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Droit des baux commerciaux
Congé – Indemnité - Compétence n° 284
Les fiches de Jurisprudence de www.eJuris.be
Tribunal de 1ère instance de Bruxelles, Jugement du 10 janvier 2008
Congé donné par le bailleur. Indemnité d’éviction pour commerce similaire dans les environs. Appel d’une décision de
justice de paix. Compétence du tribunal de commerce ? Qualité de commerçant au moment de l’accomplissement de l’acte
litigieux. Madame Louise D. sollicite la réformation de ce jugement en arguant qu'elle est la propriétaire du fonds de
commerce exercé dans les lieux, que le bail portait non pas exclusivement sur le rez-de-chaussée commercial mais
également sur le fonds de commerce et que le fonds de commerce n'a pas vu sa valeur augmenter d'au moins 15 % du fait de
l'exploitation par les locataires. Il convient ainsi d'inviter les parties au litige à faire part de leurs observations concernant «le
moment de l'accomplissement de l'acte litigieux » s'agit-il du jour où le contrat de bail a été signé, du jour où madame
Louise D. a notifié le congé à ses preneurs ou du jour où madame Louise D. (ou toute autre personne agissant en son nom et
pour son compte) a repris les activités dans les lieux loués (RJI 2009, p. 87)
Jugement du 10 janvier 2008
Le Tribunal,
(…)
Vu le jugement dont appel, prononcé par le juge de
paix du canton de Woluwe-Saint-Pierre le 22 novembre
2006, dont la signification n'est pas produite;
° la requête d'appel déposée le 26 décembre 2006;
° les conclusions d'appel pour l'appelante déposées au
greffe le 6 avril 2007;
° les conclusions et conclusions additionnelles d'appel
pour les intimés déposées au greffe les 6 mars 2007 et
27 avril 2007;
Entendu les conseils des parties en leurs dires et
moyens à l'audience publique du 7 décembre 2007;
1. Les faits et antécédents procéduraux
Les parties ont conclu le 28 octobre 1998 un contrat
portant pour titre 'bail commercial', lequel a pris cours
le 1er novembre 1998.
La première clause du contrat précise que Madame
Louise D. donne à titre de bail commercial aux époux
V. un immeuble sis à Woluwe-Saint-Lambert, avenue
H. comprenant un restaurant (salle de restaurantcuisine-toilettes-terrasse-caves).
Le prix de la location est de 100.000 BEF/mois.
L'article 4 du contrat précise que «les parties, pour
exécuter l'article 8 du Code des Impôts sur les revenus,
conviennent que la partie de l'immeuble réservée à
l'activité commerciale correspond à 100% du loyer»
(note' du tribunal: la proportion étant indiquée
manuscritement).
Le contrat contient in fine deux dispositions
particulières, rédigées à la main dont l'une spécifie que
«le loyer mensuel stipulé à l'article 4 de ce bail
comprend l'ensemble de l'équipement et du matériel
faisant partie de l'exploitation actuelle du restaurant».
Par courrier recommandé du 6 août 2003, la bailleresse
annonce à ses locataires qu'elle met fin au bail et leur
donne à cet effet un préavis courant jusqu'au 31 octobre
2004 (c'est-à-dire à l'expiration du triennat en cours).
Le courrier motive le congé comme suit: « Le congé est
fondé sur mon intention d'occuper personnellement les
lieux (ou de faire occuper par mon conjoint ou par un
de mes descendants ou de mes ascendants ... ) en vue
d'y exercer une activité commerciale ».
Par citation du 11 août 2005, les locataires demandent
la condamnation de leur bailleresse à leur payer une
indemnité d'éviction égale à deux ans de loyer, tel que
prévu par l'application combinée des articles 26 et 25,
2° de la loi du 30 avril 1951 relative au bail commercial
(exercice d"un commerce similaire par le bailleur dans
les lieux loués).
Le juge de paix du canton de Woluwe-Saint-Pierre a,
dans un jugement du 22 novembre 2006, fait
entièrement droit aux prétentions des locataires et a, de
ce fait, condamné Madame Louise D. à leur payer la
somme de 64.956,24 EUR, à majorer des intérêts et des
dépens.
2. Objet de l'appel - position des parties
Madame Louise D. sollicite la réformation de ce
jugement en arguant qu'elle est la propriétaire du fonds
de commerce exercé dans les lieux, que le bail portait
non pas exclusivement sur le rez-de-chaussée
commercial mais également sur le fonds de commerce
et que le fonds de commerce n'a pas vu sa valeur
augmenter d'au moins 15 % du fait de l'exploitation par
les locataires (article 25 in fine de la loi relative au
contrat de bail commercial). A titre subsidiaire, elle
sollicite diverses mesures· avant dire droit (expertise,
tenue d'enquêtes).
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Les époux V. formulent une demande nouvelle en
degré d'appel en ce qu'ils réclament une indemnité
d'éviction non plus évaluée à deux ans de loyers mais à
trois ans et ce en application de l'article 25,6° de la loi
relative au bail commercial (ouverture par le bailleur
dans un délais de deux ans d'un commerce similaire,
sans en avoir donné connaissance au preneur sortant
lors de son éviction), que Madame Louise D. soit ou
non la propriétaire du fonds de commerce.
3. Appréciation
1. Avant de trancher de la recevabilité et du fondement
des demandes formulées en degré d'appel, il y a lieu
d'examiner plus avant la question de la compétence du
tribunal de première instance à connaître de ce litige.
La question a déjà été posée lors des plaidoiries. Les
pièces déposées ne permettent cependant pas de
trancher la question tandis que la problématique
relative à la propriété du fonds de commerce 'la fait
ressurgir avec plus d'acuité, tel qu'il sera exposé cidessous.
2. Le litige portant sur un bail commercial, c'est à bon
droit que les parties l'ont porté devant le juge de paix.
L'article 577, al.1er du code judiciaire précise que
l'appel des décisions rendues par le magistrat cantonal
est du ressort du tribunal de première instance mais
toutefois, l'alinéa 2 de ce même article prévoit que
l'appel est porté devant le tribunal de commerce lorsque
les contestations opposent des commerçants et sont
relatives, notamment, aux actes réputés commerciaux
par la loi.
Ainsi, un litige opposant des commerçants au sujet d'un
bail commercial sera porté, en degré d'appel, devant le
tribunal de commerce (voir Cass. 7 septembre 2000,
JLMB, 2002, p. 247 et note).
3. La question à résoudre dans le cas d'espèce est de
savoir si Madame Louise D. revêt ou non la qualité de
commerçant. La question ne se pose pas pour les
locataires sachant qu'ils se sont engagés dans un bail
commercial et ont exploité les lieux commercialement.
Il résulte des pièces soumises à l'appréciation du
tribunal que Madame Louise D. a demandé sa radiation
du registre de commerce le 28 décembre 1991 mais a à
nouveau sollicité son immatriculation le 6 janvier 1992.
Sur question du tribunal, le conseil de Madame Louise
D. a exposé que cette nouvelle immatriculation a, elle
également, pris fin sans cependant qu'aucune pièce ne
soit déposée à cet égard. Les parties V. exposent par
ailleurs qu'elle a repris l'activité commerciale exercée
dans les lieux.
4. En ce qui concerne la question de la compétence du
tribunal, il importe de savoir si les parties possédaient
ou non la qualité de commerçant au moment de
l'accomplissement de l'acte litigieux. (voir Cass, 18 mai
1984, JT, 1984, p.678).
5. La première question à résoudre est donc de
déterminer l'acte litigieux pour ensuite se pencher sur la
question de savoir si les parties, et en particulier
Madame Louise D. (défenderesse originaire et ensuite
intimée) possédaient ou non la qualité de commerçant à
ce moment.
6. Il convient ainsi d'inviter les parties au litige à faire
part de leurs observations concernant «le moment de
l'accomplissement de l'acte litigieux » s'agit-il du jour
où le contrat de bail a été signé, du jour où madame
Louise D. a notifié le congé à ses preneurs ou du jour
où madame Louise D. (ou toute autre personne agissant
en son nom et pour son compte) a repris les activités
dans les lieux loués
7. Pour déterminer si madame Louise D. possédait, au
moment ainsi précisé, la qualité de commerçante,
l'inscription au registre de commerce est un élément
d'appréciation mais n'est pas l'unique, d'autres éléments
pouvant être pris en considération.
Si madame Louise D. ne devait plus avoir été inscrite
au registre de commerce au moment pris en
considération (voir sub 6), c'est à ce stade du
raisonnement qu'intervient son affirmation selon
laquelle elle est la propriétaire originaire du fonds de
commerce exploité dans les lieux loués à titre de
restaurant sous la dénomination R ..
A ce stade du raisonnement, il est fait abstraction de la
valeur du fonds de commerce qui aurait subsisté fin
octobre 1998. Cette problématique a trait au fond du
problème et non pas à la compétence du tribunal.
( ... )
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Congé - Indemnité n° 284
Les parties s'entendent sur le fait que Madame Louise
D. et son mari exploitaient le restaurant R. Il est acquis
que seul le mari de Madame était inscrit à la tva tandis
que seule Madame Louise D. a été inscrite au registre
de commerce. Il est également acquis que seule
Madame Louise D. est intervenue en tant que
bailleresse au contrat de bail du 28 octobre 1998.
Il est acquis que le restaurant a été exploité, à tout le
moins jusqu'au début du mois de juin 1998.
Il est également acquis que le fonds de commerce n'a
pas été cédé à un tiers.
Les parties s'entendent sur le fait que les preneurs ont
repris les activités de restauration, de même nature, que
celles développées originairement, et ce sous la
dénomination RA.
L'ensemble du mobilier,et de l'équipement de cuisine
étaient inclus dans le contrat de/bail.
Vu la nature de l'exploitation et sa localisation, le fonds
de commerce existant, à tout le moins jusqu'au mois de
juin 1998, jusqu'au mois de juin 1998, ne s'est pas
totalement évaporé entre le mois de juin 1998 et le
mois d'octobre 1998.
Il est ainsi possible qu'un fonds de commerce existât
encore au moment de la conclusion du contrat, le 28
octobre 1998.
Les éléments apportés par Madame Louise D. sont
cependant insuffisants pour décider avec la certitude
requise. Il lui appartient dès lors de démontrer, à l'aide
de pièces probantes, l'existence de ce fonds de
commerce au 28 octobre 1998 ainsi que l'identité de
son propriétaire (elle ou/et son mari).
Cependant, si ce fonds de commerce existait encore à
cette date (et dès lors au moment à prendre en
considération pour déterminer la qualité du
commerçant tel que dit sub 6) et s'il lui appartenait,
même en partie, ne doit-il pas être conclu qu'elle
possédait la qualité de commerçante, avec l'incidence
que cela aura sur la question relative à la compétence
du tribunal siégeant en degré d'appel (tribunal de
première instance ou tribunal de commerce).
8. Dans un souci d'économie de procédure, le
tribunal avise d'ores et déjà les parties que s'il devait
être conclu à la compétence du tribunal de première
instance, il y aura lieu, pour Madame Louise D. de
donner les éléments nécessaires pour permettre
l'évaluation du fonds de commerce tel qu'il existait
au 28 octobre 1998.
Pour ces motifs,
Le Tribunal,
Vu les dispositions de la loi du 15 juin 1935 sur
l'emploi des langues en matière judiciaire;
Statuant contradictoirement et en degré d'appel,
Avant dire droit, ordonne la réouverture des débats
en application de l'article 774 nouveau du code
judiciaire aux fins d'éclairer le tribunal sur :
(…)
Fixons la cause à l'audience de la 16ème chambre du
10 octobre 2008 à 08H45' pour 60 minutes de
plaidoiries, sachant que la composition du siège sera
très probablement différente de celui qui rend le
présent jugement.
Tribunal de première instance de Bruxelles, le 10
janvier 2008 Siégeant: M. Collignon, vice-président
Mme A. Dessy, juge Mme F. Pinte, juge
M. J. Willems, greffier
Plaidant: Mes A. Duelz et F. Fink