Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et

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Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et
Pauvres, mais honnêtes, nous paraissons quand nous pouvons, et notamment le lundi 26 septembre 2011
RDC
Les Elections congolaises face à une pléthore de candidats… page 1
L’éternelle question de la nationalité congolaise : le cas Vital Kamerhe… page12
RDC-Législatives : Le nouveau visage de l'opposition… page 16
J’ai laissé derrière moi un Congo qui se consume du fait de « l’Homme Congolais »…
page 17
Pause « Humour africain » … page 20
Cameroun
La campagne électorale débute… page 22
Elecam plante le décor de la fraude… page 26
RDC
Les Elections congolaises face à une pléthore de candidats.
Un agent électoral de la Ceni assiste un candidat à la députation Nationale 2011, au Bureau de
réception des candidatures .© Radio Okapi/ Ph. John Bompengo
Par Guy De Boeck
La CENI, qui a attendu longtemps en vain que des candidats se présentent, semble à
présent presque ahurie par leur nombre. Cet étonnement était d’ailleurs partage, si l’on
considère ce que disaient les médias, tant congolais qu’internationaux, le samedi 24
septembre 2011 après que les listes aient été publiées la veille au soir.
C’était ce jour-là l’objet d’une longue dépêche AFP dont voici la substance : « La
Commission électorale en République démocratique du Congo (RDC) a enregistré 19.253
candidats pour 500 sièges à pourvoir aux élections législatives prévues le 28 novembre avec
la présidentielle, selon la liste provisoire publiée vendredi par la Céni. Ce nombre est "un
record par rapport aux élections de 2006", où quelque 9.600 candidats s'étaient présentés
pour 500 sièges également, note dans un communiqué la Commission électorale nationale
indépendante (Céni). Le plus grand nombre de candidatures pour cette élection à un tour a
été enregistré dans la province-ville de Kinshasa, où 51 sièges sont à pourvoir, avec pas
moins de 5.734 dossiers déposés.
Questionné jeudi par l'AFP sur les raisons possibles de cette augmentation par
rapport à 2006, Jacques Djoli, vice-président de la Céni, avait évoqué "une approche
tacticienne" de certains partis qui "visent la quantité plutôt que la qualité pour récolter le plus
grand nombre de candidats et avoir une majorité beaucoup plus active". "Est-ce qu'il s'agit
d'un intérêt pour participer à la gestion du pouvoir politique pour gérer le pays, ou est-ce le
tissu social qui n'offre pas d'autres perspectives?", s'était-il par ailleurs interrogé…
Quelque 32 millions d'électeurs sont appelés aux urnes le 28 novembre. Le président
de la Céni, le pasteur Daniel Ngoy Mulunda, a assuré vendredi lors d'un déplacement à
1
Bruxelles que les élections auraient "bien lieu" le 28 novembre, malgré les énormes défis
logistiques encore à relever ».
Pléthore
Sur son site, Radio Okapi décrivait la situation de la manière suivante : « La
Commission nationale électorale (Ceni) a publié, vendredi 23 septembre, la liste
complémentaire des candidats aux élections législatives pour les circonscriptions de
l’Equateur, Bandundu et le Kasaï-Oriental. Cet ajout porte à dix-neuf mille le nombre des
candidats députés déclarés recevables sur toute l’étendue dela République démocratique du
Congo, a précisé le vice-président de la Ceni, Jacques Djoli.
La bataille s’annonce donc rude pour les dix-neuf mille candidats engagés dans la
course pour occuper 500 sièges à l’Assemblée nationale.
Par exemple, dans la circonscription électorale de Tshangu à Kinshasa, 1588 candidats
devraient battre campagne pour occuper seulement 15 sièges à l’Assemblée nationale.
A Dibaya dans le Kasaï-Occidental, soixante deux candidats vont se disputer deux sièges.
Le territoire de Bumba, dans l’Equateur, compte six sièges à pourvoir. Ils sont brigués
par cent quatre-vingt sept candidats issus alignés notamment par:
•
•
•
•
•
•
•
le MLC
le PPRD
l’UNC
l’UDPS
l’ADH
l’UFC
l’ADT.
A Kisangani, dans la Province Orientale, deux cent trente deux candidats vont se
disputer cinq sièges.
Quelques partis politiques basés à Kinshasa n’ont pas de candidats dans toutes les
circonscriptions électorales du pays.
Dans les cent soixante neuf circonscriptions électorales que compte la RDC, chaque
candidat a du pain sur la planche vu le nombre élevé des candidatures.
Dans un communiqué, publié vendredi, la Ceni rappelle que les recours en
contestations peuvent être déposés à la Cours suprême de justice du 24 au 27 septembre.
La Ceni avait publié, mercredi 21 septembre, une première la liste d’environ 13.0001
candidats déclarés recevables à la députation nationale dans sept provinces de la RDC:
1.
2.
3.
4.
5.
6.
7.
8.
Bas-Congo
Maniema
Nord-Kivu
Sud-Kivu
Province Orientale
Kinshasa
Kasaï Occidental
Equateur »
1
Il ne faut pas s’étonner de trouver dans nos citations des chiffres différents : les médias ont réagi, au fur et à
mesure, lorsque la CENI publiait des chiffres. Il s’est tr !s vite avéré que l’on était face à ne nombre record,
ongtemps avant de connaître son importance exacte.
2
AfricaNews aussi s’intéresse aux candidats de Kinshasa pour la députation nationale.
Alors que le Katanga n’a pas encore livré ses secrets, Kinshasa détient le record : 5.734
compétiteurs pour 51 sièges ! Le contingent le plus fourni vient, comme en 2006, de la
Tshangu – Kinshasa IV : 1.588 candidats pour 15 sièges.
Le site Kisangani/boyoma s’intéresse évidement à la situation à Kisangani : « Pour
certaines villes, à l’instar de Kisangani, pour cinq postes à pourvoir, 300 candidats sont en
lice. Le combat s’annonce donc très serré. En dépit de cette affluence, certaines langues
dénoncent les ambitions mal exprimées. Elles soutiennent que certains candidats, tant à la
magistrature suprême qu’à la députation nationale, semblent poser les candidatures comme
des simples demandes d’emploi. Il est vrai que tout le monde peut jouir de ses droits
politiques, mais il faut quand même un minimum de préparation et surtout pourquoi postule-ton. Certaines personnalités déplorent l’absence des consultations dans le chef de certains
candidats au niveau de la base. Toutes ces improvisations atténuent d’une certaine façon le
sérieux de la démarche, surtout au niveau de l’élection présidentielle. L’on se demande : ‘estce de la diversion pour suivre certains objectifs non autrement définis?’. Au niveau législatif,
l’inexpérience de beaucoup de postulants inquiète. Mais pour l’essentiel, la RDC a besoin
d’un président et des députés élus dans un environnement apaisé. Il y en aura certainement
beaucoup d’appelés, mais peu d’élus ».
La publication des listes de candidats le 23 au soir n’avait guère donné à la presse très
réduite du samedi 24 l’occasion d’y réagir. Or, il y a à ce sujet une notable réaction de
surprise, devant le nombre des candidats. Les titres de la presse du lundi 26 sont donc en
majorité des variations sur le thème : « Il y en a beaucoup ! Hou là là, qu’est-ce qu’ils sont
nombreux… »
L’Avenir, sous le titre « plus de 20 000 candidats à la députation nationale », s’étonne
parce qu’à 63 jours de la présidentielle et des législatives, jamais l’on n’a enregistré pareil
score. Un score imputable, selon le journal, aux faiblesses aussi bien de la démocratie
d’ailleurs qu’aux stratégies visant à se constituer, coûte que coûte, une majorité parlementaire.
Pour L’Observateur qui s’indigne de la même façon que L’Avenir, avec un chiffre aussi
élevé, nous allons, à l’issue de ces élections, assister à un concert de grincements de dents.
Tout simplement parce qu’il y aura plus des perdants que des gagnants. Voilà pourquoi le
confrère pose la question dans son éditorial de savoir si être député, ça paie et ça valorise.
L’Observateur fait quand même une observation pertinente : c’est réconfortant d’un côté que
des êtres humains encore en vie veuillent aspirer à un mieux être. C’est moins réconfortant
cependant quand on pense que beaucoup entrent en politique pour y faire une carrière
professionnelle.
D’après Radio Okapi, « Certains partis politiques ont présenté un nombre de candidats
supérieur au nombre de sièges à pourvoir dans la circonscription. Ce qui constitue une
violation de l’alinéa 2 de l’article 22 de loi électorale ... De son côté, la Ceni indique que les
contestations liées au contenu de ces listes doivent être adressées à la cour suprême de
justice ».
Cet engouement subit ne concerne que les élections législatives. Avec 11 candidats en
2011, contre 33 en 2006, la présidentielle, au contraire, « recule » de deux tiers. Faut-il en
conclure que les Congolais ont perçu la compétition pour la magistrature suprême comme
plus « fermée », du fait de la modification de la Constitution instaurant le tour unique et que,
3
simultanément, le rejet par les Chambres des modifications de la loi électorale, demandées par
le PPRD en vue de s’assurer la majorité absolue, a stimulé les indécis et les a incités à « courir
leur chance » aux législatives ?
Quelle qu’en soit la cause, d’après un calcul sur les premières données connues et sous
réserve d’erreur ou omission, le résultat de cet engouement se traduit par les chiffres suivants,
pour les cinq partis présents à l’échelle nationale.
MLC (Bemba):
PPRD (Kabila):
UDPS (Tshisekedi):
UFC (Kengo):
UNC (Kamerhe):
237
545
377
334
450
Ou, par provinces:
MLC
PPRD
UDPS
UFC
UNC
BasC.
Band.
Equat.
K.-Oc
K.-Or
Kat
Kin
Man
P.O
N Ki
S Ki
15
23
21
21
22
41
51
34
43
50
51
54
36
41
45
7
41
41
32
40
4
42
41
30
35
6
86
46
36
64
49
55
51
47
50
9
14
7
3
14
22
102
31
44
55
22
45
37
27
43
11
32
32
10
32
Certains partis politiques ont présenté un nombre de candidats supérieur au nombre de
sièges à pourvoir dans la circonscription. Ce qui constitue une violation de l’alinéa 2 de
l’article 22 de loi électorale qui stipule qu’une liste présentée par un parti politique, un
regroupement politique ou une candidature présentée par un indépendant est déclarée
irrecevable lorsqu’elle porte un nombre de candidats supérieur au nombre maximum de sièges
fixé pour chaque circonscription.
Le Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), par exemple, a
présenté dix-sept candidats à la circonscription de Tshangu à Kinshasa alors qu’il n’y a que
quinze sièges à pourvoir.
A Masimanimba dans la province du Bandundu, l’Union pour la nation congolaise
(UNC) aligne neuf candidats et le Renovac, treize alors qu’il n’y a que six sièges à pourvoir.
Le Mouvement de libération du Congo (MLC) aligne quatre candidats dans la
circonscription de Bongandanga en Equateur. Cette circonscription ne dispose que de trois
sièges à pourvoir.
L’abondance de candidats mérite évidemment plus ou moins d’attention, suivant le
parti dont il s’agit. Que le PPRD en soit arrivé à plus de candidatures que de sièges illustre
sans doute, à la fois, que la RDC ne manque pas de politiciens ayant des poches bien
profondes et que la MP, sorte de coalition-mammouth à emboîtages gigogne, est finalement
très mal organisée. Que l’UNC de Kamerhe soit en mesure d’aligner autant de candidats,
quelques mois seulement après sa fondation, laisse présumer qu’il a dû se montrer assez
perméable à l’adhésion d’opportunistes.
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Bien entendu, des cris se sont déjà élevés de toute part quant à la présence de criminels sur
diverses listes électorales. De son côté, la Ceni indique que les contestations liées au contenu
de ces listes doivent être adressées à la cour suprême de justice.
Photo avec légende humoristique, Archives élections 2006.
Motivations « alimentaires »
Jacques Ndjoli, vice-président de la Céni, et ex-sénateur MLC, qui est donc le
principal représentant de l’opposition au sein de cette institution, a fait à ce sujet des
commentaires intéressants.
Il a évoqué "une approche tacticienne" de certains partis qui "visent la quantité plutôt
que la qualité pour récolter le plus grand nombre de candidats et avoir une majorité
beaucoup plus active". C’est là une banalité. Dans tous les pays, les partis ont l’habitude de
présenter des listes comportant autant de candidats que de postes à pourvoir, alors qu’ils
savent pertinemment bien qu’ils n’auront pas autant d’élus. Cette remarque est d’ailleurs
moins pertinente au Congo qu’ailleurs, car ce ne sont évidemment pas les partis qui sont à
l’origine de la prolifération des candidats « indépendants ».
Mais, par ailleurs, il s'est également interrogé :"Est-ce qu'il s'agit d'un intérêt pour
participer à la gestion du pouvoir politique pour gérer le pays, ou est-ce le tissu social qui
n'offre pas d'autres perspectives ?".
Il est d’usage, devant tout fait politique en RDC qui implique une extrême diversité,
de l’attribuer aux « partis alimentaires », parfois raillés sous le nom de « partis familiaux ».
(Papa est président, Maman tient la caisse, les plus grands enfants écrivent les affiches et les
plus jeunes les collent…). Bien sûr de telles choses existent, pour la bonne raison que les
Congolais n’ont pas le choix : ils ne peuvent se permettre de négliger la moindre « ficelle » du
« Système D » pour survivre. Mais justement, si l’on tient compte des innombrables
descriptions que les sources les plus diverses et les plus opposées font du sort quotidien des
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Congolais misérables, loqueteux, paupérisés, clochardisés, faméliques, on ne peut qu’en
arriver à la conclusion qu’en RDC, tous les partis sont alimentaires !
A moins de supposer que toutes ces descriptions sont fausses, ce qui oblige dès lors à
supposer aussi que l’ensemble des médias du monde entier a succombé en bloc à un accès de
déprime pessimiste, on ne peut tirer de cette information qu’une conclusion : il est
extrêmement difficile, en RDC, de trouver un poste ou une profession suffisamment
rémunérateurs pour assurer à sa famille une vie décente. En apparence, la situation des
mandataires congolais est la même qu’ailleurs : ils ont des professions en dehors de leurs
mandats. En général, ils ne nous le laissent d’ailleurs pas ignorer, ayant grand soin d’afficher
leurs titres à propos et hors de propos. Mais ces titres sont loin de correspondre à des activités
rémunératrices. Même quand elles devraient donner accès à un revenu, il est très bas et payé
irrégulièrement, dans le meilleur des cas, ou pas du tout.
Les mandataires politiques sont parmi les quelques oiseaux rares qui survolent ce
marécage de marasme et de misère. Et cela est vrai de tous les politiciens, y compris ceux des
plus grandes formations, unions ou coordinations. L’entrecôte familiale étant l’Alpha et
l’Oméga de la carrière politique, il n’y a aucune raison de réserver aux plus petits partis
uniquement l’adjectif « alimentaire ». La mangeoire est au contraire un dénominateur
commun.
L’estomac est un organe dépourvu de sens moral qui fait son affaire tout aussi bien de
gras morceaux mal acquis que du pain sec honnêtement gagné. Pour peu qu’on y réfléchisse,
c’est là que le monde est mal fait ! Si l’estomac rejetait la nourriture de provenance
éthiquement douteuse, les choses seraient bien différentes de ce qu’elles sont. Des esprits
chagrins vous diraient que, s’il en était ainsi, on verrait bien des riches mourir de faim… Très
symptomatiques à cet égard ont été les votes de la révision de la Constitution et de la loi
électorale. Les deux projets visaient à perpétuer le pouvoir actuel, le premier en instaurant la
présidentielle à un tour, favorable à JKK, le second en modifiant l’attribution des sièges d’une
manière favorable aux grands partis. En apparence, le tour unique est « passé » de manière
classique, majorité contre opposition, mais le second projet a été rejeté, d’une manière à nos
yeux aberrante, par des votes négatifs venant en grande partie de la Majorité. La logique
« alimentaire » permet de l’expliquer. Tout qui doit sa place au fait d’évoluer dans l’ombre de
JKK estime que le maintien de sa situation matérielle exige que celui-ci soit réélu. D’où le
premier vote. Par contre, toucher au découpage des circonscriptions, à la proportionnelle,
voire assurer une meilleure représentation des femmes, tout cela menace le pot-au-feu familial
et doit être rejeté.
Comme il est bien connu, le ventre n’a point d’oreilles, même quand il n’est pas creux,
la préoccupation alimentaire est « l’impératif catégorique » des carrières politiques
congolaises et, exactement comme on cherche, dans le domaine de l’emploi à « garder sa
place » pour garantir sa tartine, on cherche à garder son siège L’enjeu est moins la victoire
d’un parti que la réélection des mêmes, laquelle est perçue plus comme l’accès à un emploi
que comme une manière de servir une idée ou une cause. Un exemple : Jules Kasereka
Mungwana, maire honoraire de Beni (Nord-Kivu), affirme avoir quitté le PPRD, le parti
présidentiel, à la suite de « tant de promesses non tenues », pour adhérer au RCD/KML, un
autre parti de la coalition au pouvoir. « Plusieurs fois j’ai été nourri de fausses promesses
d’être nommé conseiller au cabinet du gouverneur ou ministre provincial. Lassé, j’ai fait un
nouveau choix », se défend-t-il.
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Indépendants ! Cha Cha ?
La pléthore pourrait donc bien s’expliquer par le fait que, dans le contexte social de la
RDC, la carrière politique apparaît comme l’une des seules à être à peu près rentable à coup à
peu près sûr. On pose donc sa candidature à peu près comme on répond à une petite annonce,
and se disant « On verra bien » !
Concurremment avec ce « rush », on observe une tendance qui, elle, s’était déjà
manifestée en 2006 : la multiplication des candidatures d’indépendants dépourvues de toute
logique.
Je ne veux évidemment pas prétendre qu’un candidat indépendant serait en soi chose
absurde et illogique. Mais on reste quand même rêveur devant bien des candidatures portant
cette étiquette, parce que des hommes qui durant toute la législature se sont ralliés à la
majorité ou à l’opposition se présentent soudain, le sourire aux lèvres, comme des « candidats
indépendants », donnant l’impression qu’ils espèrent de la sorte se refaire une virginité.
On peut en donner diverses explications, qui ne s’excluent pas :
- certains peuvent très bien ne plus se reconnaître dans le clivage bipolaire
majorité/opposition, dur et figé, qui domine le paysage politique congolais ;
- il y a sans doute parmi eux des déçus à la façon de Jules Kasereka Mungwana, cité plus
haut ;
- ils ont pu percevoir dans la population un dégoût croissant pour les politiciens et les partis,
et souhaiter donc apparaître comme « différents » ;
- deux thèmes de propagande fréquents étant le « mwana mboka » et le tribalisme, ils peuvent
penser que les étiquette de terroir est une meilleure arme qu’une appellation politique
quelconque ;
- être député, c’est bien, mais être ministre, c’est mieux : un indépendant dont on aurait besoin
pour faire réussir une combinaison pourra négocier lui-même son appui.
Cela pourrait déboucher sur un problème pratique : la CENI va devoir faire imprimer
des bulletins de vote gigantesques, problème auquel seul Le Potentiel du 26 septembre paraît
s’intéresser quand il titre : « Le système de bulletin unique demeure un casse-tête pour la
CENI ». En effet, explique ce journal, la Constitution recommande à la CENI de placer les
photos des candidats, le logo de leur parti, et laisser une place pour cocher le bulletin de vote.
Mais au regard de ce nombre pléthorique des candidats députés, pense Le Potentiel, il est
évident que le système de bulletin unique demeure sans doute un casse-tête pour la
Commission électorale nationale indépendante.
Mais aussi, une telle quantité de candidats signifie que la majorité écrasante de ces
candidats se composera d’illustres inconnus, ou de gens dont la notoriété est tout au plus
villageoise ou paroissiale (c’est le cas de le dire, compte tenu du nombre élevé de « pasteurs »
qui se présente). Devant une profusion d’inconnus arborant de préférence l’étiquette
« indépendant », comment l’électeur fera-t-il son choix ?
Potopoto ?
Quand un phénomène concernant une élection se manifeste avec ampleur (et on ne
peut nier que c’est ici le cas !), se pose naturellement la question de savoir s’il aura des
conséquences favorables à l’un des camps en présence. C’est ici que les commentateurs de la
politique congolaise se voient confrontés à un exercice qui tient de trapèze volant : interpréter,
dans l’optique d’une division bipolaire (MP contre Opposition) un phénomène comme les
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19.000 candidatures qui ressemblent à une « atomisation » de la vie politique. Ce n’est pas le
seul phénomène de fractionnement en RDC. La multiplication des partis y est remarquable : il
y en a, au bas mot 400. Or, il est difficile de concevoir que l’on puisse trouver, dans toutes les
bibliothèques dédiées aux sciences politiques dans le monde, 400 idéologies différentes,
même en tenant compte de celles qui ne sont séparées que par des nuances infimes. Cela
reflète donc une tendance à la diversité, voire au fractionnement, qui n’est pas moins forte que
l’aspiration à l’unité qui se marque dans la multiplication des cartels, coordinations et unions
Cela suggère à tout le moins que la clé de lecture bipolaire ne doit pas être, à elle seule,
suffisante !
Les législatives congolaises se font à la proportionnelle « au plus fort reste 2». Ce
mode de scrutin est le plus favorable à ce que toute la diversité de l’électorat se reflète dans
l’Assemblée qu’il s’agit d’élire. C’est incontestablement le plus favorable aux petits partis et
aux candidatures indépendantes. Il faut aussi tenir compte de ce que les législatives se font par
circonscription, contrairement à la présidentielle pour laquelle le pays entier forme une seule
circonscription. Enfin, il faut compter avec l’effet « enfant du terroir » : au Congo, un
politicien minable est celui qui « n’obtient même pas la majorité dans son village3 ». Ce vote
en fonction du terroir mènera fatalement à un certain nombre de voix « perdues ». parce
qu’éparpillées entre trop de candidats. Ceux qui tireront les marrons du feu seront les partis
importants. Mais il faut préciser : importants localement. En effet, ceux qui ne désirent pas
voter pour le parti dominant dans leur région auront le choix entre de trop nombreuses
alternatives, diront « non » de tant de manières différentes que leurs votes éparpillés se
perdront en grande partie. Et ainsi, paradoxalement, l’éparpillement devrait bénéficier au parti
localement dominant soit, s’il y a une certaine stabilité par rapport à 2006, au MLC dans
l’Equateur, au PPRD au Katanga, au PALU dans le Bandundu… Cette règle générale
n’empêchera sans doute pas quelques surprises locales avec l’élection, par ci par là,
d’indépendants inattendus.
Mais cela ne devrait pas influer outre mesure sur les questions qui sont les grandes
inconnues de ces législatives : quels seront les scores de l’UDPS et des partisans de Kamerhe
et Kengo ?
La présence de l’UDPS dans la course devrait amener un certain chambardement dans
la situation actuelle. Mais la seule chose claire que l’on sache, pour le moment, c’est que cela
va sans doute réduire considérablement la représentation parlementaire du MLC, parce que ce
parti avait largement bénéficié du report des voix des « frustrés de l’UDPS » lorsque ce parti
ne se présentait pas. Il est de toute façon souhaitable qu’une famille politique d’une certaine
importance prenne sa place légitime dans le paysage politique congolais, y compris les
assemblées et institutions. Cela reste vrai quelles que soient finalement le poids et la taille
réelles de ce parti, que les élections permettront précisément de connaître. L’inconnue qui
demeure c’est à qui la présence de l’UDPS fera-t-elle le plus mal, en dehors des voix qui en
2006 avaient été vers Bemba ou Kashala ?
2
Cela signifie que, les sièges pour lesquels des listes ou candidats ont obtenu le nombre de voix correspondant
au « quotient électoral » ayant été attribués, les sièges encore à attribuer vont aux listes ou candidats ayant
obtenu le plus des voix « restantes », même si leur nombre est inférieur au « quotient ». Une autre solution
possible est de les reporter dans un « pot commun », par apparentement.
3
Lors des campagnes électorales, de petits malins essaient d’avoir plusieurs villages : celui où ils sont nés, celui
d’où venait leur père, celui d’où venait leur mère… Cette tactique n’est pas purement sentimentale : celui qui
affirme que « le pays de ses ancêtres est resté cher à son cœur » est censé en apporter la preuve en faisant de
« petits cadeaux ».
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Toutes ces questions risquent d’être rendues encore un peu plus confuses par la
pléthore de candidats et d’indépendants dépendant de tout le monde.
« Tactique » à double tranchant ?
Jacques Ndjoli a évoqué aussi "une approche tacticienne". Celle à laquelle il fait le
plus clairement allusion consiste à offrir aux électeurs des « choix » qui n’en sont pas, en
présentant un seul et même parti sous plusieurs emballages différents.
Une autre tactique très courante en politique congolaise, consiste à déforcer un
adversaire en lui suscitant des concurrents susceptible d’être sympathiques aux mêmes
électeurs que lui, généralement pour des raisons d’ethnie et de région. C’est la tactique,
abondamment conspuée par les Congolais, des « faux opposants ». Cette tactique, autour de
laquelle on fait beaucoup de bruit - et pas toujours à bon escient ou en toute bonne foi – à
l’échelon national, peut être reproduite à plus petite échelle et jusqu’à l’échelon villageois.
L’emploi très fréquent de cette ruse montre à suffisance qu’on la considère comme
efficace et cela, aussi, pourrait être l’une des causes de cette inflation des candidatures que
l’on vient de constater. Elle peut cependant réserver des surprises car, à chaque fois qu’on y
recourt pour jeter un concurrent dans les jambes d’un autre candidat, on se suscite aussi un
concurrent à soi-même. Autrement dit, à supposer que, dans une circonscription, les partisans,
disons, de Kabila, mettent en circulation un « outsider » X avec l’espoir qu’il va prendre des
voix, disons, à l’UDPS, il existe un risque que X prenne des voix aux amis de Tshisekedi,
mais aussi à ceux de Kabila.
De plus, quand la chose prend des proportions telles que, par endroits, on en arrive à
présenter plus de candidats qu’il n’y a de sièges à pourvoir, on finit par se mettre tellement de
bâtons dans les roues que tout le monde va trébucher dans les fagots ainsi rassemblés.
Enfin, le choix beaucoup plus large que les électeurs auront aux législatives par
rapport à la présidentielle va augmenter les chances que les deux résultats ne soient pas
identiques. Les chances que le président élu se trouve en situation de « cohabitation » s’en
trouvent accrues. Il se pourrait aussi que la composition du futur Parlement soit telle, que la
composition d’une majorité
stable soit difficile, même avec de nombreux élus
« indépendants » toujours prêts à « faire l’appoint ». Cela pourrait mener à une longue crise
gouvernementale, ou à une majorité ne correspondant ni à la MP actuelle, ni à ce qui est
présentement l’Opposition.
Crédibilité, mon cher souci…
Le spectre de la Côte d’Ivoire plane actuellement au-dessus de tout événement
électoral africain. Il est là pour rappeler que les élections doivent être acceptées et que, pour
cela, elles doivent être crédibles.
Or, le moins que l’on pisse dire, c’est que la crédibilité de la CENI a déjà du plomb
dans l’aile. Mais la pléthore de candidats risque fort d’aggraver encore cette situation.
D’abord, parce que, si la CENI tient ses promesses de « dépouillement à la main », celui-ci va
prendre énormément de temps. Pendant ce temps, les bruits les plus fantaisistes, les résultats
partiels (et totalement « bidonnés »), bref, la Rumeur aura tout loisir de naître, de croître,
d’embellir et d’atteindre le niveau du rugissement. Ensuite, parce que la pléthore de candidats
garantit aussi une pléthore de mécontents, donc un déluge de réclamations, engendrant à leur
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tour des actions judiciaires qui retarderont d’autant les résultats définitifs et, par le fait même
qu’une réclamation suppose qu’il y a eu procédé déloyal, accroissant l’énervement. A force
de faire monter la tension, le moment arrivera fatalement où l’explosion se produira.
Et il va de soi que si, pour éviter les retards qui engendrent des tensions, on revient en
arrière pour ressortir le comptage électronique, on obtiendra en réaction une explosion
d’indignation qui aura l’effet qu’on voulait précisément éviter.
Un état se construit de bas en haut
C’est là une vérité que l’on a eu grand tort d’oublier. Nous avons dit4 l’incroyable
solidité des sociétés traditionnelles, du fait de leur capacité à rester vivantes même quand
l’état dont elles faisaient partie a disparu. Il y a là une solide valeur dont les états africains
devraient tirer parti en se construisant, eux aussi, de bas en haut. Ils tireraient ainsi parti d’une
richesse de leurs cultures traditionnelles, qui ne leur coûterait pas un centime et qui, faisant
partie de leur tissu humain, se retrouve même chez le plus illettré de leurs paysans. Ne seraitce pas un avantage par rapport à l’importation de couteux gadgets occidentaux accompagnés
d’experts dispendieux, et plus respectueux de la population que la formule « De toute façon,
ces attardés de la brousse n’y comprendront rien » ?
La RDC, par exemple, a magnifiquement raté une occasion historique en 2006, en ne
respectant pas le calendrier initialement prévu par les accords de la Transition, qui
prévoyaient d’organiser les élections en commençant par le niveau local puis de grimper,
échelon par échelon, jusqu’à la Présidentielle. Et l’on se prépare à remettre ça en 2011 !
Pourquoi ? Tout simplement pace que l’Occident, qui finançait les élections de 2006 et
participera à financer celles de 2011, a fondamentalement besoin d’un pouvoir central, qui
puisse lui vendre à bas prix les immenses richesses minières du Congo. Du moment qu’il y a
quelqu’un pour signer les contrats, il n’en demande pas plus !
La possibilité de rouler les broussards dans la farine tient fondamentalement à leur
manque d’information quant aux affaires nationales. Par contre, quand il s’agit d’affaires
locales, ils ont l’avantage du milieu rural : tout le monde se connaît. En milieu rural, on
connaît son voisin jusqu’à la couleur de ses chaussettes et l’on sait ce qu’il préfère manger à
son petit déjeuner. Cela fait de l’électeur de brousse un électeur redoutable pour des élections
locales. En 2006, il s’y serait ajouté un autre avantage : le pouvoir de transition étant
provisoire, donc en un certain sens inexistant, on pouvait ne pas le craindre. Car il y a toujours
une tendance, en Afrique, à n’avoir qu’une confiance relative dans le secret du vote, et à
craindre les représailles du pouvoir si l’on vote « mal ».
Non seulement il y aurait avantage à commencer par des élections locales, mais on
peut se demander s’il n’y aurait pas avantage à ce que le niveau suivant, par exemple la
province, soit élu par les assemblées issues de ce premier scrutin. Il y a certes un préjugé
favorable au suffrage universel direct. Mais il n’empêche pas d’élire à peu près partout des
assemblées (le plus couramment baptisées « Sénat ») élues au suffrage indirect (en RDC, par
les parlements provinciaux). Rien n’empêcherait d’ailleurs de combiner les deux systèmes, et
d’avoir des assemblées élues pour partie au suffrage direct et pour partie suivant un autre
mode !
4
Voir le numéro 9 de cette même sé&rie.
10
Si l’on veut bien m’accorder que la supériorité du suffrage local, c’est qu’il est donné,
bien plus que tout autre, en connaissance de cause, il faut ajouter que, plus un suffrage est
local, plus il est donné en connaissance de cause aussi du point de vue qui est, en Afrique,
l’une des peaux de banane sous le pied du politique : le tribalisme.
Les ruraux connaissent leurs voisins, mais ce voisin n’est pas forcément de leur ethnie.
Les différents groupes ne vivent pas en vase clos, se connaissent entre eux et passent leur vie
ensemble. Et ceci en bien plus d’endroits et pendant plus longtemps que ce que durent les
« querelles ethniques » qui sont la seule chose dont on parle. A force de ne parler de ce qui est
tribal que sous l’angle de la haine, on finit par se comporter comme si se haïr était la relation
interethnique par excellence. Si c’était le cas, l’Afrique n’aurait plus, depuis belle lurette,
aucun habitant. Mais chacun ne connaît que quelques ethnies voisines. Les habitants de l’autre
bout du pays, surtout quand il est vaste, sont des Martiens, ou peu s’en faut. Un Tetela du
Sankuru a une bonne idée de ce à quoi ressemble un Songye. Il peut en avoir un comme
voisin. Il peut donc le connaître bien, et estimer que cet homme a les qualités voulues pour
siéger dans une assemblée provinciale où il est légitime que son ethnie soit représentée aussi.
Il se pourrait fort bien que, de proche en proche, ce système qui permettrait aux votants de
dépasser le tribalisme en connaissance de cause élimine une bonne partie de l’éternel
contentieux sur les ethnies sur- et sous-représentées.
Charger chaque niveau de représentation de désigner ceux qui iront siéger à l’échelon
suivant a été le système employé par pratiquement tous les anciens états africains. Et à en
juger par ce qu’en ont dit les voyageurs les plus anciens, qui les ont encore vu fonctionner
dans leur plénitude, cela marchait au moins aussi bien que dans les autres parties du monde.
Pourquoi ne pas essayer d’en tirer parti ? Parce que cela ne garantirait pas aux investisseurs
étrangers d’avoir comme interlocuteur, au bout du compte, un ministre prêt à signer
n’importe quoi ? Cela revient à demander si l’état est là pour servir les autochtones ou les
intérêts étrangers.
11
L’éternelle question de la nationalité congolaise :
Le cas Vital Kamerhe.
Par Vital BARHOLERE
Bien évidemment on pourrait écrire tout un livre sur cette question de nationalité et de
citoyenneté dont le cas Kamerhe nous sert de miroir, mais je m'efforcerai d'être bref... Nous
devons nous entraider. Et une manière de le faire est d'attirer, entre nous, l'attention sur
certains pièges dans lesquels nous ne devrions tomber.
1.
DE LA NATIONALITE DE KAMERHE
1. Le cas Kamerhe est complexe. Je ne vais pas m' hasarder à éclaircir le flou apparent
qu'il entretiendrait lui-même sur ses origines, car je n'en ai pas la compétence. Je ne voudrais
pas faire l'avocat du diable, comme dirait la Bible, il est assez grand pour se défendre luimême. Il serait d’ailleurs, le grand bénéficiaire de cet éclairage. Cependant, étant Mushi moimême et chercheur en géopolitique de la région des grands lacs, il ya certaines évidences
(provisoires) qui sautent à mes yeux:
- Le mot "Kamerhe" existe bel et bien en Mashi. Il signifie : " une chose (un être) de peu de
valeur", fragile, de peu d’importance. Je ne me positionne pas dans la connotation, ni la
charge morale que pourrait avoir un tel nom, ce n'est pas le but.
- Trois personnes de l'âge de mon papa, m'ont confirmé que Vital Kamerhe est bel et bien né à
Bukavu et non à Cyangugu. Pour qui le veut, il serait intéressant de vérifier les archives
d'hôpitaux s'il est né à l'hôpital. Mais je fais foi en ces personnes car elles n'avaient aucun
intérêt à inventer son lieu de naissance.
- Sa maman, M' Nkingi (comme ma propre mère) est une princesse du royaume de Ngweshe.
Là, il n' ya aucune discussion.
- Son père Constantin a bel et bien fait ses études primaires et secondaires dans le Kivu (Bushi
et Bukavu). Il fut même collègue de classe de mon propre papa. Des sources vérifiables sont
encore en vie (à suivre).
- Les Kamerhe, (sa famille) ont un village dans le Ngweshe depuis au moins deux générations
(c'est moi qui précise le temps).
Jusque là, tout est clair et simple; mais ces infos peuvent déjà corriger quelques
inexactitudes que je lis ça et là sur internet. La grande question est de savoir si ses parents, ses
grands-parents, voire ses ancêtres, seraient Rwandais ( au sens actuel de l'Etat Rwandais) et
donc Non-Congolais.
12
Cela étant donné, je cite le texte du CRAAC: "Il est né un certain 4 mars 1959, à
Cyangugu, au Rwanda, poste frontalier avec le Congo dans le Sud-Kivu. Sa grand-mère est
Rwandaise et vit encore à Cyangugu et son cousin est le général de brigade rwandais Gratien
KABILIGI. Fils de Constantin, arrêté les 18 juillets 1997 par le Tribunal Pénal International
pour le Rwanda et transféré à Arusha, en Tanzanie. Leur grand-père commun est M.
KANYIGINYA du clan royal Hutu des Banyiginya de la Préfecture de Cyangugu. Le général
Gratien KABILIGI est né à Rusunyi en décembre 1951 et il a fait ses études secondaires au
Collège St Paul à Bukavu, sous les bons soins de son oncle paternel Constantin KAMERE.
Avant le génocide de 1994 au Rwanda, le général Kabiligi était commandant des opérations à
Byumba, au Rwanda, avant de devenir commandant des opérations au Sud-Kivu pendant
l'aventure de l’AFDL".
Cette question est complexe. En tant que chercheur, je ne dispose pas encore de toutes
les réponses, mais je me permets de vous faire part de mon point de vue actuel, à ce stade du
débat.
- Je formule l'hypothèse que Constantin Kamerhe, le Papa de Vital Kamerhe est né dans les
frontières de l'actuelles Congo puisqu'il y a fait l'école primaire avant l'indépendance. S'il n’y
est pas né, il y serait alors arrivé très petit avec ses parents migrants (les grands-parents de
Vital
K).
A l'époque (avant ou au début de la colonisation) le Royaume du BUSHI était déjà un ETAT
et une NATION au sens moderne de ce mot. Il avait une forte organisation territoriale à la
fois centralisée et décentralisée, une armée dont la force est reconnue dans toute la région et
au delà, etc.
Comme tout Etat organisé, il recevait des migrants fuyant soit les disettes, soit les guerres qui
étaient nombreuses dans la région des grands-lacs à l'époque précoloniale. Ces migrants
étaient intégrés dans la population et devenaient des Bashi. Ce fut le cas des quelques
Barundi, Banyarwanda, Barega, etc, que les Bashi appelaient sous le nom générique des
"Babembe".
En résumé, si les grands-parents de Vital Kamerhe étaient des migrants, étant donné
qu'ils ont été assimilés aux Bashi (par l'acquisition de la terre au Bushi, les mariages, le
respect des lois du pays du Bushi, etc.), ils sont devenus ipso facto des BASHI. Partant de là,
ils sont Congolais au sens juridique du mot. Cela, parce que appartenant à un des peuples qui
existaient à l’intérieur des frontières de la RDC en 1960 (voire 1885).
Si tout mon raisonnement tient, ma première conclusion " est donc que Vital Kamerhe
est CONGOLAIS de droit.
Allons maintenant à son lien éventuel avec le Rwanda actuel (Cyangugu où vivrait
sa grand-mère, son oncle le général Kabiligi, son grand-père Kanyiginya, etc.). Ici, les choses
me paraissent plus simples. Mais il m'a fallu des années de recherche pour le comprendre et
aller au delà des contes qui ont bercé mon enfance.
1. Dans la mythologie et l'historiographie shi, L'actuelle dynastie shi vient de
LWINDI, aux confins de la forêt équatoriale, au pays REGA. Cette dynastie descendrait de
Namuhoye fille de NALWINDI (le roi de LWINDI). Cette femme est le point de départ de
toute notre histoire. A la recherche des nouveaux pâturages (les Bashi sont un peuple
agriculteur et éleveur), elle aurait migré vers les collines du Bushi actuel accompagnée de ses
sept enfants : Kalunzi, Nachinda, Narana, Naninja, Muganga, Kabare-Kaganda et Nalwanda.
Pour faire court, ces enfants ont crée chacun une principauté. Les Bashi sont un peuple
13
étendu sur sept royaumes indépendants mais solidaires. Kabare -Kaganda (ou Nabushi) devint
le roi du "grand" Bushi actuel (Kabare et Ngweshe).
Mais son jeune frère NALWANDA (propriétaire du LWANDA) alla au delà de la
rivière RUZIZI pour fonder un royaume que l'on appela LWANDA et que les Européens
traduisirent par RWANDA. Ce royaume s'étendait sur les terres de l'actuelle préfecture
Rwandaise de Cyangugu à l'Ouest du Rwanda. Donc, pour faire court, les habitants de cette
province sont bel et bien des BASHI. Et c'est d'ailleurs comme cela que les nomment les
autres Rwandais du Rwanda actuel. KABILIGI serait donc un d'eux, mais aussi Faustin
TWAGIRAMUNGU qui fut premier ministre du Rwanda.
Je propose ici de ne pas tomber dans l'anachronisme, de ne pas juger les faits du passé
avec les critères d'aujourd'hui. Si nous prenons chaque élément dans son contexte, il me parait
normal que Vital Kamerhe ait un oncle, de la parentèle à CYANGUGU, puisque ces terres
étaient SHI. Partant de là (sans qu'ils ne sachent eux-mêmes) ON DIRA QUE LES BASHI
SONT UN PEUPLE TRANSFRONTALIER.
NB: Ce qu'il faut savoir est que le RWANDA ANCIEN PRECOLONIAL était un
petit royaume qui ne couvrait pas l’ étendue du Rwanda actuel. Il se limitait aux régions du
centre, proches de Kigali (le Bugesera).
Jusqu'à la veille de la colonisation (ce petit royaume Rwanda ancien, tentait encore
sans succès de conquérir les terres de l'Ouest du Rwanda actuel (voir les expéditions militaires
de Rwabugiri dans le Bushi vers 1860). Mais se heurtait chaque fois aux troupes des Bashi qui
les taillaient en pièces. Cela fait que jusqu'en 1926, il subsistait encore dans le KINYANGA,
l'actuelle préfecture de CYANGUNGU deux royaumes SHI indépendants : le BUKUNZI et le
BUSOZO. Leurs rois (que les Européens ont appelés Hutus), étaient des princes Bashi
descendant de NALWANDA. Le dernier nommé NGOGA a été déposé par les Belges en
1925. Il est mort en prison à Kigali à la suite de sa résistance. C'EST DONC LA
COLONISATION (et non la conquête comme diraient les Rwandais actuels) qui a fait passer
ces terres Shi à l'Etat actuel et moderne du RWANDA.
Que conclure ?
Scientifiquement parlant Vital Kamerhe est Mushi. Peu importe que ses arrières
grands-parents soient potentiellement venus de Cyangugu. Il y avait à l’époque une continuité
territoriale que la colonisation allemande et belge a rompue. C’est la délimitation des
frontières qui a séparé en deux, un peuple qui s’étendait sur les deux rives de la Ruzizi, sur
des principautés SHI incluses dans l’actuelle Rwanda. Du pont de vue du droit, Vital
Kamerhe est Mushi et par extension Congolais.
Si un jour il devait y avoir Berlin II, comme l’avait demandé certains dignitaires
Rwandais, c’est le Congo qui devrait demander la restitution des terres du KINYANGA au
Rwanda et non l’inverse. PS : si Kamerhe est ethniquement Mushi comme je viens de l’écrire,
pourquoi maintiendrait-il alors un flou sur ses originaire, pourquoi zigzaguerait-il avec son
identité ?
Mon hypothèse est que s’il savait qu’une partie de sa famille vivait à Cyangugu ou
avait des origines de cette région, jeune, il ne pouvait en être fier. Car avec la colonisation, la
scission du peuple Shi sur deux territoires différents (Congo et Rwanda) a fini par créer deux
14
identités différentes. Par ignorance de l’histoire, les Bashi du Congo ont finit par ne plus
reconnaître les Bashi du Rwanda comme les leurs. Pour eux ils sont Rwandais. Or, à une
certaine époque, lorsque nous étions jeunes, il n’était pas glorieux de se faire traiter de
Rwandais. C’était même injurieux. Le jeune Kamerhe aurait ainsi appris à se dissimuler,
surtout qu’il aurait fréquenté d’autres Bashi (comme MUSHOBEKWA) qui ont longtemps
souffert de ce rejet. Ainsi est faite l’histoire des peuples et des identités ! Cela dit, rien
n’exclut que lorsqu’il pouvait tirer avantage de cette ambivalence il ne l’ai fait.
JE NE CONFIRME RIEN CE N’EST QU’UNE HYPOTHÈSE DE TRAVAIL
LA DANGEROSITE DE CERTAINS PASSAGES DU TEXTE DU CRAAC
Ici je voudrais juste souligner que le langage utilisé dans certains passages de ce texte
me paraissent inapproprié, si pas inacceptable pour tout démocrate.
Il s’agit des passages globalisant, amalgamant, qui risquent de jeter l’opprobre sur tout
un peuple, un groupe, alors que l’on sait qu’il existe des différences de vision voire des
différends au sein d’un même peuple, d’un même groupe ethnique, etc. « Les mêmes
qualificatifs dénoncés par tous ceux qui connaissent bien tous les Tutsi. En réalité, il est donc
prudent de faire attention quand nous parlons d'un Rwandais et ou d'un Tutsi car il n’y a pas
de différence par leur façon de percevoir la vérité. C’est dire que toute leur existence sociopolitico-économique est émaillée par les mensonges dépassant tout entendement du plus petit
au plus grand en passant par les autorités publiques. C'est dans leur nature ». Un tel passage
est à mes yeux de démocrate inacceptable. Qu’il vienne d’un collaborateur ou d’un Kyungu
wa Kumwanza. On ne peut généraliser, globaliser.
Laisser passer ceci, sans réagir, c’est le cautionner. Je pense que tout démocrate est
appelé à traiter l’adversaire, voire l’ennemi avec élégance, faute de respect à son égard.
Certains diront qu’eux globalisent dans les injures qu’ils profèrent à l’endroit du peuple
Congolais, ce n’est pas une raison de nous rabaisser jusqu’à leur niveau.
En passant, dans une récente interview sur internet, j’ai entendu un haut cadre de
l’UDPS traiter le Président Kabila de « bosoto ». Mon point de vue, est que même si l’on ne
respecte pas l’homme, on pourrait se faire violence et respecter ne fût-ce que la fonction qu’il
occupe. Lorsque l’on est vraiment fâché, la grandeur oblige de garder une certaine urbanité,
me semble t’il.
DE L’EFFICACITE DE CE MESSAGE
Dans cette période préélectorale, quel effet un tel message pourrait avoir sur
l’électorat Congolais ?
Je ne pourrais me prononcer sur l’impact d’un tel message dans provinces dont je ne
maîtrise pas la manière de fonctionner. Pour le Kivu et particulièrement le Sud-Kivu, je peux
affirmer sans grand peur de me tromper qu’un tel message n’aura presqu’aucun impact. Je
constate que l’électorat du Kivu a surtout tendance à voter par « pragmatisme » que par
« émotion ». En 1961, ils avaient refusé de verser dans la sécession Katangaise, même si la
proposition leur avait été faite au nom du clivage linguistique (swahili versus lingala).
15
En 1992, ils avaient voté massivement pour Tshisekedi à la Conférence Nationale,
puis l’ont soutenu contre Nguz et même Faustin BIRINDWA leur propre fils Shi.
En 2006, ils ont voté massivement pour KABILA (pour la paix), mais ont été les
premiers à le huer et le rejeter à peine quelques mois après. Eux qui connaissent mieux les
Rwandais plus que n’importe quel peuple du Congo, eux qui sont les premières victimes de la
barbarie Rwandaise ont paradoxalement été insensible à l’argument de la non-congolité de
Joseph Kabila en vogue à l’époque à l’Ouest du Congo.
Toutes ces raisons m’amènent à penser que si Tshisekedi ou un autre candidat veut
battre Kamerhe et Kabila au Kivu, il serait plus raisonnable d’user des arguments plus
rationnels et plus probants : ex le bilan de ces deux candidats.
Trop pousser sur la question du Rwanda, risque (comme c’est le cas déjà) d’amener
des gens à demander à Etienne Tshisekedi de justifier pourquoi il a été signé des accords avec
le Rwanda à Kigali, au moment le plus dur d’occupation du Kivu par le RCD. Attention au
retour du balancier, à l’effet boomerang5.
RDC-Législatives : Le nouveau visage de l'opposition
Par Christophe RIGAUD6
Le 28 novembre prochain, les élections législatives se dérouleront le même jour que
l'élection présidentielle en République démocratique du Congo (RDC). 19.497 candidats se
disputeront 500 sièges. Un record de candidatures qui a pour effet de recomposer totalement
l'opposition congolaise.
Avec des élections législatives couplées à la présidentielle, l'avenir politique de la RD
Congo se jouera donc entièrement le 28 novembre 2011. Si les candidats ne se bousculent pas
pour la présidentielle (11 candidats contre 33 en 2006, scrutin à un seul tour oblige), la course
à la députation fait recette : 19.497 candidats vont en effet se disputer les 500 sièges de
l'Assemblée nationale, selon la liste provisoire de la Commission électorale nationale
indépendante (CENI). Un record de candidature, à la limite du ridicule, comme à Kinshasa où
une centaine de candidats se présentent sur 1 seul siège dans un quartier de la capitale.
5
Quelques références indicatives:
Paul Masson : Trois siècles chez les Bashi, Presse Congolaise, Bukavu
Jean-Pierre Chrétien : L’Afrique des grands lacs, 2000 ans d’histoire, Flammarion
Jan Vansina « Le Rwanda ancien » L’Harmattan
Alexis Kagame « Histoire du Rwanda »
Message de la communauté SHI à la conférence de Goma
6
Repris à AFRIKARABIA
16
L'opposition se redessine
Mais à regarder ces candidatures de plus près, on perçoit surtout une nouvelle
redistribution des cartes dans l'opposition congolaise. Dans son blog, Congo Siasa, Jason
Stearns dresse la liste du nombre de candidats présentés par chaque parti : le MLC de JeanPierre Bemba : 237 candidats, le PPRD de Joseph Kabila : 545, l'UDPS d'Etienne Tshisekedi:
377, l'UFC de Léon Kengo: 334 et l'UNC de Vital Kamerhe : 450. Plusieurs enseignements
sont à retirés de cette comptabilité. Tout d'abord, l'affaiblissement du MLC, plus grand parti
d'opposition, en proie à des luttes intestines et à l'absence de son patron à la présidentielle
(Jean-Pierre Bemba est en prison à La Haye). Le MLC risque de beaucoup perdre dans cette
élection et notamment son statut de premier parti d'opposition.
Deux autres partis risquent de lui ravir la place : l'UDPS d'Etienne Tshisekedi, absent
en 2006 pour cause de boycott et la toute nouvelle UNC de Vital Kamerhe, omniprésente avec
ses 450 candidats, alors que l'UNC n'a pas encore 1 année d'existence. Jason Stearns note que
l'UNC a réussit l'exploit de lever des fonds importants pour présenter des candidats dans plus
de 85% des sièges (d'où vient l'argent ?). L'UDPS est moins présente que l'UNC, avec 377
candidats, mais pour Jason Stearns cela traduit une stratégie minutieuse du parti de Tshisekedi
: celle de présenter des candidats à des sièges qu'ils sont sûrs de remporter. Quand au PPRD,
le parti présidentiel, il aligne le plus grand nombre de candidatures (545) et espère ainsi
bénéficier d'une majorité confortable à l'Assemblée nationale. Mais avec 19.497 candidats
pour 500 sièges à pourvoir, Joseph Kabila court un risque : être élu d'une courte tête à la
présidentielle et ne pas avoir de majorité stable à l'Assemblée. Un risque réel quand on sait
que le Premier ministre qui sera nommé après l'élection présidentielle devra être issu d'une
"majorité" à l'Assemblée... une majorité qui pourrait être très "hétéroclite".
J’ai laissé derrière moi un Congo qui se consume du fait de « l’Homme
Congolais »
(Carnet de voyage d’un natif du Congo )
Un climat préélectoral qui interpelle et invite à réfléchir sans faux-fuyants
Par Jean-Jacques Wondo Omanyundu
Revenant d’un séjour d’environ trois semaines en RDC entre fin
juillet et mi août et ayant observé de façon avisée l'humeur
sociopolitique locale en cette période préélectorale enfiévrée, il y a de
fortes craintes à prédire des jours sombres pour les kinois et les
populations de certaines villes de l'arrière-pays dans les mois à venir;
tant le décor de l'embrasement semble bien planté. D'un côté, une
certaine population, très agitée, excitée, échaudée et prédisposée à en
découdre à tout prix. De l'autre, les services de sécurité, en alerte et sous "préavis zéro"
(jargon militaire), très nerveux, déployés sur l’ensemble des points chauds de la capitale et
quadrillant discrètement toute la ville. Il ne manque plus que l'étincelle pour mettre le feu à la
poudrière. Tout cela dans un contexte électoral où le risque de gagner ou de perdre (par fraude
ou en toute transparence) semble donné à chaque camp en compétition, au regard des
candidats en lice. Mais aussi où tout le monde ne semble pas disposé pour jouer correctement
le jeu de la compétition électorale. Mon souhait le plus profond est que la tenue des élections
17
se déroule dans un climat très apaisé, loin de toutes provocations inutiles de part et d'autre.
Car le Peuple sera une fois de trop la première victime de l'irresponsabilité politique
récurrente de toute cette classe politique, du pouvoir comme de l'opposition, incapable d'offrir
un bien-être décent à ses concitoyens. Et notre pays a tellement perdu ses filles et fils qu'il
faudrait que tout patriote congolais, pour autant que cela dépende de lui, du pouvoir comme
de l'opposition, fasse ce qu'il doive faire pour éviter que le sang congolais coule encore pour
rien!
Je reviens du pays assez perplexe, si pas désabusé. Même si je dois reconnaitre
quelques avancés réalisés ça et là, triste est de constater que ce petit effort de reconstruction
initié soit annihilé par l'absence totale de l'Etat. Un Etat qui a démissionné dans tous ses états
et ses attributs de sa fonction essentielle. J'ai laissé derrière moi un pays où les conditions
sociales se trouvent au bord de l'implosion.
J’encourage du fond de mon cœur tous les congolais qui sont tentés de participer aux
prochaines échéances électorales, toutes tendances politiques confondues, à placer en pôle
position de leurs projets et actions politiques « L'Humain » au centre de leurs
préoccupations. Ils doivent réellement s'engager à faire le plus de bien possible au Peuple
Congolais. Cela passe par la refondation et la restauration de l'Etat. Mais l'Etat ne peut exister
qu'au travers de l'Homme. Or c'est à ce niveau que le bât blesse: L'« Homme
Congolais ». L'Homme qui doit naître de nouveau car c'est lui la Source du Mal Congolais, si
pas le Mal lui-même du Congo. Au vu de ce que j'ai vécu et du scénario politique qui se
profile en vue, il y a lieu d'être des plus sceptiques. Le bout du tunnel ne me semble pas pour
demain. Car cet Homme Congolais reste une variable immuable, ou invariant tant du côté du
pouvoir que celui de l'opposition, voire de la société civile (Eglise,...). D’où le paradoxe qui
fait que quelle que soit l’issue des élections, le sort du congolais semble scellé du fait de l’
« Homme Congolais ».
Je prends pour illustrations deux cas :
1°) Lorsqu’au milieu des années 1990, la situation du Zaïre ne tenant qu’à un fil tant
le niveau de faillite de l’Etat avait conduit le pays à un enlisement total, le Peuple Congolais
avait accueilli sous des chants de joie de victoire et des cris de « libérateurs », une partie de
nos compatriotes armés par les Etats-Unis d’Amérique et les Etas voisins de l’Est du pays.
Une adhésion populaire à un mouvement rebelle (AFDL) menant une guerre par procuration
très médiatisée (Ce n’est pas qu’en Libye de Kadhafi qu’on découvre en 2011 une
médiatisation d’une rébellion armée par l’Occident) imposé au Zaïre de Mobutu au départ des
Hauts plateaux de Masisi7. Cela dans l’espoir de leur offrir un lendemain meilleur. La même
promesse tenue à nos populations en 1960 par nos politiciens euphoriques, fort du succès de
la Table Ronde de Bruxelles, leur faisant miroiter que l’Indépendance (Lipanda) signifiait leur
7
Cette comparaison est très peu relevante. Il n’est d’ailleurs qu’à lire la formule « imposer au Zaïre de Mobutu »
pour s’en rendre compte. Ce qui était imposé au Congo, depuis trente ans, c’était Mobutu et son « Zaïre ».
Mobutu n’avait rien de commun avec Kaddhafi, détesté par l’Occident non comme « dictateur », mais comme
anti-occidental ». Quant à la « médiatisation » de la guerre de l’AFDL, elle a été nulle ou négative. Laurent
Kabila n’a jamais eu droit, de la part des médias occidentaux, qu’au silence ou à des tombereaux d’injures. Il est
lassant de lire sans cesse la même négation du caractère légitime de l’insurrection kabiliste, pour la simple raison
qu’on la croit nécessaire pour mettre en doute la légitimité du régime actuel. Or, c’est exactement le contraire : le
plus grave faute que ‘on puisse reprocher à Joseph Kabila, c’est d’avoir complètement trahi la pensée et la ligne
de Laurent Désiré Kabila. (NdlR)
18
bien-être. Qu’en est-il réellement quinze années plus tard ? A-t-on réellement apporté ce bienêtre promis au Peuple Congolais par ces « libérateurs » qui continuent à diriger le Congo
jusqu’à ce jour? Rien du tout ! Si ce n’est le grand gâchis et le chiffre des six millions de
victimes de la folie humaine congolaise (suivant certaines statistiques).
2°) D’autre part, lorsqu’on observe impuissant, à deux mois des élections
présidentielles, le spectacle éhonté, impudent, dramatique et surréaliste (il n’y pas qu’au pays
de Magritte - la Belgique - que la politique tient du surréalisme ; au moins là-bas les
politiciens se parlent et trouvent des accords !), il y a lieu à se poser réellement et sans fauxfuyants les mêmes questions. Une opposition occupée à étaler sur la place publique, au mépris
élémentaire du Peuple Congolais souverain primaire de qui tout pouvoir tire(ra) se légitimité,
ses
contradictions,
ses
incohérences,
ses
turpitudes
par
des
luttes impulsives et compulsives autour des choix des personnes. Et non des débats d’idées
devant éclairer la population sur les enjeux à venir et leurs programmes d’action devant
concrètement sortir la RDC de ses cendres. Alors, tout semble dessiné pour l’avenir. J’ai
parcouru les rues des quartiers populaires et périphériques de la Capitale, interrogeant ça et là
la population. A ma question de savoir ce qu’elle a retenu du projet politique des grands partis
d’opposition, la réponse la plus souvent entendue était : « Le départ de Kabila ». C’est comme
si ce départ constituait tout un programme électoral et était une fin en soi, car synonyme du
bien-être. Une amnésie collective de toute une population qui semble vite oublier qu’en 1997
elle réclamait la même chose pour Mobutu (Mboka ekufi Mobutu akende tolembi ye) ou en
1960, elle réclamait le départ sans des belges car l’Indépendance allait tout leur apporter. Et
pourtant, depuis le départ de Mobutu, « mboka ezali toujours na cric » et « tozali toujours ko
rond point ».
En réalité et avec un peu de recul, l’on se rendra compte que quelles que soient les
raisons qui ont été avancées hier comme aujourd’hui pour justifier une alternative politique, le
seul vrai leitmotiv constant que plus d’un observateur avisé a compris est la politique
de « ôte-toi de là que je m’y mette », un point un trait ! Bref, le Con-go-lais sera une fois de
plus le dindon de la farce car pris pour un Con alors qu’il attend qu’on, lui offre
du lait à gogo.
Cela me pousse à dire que le Premier Chantier à entreprendre, selon moi et c'est mon
petit conseil aux candidats aux élections, sera de "Recréer le Congolais Nouveau". Pour ce
faire, il n'y a pas de recettes miracles, il faut tout centrer sur l'Humain. Cela passe d'abord et
obligatoirement par la Famille et l’Education (école). Sauver une Famille, c'est sauver une
nation, dit-on ; mais éduquer un Etre Humain c'est construire l'avenir (meilleur) de la
nation. Une nation qui se veut forte et prospère DOIT donner priorité à lapromotion de ses
ressources humaines. Cela passe en premier lieu par la scolarisation et la formation de sa
jeunesse.
Cette sonnette d'alarme, un cri de cœur pour certains ou un coup de gueule pour
d'autres mais un devoir moral et citoyen pour moi.
Bien à vous,
Jean-Jacques Wondo Omanyundu
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Pause « Humour africain »
NI TOUR YETU SASA (C’EST NOTRE TOUR MAINTENANT) :
LETTRE D'UN NEVEU A UN ONCLE DU VILLAGE
« J’AI TROUVE UN BON NOUVEAU BOULOT ! »8
Bien cher oncle Mamona’Mbwa,
C'est la perdrix qui se lève tôt le matin qui mange les termites. La campagne électorale n'a pas
encore commencé. Je me lève tôt.
J'ai vu ta dernière lettre et je dois te dire de te frotter les doigts, car tous tes problèmes
financiers, tous vos problèmes d'avoir une nouvelle école dans le village, toutes vos questions
sur un nouveau pont sur notre ruisseau, trouveront désormais des solutions. Dieu a écouté ma
prière. En fait, je viens d'avoir un nouveau boulot. Un boulot qui paye bien. Surtout qu'il ne
me demande aucun effort musculaire. Et, plus, dans ce pays où pour tout il faudra payer des
taxes, je ne payerai aucune taxe. Surtout que cet argent me vient du pays, en fait de mon
président du parti qui va se (re) présenter aux élections libres et démocratiques.
Il n'y a pas que des toubabs qui en profitent. Nous aussi. Je suis désormais le chargé des bruits
sur internet de notre candidat. En fait, notre candidat n'est pas n'importe qui parmi les onze
que vous avez. Le nôtre est le plus fort. Mais, comme les messieurs de la diaspora que nous
sommes avons besoin du boulot, nous nous faisons ce boulot de répandre du bruit et beaucoup
de bruits sur le net à son sujet. Il est simple mon boulot. Je me mets sur l'ordinateur, je crée
mille et dix mille adresses Email, j'envoie le message de soutiens à ces milles et dix-milles
Email, avec copie au bureau de notre président au pays. Voilà et je suis payé au comptant.
Ni tour yetu sasa… C’est notre tour maintenant de bouffer. Nous allons utiliser toute notre
matière grise à leur soutirer ce que nous pourrons encore soutirer.
Il paye bien mon boulot.
Je suis là aussi chargé de répandre de mauvaises et fausses nouvelles sur la santé des autres
candidats, surtout ce jeune homme-là qui a travaillé aux Nations Unies et qui a des diplômes
universitaires comme les cheveux de la tête ! Surtout aussi contre le vieux-vieux-vieux qui va
mourir bientôt et qui croit qu'il est encore fort pour nous interdire de continuer à jouir de la
mangeoire !
D'ailleurs, ce n'est pas un secret qu'il est bien malade et qu'il a des fesses rongées par des
asticots et des articulations immobilisées par des crampes, mauvais sorts de tous ceux
auxquels il avait participé aux assassinats quand il était l'en-haut-d'en-haut du vieux régime
défunt.
Il paye bien mon boulot.
Mais, c'est con mes boss... comment pensent-ils que je fais du bon travail alors que nous
autres la diaspora, nous n'élirons pas; alors que le bruit que nous faisons sur le net ne s'arrête
que aux frontières de nos ordinateurs ?... Je m'en moque... Donc, le bruit que nous faisons
n'atteint nullement vous autres les électeurs...
En fait, je dois confesser. Ce n'est pas moi qui ai recherché ce boulot. Il est venu à moi et je
saute sur l'occasion. Une chose est vraie : cet argent-là, l'argent du pays, je ne le garderai pas
sur mon compte en banque ici. Il vous sera destiné pour construire l'école du village et jeter
un pont sur notre ruisseau.
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© Norbert X MBU-MPUTU, NI TOUR YETU SASA ! (C'est notre tour maintenant !) Chroniques des
élections en République Démocratique du Congo, MediaComX, Newport –Royaume-Uni, Septembre 2011
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Il paye bien mon boulot... Ce matin, j'ai répandu la nouvelle que le vieux opposant, le vieuxvieux-vieux, le tout vieux, je veux dire, j’ai répandu la nouvelle qu’il est passé ici, lors de son
passage chez les noko, j’ai répandu le bruit qu’il est venu de faire changer son sang. Et, ça
bien payer… Mes chefs à Kinshasa ont fait parvenir l’information à notre directoire chargé de
la mobilisation et de la propagande, je viens d’être payé. Je me garde de révéler le montant.
Le comble est que ces messieurs-ci, mes chefs, ne changeront pas. Ici où je suis, en matière
d’argent, les choses se payent au comptant. Mais, depuis que j’ai commencé ce boulot, ils ne
payent que par des promesses. Cette de cette matinée, ils m’ont dit que Western Union allait
me contacter en personne à cause du montant et du secret bancaire… Hélas, j’étais distrait de
savoir que Western Union ne contacte jamais les gens pour un transfert d’argent. Ce sont eux
qui doivent m’envoyer le code. Lorsque je téléphone et tombe sur la pute de secrétaire, elle
me répond que l’argent avait déjà été envoyé et que la personne avait déjà été servie. J’en
n’en crois pas à mes oreilles. Vérification faite après insistance, il semble qu’il y avait une
confusion des noms et que c’est mon alter ego du Canada qui a été payé à ma place. Je dois
donc attendre…
Ces messieurs ne changeront pas… D’ailleurs, je vais vite vendre mes services aux autres.
Gardons donc contact et dès que je récupère ma collation, je vous reviens.
L’espoir fait vivre. Il n’y a pas de sot métier. Quoi qu’il arrive, ni tour yetu sasa… c’est notre
tour maintenant de bouffer l’Etat. Nous n’allons plus jamais laisser et jouer à la politique de la
chaise vide. Tout le monde bouffe le pays, la MONUSCO, le Secrétaire Général de l’ONU,
l’Union Européenne, la Chine, les Etats-Unis ; tout le monde, Paris, Bruxelles, Londres,
Washington. Nous aussi, nous avons ce droit-là de bouffer le pays. Et, là, il ne faudra pas que
nous allions par quatre chemins. Jamais un chien ne cède son os à un autre chien… Ni tour
yetu sasa… C’est notre tour maintenant…
Ce que je fais en amont, vous devez aussi le faire en aval. Cherchez l’argent du pays,
recherchez l’argent qu’amène les politiciens ; recherchez cet argent-là avec la lampe, si il
arrive en plaine nuit étoilée sans lune. Il faudra le rechercher partout, surtout de la part de
ceux-là que vous avez élu la fois passée. Ils sont bourrés de notre argent, l’argent du pays.
Faites-en un droit. Nous autres, nous les bouffons en amont, ne ratez pas de les bouffer en
aval et la pêche sera fructueuse. C'est le plus important...
A tous, je ne communique qu’une devise : Ni tour yetu sasa… Répandez-la partout,
musiquez-la, psalmodiez-la, grattez-la sur les routes sablonneuses et sur des pirogues. Faitesla vous coiffez sur la tête…
Quant à mon nouveau boulot, il est bon, il est moins stressant, il paye bien, il paye gros,
surtout que c'est un boulot de deux mois seulement. Qu'en déplaise les jaloux. Qu'ils fasse
leurs calculs. Qu'ils imaginent mon salaire. Je serai au moins content d'amener beaucoup des
gens à hair encore la politique et les politiciens de chez nous. J'en suis fier. Je me moque de
tout le monde. Je me moque des gens au pouvoir. Ils sont parfois cons. Ils croient facilement
aux troubadours et aux thuriféraires. Je n'en suis pas un. Je fais mon boulot. Je sais mon
boulot. Je me battrai pour mon boulot. Pour donner du pain aux miens, fautes de les avoir
servi de l'eau et de l'electricité.
Et je me rappelle ce proverbe de chez nous que tu repètes souvent : C'est la perdrix qui se lève
tôt le matin qui mange les termites... Je me lève tôt et me voici offert un bob boulot...
Ton propre neveu,
Elima Ngando
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Cameroun
La campagne électorale débute
La Cour suprême du Cameroun a finalement décidé, le mardi 20 septembre 2011, de
repêcher deux candidats à la présidentielle. Une vingtaine de recours lui avaient été présentés
après une première liste établie par Elections Cameroon (Elecam9), l'organisme de gestion des
élections. Il seront donc finalement 23 candidats sur les 52 initiaux à concourir pour la
magistrature suprême, le 9 octobre prochain.
Anicet Ekame du Manidem (Mouvement africain pour la nouvelle indépendance et la
démocratie) a vu son recours justifié par la Cour suprême qui a donc annulé la décision
d’Elecam (Elections Cameroon) rejetant sa candidature. Anicet Ekame, qui avait participé au
précédent scrutin en 2004, a fait valoir que l’avis de non imposition joint à son dossier était
bien conforme. C’est le même argument qui a valu à Daniel Soh Fone, candidat du Parti
socialiste unifié (PSU), d’être repêché. Il participera pour la première fois à un scrutin
présidentiel.
Ce sont au total 20 candidats déboutés par Elections Cameroon qui ont défilé devant la
Cour suprême au cours de près de 14 heures de cette audience fleuve. Une requête visant le
rejet de la candidature de Paul Biya, ainsi qu’une plainte contre le président sortant pour
inéligibilité et flagrant délit de distraction massive de deniers publics, à l’occasion de son
congrès, ont été présentés par deux des requérants. Recours jugé irrecevable par la Cour
suprême.
Il y aura donc 23, et non 21, candidat à l'élection présidentielle du 9 octobre 2011.
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Elecam est la dénomination camerounaise de ce qui, ailleurs, s’appelle « Commission électorale
indépendante ».
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Le président sortant Paul Biya, au pouvoir depuis 1982, est prédit gagnant de l'élection du 9 octobre 2011 ©
AFP PHOTO / STR
Aujourd’hui, on est à J-15 avant la présidentielle du 9 octobre 2011. Une date qui
marque le début de la campagne électorale. Vingt-trois candidats sont actuellement en lice,
dont le président sortant Paul Biya, au pouvoir depuis 1982. Dans la capitale Yaoundé, ce
premier jour de campagne n'a pas été très animé.
Pas d'effervescence particulière pour ce premier jour de campagne. Seuls véritables
indices, des affiches de Paul Biya sont apparues sur les carrefours les plus stratégiques de
Yaoundé. Elles ont rejoint les banderoles de son parti, le NDPC, restées accrochées après son
récent congrès. Cela avait d'ailleurs donné lieu à une polémique ; des candidats avaient
dénoncé une campagne anticipée du président sortant.
Pour le reste, certains partis organisent des rencontres depuis leur fief respectif,
disséminés à travers les dix régions du pays. D'autres formations aux moyens limités - elles
sont nombreuses - préfèrent différer leur meeting à une date plus rapprochée du scrutin. Enfin,
vote de la diaspora oblige, une demi-douzaine de candidats ont lancé un site internet de
campagne. Le RDPC au pouvoir a également envoyé des « tweets », tandis que le SDF, le
principal parti d'opposition, promet une communication par SMS.
Toutes ces initiatives semblent pourtant laisser de marbre les habitants de la capitale
politique. Nombreux sont les Camerounais qui considèrent « sans enjeux » l'élection du 9
octobre. Le président sortant, au pouvoir depuis 29 ans, y affrontera une opposition dispersée
pour un scrutin à un seul tour.
Paul Biya, excellent marionnettiste jouant sur les délais de mise en place des diverses
étapes du processus électoral, a sans doute volontairement créé un chaos dans lequel il a prévu
de tirer son épingle du jeu.
Depuis quelques temps au Cameroun, toute l’attention était portée sur le président
camerounais, avec de nombreuses questions à l’ordre du jour : Paul Biya est-il éligible ?
L’élection aura-t-elle lieu en 2011 ? La diaspora pourra-t-elle voter ?
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De nombreuses questions qui ont subtilement, lentement mais sûrement détourné
l’attention de l’électeur potentiel des questions réelles. Car plutôt que de s’intéresser aux
débats d’idées, aux programmes et aux propositions des présidentiables, les questions ont été
d’un tout autre ordre, portant sur la personne de Paul Biya.
Sur Internet, et dans les médias papiers, on pouvait lire les comparaisons entre le
Cameroun et la Côte d’Ivoire, ou encore avec les pays maghrébins, les observateurs notant
avec satisfaction les « coups de pression » de l’occident voulant une élection transparente.
De nombreuses observations convergeaient alors vers un point commun : Paul Biya se
retrouve dans un étau, et ne pourra certainement pas, dans un contexte propice aux révolutions
et à l’intervention occidentale en Afrique, avoir la main mise sur le résultat électoral comme
par le passé.
Cette agitation aura plongé le réel processus électoral dans une relative léthargie,
autant chez les présidentiables qui se sont faits discrets, que chez le président dont on pensait
qu’il réfléchissait à une stratégie pour s’éviter un départ à la Laurent Gbagbo.
Dans cette ambiance de chaos, le chef de l’Etat aura pourtant été tout sauf inactif,
prenant ses adversaires et détracteurs à contre-pied. Car s’il y a un avantage certain qu’a le
président camerounais sur les autres, c’est qu’il n’a pas d’électorat à séduire, possédant déjà
de solides bases avec le RDPC. Aucune contrainte donc pour lui de régler la question
électorale avant l’heure, si ce n’est la contrainte légale.
Et cela, Paul Biya aura tiré sur cette corde jusqu’au bout : le vote de la diaspora, la
date de l’élection, la gratuité de la carte d’identité, toutes les grandes questions relatives à la
présidentielle auront été réglées avec un délai à maturité légal. Impossible donc d’attaquer le
président sur l’abus de pouvoir pour faire pencher l’élection, car tout se sera joué dans les
temps.
John Fru Ndi a bien compris cela, en témoignent les dernières positions du Sdf, qui a
appelé massivement à voter, et estimé que l’annonce de la date de l’élection pour au 09
Octobre prochain était parfaitement légale. Car il sera difficile d’attaquer le président sur la
légalité et la transparence : la carte d’identité gratuite, le vote de la diaspora avec l’ouverture
des représentations diplomatiques le week-end, la nomination d’Elecam, tout aura été fait
pour dans un sens pouvant limiter les critiques.
Alors certes on pourra toujours parler de la composition du corps d’Elecam, de la
double nationalité, de la brièveté des délais et envisager le boycott, mais cela ne semblera que
du radotage d’une opposition éternellement insatisfaite malgré les efforts apparents du chef de
l’Etat.
A moins de 40 jours de la présidentielle, il ne reste donc qu’à Kah Walla, Esther Dang,
Milla Assouté, Sosthène Fouda, Jean Jacques Ekindi et autres qu’un seul terrain de bataille :
celui de la campagne électorale. Et avec les nombreuses réalisations gouvernementales et les
projets entamés depuis quelques mois, Paul Biya s’est savamment donné un coup d’avance.
Un mauvais présage : les ressortissants américains sont invités à faire montre de
vigilance dans les prochains mois selon un communiqué de l’ambassade des Etats- Unis au
Cameroun disponible sur son site web. Selon ce communiqué, « l’élection présidentielle aura
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lieu le 9 octobre prochain et, les résultats devraient être publiés autour du 24 octobre ».
Avant, pendant et après cette période, les Américains sont informés de la possibilité des «
interruptions de voyages » entre les Etats-Unis et le Cameroun et des risques élevés de «
tensions politiques ».
« En date du 6 septembre, le gouvernement camerounais a déployé un nombre
croissant de forces de sécurité dans les villes. Dans le passé, certaines manifestations ont
tourné à la violence et il ya eu la répression sévère par les forces de sécurité camerounaises.
Pendant les périodes électorales passées, les forces de sécurité camerounaises ont imposé des
couvre-feux, barrages de sécurité, des restrictions de voyage et de contrôles d'identité. En
outre, les campagnes publiques des candidats politiques ont perturbé les voyages à travers le
Cameroun. Les citoyens américains doivent considérer attentivement ces informations, s’ils
ont l'intention de voyager ou de rester au Cameroun pendant la période électorale d’octobr »
peut-on lire dans le communiqué.
L’ambassade américaine demande à ses ressortissants de faire très attention et «
d’éviter les rassemblements politiques, les manifestations et les grandes foules de toute
nature. Les citoyens américains ne doivent pas s'engager dans des activités politiques
incompatibles avec le but de leur voyage au Cameroun ». « Vous devez suivre l'actualité par
les médias, y compris la télévision, la radio et l'Internet » recommande-t-elle. Tout en invitant
les Américains résidant au Cameroun à détenir les copies de leurs passeports et autres
documents de voyage avec eux. « Faites attention à votre entourage, faites savoir aux gens où
vous allez et quand vous comptez rentrer, si vous sortez après la tombée de la nuit, ne sortez
pas seuls. Ne consommez pas beaucoup d'alcool de telle sorte que votre jugement soit altéré.
Transportez votre téléphone cellulaire avec vous quand vous sortez, et conservez-le dans un
endroit sûr. Soyez prêts en cas de besoin de partir soudainement » ajoute l’ambassade
américaine. Ces mesures de précaution laissent entrevoir que les Américains prévoient
d’éventuels troubles au Cameroun du fait de l’élection présidentielle.
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Yaoundé, août 2011. Campagne d'inscription pour l'enregistrement sur les listes électorales
© RFI/ Sara Sakho
Elecam plante le décor de la fraude
Deux semaines avant le scrutin, les listes électorales, pas toujours disponibles, sont
truffées de noms d’électeurs inscrits deux ou trois fois.
Par Christophe Bobiokono
Des militaires champions des doubles et triples inscriptions.
Pendant que des camps militaires, tel celui de la Garde présidentielle à
Melen, sont érigés en centres électoraux géants. Le spectre de la fraude
et de l’impréparation plane.
Au fur et à mesure qu’approche la date du 9 octobre 2011, des inquiétudes se font jour
sur la capacité de Elections Cameroon (Elecam) à être à la hauteur de l’organisation de
l’élection présidentielle prévue ce jour là. La principale inquiétude est liée aux opérations de
distribution des cartes électorales.
« En cas de renouvellement des cartes ou de nouvelles inscriptions sur les listes
électorales, dit la loi fixant les conditions d’élection et de suppléance à la présidence de la
République, la distribution des cartes a lieu dans les vingt-cinq (25) jours précédant la tenue
du scrutin ». Or, jusqu’à ce dimanche 25 septembre 2011, soit quatorze (14) jours avant la
prochaine présidentielle, cette distribution n’a pas encore commencé à Yaoundé, le siège des
institutions. Difficile d’imaginer qu’il en soit autrement dans l’arrière-pays.
En fin de semaine dernière, Elecam avait pourtant laissé croire que le processus était
enclenché. Par un communiqué de presse lu à la Crtv, l’opinion publique était alertée que les
listes électorales étaient déjà affichées. Ce communiqué invitait d’ailleurs les électeurs à
consulter les listes électorales dans les locaux des démembrements communaux de Elections
Cameroon.
Et vendredi dernier, 23 septembre 201, les locaux d’Elecam dans le sixième
arrondissement de Yaoundé, en contrebas du Secrétariat d’Etat à la Défense à Yaoundé au
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quartier Lac, étaient pris d’assaut. Mais si certains usagers repartaient des lieux, ravis d’avoir
identifié leur nom sur la liste électorale et de pouvoir jouir de leur droit d’électeur le moment
venu, d’autres y ont perdu du temps en vain.
L’indisponibilité des pans entiers de cette liste électorale a semé la panique et la
nervosité. Tout comme le fait pour les responsables de Elecam à Yaoundé VI d’afficher une
partie de la liste sur les murs, pendant qu’une autre partie devait être consultée en tas, sur des
tables placées à l’intérieur du bâtiment. Créant de fait un joyeux embouteillage. Un électeur
du nom de Bodiong ne retrouvait pas le morceau de la liste où devrait figurer son nom.
Ni sur les murs, ni sur les tables. Si le début de la liste était consultable sans problème,
cette dernière était interrompue sur le feuillet portant l’électeur N°7863 (Bekambi Mouen
Gerard Blaise). La suite était introuvable, même si les noms commençant par certaines lettres
suivantes (M et L par exemple) étaient consultables sur une liste affichée dans un bureau
voisin.
Interpellée devant la situation, une dame enceinte, en service au bureau Elecam de
Yaoundé VI expliquait que la suite de la liste est « en cours d’impression ». Elle conseillait
aux usagers désemparés comme M. Bodiong de repasser.
Ou de faire, sur une même feuille, la copie de leur carte d’identité et de leur récépissé
d’inscription, avec mention de leurs coordonnées téléphoniques pour pouvoir être renseignés
par les soins d’Elecam lorsque les choses rentreraient dans l’ordre. « Si vous n’avez reçu
aucun coup de fil à deux jours du scrutin, revenez nous voir avec votre carte d’électeur et on
vous dira dans quel bureau de vote vous êtes inscrit », ajoutait-elle. Bien entendu, la
distribution des cartes électorales n’était pas encore à l’ordre du jour. « Elles seront
disponibles dès la semaine prochaine », renseignait la future maman. Qui montrait des signes
d’agacement lorsqu’on lui indiquait que cette façon de procéder était de nature à créer le
désordre…
La consultation des listes affichées fait voir de nombreuses anomalies. Alors que la loi
régissant l’élection du président de la République dit que « Nul ne peut être inscrit sur plus
d’une liste électorale ou plusieurs fois sur la même liste » (Art. 38 nouveau, al.4), les doubles
et triples inscriptions sont nombreuses et visibles sans que l’observateur curieux ait besoin
d’efforts particuliers…
Ce qui laisse planer le spectre d’une fraude organisée. Sur le tout premier feuillet de la
liste comprenant 30 noms, les nommés A’owono Namenou Gilles J. et Aba Dieudonné Bertin
apparaissent deux fois de suite, respectivement avec la 9ème et 10ème puis la 16ème et
17ème inscriptions. Au début de cette liste des noms commençant par « A » toujours, Abdou
Jules, Abdou Jean Jacques, Addoul Aziz Bouba, Abdoulaï Baba, Abe Belinga, Abada Abada
Agnès, Abade Enome Justin, Abah Eric Pierre, Abah Essengue Sabine, Abina Abona Clément
et Abina Patrick Simonet s’offrent aussi chacun deux inscriptions de suite, avec les mêmes
parents mais, parfois, avec des numéros de cartes d’identité distincts.
Abena Abessolo Eloi, Afane Nsolo M., Andong Martin Paul et Lima Serge, ce dernier
déniché de façon hasardeuse plus loin, réussissent pour leur part chacun l’exploit d’avoir trois
inscriptions sur la même liste. Inscriptions N°s 512, 513 et 514 pour M. Abena Abessolo ; N°s
29.682, 29.683 et 29.684 pour M. Lima ; N°s 3775 à 3777 pour Andong Martin Paul et N°s
1649 à 1651 pour Afane Nsolo. Tous les quatre, cités ici à titre d’exemples, sont des hommes
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en tenue… Tout comme la plupart de ceux dont les noms apparaissent deux fois. Ils sont soit
« gendarme », mais surtout « militaire », comme cela apparaît sur la liste électorale, bien que
les multiples inscriptions ne soient pas l’apanage des seuls hommes en tenue.
Camps militaires
Autre constat qui s’impose à la lecture des listes électorales, les camps militaires
abriteront des bureaux de vote. Ainsi que cela apparaît déjà sur le morceau de la liste
électorale disponible, l’enceinte de la Garde présidentielle (Gp) à Melen-Obili et la Camp
Yeyap de la gendarmerie, tous les deux situés dans le périmètre du sixième arrondissement de
Yaoundé, ont été érigés en centres électoraux, c'est-à-dire qu’ils abriteront en principe
plusieurs bureaux de vote. Le Camp Yeyap tout seul sera le siège d’au moins onze (11)
bureaux de vote, l’auteur de ces lignes ayant dénombré des bureaux de vote de « Camp Yeyap
A » à « Camp Yeyap K » uniquement sur la partie de la liste affichée à l’extérieur du
bâtiment.
Pareil pour le camp de la Garde présidentielle qui abritera au moins dix-sept (17)
bureaux de vote. De « GP A » à « GP Q ». Soit environ 4.000 et 7000 électeurs attendus
respectivement, si chaque bureau de vote comptait une moyenne de 400 électeurs.
Par ailleurs, avec sa triple inscription, et si les correctifs ne sont pas apportés à la liste
électorale, Eloi Abena Abessolo pourra voter dans les bureaux A, C et D de la Gp. Et son
compère Serge Lima dans les bureaux B, F et H au sein du même camp militaire. Idem pour
Martin Paul Andong qui est attendu dans les bureaux J, K et L. Pour leur part, le militaire
Justin Abade Enome votera à la GP et au Camp Yeyap et le gendarme Eric Pierre Abah (Cni
n°103597216 et Cni n°109047077) pourra le faire dans les bureaux A et H du Camp Yeyap.
Qui pourra empêcher un tel vote multiple des hommes en tenue dans les camps militaires ?
L’Article 77 nouveau, al.4 de la loi électorale dispose bien que « tout bureau de vote doit se
situer dans un lieu public ou ouvert au public ». La Direction générale des Elections a-t-elle
tenu compte du caractère stratégique, voire secret pour le public, des camps militaires où les
accès sont toujours scrupuleusement contrôlés pour les juger malgré tout « ouverts au public »
? En tout cas vendredi dernier, un usager du bureau d’Elecam à Yaoundé VI, surpris par le
constat voulait se laisser convaincre que « c’est certainement parce que les forces de l’ordre
seront d’alerte que des dispositions ont été prises pour leur permettre de voter dans l’enceinte
des camps militaires ».
Mais une meilleure observation de la situation invalide l’hypothèse. Non seulement
des civils sont appelés à voter dans ces camps militaires (cas de M. Andeng Zeh G. et de Mme
Atango Mélanie, respectivement étudiant et élève), mais des lieux publics tels les écoles et
collèges ne manquent pas dans le voisinage pour abriter des bureaux de vote…
Sérénité à Elecam
La situation ainsi décrite est-elle identique sur l’ensemble des arrondissements que
compte la ville de Yaoundé et dans le reste du pays ? L’auteur de ces lignes n’a pas pu faire le
constat. Mais dans les bureaux de Elecam à Yaoundé III où il s’est rendu le samedi aprèsmidi, il n’y avait pas encore de trace de liste électorale. Dans le bâtiment situé à cinquante
mètres de la route, non loin du lieu dit Efoulan-pont, un inspecteur de police de 2ème grade et
plusieurs élèves-gendarmes en faction, armes en bandoulières, conseillaient invariablement
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aux usagers de repasser voir à partir de lundi. « Les listes, précisaient-ils, sont en cours
d’impression en même temps que les cartes d’électeur ».
Vendredi dernier, au siège de la Direction générale des Elections au quartier Bastos,
cette situation ne semblait pas perturber la sérénité des responsables. Impossible pour le
reporter d’avoir le chiffre définitif des électeurs inscrits sur l’ensemble du territoire alors que
l’affichage des listes a déjà commencé. « Le travail se poursuit sur les listes », nous signale le
responsable de la Communication.
Il explique qu’au moment de démarrer ses activités, Elecam avait reçu en héritage du
ministère de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, un fichier électoral
comprenant cinq millions soixante sept mille (5.067.000) inscrits. Ce fichier, ajoute-il, a été
toiletté et débarrassé des doublons et des morts enregistrés au niveau de l’Etat-civil. Il a été
ramené à 4,8 millions d’inscrits. Le 26 août 2011, date du dernier pointage effectué avant la
convocation du corps électoral, la Direction générale d’Elecam dénombrait plus de 7 millions
d’électeurs, compte tenu des nouvelles inscriptions. Quand saura-t-on alors le chiffre définitif
des électeurs inscrits ?
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