Le modèle juif républicain. Histoire et enjeux, par Gérard Uzan
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Le modèle juif républicain. Histoire et enjeux, par Gérard Uzan
« LE MODELE JUIF REPUBLICAIN ? HISTOIRE ET ENJEUX » PAR GERARD UZAN Je voudrais, en démarrant mon intervention faire un rapide rappel historique pour situer l’action sociale en France, l’action sociale dans la communauté juive et les liens qui les unit. L’entraide apparaît très tôt dans les sociétés humaines comme une nécessité mais l’organisation de cette assistance en faveur des plus défavorisés a profondément évolué au cours des siècles et selon les civilisations. Si l’entraide dans l’antiquité Grecque ou dans la République Romaine, reposait sur la notion d’ordre public (protection de l’ordre social), elle trouve des motivations charitables dans les nations qui s’inspirent de principes religieux. Chez les hébreux déjà, on prélève la dîme pour les étrangers, les veufs et les orphelins, on réserve aux pauvres l’angle du champ (1/60 des terres ensemencées), on leurs concède le droit de glanage après la moisson. En France c’est l’église qui organise et administre la plupart des œuvres d’assistance. Des ordres religieux sont consacrés à la charité. Des maisons Dieu et hôtels Dieu sont créés pour les malades, les blessés, les femmes enceintes, les enfants trouvés. Au 17ème siècle, Saint Vincent de Paul donne a cet effort une impulsion nouvelle. Il fonde les confréries de la charité et les Dames de la charité, puis les filles de la charité ; C’est une loi anglaise (poor law : loi des pauvres) en 1661 qui, pour la première fois, consacre dans la civilisation occidentale la responsabilité officielle de la collectivité publique à l’égard des gens dans le besoin. Elle est à l’origine des systèmes Européens d’Assistance Publique. La Révolution Française introduit de façon clairvoyante et généreuse le droit à l’assistance des malheureux et le devoir de solidarité de la Nation à leur égard. Montesquieu dans « l’esprit des lois » avait ouvert la voie en écrivant : « quelques aumônes distribuées dans la rue ne remplissent pas les obligations de l’Etat. Celui-ci doit à tous les citoyens une subsistance assurée, la nourriture, un vêtement convenable et un genre de vie qui ne soit pas contraire à la santé ». Il y avait en France, à cette époque, 40 000 juifs. Un des évènements majeurs pour les juifs de l’époque est évidemment l’organisation administrative et religieuse du Judaïsme avec la création par Napoléon du Consistoire Israélite en mars 1808. Structure toujours en place aujourd’hui et qui a déterminé pendant des décennies l’organisation du judaïsme en France. C’est en fait en 1889 près d’un siècle après la Révolution Française, que le Congrès International d’assistance réuni à Paris met sur pied la « Charte de l’Assistance » issue des principes de 1793. Ce nouveau droit ainsi proclamé c’est toute notre législation sociale qui va commencer à naître par lois successives. Ce sera d’abord l’aide aux malades avec l’assistance médicale gratuite (5 juillet 1893), l’assistance aux tuberculeux (1901), l’assistance aux vieillards infirmes et incurables (14 juillet 1905), l’assistance aux femmes en couches et aux familles nombreuses en 1913. C’est aussi, à la même époque, en 1897, que le sionisme et le bundisme, mouvements politiques qui ont traversé la vie intellectuelle et culturelle juive, sont créés. Ils sont une réaction face à la persistance des discriminations et des vagues de pogroms en Europe, et du développement d’un antisémitisme virulent alors que les juifs font leur entrée dans la Cité et dans la loi commune. C’est aussi, à cette même époque que la loi 1905 régentant les relations entre l’état et l’église voit le jour. C’est dans ce contexte politique et social que le 6 décembre 1906, la Société de Bienfaisance Israélite de Marseille est créée par le Consistoire de Marseille et les statuts signés par le Président du Conseil de l’époque, Ministre de l’Intérieur, Georges CLEMENCEAU. 1906 c’est également la naissance d’Emmanuel Lévinas 1906 c’est la réhabilitation du capitaine Alfred Dreyfus Mon objectif à ce moment de mon exposé n’est pas de vous faire la liste exhaustive des actions de cette association depuis 1 siècle. Cela n’a, me semble t-il aucun intérêt pour vous ni pour moi. Je vais tenter de vous expliquer, de mon point de vue , qu’est ce qui a fait l’originalité de cette action et dans quel contexte politique, culturel, et historique cette action s’est développée et en un mot de quoi se nourrit ce que j’ai appelé le Modèle Juif Républicain , lors de mon intervention le 15 janvier 2006 au Conseil National du FSJU. J’insiste pour dire que c’est un point de vue, qu’il est forcément parcellaire. Ce Modèle Juif Républicain (MJR) s’inspire historiquement, me semble t-il, de deux évènements internes et deux évènements externes et j’essaierai de montrer en filigrane , en fil rouge comment le CASIM s’est inscrit dans ces mouvements. Je crois que le MJR n’a pu se réaliser dans le siècle dernier que grâce à un principe talmudique essentiel qui est le suivant : « Dina de Malkhouta, Dina » la loi du royaume est la loi. Ce principe soumet la loi juive à la loi civile donnant la préséance à la seconde lorsqu’il y a conflit entre les deux. C’est la loi Juive qui exige l’obéissance à la loi du pays d’accueil et ceci depuis les temps les plus anciens, depuis l’exil à Babylone. Des multitudes de générations ont intégré ce principe pour s’intégrer dans le pays d’accueil. De nombreuses générations, comme la mienne étant étranger dans ce pays, devenir Français a été et est une longue, difficile et belle histoire. S’intégrer en France a été à la fois un présent et un devenir. « C’est être ce qu’on est tout en devenant progressivement autre ». Un petit détour personnel qui je pense, rappellera des souvenirs à beaucoup : L’hospitalité oblige des 2 côtés, mes parents n’ont cessé de m’inculquer ce principe « Dina de Malkhouta, Dina ». « Nous avions le devoir d’être irréprochable, nous devions nous montrer en toute chose plus vertueux, plus travailleurs et plus respectueux que les français eux-mêmes parce que nous étions leurs hôtes ». Nous n’avons rien à exiger mais tout à mériter. Quand on est invité à la table France, on remercie. Même si on habite dans le 9-3 ce qui a été mon cas. Cette éducation à la modestie, au travail, à la réussite est parvenue à des résultats satisfaisants, vous en conviendrez, pour moi , pour mes frères et sœurs et pour une grande partie d’entre vous qui n’êtes pas nés dans ce pays. En prenant ce premier exemple de ce principe talmudique, base essentielle de mon point de vue, de la citoyenneté des juifs de France, je voulais planter, ce qui me semble une des fondations de ce modèle juif Républicain qui a permis d’intégrer des centaines de milliers de juifs venus en France chercher une terre d’accueil. La deuxième proposition que je voudrai introduire rapidement, c’est évidemment la loi de 1905 séparant l’église de l’état. La république ne reconnaît, ne finance, ni ne subventionne aucun culte. Cette République laïque est une invention française, fruit de l’histoire de ce pays. Le principe de laïcité, inscrit dans la constitution, constitue un des fondements de la République Française. Elle repose sur deux principes : L’obligation de l’Etat de ne pas intervenir dans les convictions de chacun et l’égalité de tous devant la loi quelque soit leur religion. Elle implique ainsi la liberté de conscience et de culte, la libre organisation des églises, leur égalité juridique, le droit à un lieu de culte, la neutralité des institutions envers les religions ainsi que la liberté d’enseignement. Il s’agit bien là d’une valeur fondatrice de notre république qui repose donc sur 3 principes : Neutralité de l’état, liberté de conscience et pluralisme des religions. Elle fonde aussi notre relation à cette république. Evidemment que la communauté juive a bénéficié de cette avancée. L’action des juifs en faveur de la laicité était animée par le désir d’exister comme juifs dans la vie de la nation. A la différence des autre mouvements laiques qui voulaient effacer la religion de la sphère publique, les juifs ont revendiqué la laicité au nom du judaïsme. Cette loi, la loi de 1905, en séparant les affaires religieuses de la gestion des affaires civiles, a contribué, et vous comprenez que ce n’est pas un hasard, à la création de la Société de Bienfaisance Israélite de Marseille l’année suivante et reconnue d’Utilité publique la même année. Il existait évidemment une action caritative avant cette création. Le Consistoire de l’époque a estimé au regard des changements qu’a apporté la relation entre les pouvoirs publics et la religion, qu’il était opportun de transformer l’action charitable dans le cadre d’une association loi 1901. Et nous avons, depuis cette époque, accueilli, accompagné et aidé à s’intégrer des vagues successives d’immigrés et de réfugiés fuyant les persécutions ou la misère économique et sociale. Il y avait à Marseille, en 1906 environ 5000 juifs. La troisième proposition, qui fonde de mon point de vue, le MJR, interne, celle-là est un double événement. Pour le comprendre il nous faut dire quelques mots sur le contexte historique. La seconde guerre mondiale et la Shoah a laissé la Communauté Juive en ruine. La Création de l’Etat d’Israël en 1948 a permis à une partie de cette population de rejoindre le nouvel Etat mais une partie importante des juifs à souhaité continuer à vivre en Europe et en France en particulier. Un des éléments majeurs dans ces années et qui a donné un tournant historique au développement de la SBIM a été la création du FSJU le 15 février 1950. Je voudrais reprendre les propos de Léon Meiss, Président de la conférence constitutive du FSJU : « des hommes de tous bords, de toutes les tendances philosophiques et sociales se sont groupés, pour aborder les problèmes que l’on ne peut sans exagération, qualifier de vitaux. Du choc des opinions et de la confrontation loyale de ces conceptions, s’est dégagée ce que je voudrais appeler : La doctrine sociale juive de l’après guerre. Cette doctrine nouvelle tient en peu de mots : assurer la survie du judaïsme français, assumer la responsabilité des institutions qui ont la charge des enfants de déportés, des orphelins, des malades, des vieillards, des malheureux. Se sentir responsable envers eux et solidaires. Ces hommes de tous bords, dans l’action, comme le dit Léon Meiss, ont été principalement des femmes. Arrêtons nous quelques instants pour rendre hommage à des figures incontournables de ce formidable investissement : Gaby Cohen, Edith Kremsdorf et pour le Casim, Yvette Bibas. Reconstruire une communauté dévastée, la doter d’outils de réflexion et de gestion mais également de moyens financiers a permis la renaissance du Judaïsme Français. Le FSJU l’a réalisé. Cette renaissance est liée également à un second événement historique celui-là ; c’est l’arrivée des Juifs d’Afrique du Nord vers la Métropole. Evénement considérable des années 60 dont on mesure encore aujourd’hui les répercutions et qui deviendra déterminant dans l’évolution de notre institution. C’est à cette époque que le Consistoire Israélite de Marseille, se jugeant dans l’incapacité de répondre à ces énormes besoins, s’est tourné vers le FSJU. C’est ainsi que le FSJU reprend l’activité de la SBIM et en 1964 la SBIM change de nom et devient le CASIM. C’est une décision importante qui est prise à ce moment là parce qu’elle inscrit cette association : 1. dans la professionnalisation de ses interventions et donc de ses intervenants 2. dans l’action sociale nationale et dans la relation normalisée avec les Pouvoirs Publics. 3. et elle lui donne les moyens techniques et financiers de son action C’est en 1990 que le FSJU se retire de la gestion et de la responsabilité du Casim. Le Casim rédige de nouveaux statuts et devient une association indépendante, controlée par un Conseil d’Administration et géré par un Directeur général s ‘appuyant sur des équipes professionnelles. En 1990 le Casim anime un service social polyvalent et un foyer logement accueillant 43 personnes âgées ouvert en 1973 Une capacité d’adaptation exceptionnelle . Ce que je veux introduire ici, et c’est la quatrième proposition qui fonde, pour moi, le modèle juif républicain, c’est la formidable capacité d’adaptation de nos institutions. Nous avons intégré pendant ces décennies, des centaines de milliers de personnes, rescapés de la Shoah, orphelins, familles en détresse sociale… Nous nous sommes pendant des décennies adaptés aux nouvelles lois d’orientation sociale, aux nouveaux enjeux de l’action sociale nationale et communautaire. Nous avons traversé et nous traversons encore le défi que constitue les mutations du travail social, ( déqualification des professionnels du social, introduction de l’économie marchande dans le social, multiplication des interventions et des modes d’interventions, Loi du 2 janvier 2002 sur la qualité…) D’autre mutations nous attendent Et je prendrais qu’un seul exemple : La Décentralisation : un gouvernement territorial. C’est un constat évident, l’organisation décentralisée de la république est un mouvement de fond qui bouleverse et bouleversera l’économie générale et le fonctionnement de nos associations. Les départements, hier menacés de disparaître bénéficient principalement des plus importants transferts de compétence en terme de financement de l’histoire de ce pays. La décentralisation place le Conseil général comme le partenaire incontournable de notre action. Cela nous oblige à une plus grande visibilité, à une plus grande présence, vis à vis des élus, des responsables techniques et des instances de consultation. Elle nous obligera, parce que cela va changer l’importance de nos interlocuteurs, à une meilleure défense de notre originalité et à une redéfinition, une revisite voire un dépoussiérage de notre projet et de nos objectifs. Il faut que nous changions et que nous réfléchissions ensemble à des stratégies communes de communication, de rédaction et de présentation de programmes… Et le changement, la remise à plat , la réflexion, l’analyse de nos pratiques, de notre discours, nous l’avons vu, sont bons pour la santé de nos institutions. Une des conditions essentielles pour avoir un vrai dialogue et une compréhension par les pouvoirs publics des institutions juives et de nos missions, c’est la pertinence, la cohérence et l’existence d’un véritable projet associatif. On ne peut faire, on ne doit pas faire l ‘économie de cette réflexion, de cette rédaction. Et je suis sur que chaque institution réfléchit déjà à définir son projet, ses valeurs, ses actions, son fonctionnement, le public qu’elle touche, les conditions de son intervention ( calendrier juif, cacherout), pour illustrer mon propos, je voudrais vous donner un aperçu du travail accompli par le CASIM : J’ai organisé une réflexion générale de l’institution entre professionnels des différents services. Une réflexion du conseil d’administration. Une mise en commun des réflexions des professionnels et des administrateurs. Le projet associatif est aujourd’hui clair pour tous. Il est un outil de travail et de communication en interne et en externe. Je vais vous lire 2 courts extraits du projet associatif qui fait plusieurs pages : 1 / La définition claire et précise de nos objectifs fondamentaux : …Le CASIM œuvre et contribue à répondre aux besoins sociaux ( au sens le plus large) de la population juive en situation de vulnérabilité, de fragilité ou d’exclusion sociale de Marseille et dans le département des Bouches du Rhône. Il a vocation à intervenir au-delà, à la demande des communautés et du FSJU. …Ces actions doivent contribuer au développement personnel du bénéficiaire, à construire et à favoriser son autonomie, ses liens avec sa communauté d’origine et son intégration dans la communauté nationale et lui garantir, ainsi, sa pleine citoyenneté. 2 / L’ouverture et le partenariat avec les institutions non communautaires : …Cette histoire et cette pratique représentent des compétences et des savoirs-faire. Le Conseil d’Administration et les professionnels souhaitent que ces compétences et ces savoirsfaire soient partagés avec d’autres institutions, d’autres partenaires. Notre expérience des publics juifs souvent issus de l’immigration, notre capacité à intégrer depuis des décennies des populations venues d’horizons divers peuvent servir à aider, à accompagner ces publics différents. 3 / Marquer aussi notre différence et nos exigences éthiques et déontologiques par rapport à d’autres institutions de la communauté juive ou non juive : …Pour rendre le projet du CASIM cohérent, il faut différencier ce principe d’autonomie de « l’humanitarisme » qui protège les personnes, allége les souffrances tout en continuant à les rendre dépendants. … L’usager n’appartient à personne, il est une personne. La boutique sociale et le portage de repas cacher Aujourd’hui, en France et à Marseille des milliers de personnes ne mangent pas à leur faim et vivent dans une extrême précarité. Les différentes expériences menées, dans la ville, par la communauté, pour apporter une aide alimentaire aux plus démunis se sont avérées décevantes voire humiliantes pour les bénéficiaires. Ainsi avons nous créé, en 2000, le projet d'une "BOUTIQUE SOCIALE", qui est un véritable supermarché à vocation sociale au service des plus démunis. Ce programme unique en France, regroupe, en un même lieu, des rayons alimentaires, des rayons culturels, une boutique vêtements et chaussures, un salon de coiffure et d’esthétique, un lieu de formation, de rencontres et d’échanges. Un partenariat avec l’association « Culture du Cœur » permet aux usagers d’accéder, pour un 1,5€, à tous les spectacles de Marseille. « Parce qu’un pauvre ça n’a pas seulement besoin de manger » En contre- partie le client s’acquitte du paiement d'un prix très modique (10% du prix de ces achats) et de l'engagement moral à gérer son crédit/chéquier. Les pouvoirs publics ont financé et financent aujourd’hui ces programmes. L’argument principal que nous avons utilisé, en dehors de l’intérêt, la pertinence ou l’originalité du projet, c’est qu’il n’exclut personne. La cacherout n’exclut personne. En aidant au financement de la Boutique sociale ou du portage de repas, les pouvoirs publics permettent à des personnes démunis d’accéder à un service, quelles que soient leurs croyances ou leurs habitudes alimentaires. Notre capacité d’adaptation, la définition claire de nos valeurs et de nos objectifs, le partenariat et l’échange, notre éthique sont, me semble-t-il, des arguments qui fondent le modèle juif républicain et ajoutent à la compréhension que nous souhaitions que nos interlocuteurs aient de nos missions et de nos attentes. 2 exemples vous seront donnés demain avec l’intervention d’Elsa Pilo, responsable d’Espace Réussite et d’ Eva Amar Labi Directrice de la Résidence et des Terrasses des Oliviers Nous avons aujourd’hui une relation privilégiée avec le Conseil Général, avec le Conseil Régional, la Mairie et l’Etat. Elle est du à la longue histoire des juifs à Marseille, à la reconnaissance de notre spécificité, à notre ancrage dans les réseaux du département et j’ai la faiblesse de croire, à l’excellence du travail mené par les professionnels de cette institution. En moins de 10ans ans le Casim a réussi une véritable révolution, dans son organisation, dans la transparence de ces actions et de ses comptes, dans l’attention portée aux besoins de cette communauté, dans son interrogation continuelle sur sa pratique et sur son innovation. Création d’espace réussite (antenne emploi), de l’Acad association d’aide à domicile, de la boutique Sociale, d’un foyer étudiant à Aix en Provence, de la maison de retraite « les terrasses les Oliviers », d’une plateforme d’aide aux personnes âgées en septembre. En sept ans que de chemin parcouru, que de projets réalisés, que d’ambitions entretenues pour que cette institution devienne l’outil de tous, le patrimoine commun de cette communauté. En 7 ans le budget du Casim est passé de 1, 3Millions d’€ à 4,5Millions d’€ De 47 salariés à 180 salariés 100 ans d’action sociale et de solidarité juive, c’est pour le CASIM une lutte quotidienne au bénéfice des plus démunis, des plus fragiles de nos concitoyens. Voilà, je vous ai parlé de cette histoire, j’ai tenté, très humblement et en peu de temps de préparation de définir, de mon point de vue le modèle juif républicain Modèle social français et Principe talmudique, loi 1905 et intégration de la laïcité, création et action du Fsju et refondation du judaïsme français, décentralisation et adaptation continue de nos structures. Je vous ai parlé de cette histoire, de ces évolutions, de ces adaptations, de ces projets, mais j’ai eu l’impression en finissant cet exposé de vous avoir parlé des temps anciens ou nous étions « heureux comme juifs en France ». Alors je me suis dit que je ne pouvais pas, honnêtement, terminer comme ça. Je me devais aussi de vous dire mes interrogations et mes inquiétudes et peut être les partager avec vous. Un certain nombre d’inquiétudes ont été soulevées ces dernières années par les responsables et les travailleurs sociaux de nombreuses institutions sociales de la communauté juive. Ces inquiétudes et ces interrogations se manifestent par les questions suivantes : Y-t-il un avenir en France pour les services sociaux juifs ? Peut-on recevoir et n’aider que des juifs ? Peut-on être une structure uniquement ouverte aux juifs ou une structure sociale dont la philosophie, le fonctionnement, le projet s’inspire de l’histoire, de la tradition et de l’expérience juive ? Ces interrogations et ces inquiétudes se fondent ou sont fondées sur des expériences de remise en question par l’état ou ses représentants de la spécificité de nos interventions, de l’intérêt de nos missions Modèle social français et Principe talmudique, loi 1905 et intégration de la laicité , création et action du Fsju et refondation du judaisme français, décentralisation et adaptation continue de nos structures. Aujourd’hui face à cela qu’avons nous ? Crise du modèle social français, crise de l’identité nationale, crise des banlieues, renaissance de l’antisémitisme… Crise de l’identité nationale : « L’Europe en supprimant les frontières, en les décloisonnant remet en cause la forme politique de l’état nation. De ce fait se trouve ébranlé l’état comme frontière à cette nation qui en tant qu’identité collective, politique, historique en ressort affaiblie. Plus l’unification de l’Europe s’approfondit et s’étend, plus sa crise identitaire s’aggrave » L’identité juive française s’est construite en s ‘adossant à l’état nation français. Le recul de celui ci ne peut que la déstabiliser. Dayinou cela nous aurait suffi. Mais le mal est plus profond Crise du Modèle social Français et émeutes des banlieues : Vous savez qu’une partie de nos journalistes ou des médias ont gardé un « marxisme résiduel » . La presse française a une tendance naturelle à chercher et trouver la cause unique aux malaises de notre société. Pour reprendre l’expression de Chantal delsol : » chaque déboire qui nous frappe relèverai d’une déficience de salaire ou d’allocation. Le problème aux émeutes des banlieues, à la haine de la France et des juifs exprimés ici ou là, c’est le manque d’argent ou autrement dit un problème économique et social. Comme Robert Redeker ou A. Finkelkraut, je pense que le problème de l’intégration est d’abord et avant tout d’ordre culturel. Ce n’est pas de mon point de vue une question sociale, ou autrement dit ce n’est pas par une réponse sociale ( plus de crédits, plus d’écoles, plus de transports, plus de gymnases) que nous résoudrons le problème. D’ailleurs les émeutiers s’en sont pris exclusivement aux symboles de ces mêmes programmes ou réalisations sociales. Non je pense qu’il faut que ces jeunes issus de l’immigration s’incorporent à l’histoire de France. Qu’elle devient leur histoire personnelle. Que la loi du royaume soit la loi. Redeker « La question est plus culturelle que sociale. La remédiation sociale aux difficultés des jeunes issus de l’immigration ne trouvera à s ‘exercer que du jour ou la jeunesse des banlieues sera entrée en fusion avec l’imaginaire républicain ». Je citerai également Emmanuel Levinas : La France est un pays ou l’attachement aux formes culturelles est équivalent à l’attachement à la terre » On en est loin et la France est aujourd’hui dans l’incapacité de résoudre cette équation à plusieurs inconnues. Nous n’avons rien à gagner à cette dissolution de l’identité française, elle est constitutive de la notre. Tout le monde s’accorde à dire que le judaïsme français se trouve aujourd’hui à un carrefour décisif de son destin. Comme il a été au sortir de la guerre. Je crois que Shmouel Trigano a raison quand il affirme : « c’est sur le pari du recul de l’antisémitisme que la vie juive a pu se reconstruire dans la France des années 50, de façon unique. Y a t’il de nouveau une question juive ou un problème juif en France et en Europe. Oui je le crois, je crois même qu’il ne l’a jamais quitté. Si nous pensons que nous avons un avenir, si nous pensons que le modèle juif républicain peut perdurer, alors il y a beaucoup de travail à accomplir. Il faut repenser ce modèle, refonder une politique, réfléchir ensemble, demander au FSJU de porter, aussi, cette réflexion, aux professionnels de l’action sociale d’y apporter la leur. Il faut aider ce pays, notre pays à sortir de cette crise.