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G INGRAS (Francis), « Introduction », Motifs merveilleux et poétique des genres
au Moyen Âge, p. 7-20
DOI : 10.15122/isbn.978-2-8124-5088-4.p.0007
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INTRODUCTION
Les nombreux travaux sur le merveilleux dans la littérature et la civilisation médiévales témoignent de ­l’importance de cette catégorie dans la
vision du monde des médiévaux et dans les représentations q­ u’en donnent
leurs littératures, tant latine que vernaculaires. Plus généralement, le
merveilleux est un élément déterminant dans la réflexion métacritique
sur les genres littéraires, au moins depuis Aristote qui donnait au thaumastôn une importance capitale pour distinguer la tragédie et l­ ’épopée :
Il faut, dans les tragédies, produire la surprise, mais dans l­ ’épopée il peut y
avoir, plus ­qu’ailleurs, des choses que la raison réprouve (­c’est ce qui ­contribue
le plus à la surprise), parce que ­l’action ne se passe pas sous les yeux. (Aristote,
Poétique, chap. 24, 1460a 11)
Le thaumastôn, qui recoupe au moins en partie ce que l­ ’ancien français
entend par le verbe se merveiller1, gagne dans une forme diégétique (­comme
­l’épopée) la liberté de transgresser les limites imposées par l­ ’expérience
du réel et ­d’explorer ainsi ­l’alogon, cet autre monde au rebours des lois
imposées par le discours raisonnable.
Au sein même du genre narratif, Cicéron distinguera par la suite
trois formes en ­s’appuyant sur les rapports ­qu’elles entretiennent avec
la vérité et le possible.
Fabula est, in qua nec veræ nec veri similes res ­continentur […]
Historia est gesta res, ab ætatis nostræ remota […]
Argumentum est ficta res, quae tamen fieri potuit.
(Cicéron, De Inventione, I, xix, 27)
La typologie cicéronienne est relayée au Moyen Âge par Isidore de
Séville, avant d
­ ’être reprise pratiquement à l­’identique par les Arts
1 Encore au xvie siècle, le Tasse traduit thaumaston par maraviglia dans des Discorsi del poema
eroico, livre I, p. 160.
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poétiques médiévaux, notamment chez Jean de Garlande et Geoffreoy
de Vinsauf. S­ ’établit ainsi rapidement un lien entre l­ ’impossible, sinon
le merveilleux proprement dit, et les formes narratives de fiction qui
adoptent d­ ’ailleurs assez tôt en langue vernaculaire des transpositions
du terme fabula pour se désigner (fable, fablel, fabliau). ­L’histoire de la
littérature a paradoxalement plutôt retenu la propension au réalisme de
ces formes qui semblent pourtant assumer leur caractère « fabuleux »
à travers ­l’appartenance générique revendiquée par leurs auteurs… Le
merveilleux ne serait donc pas un critère sans équivoque pour distinguer les genres narratifs : la poétique, ­comme pratique, offrirait ainsi
des enseignements plus nuancés que les arts poétiques où, en théorie,
la distinction entre les genres ­s’établirait plus fermement, notamment
à partir du rapport au merveilleux. ­C’est en ce sens ­qu’il ­s’agit bien ici
­d’étudier la poétique des genres, ­c’est-à-dire les pratiques textuelles des
auteurs médiévaux, ­d’autant plus significatives q
­ u’elles ­contribuent
largement à la nouvelle typologie des formes narratives qui se met en
place avec le développement d­ ’une littérature « en roman ».
À travers la question du genre, on entend aussi bien la forme revendiquée par ­l’auteur que le genre attribué par ­l’histoire de sa réception,
depuis les rubriques des copistes et les associations suggérées par la mise
en recueil, ­jusqu’aux classements canoniques établis par la critique depuis
la fin du xixe siècle. À partir de cette réflexion sur le statut générique
des textes étudiés, il ­s’agira de voir s­ ’il est possible d­ ’identifier certains
motifs merveilleux à certains genres, ou si la porosité des frontières
entre les genres se retrouve au ­contraire dans un usage universel de la
topique merveilleuse, indépendamment de la récurrence évidente de
certains motifs dans des traditions particulières, hagiographique, épique
ou romanesque, par exemple.
Le projet de Thesaurus informatisé des motifs merveilleux, lancé par
Francis Dubost au milieu des années 1990 et qui se poursuit a­ ujourd’hui
avec la collaboration de nombreux chercheurs, a beaucoup ­contribué à
souligner la récurrence de la topique merveilleuse dans ­l’ensemble des
formes ­d’expression littéraire du Moyen Âge, sans égard pour les frontières linguistiques ou pour les catégories génériques traditionnelles. En
lien direct avec ce projet, le colloque de Montréal se proposait d­ ’étudier
­l’actualisation des motifs merveilleux dans des textes spécifiques, en
cherchant à mesurer les infléchissements que pourrait ­commander
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Introduction
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l­’appartenance générique d­ ’un texte. Les c­ ommunications qui sont ici
réunies témoignent de la richesse de cette réflexion et de la nécessité
­d’affiner dans un même mouvement la définition du merveilleux médiéval
et la typologie des genres littéraires vernaculaires qui lui ont fait une
place non négligeable.
Dominique Boutet invite ainsi à repenser la typologie du surnaturel
en partant du principe de division générique tel q­ u’il était c­ onçu au
Moyen Âge, chez Jean Bodel par exemple, à partir du critère de véridicité.
Il invite à distinguer les merveilles qui pouvaient être perçues c­ omme
vraies ou vraisemblables et celles qui relèvent de la fiction littéraire et
participent ainsi plus directement ­d’une logique intertextuelle. Il propose
en c­ onséquence de remplacer les catégories établies jadis par Jacques Le
Goff par une distinction entre ce q­ u’il suggère ­d’appeler « merveilleux de
transcendance », qui relève du vraisemblable, même dans sa ­composante
diabolique, et « merveilleux ­d’altérité », où la relation avec le phénomène
surnaturel ­confronte le sujet (et le lecteur) à ­l’expérience de ­l’altérité
radicale. Or, dans ­l’exemple de Tristan de Nanteuil ­qu’il étudie en détail,
le merveilleux ­d’altérité est annexé par le merveilleux de transcendance,
­comme si la chanson de geste ne pouvait supporter la « disjointure »
­qu’introduit la présence de merveilleux ­d’altérité (issu ­d’autres modèles
littéraires) q­ u’au prix d­ ’une reconfiguration dans ­l’ordre de la surnature
avérée, celle qui oppose le divin au diabolique.
La difficulté à singulariser un merveilleux proprement épique à
côté d­ ’un merveilleux romanesque est abordée à nouveau par Dorothea
Kullmann. Sa réflexion, à partir des phénomènes naturels que sont les
orages, les tempêtes et les scènes de brouillard, lui permet de mettre
en évidence le jeu avec ­l’horizon d­ ’attente auquel se livrent les auteurs
épiques qui prennent plaisir à introduire et, parfois, à détourner des
motifs merveilleux associés initialement à ­d’autres genres, la légende
hagiographique dès le xiie siècle, et le roman arthurien au début du
xiiie siècle.
En ­comparant deux fables généalogiques qui ont des structures
­communes (le Chevalier au Cygne et Mélusine), Catherine GaullierBougassas arrive à dégager des statuts et des rôles différents accordés
au merveilleux dans le cadre épique et dans le cadre romanesque,
notamment en ce qui a trait à la christianisation de la merveille, qui
reste problématique dans les romans de Mélusine, tandis ­qu’elle est
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de plus en plus aboutie au fil des récits sur le Chevalier au Cygne et,
tout particulièrement, dans le second cycle de la croisade. Ainsi, dans
Beatrix, la métamorphose animale est directement ­l’œuvre du Seigneur.
En c­ omparaison, Mélusine ­n’est, elle, au mieux q­ u’une créature de Dieu,
mais jamais ­l’élue de Dieu, ­comme l­ ’est clairement le Chevalier au Cygne.
Dans le cycle de la croisade, le merveilleux divin est du côté du bien et
­s’oppose à un surnaturel diabolique, représenté par ­l’ancêtre Matabrune,
alors que Mélusine entretient une relation beaucoup plus ambiguë avec
sa mère, la fée Présine, qui, ­comme ­l’écrit Catherine Gaullier-Bougassas,
« incarne l­’origine trouble de ­l’écriture romanesque ». Le merveilleux
épique entrerait ainsi au service ­d’une dichotomie bien marquée entre le
bien et le mal, alors que le merveilleux féerique, tel ­qu’il apparaît dans
les romans de Jean ­d’Arras et de Coudrette, participerait ­d’un épaississement du sens, peut-être caractéristique de l­’écriture romanesque.
La relation ­complexe entre ­l’épique et le romanesque est particulièrement sensible dans un autre roman de la fin du Moyen Âge, la Belle
Hélène de Constantinople, dont Madeleine Jeay souligne l­ ’hybridité, tout
en rappelant que cet apparent mélange des genres repose en fait sur des
matrices génériques et topiques clairement identifiables. « Le caractère
polyphonique de la Belle Hélène de Constantinople ne témoignerait pas
­d’une dilution de la c­ onscience générique de la part de son auteur et
de son public, mais au c­ ontraire de la forte c­ onscience des formes et des
motifs ou topoï qui peuvent être associés aux divers modes narratifs »,
écrit-elle. Dès le prologue, le narrateur promet une imbrication de trois
genres, ­l’hagiographie, la chanson de geste et le roman, programme
que le texte réalise en ­conjuguant des motifs caractéristiques de chacun
des genres.
En étudiant un motif merveilleux dans ses différentes versions dans
le temps et dans ­l’espace (celui du héros tueur de dragons, correspondant
au ­conte-type AT-300), Jean-Pierre Martin ajoute à la distinction entre
le roman et l­ ’épopée la part du c­ onte où se devine la dimension anthropologique du motif merveilleux, avant ­l’entreprise de rationalisation
­commune à la chanson de geste et à la forme romanesque. À l­ ’évidence,
un motif ­n’est pas en soi marqué génériquement ; en revanche, sa reprise
dans un ­contexte générique particulier en infléchit le sens et la structure.
Michelle Szkilnik reprend ainsi ce motif de la rencontre avec le serpent
pour l­ ’étudier dans le ­contexte hagiographique, plus précisément dans
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Introduction
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l­ ’Histoire des moines d­ ’Égypte de Wauchier de Denain, auteur reconnu par
ailleurs pour sa pratique de plusieurs genres. À ce titre, il est significatif
­qu’il apparaisse particulièrement sensible au besoin de les tenir à distance,
déclinant ainsi le motif de la rencontre avec le serpent/dragon de manière
bien distincte suivant q­ u’il écrive son Histoire des moines ­d’Égypte ou sa
Continuation au Conte du Graal. Contrairement à ­d’autres hagiographes,
Wauchier de Denain, qui est aussi romancier par ailleurs, résiste à la
tendance à la « ­contamination » ­d’un genre par un autre.
Le même auteur retient aussi l­ ’attention d­ ’Élisabeth Pinto-Mathieu
qui ­s’intéresse plus particulièrement à la Vie de saint Martial de Limoges,
vie dont le statut historique ou fictif pose problème puisque ­l’apostolicité
de Martial, revendiquée par la source latine, a été ­contestée avec vigueur
dès sa rédaction, au début du xie siècle. Dans la traduction q­ u’en donne
Wauchier de Denain, au début du xiiie siècle, les motifs merveilleux sont
toujours à bonne distance des ­contaminations romanesques ­puisqu’ils
se lisent en écho au Nouveau Testament ou à la vie de saint Pierre, avec
laquelle la vie et les miracles de saint Martial sont mis en relation. Si
le saint est doté d­ ’un bâton « merveilleux » qui peut guérir, ressusciter
et éteindre les incendies, ce motif ne se donne pas ­comme un vulgaire
auxiliaire magique (baguette), mais bien ­comme une illustration des
pouvoirs de la crosse apostolique. Dès lors, si le miracle fait le saint, ­c’est
bien la réduplication (la retractatio) des motifs merveilleux évangéliques
qui fait ­l’hagiographie.
­D’autres genres sont proches de ­l’hagiographie (notamment par
leur fonction édifiante), tout en se ­construisant à partir de structures
narratives particulières et de motifs merveilleux parfois caractéristiques.
­C’est le cas de la navigatio et de la visio, qui peuvent être littéralement
intégrées au cadre d­ ’une vita, et présentent l­ ’un et l­ ’autre des déclinaisons particulières du surnaturel. Pour Silvère Menegaldo, qui s­ ’attache
à la question générique à partir du cas particulier de la Navigatio Sancti
Brendani, le merveilleux propre à cette forme narrative se révèle particulièrement dans la figure du monstre marin et dans le rapport à
­l’Autre Monde, toujours associé au voyage dont il ­constitue le but ou
une simple étape dans l­’enchaînement des aventures. Mieux que par
­l’usage des motifs merveilleux, ­c’est le cadre du périple maritime qui
semble singulariser la navigatio qui ne c­ onnaît finalement que de très
rares avatars romanesques.
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Mattia Cavagna s­ ’intéresse à un genre singulier, voisin de l­ ’hagiographie,
mais qui c­ onstitue une forme narrative distincte : la visio animæ. Le merveilleux y joue un rôle dans la définition même du genre (qui évoque
­l’étymologie de mirari), notamment dans la description des espaces infernaux. Dans la traduction de David Aubert, à laquelle Mattia Cavagna
­s’attache plus particulièrement, ­l’amplification des motifs merveilleux
­contribuerait à orienter le texte dans le sens du roman chevaleresque,
afin de le rendre plus attrayant aux yeux du véritable destinataire de la
traduction ­commandée par Marguerite ­d’York, c­ ’est-à-dire Charles le
Téméraire lui-même. Suivant cette hypothèse, la traduction de David
Aubert de la Vision de Tondale créerait ainsi, notamment à partir du
merveilleux, un hybride générique entre vision pénitentielle et miroir
du prince.
La question de l­ ’appartenance générique se pose aussi pour l­ ’écriture
de ­l’histoire qui, dans ­l’Antiquité ­comme au Moyen Âge, ne répugne
pas à ­l’introduction, parfois critique, de motifs merveilleux dans le récit
­d’événements historiques. La question prend une dimension nouvelle
avec ceux qui, c­ omme le Jersiais Robert Wace, choisissent d­ ’écrire « en
roman », ce qui veut essentiellement dire, en cette deuxième moitié du
xiie siècle, écrire en langue vernaculaire. Mais le sens générique que
le terme a gagné, dès le Moyen Âge, a c­ ompliqué la réception ­d’un
texte ­comme le Brut de Wace qui, par son propos, était naturellement
rapproché des romans arthuriens écrits quelques décennies après cette
« translation » de ­l’Historia Regum Britanniæ. Laurence Mathey-Maille
montre bien ­comment, malgré cette association du Brut à des œuvres
de fiction qui ­s’est faite dès le Moyen Âge à travers ­l’organisation de
certains manuscrits, l­ ’écriture de Wace est résolument tournée du côté de
­l’histoire. Les motifs merveilleux q­ u’il introduit, au reste avec parcimonie,
relèvent bien de l­’écriture traditionnelle de l­’histoire, ­qu’il s­’agisse des
motifs divinatoires ou des merveilles plus proprement « arthuriennes »,
­comme la Carole des Géants à Stonehenge ou les lacs ensorcelés qui
ont essentiellement une valeur démonstrative et relèvent davantage du
discours que de la diégèse, plutôt imperméable à ce potentiel narratif
que d­ ’autres sauront exploiter.
Ce rejet de la merveille aux marges du discours historiographique est
encore plus net avec les Grandes Chroniques de France du moine Primat,
analysées ici par Françoise Laurent. Outre l­ ’emploi de motifs récurrents
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Introduction
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dans ­l’écriture de l­’histoire depuis l­’Antiquité (la divination, c­ omme
chez Wace, mais aussi les prodiges et les signes), les Grandes Chroniques
de France ont pour particularité de traiter les motifs merveilleux ­comme
des « incidences », phénomènes à la fois étranges et étrangers aux propos
du chroniqueur qui les réduit à leur plus simple expression, là encore
sans en exploiter le potentiel narratif.
La position de Benoît de Sainte-Maure à l­ ’égard du merveilleux est
plus ambivalente, particulièrement dans son Roman de Troie où il prend
plaisir à détailler les merveilles de la nature et, surtout, les merveilles
issues de ­l’art humain. Dans ce ­contexte, la merveille repose sur le
medium et se trouve prise dans une dimension naturaliste et historique
qui réduit c­ onsidérablement l­’effet d­ ’altérité et, plus encore, l­’effet de
fiction. Catherine Croizy-Naquet étudie finement la place du merveilleux
dans la translation de Benoît de Sainte-Maure et apporte un élément de
réflexion déterminant en la c­ omparant à ses mises en prose ultérieures.
Elle note ainsi que les prosateurs tendent à réorienter les rares merveilles
­qu’ils ­conservent dans l­’ordre du diabolique, mais cherchent surtout à
endiguer la tentation de la fiction pour garder le récit dans l­ ’orthodoxie
historiographique.
Après Chrétien de Troyes, une deuxième génération de « romanciers »
semble prendre la pleine mesure des possibilités ­qu’offre le jeu avec le
merveilleux pour affirmer la dimension fictive de la narration et déjouer
des horizons ­d’attente pseudo-historiques. À partir du cas de Hue de
Rothelande, qui se présente directement c­ omme un héritier de Benoît
de Sainte-Maure, Francine Mora revient ainsi sur la place du merveilleux
dans le Roman de Troie pour en souligner le rôle fondamental, particulièrement dans l­’épisode de la Toison d
­ ’or, tout en y reconnaissant à
son tour ­l’amorce ­d’un processus de rationalisation. Dans le Protheselaüs,
deuxième roman de Hue de Rothelande, ce mouvement est encore plus
marqué et se double ­d’un certain ludisme avec les motifs et le lexique
de la merveille. En héritier critique des premiers « romanciers » qui ont
revisité la matière antique, Hue de Rothelande fait entendre à son héros
et, à travers lui, ses auditeurs et ses lecteurs une injonction particulièrement claire : « Ne vus devez pas merveiller » qui, pour Francine Mora,
signe « ­l’arrêt de mort de la merveille ».
­L’évolution est différente dans le cas du Florimont ­d’Aymon de Varennes
dont Marie-Madeleine Castellani c­ ompare les versions en vers et en
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prose. Les épisodes merveilleux du c­ ombat c­ ontre le monstre ou de la
rencontre avec la fée ­comportent une ­composante surnaturelle tout à
fait assumée par le remaniement en prose qui les encadre ­d’ailleurs de
manière singulière par ­l’usage du métalangage merveilleux dans les
rubriques. Cette nouvelle version est ainsi clairement engagée dans la
voie du divertissement romanesque, tout en se voyant accorder la valeur
­d’un modèle héroïque qui, par-delà le roman, doit servir de « miroir du
prince » à son c­ ommanditaire, le duc Philippe le Bon.
Assimilé aux romans antiques par son prologue, Partonopeu de Blois
pose des problèmes de classification générique sensibles dès sa circulation
manuscrite. Emblème de l­’amoureux malheureux pour Gace Brûlé et
associés aux romans de la Table Ronde par les Deus bordeors ribauz, le
roman de Partonopeus de Blois est parfois diffusé dans des recueils où
le ­contexte témoigne ­d’une réception pour le moins variée : ­contexte
oriental marqué dans l­ ’un des manuscrits, tradition épique affirmée dans
un autre. La mise en recueil c­ onfirme ainsi la poétique à l­’œuvre dans
le texte et où, malgré la part centrale faite à la féerie dans ­l’anecdote
narrative, le récit se c­ onstruit dans sa poétique même c­ omme une réévaluation du merveilleux. Olivier Collet et Pierre-Marie Joris analysent
ici c­ onjointement ce récit dans cette double perspective où ­l’histoire
matérielle de la transmission et la poétique du texte ­contribuent à réévaluer les problèmes génériques posés par ce roman qui tente d­ ’arrimer
­l’imaginaire breton à un cadre oriental. Ce faisant, il ouvre au roman
un nouveau territoire, en décalage ­conscient avec le merveilleux breton.
Avec le choix de raconter un Conte du Graal, ­c’est-à-dire un récit qui
repose sur un mot rare et sans antécédent littéraire classique qui fasse
autorité, Chrétien de Troyes affirmait ­l’espace singulier du roman en
réorientant le merveilleux dans la voie particulière d­ ’un appel de sens.
Avec ses successeurs et ses ­continuateurs, la christianisation du motif
dans une série de textes qui se désignent eux-mêmes ­comme Hauts
Livres (ou Hautes Estoires) pose ­d’une manière particulièrement vive
la relation problématique entre fiction et religion. Jean-René Valette
­s’y intéresse en dégageant le traitement du merveilleux graalien sur
les plans de ­l’énoncé, de ­l’énonciation et de la réception. Reprenant la
distinction proposée ici même par Dominique Boutet, il souligne que
la christianisation du motif dans les « Hauts Livres » fait passer le Graal
­d’un merveilleux ­d’altérité (chez Chrétien de Troyes) à un merveilleux
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Introduction
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de transcendance. L­ ’énonciation se transforme de manière encore plus
radicale, p­ uisqu’elle peut aller ­jusqu’à adopter la figure de « Dieu écrivain » dans l­’Estoire del saint Graal. Du point de vue de la réception,
Jean-René Valette reprend la question de la foi prêtée à ces récits par
les lecteurs médiévaux. À partir du schéma de Jakobson, il suggère de
voir des fonctions ­complémentaires dans les positions divergentes de
la critique qui tend à opposer la prise de c­ onscience poétique dans les
romans du Graal et leur participation à un mouvement plus général de
­conversion qui relèverait, lui, de la fonction ­conative.
À partir du même corpus, Mireille Séguy note que le mouvement
parallèle de christianisation et d
­ ’historicisation à ­l’œuvre dans les
Hauts Livres passe par un « processus de disqualification du merveilleux
arthurien mis en place par Chrétien et ses ­continuateurs ». Ce processus
implique la fragmentation et la recomposition du lexique de la merveille
arthurienne. La recomposition dans ­l’esprit ­d’un surnaturel chrétien
suppose la « réactualisation » de la merveille à travers le déplacement
du chronotope et la requalification des éléments qui c­ omposent le motif
merveilleux de ­l’apparition du Graal.
La ­conjonction et la disjonction du motif du Graal et de ses avatars
participent ainsi pleinement de ­l’esthétique des romans du Graal et,
plus particulièrement, de la poétique de la ­continuation dont Sébastien
Douchet analyse ici quelques motifs exemplaires de ce polymorphisme.
La Continuation de Gerbert de Montreuil en offre une illustration particulièrement saisissante où un baume magique, qui permet de démembrer
et de remembrer les corps à l­ ’infini, témoignant, pour Sébastien Douchet,
de ­l’étonnante capacité des motifs romanesques à se régénérer sans fin, ce
­qu’illustre aussi avec force la rime « romancier » / « recomancier » utilisée
significativement par ­l’auteur de la Quatrième Continuation.
­D’autres motifs, récurrents dans les romans du Graal, font aussi ­l’objet
de ce que Catherine Nicolas appelle ici un « parasitage » par le surnaturel
chrétien en ­s’intéressant plus particulièrement au motif du chevalier enferré
­qu’elle interprète en relation avec les représentations de ­l’enfer chrétien.
Mais les images parénétiques sont dévoyées par leur incursion dans le genre
romanesque, du moins dans le Lancelot en prose, puisque sa reprise dans la
Queste del saint Graal le rattache explicitement aux peines des damnés. Dès
lors, ­l’interprétation d­ ’un motif merveilleux se révèle moins tributaire ou
caractéristique d­ ’un genre que liée à la poétique singulière d­ ’une œuvre.
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En ­s’intéressant à ­l’étude de trois motifs précis qui mettent en scène un
luiton (le fils de luiton, le luiton familier et la peau de luiton), Christine
Ferlampin-Acher montre que le fils de luiton (géant, cheval ou diable),
se trouve indifféremment dans la chanson de geste, l­’hagiographie ou le
roman. Le luiton lui-même, sans être non plus strictement associé à un
genre, est plus tardif, p­ uisqu’il se serait répandu sous l­ ’influence de Huon
de Bordeaux. Quant au motif de la peau de luiton, il permet ­d’éclairer
des allusions qui se trouvent aussi bien dans l­’hagiographie que dans la
chanson de geste. Derrière le succès « transgénérique » du motif, Christine
Ferlampin-Acher note une relative spécialisation générique, mais – surtout – une présence plus marqué de cette figure « diverse » dans des textes
dont on souligne généralement ­l’hybridité générique, ­comme La Bataille
Loquifer et Huon de Bordeaux. La plasticité du motif se révélant particulièrement fructueuse dans le renouvellement « holistique » de la chanson de
geste à partir du xiiie siècle, alors même que le développement parallèle
de la figure de Merlin le tiendrait plutôt à ­l’écart du genre romanesque.
­C’est précisément en ­s’attaquant à ­l’épisode de la ­conception de Merlin,
incubateur romanesque ­s’il en est, ­qu’un certain Baudouin Butor a légué,
à ­l’extrême fin du xiiie siècle, quatre ébauches de romans. Deux de ces
« brouillons » sont littéralement saturés de motifs merveilleux, ­comme
le montre ici Anne Berthelot, produisant par l­ ’effet d­ ’accumulation une
certaine familiarité avec le surnaturel qui en sape l­’efficacité narrative.
­L’étude ­d’Anne Berthelot sur ces étranges ébauches rappelle que ­l’usage
des motifs merveilleux dans la définition générique ­n’est pas seulement
une question de dispositio, mais q­ u’elle est aussi affaire de dosage.
­L’introduction d­ ’un épisode guerrier dans un roman arthurien c­ ontribue
ainsi apparemment à un certain brouillage générique. Annie Combes
analyse précisément ces épisodes « belliqueux », qui procèdent à une certaine forclusion du merveilleux, en les suivant depuis leur présence non
négligeable dès le Lancelot en prose j­usqu’à leur introduction dans différents romans arthuriens en vers de la deuxième moitié du xiiie siècle. Si le
mélange des registres semble plutôt inefficace dans certains cas (Floriant et
Florette, Claris et Laris), ­l’hybridité est assumée dans Les Merveilles Rigomer,
mais demeure néanmoins relativement précaire. La partition des registres
entre matière aventureuse et matière belliqueuse, déjà établie par les
romans de Chrétien de Troyes, c­ ontribue ainsi clairement au découpage
des genres narratifs, voire au clivage entre ­l’épique et le romanesque.
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Introduction
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Au sein même de l­ ’esthétique romanesque, le merveilleux ­contribue
­d’ailleurs à distinguer certains romans que la critique a, sans doute
abusivement, qualifiés de « réalistes ». Isabelle Arseneau montre ici
­comment le Guillaume de Dole de Jean Renart procède à un décalage
de la merveille dans ­l’ordre du récit fabuleux, procédant de la sorte au
renversement de ce spectacle dérangeant qui caractérise la merveille à
­l’origine. Dans ce roman, significativement truffé ­d’insertions lyriques,
la merveille est essentiellement discours : « prise dans une transaction
de paroles, la merveille est soustraite aux regards ». Elle alimente ainsi
un discours critique sur lequel se fonde un genre où merveilles et noveles
à oïr tendent à se c­ onfondre.
Le roman encore plus tardif d­ ’Ysaïe le Triste (fils de Tristan et Yseut),
sur lequel revient Patricia Victorin, met en scène un monde encore plus
désenchanté. Les merveilles y font l­ ’objet d­ ’une visite guidée, grâce aux
bons offices du nain Tronc, qui permet au roi Marc de vivre les merveilles bien c­ onnues des lecteurs de romans arthuriens. La dimension
métatextuelle ­s’y donne à lire tout à fait clairement dans un monde où
le merveilleux alimente encore davantage les épitaphes que les aventures.
Mais, à côté de ces romans qui se jouent de la forme en adoptant et en
adaptant ostensiblement un certain nombre de c­ onventions romanesques,
­d’autres formes apparaissent aux marges du roman, en ne ­conservant
souvent ­qu’une forme générale, un récit cadre alimenté par une succession de récits brefs à vocation exemplaire. ­C’est le cas notamment du
Roman des Sept Sages et de la Disciplina Clericalis, romans que Yasmina
Foehr-Janssens a suggéré ­d’appeler « romans de clergie ». Équivalents
structurels des aventures romanesques, les récits enchâssés ont recours
aux motifs merveilleux, mais suivant deux régimes distincts. Dans un
cas, il ­s’agirait de recourir au merveilleux pour ­confirmer ­l’élection
royale et le pouvoir de l­’initié sur les savoirs, même insolites ; dans
­l’autre, représenté par la Disciplina Clericalis, la sagesse ­s’acquiert sans
recourir au merveilleux.
Parmi les récits brefs présentés sans récit cadre et au sein desquels le
merveilleux joue un rôle prépondérant, il faut c­ ompter les traductions
vernaculaires des Métamorphoses ­d’Ovide et les lais narratifs. Cristina
Noacco analyse ici ­conjointement la place de la métamorphose dans ces
deux types de récits brefs qui, dans ­l’un et ­l’autre cas, ­contribue à révéler
la ­complexité de la vie intérieure des personnages. Elle distingue ainsi la
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métamorphose permanente, qui vient ­comme un épilogue moralisateur
au terme de la diégèse, et la métamorphose cyclique qui vise moins
à parfaire la ­connaissance du public que celle des personnages qui y
sont c­ onfrontés. En ce sens, par le développement d­ ’une subjectivation
du rapport au merveilleux, le lai narratif d
­ ’inspiration celtique (à la
différence des récits ovidiens) participerait au moins partiellement de
­l’esthétique que l­’on qualifiera de romanesque.
­L’étude de Danièle James-Raoul met d­ ’ailleurs en relation récits brefs
et romans à partir d
­ ’une analyse du motif de « ­l’entrée dans l­’Autre
Monde ». Elle souligne notamment ­comment ce motif, que l­ ’on trouve
aussi bien dans les lais que dans les romans, est l­ ’occasion pour Chrétien
de Troyes de brouiller les éléments de signalisations attendus, ­contribuant
ainsi à mettre sur le même pied le merveilleux et le vraisemblable.
Parallèlement, on pourrait croire que les motifs merveilleux jouent
forcément un rôle secondaire dans des formes brèves réputées avoir
davantage partie liée avec la vraisemblance. C
­ ’est le cas notamment de
certaines formes brèves, c­ omme les fabliaux, les dits ou les devinettes,
où la merveille est moins rare q­ u’on pourrait l­’imaginer. Bruno Roy
aborde cette question à partir d­ ’un motif q­ u’il désigne c­ omme « anthropomorphie génitale » et où la merveille permet de transgresser certains
interdits sociaux et d­ ’interroger moins la forme littéraire que la forme
même du corps humain.
Plus encore, ­l’étude de Romaine Wolf-Bonvin ­commence par rappeler que la merveille intervient en fait, d­ ’une manière ou ­d’une autre,
dans une soixantaine de fabliaux. Mais, en relisant au plus près trois
fabliaux où intervient le motif de la « charité saint Martin », elle en
repère le détournement (Le Chevalier à la robe vermeille), ­l’inversion des
enjeux (le Boucher d­ ’Abeville), le prétexte à la diabolisation (Le Sacristain
moine) et retrouve dans tous les cas une dégradation du miraculosus dans
­l’ordre du magicus.
La dévitalisation de la merveille ­jusqu’à un univers textuel privé
de transcendance est étudiée par Richard Trachsler à travers le fabliau
­d’Estula où la négation de toute forme de surnaturel (diabolique ou miraculeux) ­l’engage à lire dans ce genre réputé insignifiant ­l’enseignement
­d’un certain vide métaphysique. ­L’immanence ­s’y révélerait finalement
triomphante au terme de récits brefs où les mirabilia ­n’impressionnent
plus que les esprits faibles, bien distincts des auditeurs/lecteurs qui sont,
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Introduction
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eux, du côté de la raison et de la ­connaissance des causes premières.
Contrairement au pacte de lecture du roman, où la merveille est au
cœur de la narration pour susciter la question sur les causes et les effets,
le fabliau pose crûment la question ­d’une foi vacillante au surnaturel
dans un monde où « sont renvoyés dos-à-dos ceux qui croient au diable
et aux fantômes et ceux qui croient aux miracles ».
Le doute à ­l’égard du merveilleux romanesque ­s’était au reste exprimé
très tôt dans la tradition médiévale, déjà chez Wace où l­’historien des
ducs de Normandie se méfie explicitement des « fables as Bretons ».
Tout un discours scientifique se ­construit ainsi en langue vernaculaire
dans une relation ambivalente à l­’égard des récits de merveilles, ces
Otia tout juste bonnes au délassement des grands. Joëlle Ducos dégage
deux modalités ­d’utilisation du récit dans le discours savant selon q­ u’il
sert de récit-cadre à des dialogues didactiques ou q­ u’il a plutôt valeur
exemplaire, l­’anecdote appelant alors une explication de nature scientifique. Dans ce ­contexte, le merveilleux permet ­d’accéder à un au-delà
de la perception. Il participe de deux mouvements : une attitude de
rationalisation face au merveilleux, perçu ­comme un voile qui cache la
loi naturelle ; mode de c­ onnaissance, le merveilleux permet d­ ’aller au
bout des possibles.
La question du rapport au merveilleux dans la littérature didactique
et scientifique se pose ainsi moins en termes poétiques ­qu’essentiellement
cognitifs, ainsi que le souligne Armand Strubel. Dans un univers textuel
où « la théologie est déjà en embuscade », le traitement et le classement
du merveilleux se singularisent. Dès lors, l­ ’intégration de ce « merveilleux
scientifique » au Thesaurus informatisé des motifs merveilleux suppose
de distinguer deux régimes de la merveille, l­’un caractéristique des
inventaires didactico-scientifiques, l­ ’autre – le mieux représenté ­jusqu’à
maintenant – à l­’œuvre dans la littérature narrative.
Avec cette c­ onclusion ressort le lien très étroit qui unit motif merveilleux et formes narratives dès lors que ­l’on ­s’en tient à une définition
opératoire, c­ omme c­ ’est le cas pour le Thesaurus qui définit le motif
merveilleux à partir du couple thème/prédicat dont ­l’un des termes ou
la relation prédicative relève du surnaturel. Le motif correspond ainsi à
un degré zéro de la narration qui ne peut véritablement être développé
­qu’une fois intégré à la diégèse. Ainsi, ­qu’il ­s’agisse de formes brèves,
­comme le lai ou le fabliau, ou de formes plus développées, le merveilleux
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c­ ontinue de définir la position singulière de chacune des formes qui se
sert du motif merveilleux pour proposer sa propre vision du monde, un
ethos qui sous-tend le choix générique. À travers le motif merveilleux, la
production du texte relève de prises de position fondamentale à l­ ’égard
du statut de la fiction et de la vérité, de la surnature et des réalités empiriques. Par son caractère itératif, il est aussi le meilleur moyen de saisir
ce qui définit un horizon ­d’attente et les modulations ­qu’il subit dans
la ­confrontation des singularités génériques. Le colloque de Montréal a
permis de saisir dans toute sa diversité ce que l­’approche par ­l’analyse
du motif ­comme point de jonction entre production et réception du
texte médiéval peut apporter à la réflexion sur la poétique des genres
au Moyen Âge. En passant par le domaine relativement circonscrit de
­l’écriture du merveilleux, le lecteur d­ ’­aujourd’hui est peut-être un peu
mieux armé pour affronter l­’inquiétante étrangeté de la typologie des
genres médiévaux. Du moins, c­ ’est ­l’un des paris que font les artisans du
Thesaurus informatisé des motifs merveilleux et ­c’est le défi ­qu’ont brillamment relevé les auteurs qui ont participé à ­l’élaboration de cet ouvrage.
Francis Gingras
Université de Montréal
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