Turquie - Etudes Economiques – BNP Paribas
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Turquie Février 2012 Turquie Malgré quelques signes de ralentissement, l’économie turque affiche une croissante insolente (attendue autour de 8.5% en 2011), qui s’accompagne d’une inflation à deux chiffres et d’un déficit courant à 10% du PIB. Le creusement de ces déséquilibres macroéconomiques suscite les interrogations quant à l’ampleur de l’ajustement attendu en 2012. Pour le moment, le « fine tuning » monétaire très complexe de la banque centrale a eu une efficacité limitée et a entaché la transparence et la lisibilité de la politique monétaire. Malgré les bonnes performances budgétaires, la Turquie demeure très dépendante des flux de capitaux étrangers et est vulnérable à un choc externe, notamment en provenance de la zone euro. Toutefois, notre scénario central privilégie l’hypothèse d’un ajustement macroéconomique graduel et ordonné. Surchauffe aux portes de l’UE ns Un régime de croissance moins équilibré que lors du précédent cycle… Jusque mi-2008, dans un environnement international favorable, y compris au sein de l’Union européenne, principal partenaire de la Turquie, le régime de croissance turc apparaissait plus équilibré qu’aujourd’hui. Après une contraction sévère de l’activité entre mi-2008 et mi-2009, l’économie turque a renoué avec une croissance débridée que les autorités monétaires ont eu peine à juguler. Le PIB réel a progressé de près de 24% entre le T1 2009 et le T3 2011, soutenu par une hausse de 31% de la demande interne (+51% pour l’investissement), elle-même alimentée par une croissance rapide du crédit domestique au secteur privé (+93% en deux ans) et du financement externe des sociétés non financières et des banques turques. Ceci est allé de pair avec une croissance du volume des importations de 40%, alors que dans le même temps celui des exportations n’a crû que de 11%. La contribution nette du commerce extérieur à la croissance a donc été fortement négative depuis deux ans. Le fort ralentissement de l’activité escompté au second semestre dans le sillage du resserrement de la politique monétaire (voir ci-après) et de la crise de la zone euro ne s’est pas confirmé. Au T3, la croissance du PIB réel s’est établie à 6,8% en rythme annualisé (8,35% en ga), après 4,3% au T2 et 7,7% au T1. Toutefois, la décomposition du PIB indique un certain « rééquilibrage » en termes de contribution à la croissance entre demandes interne et adressée au pays. Ainsi, le relatif essoufflement de l’investissement (+15,3% en g.a. au T3 après +29,0% au T2) et de la consommation privée (+7,0% en g.a.) a été concomitant avec celui des importations (+7,4% en g.a.), alors que parallèlement le volume des exportations a rebondi (+10,9% en g.a.). Outre la dépréciation nominale et réelle de la livre turque, les secteurs exportateurs ont amorcé une diversification des débouchés, la part des exportations turques vers l’UE (46% en 2011) ayant chuté de 3 pp au T4 par rapport à la même période de 2010 et de 10 pp en l’espace de quatre ans. A l’aune des derniers indicateurs, l’activité est demeurée dynamique au T4. Les données de décembre pour la production industrielle font état d’une augmentation de 3,4% cvs T4/T3, soit une hausse de 8,9% pour l’ensemble de l’année 2011. Le taux d’utilisation des capacités de production est supérieur à la moyenne sur 5 ans, sans toutefois atteindre les niveaux de 2008, du fait de la forte progression de l’investissement en machines et équipement. Au total, la croissance du PIB réel turc est attendue autour de 8,5% en moyenne en 2011. L’« output gap » (écart entre croissance observée et croissance potentielle estimée à 5%) positif s’est accru au cours de l’année passée, avec pour corollaire des pressions inflationnistes et surtout une forte détérioration des comptes externes. Compte tenu des pressions exercées sur la 47 1. Croissance économique ▌Commerce extérieur net (contribution, %) ▌Demande domestique (contribution, %) - - - PIB réel (% g.a.) —PIB réel (%, var.annualisées CVS) 24 20 16 12 8 4 0 -4 -8 -12 -16 -20 -24 07 08 09 10 11 Source : Turkstat 2. Output gap & utilisation des capacités de production - - - Output gap (% du potentiel) éch.G ▬ Taux d’utilisation des capacités de production (% CVS) 82 80 78 76 74 72 70 68 66 64 62 60 58 3 -2 -7 -12 07 08 09 Sources : Turkstat, calculs BNPP economic-research.bnpparibas.com 10 11 Turquie balance commerciale par le dynamisme de la demande interne et la lourde facture énergétique, le déficit du compte courant (77,1 mds USD en 2011 contre 47,1 mds en 2010) s’est creusé de façon abyssale. … qui rend difficile le pilotage de la politique monétaire Dans ce contexte, marqué par ailleurs par de bonnes performances budgétaires (un excédent primaire de 1,8% du PIB et un déficit public de 1,4% du PIB), tous les projecteurs ont été braqués sur la politique monétaire. En août 2011, la montée des inquiétudes quant aux conséquences potentielles de la crise de la zone euro sur l’activité a conduit la banque centrale (CBRT) à réduire de 50pb son taux directeur (le repo à une semaine) à 5,75% et à resserrer le corridor des taux au jour le jour, tout en injectant de la liquidité en devises pour contenir la dépréciation de la livre, accélérée par des sorties nettes d’investissements de portefeuille (3,7 mds USD en août-septembre). Depuis octobre, face à la forte poussée de l’inflation renforcée par la faiblesse persistante de la livre, la CBRT a opté pour le statu quo sur le taux directeur afin de limiter les opportunités de carry trade, tout en maintenant un biais restrictif via l’élargissement du corridor des taux au jour le jour (hausse du taux prêteur de 9% à 12,5%) afin de transmettre la hausse de la volatilité et du taux moyen sur le marché monétaire aux taux bancaires pour contenir l’expansion du crédit. Mais, dans le même temps, la CBRT a continué d’assurer la liquidité au jour le jour des banques par le biais de ses opérations de repo et de l’abaissement du taux moyen de réserves obligatoires. Depuis le 1er janvier 2012, la CBRT a introduit une facilité de liquidité à 1 mois (sous forme d’enchères). De plus, lorsqu’elle se voit contrainte de vendre plus de 50mns USD sur le marché des changes, la CBRT a décidé de ne plus fournir de liquidité à une semaine au taux de 5.75%, mais de tenir des enchères. Au final, ce « fine tuning » appliqué par la CBRT pour piloter de la façon la plus flexible possible l’atterrissage de l’économie n’a jusqu’à présent pas prouvé une grande efficacité. Pis, il a même entaché quelque peu la transparence et la lisibilité de la politique monétaire. Le taux d’inflation annuel a atteint 10,6% en janvier 2012, contre 6,5% en moyenne annuelle en 2011, soit près du double de la cible officielle (5,5% pour 2011 et 5% pour 2012). Le taux de change nominal de la livre, relativement stable sur les deux derniers mois de l’année, s’est déprécié de 19% face l’euro et de 22% face au dollar sur un an. La CBRT a cédé 14,6 mds USD (11,2 mds USD par adjudications et 3,4 mds USD directement sur le marché des changes spot) entre août et décembre. Les réserves officielles de changes, qui ont culminé à 92,0 mds USD en juin 2011, restent encore à un niveau satisfaisant (76,6 mds USD en décembre 2011). Perspectives : croire en l’hypothèse d’un « soft landing » Compte tenu des déséquilibres macroéconomiques accumulés en 2011, un ajustement semble inéluctable à court terme. Des signes d’un ralentissement tangible semblent poindre au T1 2012, notamment la modération de la croissance du crédit à la consommation (+7,6% sur 3 mois en rythme annuel début février) et l’infléchissement de certains indicateurs de confiance (PMI notamment) en janvier. Le contexte international s’est légèrement amélioré ces dernières semaines, et l’engagement explicite de la Fed et implicite de la BCE de maintenir des conditions monétaires accommodantes est un facteur positif pour la Turquie étant donné sa contrainte de liquidité extérieure. Depuis le 1er janvier, la livre s’est renforcée de 6% contre euro et dollar, et les taux monétaires se sont détendus substantiellement. 48 Février 2012 3. Balance des paiements █ Compte courant █ Compte de capital & financier - - - IDE nets ▬ Investissements de portefeuille ▬ Crédit externe 12 mois glissants, USD mds 80 60 40 20 0 -20 -40 -60 -80 07 08 09 10 11 Source : CBRT 4. Inflation et taux de change ▬ IPC général ▬ IPC sous-jacent - - - Taux de change(0,5*USD/TRY+0,5*EUR/TRY) éch. D 12 %, g.a. %, g.a. 10 8 6 4 2 0 07 08 09 10 11 30 25 20 15 10 5 0 -5 -10 -15 12 Sources : CBRT, calculs BNNP 5. Taux d’intérêt 24 22 20 18 16 14 12 10 8 6 4 2 0 % annuel Taux prêteur de la BC Taux repo à une semaine Taux emprunteur de la BC Taux interbancaire au jour le jour 07 08 09 Sources : CBRT, Datastream economic-research.bnpparibas.com 10 11 12 Turquie Février 2012 Notre scénario central table sur un atterrissage en douceur de l’économie turque. La croissance du PIB réel pourrait atteindre 3% en moyenne annuelle, ce qui suppose un fort ralentissement au premier semestre. Ceci induit un ajustement très graduel du déficit du compte courant, d’autant plus que les exportations devraient ralentir et les prix énergétiques se maintenir à des niveaux élevés. Néanmoins, ceci autoriserait une légère réappréciation du taux de change vis-à-vis du dollar favorisant une désinflation graduelle, plus perceptible au second semestre à la faveur d’un important effet de base. La CBRT a décidé de maintenir la cible d’inflation à 5% +/-2pp pour 2012-14 mais a révisé à la hausse sa prévision d’inflation annuelle pour 2012, de 5,2% en octobre dernier à 6,5 % en janvier. Certains facteurs sont susceptibles d’affecter sensiblement ce scénario à la baisse, au premier rang desquels les évolutions internationales, notamment en zone euro. Sachant que les créances des banques européennes sur la Turquie représentent 22% du PIB turc et que le besoin de financement externe du pays (déficit courant plus amortissement de dette externe à court, moyen et long terme) pourrait atteindre 200 mds USD cette année, la Turquie est très exposée à un choc externe. La trajectoire de son économie au cours des prochains trimestres demeure donc très dépendante des conditions de liquidité internationale et de la stabilité des flux de capitaux étrangers, condition sine qua non d’un ajustement macroéconomique ordonné. 6. PMI - - - Indice PMI ▬ Nouvelles commandes 65 60 55 50 45 40 35 30 25 20 Expansion Contraction 07 08 09 Source : Markit Sylvain Bellefontaine [email protected] Turquie, prévisions économiques Prévisions économiques 2 010 2 011 2012 e 2013 e 8,9 6,7 29,9 -4,4 8,5 8,1 20,3 -2,4 3,0 3,4 3,5 -0,6 4,3 4,1 6,0 -0,6 8,6 14,0 6,5 12,2 9,3 11,7 6,4 10,9 -56 -6,6 81 -89 -9,9 77 -88 -8,4 80 -98 -9,1 81 Composantes de la croissance,Variations annuelles,% PIB Consommation Formation Brute de Capital Exportations nettes (contribution à la croissance, pp) Inflation et emploi Prix à la consommation (IPC, variation annuelle) Taux de chômage officiel (%) Comptes extérieurs Balance commerciale (milliards USD) Balance courante (% du PIB) Réserves de change (milliards USD) Source : BNP Paribas, Direction des Etudes Economiques e : Estimations, prévisions BNP Paribas Prévisions financières 2 010 2 011 2012 e 2013 e -3,6 42,8 -1,4 39,1 -2,1 37,3 -2,3 35,8 6,5 1,54 7,9 1,89 7,5 1,77 7,5 1,87 Finances publiques Solde du gouvernement général (% du PIB) Dette du gouvernement central (% du PIB) Taux de change et taux d’intérêt(1) Taux directeur (%, annuel) USD / TRY (fin d'année) Source : BNP Paribas, Direction des Etudes Economiques (1) Fin période e : Estimations, prévisions BNP Paribas 49 economic-research.bnpparibas.com 10 11 12