
Le manque cruel de compétences a entraîné la mise en place de forums emploi, de
manifestations lourdes de valorisation de l'entreprise et de ses métiers pour le recrutement
externe. Et pour le "recrutement interne ?". Cette communication interne est encore
balbutiante. Mais les entreprises qui ont développé des forums pour leurs salariés ont compris
l'importance de ces échanges, de l'implication et de la fierté d'appartenance des
professionnels, reconnus et valorisés dans le métier qu'ils pratiquent.
- Cette communication doit s'adapter à des publics différents, des populations non homogènes
quant à leurs attentes, leurs cultures, leurs problèmes afin d'être clairement perçue et décodée.
Elle ne doit pas être sélective, si l'on veut profiter au maximum des possibilités de mobilité en
cascade. Elle doit aussi prendre en compte la demande des salariés "où puis-je trouver
l'information, à qui, avec quelle confidentialité...etc..". Il faut donc communiquer sur la
communication.
Bien souvent on privilégie soit la forme (quand on est communicateur professionnels) et le
message est pauvre, même si la couverture (ou la vidéo) est belle, soit le fond (ah ! ces
hommes de personnel !) et l'on s'imagine que la note de service rébarbative et peu lisible est
comprise et appréciée puisque bien pensée.
La communication doit faire que l'attractivité du message (intérêt du métier, conditions
d'exercice, évolution du service, etc..) soit relayée par l'attractivité des moyens mis en oeuvre
qu'elle soit portée par l'encadrement et les salariés capables de transmettre la pratique de leur
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métier. (C'est bien souvent la première fois qu'ils s'expriment sur ce sujet dans l'entreprise).
Mais encore faut-il suivre ensuite pour ne pas décevoir. Jouer "l'image de marque" par un
"coup de Pub" est parfois une motivation plus forte pour la Direction Générale que d'inscrire
la démarche de gestion de l'emploi et de mobilité dans la durée.
Enfin cette communication doit, comme tout outil de gestion de l'emploi, être conçue comme
aide à la décision individuelle, et donc être le véhicule d'une information véridique et fiable,
afin de gagner une crédibilité rarement acquise au départ.
C'est tout l'enjeu d'une relation différente avec les partenaires sociaux, au départ sous forme
de concertation plus que de négociation (même si l'on peut parvenir ensuite à des accords
paritaires).
Dans le cadre "d'observatoire des métiers" exploitant l'ensemble des études et réalisations
internes ou externes, une réflexion peut s'engager entre les différents acteurs de l'entreprise
concernant les conséquences sur les métiers et les compétences à prendre en compte
prévisionnellement et donner lieu à une communication à l'ensemble des salariés. Comment
nourrir une discussion sur le plan triennal de formation sans se poser les questions de fond en
amont de cette formation ?
CONCLUSIONS
Motiver à la mobilité ?
La motivation à la mobilité ? On ne motive pas à la mobilité, pas plus qu'à la formation... mais
on met en situation des individus prêts à s'engager à partir du moment où la communication
leur permet une prise de conscience lucide sur eux-mêmes et les possibilités, les risques et
opportunités du changement.
Le but : la maîtrise pour l'entreprise d'une mobilité adaptée et cohérente par rapport à son
présent et ses enjeux du futur, et non pas forcément une augmentation à tout prix des
mouvements de personnel sous prétexte de routine, de volonté sociale ... C'est d'ailleurs
parfois la position inverse qu'il faut prendre pour des salariés évoluant dans des métiers de
spécialiste où il faut stabiliser les mouvements tout en facilitant et en reconnaissant
l'accroissement de l'expertise dans le métier. La mobilité, la compétence a un prix, un coût
économique, c'est à l'entreprise de l'optimiser par ses choix de politiques de ressources
humaines.
Mais la mobilité pour quoi faire ?
- Faciliter et accélérer le développement des potentiels ;
- Réaliser les restructurations ;
- Satisfaire les besoins des services en techniciens et spécialistes maison ;
- Permettre le recrutement des meilleurs... et éviter de les perdre ;
- Maintenir la croissance des effectifs nécessitant une meilleure exploitation des ressources
internes.
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- etc..
La réflexion en amont entre stratégie et finalités de la mobilité permet de déterminer les
acteurs, processus et méthodes spécifiques aux buts prioritaires que se fixe l'entreprise. C'est
en fonction de ceux-ci que l'on peut alors décliner les plans et les moyens d'action les mieux
adaptés.
Suivre et évaluer les résultats de la mobilité : ce qui est géré est contrôlé. Comment
l'entreprise s'assure que ces finalités sont suivies d'effets, que les résultats correspondent aux
choix initiaux?
Si l'enjeu socio-économique de la mobilité est fort pour l'entreprise, le suivi et le contrôle de
celle-ci devient indispensable. C'est ce que l'on observe timidement dans quelques grandes
entreprises, à partir du système de reporting et tableaux de bord, à l'aide d'indicateurs
spécifiques aux politiques définies. Non pour remettre en cause la hiérarchie, mais pour
adapter les actions au terrain, dans le cadre d'une forte décentralisation opérationnelle, en
rendant cet encadrement responsable de la valorisation des ressources humaines, comme il
l'est sous l'angle de la technique et de plus en plus des résultats économiques.
La communication au personnel de l'entreprise se fait bien pour la qualité, la sécurité du
travail... pourquoi pas pour la mobilité, et de façon plus générale, pour la gestion des
ressources humaines.
La mobilité ne se décrète pas. Elle peut se prévoir, elle doit se préparer et s'organiser. A
travers le projet de gestion prévisionnelle de l'entreprise. Car il ne sert à rien d'estimer le futur
si l'ensemble des actions n'est pas porté par les différents partenaires de l'entreprise (et
souvent hors de l'entreprise). Bien sûr, il faut faire de la prévision l'outil essentiel de la
prévention. Mais comment passer de l'un à l'autre ?
C'est à travers le projet de gestion prévisionnelle de l'emploi et des compétences (GPEC) que
l'on sait mettre en oeuvre une stratégie capable pour anticiper, décider et mettre en oeuvre
des actions adaptées aux orientations et problèmes majeurs de l'entreprise. Ce projet facilite le
consensus du management sur les actions prioritaires, la mobilisation de l'encadrement et la
communication lors des différentes phases de réalisation. Il inscrit une cohérence entre les
différentes actions concernant la Ressource Humaine dans l'entreprise, et permet une
coordination avec d'autres projets (qualité, organisation, etc..).
Plus la gestion de la compétence se développe à travers la mobilité interne et la formation qui
l'accompagne, plus la communication interne devient l'enjeu central, à l'inverse de politiques
de traitement "à chaud" se limitant à une information brève, ponctuelle et non concertée pour
gérer à court terme des flux externes de départs.
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ALORS, QUE FAUT-IL POUR QUE CELA "MARCHE" ?
Clarifier la problématique de l'emploi
Il n'y a pas qu'un mode d'entrée unique de la gestion prévisionnelle. Ils sont multiples : volet
ressources humaines d'un investissement, planification à moyen terme, métiers sensibles. La
démarche est fonction de la problématique de l'entreprise, de l'objectif visé, des résultats
attendus, des enjeux perçus par les acteurs. Un diagnostic préalable sur l'intégration de
l'emploi à la stratégie, le rôle des acteurs, les pratiques et procédures courantes est
indispensable pour éviter d'appliquer un système de l'extérieur qui conduirait au rejet ou à
l'indifférence.
Impliquer les acteurs de l'entreprise et de l'environnement
Les enquêtes centrées sur l'évaluation des processus de GPEC convergent toutes pour montrer
que la concertation informelle en amont, dès la conception du projet et du cahier des charges
GPEC, avec les différentes parties prenantes et en particulier les partenaires sociaux, est un
facteur discriminant de réussite (voir le rapport de A. D'IRIBARNE et Martine GADILLE sur
les contrats LIGE - La modernisation négociée - Evaluation d'un dispositif public d'aide à la
gestion prévisionnelle LEST 1990).
Cette concertation peut déboucher ensuite sur des accords négociés, spécifiques à des
situations locales, au détriment "d'accord-cadre" généraux mais le plus souvent sans contenu
réel.
Cela signifie alors un management responsabilisé sur ses activités non seulement techniques
et économiques, mais aussi sociales :
"L'économique et le social vont ensemble et doivent être gérés ensemble". (Bernard
BRUHNES)
En quoi cela est-il un critère de l'évaluation des performances et de l'évolution de carrière d'un
manager ?
Développer la GPEC entraîne une décentralisation opérationnelle : seul l'encadrement
intermédiaire sait traduire un investissement (matériel ou immatériel) en micro-organisation,
en besoin de compétences... et sait définir les actions spécifiques en fonction des ressources
locales qu'il gère.
Cette implication multiple et participative est la condition d'une optimisation économique et
d'une garantie de la cohésion sociale.
Se doter d'un professionnalisme dans la gestion des ressources humaines
Passer de l'administration budgétaire des effectifs à la gestion des grands équilibres futurs en
matière de compétences, se poser les bonnes questions sur l'emploi avec le management,
définir et proposer des règles, méthodes et outils spécifiques à la gestion des savoir-faire et
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des carrières, communiquer, suivre et contrôler la réalisation des plans d'action RH définis
avec la hiérarchie dans le cadre d'une relation client-fournisseur ; cela suppose "du métier"
qui lui aussi évolue !
L'homme de personnel aura de plus en plus à démontrer la rentabilité du social, et pour cela il
lui faut maîtriser non seulement des techniques de gestion de personnel mais aussi disposer
d'une culture générale, et si possible d'une expérience opérationnelle antérieure. Sans négliger
un savoir-faire dans la gestion de projet et une grande capacité à développer un réseau
d'acteurs.
Prendre en compte la spécificité de l'entreprise
Plutôt que de créer des systèmes parallèles fonctionnant en circuit fermé, c'est l'effort pour
insérer systématiquement la variable Compétence dans les instances de réflexion, de décision
et de gestion de l'entreprise qui doit permettre d'éviter le qualificatif "d'usine à gaz".
Comprendre et s'appuyer sur la culture et la réalité sociologique de l'organisation, fonctionner
en structure de projet, en clarifiant les rôles de chacun et donner du "temps au temps" puisque
l'on se situe dans une démarche itérative et éducative, en capitalisant progressivement les
résultats, c'est donner, à l'entreprise les moyens d'une plus forte compétitivité et aux salariés
une plus grande garantie dans leur avenir professionnel.
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