LA PASSION DES COUTEAUX Août - Septembre

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LA PASSION DES COUTEAUX Août - Septembre
racines et au mystère de sa relation avec le surnaturel.
Une réflexion personnelle, historique, militaire, philosophique, stratégique et
théostratégique, parcourt cet ouvrage à nul autre pareil et lui donne un cachet que
j'ai trouvé, pour ma part, irrésistible.
On y trouve aussi de savoureuses digressions, et de piquantes créations de mots,
comme le superbe "ignarque" (page 107).
Voilà un livre qui se hausse par moments au niveau de la saga et du roman
picaresque, sans jamais cesser de nous tenir en haleine.
J'y ai retrouvé des souvenirs de jeunesse, en particulier ma lecture des ouvrages de
Grey Owl en 1955.
Les longues citations d'ouvrages épuisés ne sont pas le moindre de ses attraits.
LA PASSION DES COUTEAUX Août - Septembre - Octobre 2003
COUTELLERIE
Nicolas & Jean TANAZACQ
6, place de la Mairie
08260
MAUBERT-FONTAINE
 /  03 24 35 22 97
www.jean-tanazacq.com
[email protected]
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Juin 2009
1. Petite Chronique historique
2. Les choix technologiques
• Le paradoxe des mécanismes métallurgiques
• Théâtres et milieux récipiendaires
• L'acier AISI440C ou Z100CD17
• Le damas
• Les étuis
3. L'esthétique des lames
• Inspiration
• Confirmation
• Prospective
4. Logo
5. Dagues et couteaux à dominante chasse
• Couteaux de tradition
✗ Famille des Tronçay
✗ Famille des Prairie
✗ Autres couteaux
• Dagues de chasse
• Couteaux d'exploitation
✗ Couteaux ardennais
✗ Autre collection de couteaux légers
6. Dagues et couteaux à dominante militaire
✗ Le couteau au combat
7. Couteaux à dominante aquatique
8. Couteaux sur mesure
9. La taillanderie Ardennlame
10. Couteaux de survie
11. Epieux
12. Livre "Du Couteau"
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l'Ardenne ont acquis une flatteuse réputation sur tous les terrains de chasse du
monde. Cependant, le couteau ne se réduit pas pour lui à sa seule fonction
militaire, fonction apparemment limitée ou désuète. Depuis les premiers bifaces
taillés par nos ancêtres de la Préhistoire, si le couteau a exercé une facination
toujours vivace sur les hommes, c'est en raison de sa puissance symbolique :
couteau des sacrifices religieux, glaive de l'Esprit divin, emblème de puissance et
de justice. Passionné d'histoire et féru de théologie, l'auteur, à partir de notes et de
réflexions prises depuis des années, met l'accent sur le rôle de l'arme blanche dans
l'histoire militaire récente - c'est avec des succédanés de couteaux que les
terroristes du 11 septembre ont pris le contrôle des avions-suicide qui ont ébranlé le
monde - tout comme il met en relief son importance en tant qu'instrument de survie,
comme auxiliaire de la chasse, et comme facteur "spirituel". Bourré d'anecdotes et
de digressions, parfois étonnantes mais jamais inintéréssantes, ce gros livre se lit
comme un roman. Jours de Chasse Eté 2003
"Du couteau", par Jean Tanazacq
En lisant le titre de ce véritable pavé, on pourrait penser, là, tout de suite, que
l'auteur Jean Tanazacq, l'ingénieur coutelier bien connu, nous dévoile tous ses
secrets et techniques de fabrication qui ont fait sa grande réputation dans le monde
du couteau artisanal. En fait, il s'agit de bien plus que cela. Plus exactement,
l'auteur nous dévoile d'autres secrets, beaucoup plus personnels, qui l'ont amené à
fabriquer des couteaux.
Il ne s'agit pas là non plus d'une simple autobiographie mais, plutôt, d'une invitation
à un voyage initiatique, voire mystique, sur l'utilité du couteau et, surtout, sur sa
symbolique, à travers un regard personnel sur le monde et les hommes.
C'est une approche originale du couteau, doublée d'un livre de réflexions, qui nous
plonge au cœur même de l'âme de l'auteur. EXCALIBUR Juin-Juillet-Août 2003
LECTURE par Adrien Gaudineau
J'ai eu le vif plaisir de recevoir le livre de Jean Tanazacq :
"Du Couteau" Instrument et symbole
Imprimé par Publiaction
On ne résume pas un tel livre, il faut le lire.
D'abord,pour son charme très personnel, son originalité, son très grand intérêt, bref,
son style. Et Dieu sait si Jean TANAZACQ possède personnalité et style.
Ce livre est tout à la fois une ouverture sur le chemin de la vie et la jeunesse de son
auteur, ainsi qu'un vaste panorama du couteau, vu comme un instrument fascinant
et un profond symbole religieux, c'est à dire qui relie l'homme à ses plus profondes
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12. LIVRE " DU COUTEAU "
Par ces temps incertains il m'a semblé opportun de mettre à disposition des lecteurs
qui s'y intéressent les anecdotes, les éléments historiques, les réflexions et leurs
perspectives dont je dispose au terme d'un parcours déjà long en sorte que cet
ensemble serve de documentation de base au questionnement de ceux qui
risquent d'être confrontés à des situations inattendues. C'est en somme ce que l'on
fait dans les écoles de commerce ou militaires, par les études de cas, pour en tirer
des leçons.
Il faut dire aussi que l'ouvrage était quasi terminé fin 2000 ; il restait encore à traiter
la question de la publication quand sont intervenus les attentats du 11 septembre
2001 et à cette occasion les pays occidentaux, qui ont subi la surprise de plein
fouet, ont découvert que le couteau, réputé moyenâgeux et donc méprisé, avait
servi une stratégie terroriste de grande ampleur. Voilà qui confortait ma thèse.
L'ouvrage s'articule autour de quatre pôles :
✗ Le couteau à la chasse
✗ L'arme blanche, larmes de sang de sang de la politique et de la guerre
✗ Couteau et survie
✗ Le couteau en milieu aquatique
Les quelques pages de "Trajectoire" qui précèdent situent mon implication
personelle dans les contingences historiques et quelles furent mes intentions.
Nota : beaucoup de thèmes abordés dans cet exposé le sont aussi dans le livre en
les replaçant souvent dans leur contexte.
Voici quelques appréciations sur ce livre :
Toul, le 31 Mai 2003
A Jean Tanazacq, si grand par le couteau, par l'esprit, l'humour et la chaleur
humaine. J'aurais aimé vous avoir à mes côtés. Votre BIGEARD
Du couteau, instrument et symbole de Jean Tanazacq Ingénieur de formation.
Jean Tanazacq est le fondateur de la société Ardennlame, entreprise de coutellerie
artisanale bien connue de tous les chasseurs de grand gibier. Du "Prairie au
Tronçay", de l'épieu de chasse au skinner, les couteaux forgés dans ses ateliers
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1. PETITE CHRONIQUE HISTORIQUE
C'est par et pendant la guerre (de 39-45) que j'ai pris contact avec le couteau.
En effet, ma grand-mère abritait contre son gré, dans sa vaste demeure et dans son
parc, à peu près une cinquantaine de uhlans nouvelle manière, leur impédimenta et
leurs armes dont ils m'avaient donné par jeu (à cinq ans) une initiation précoce.
L'idée qui hantait bon nombre d'esprits à cette époque était d'obéir au mot d'ordre
ambiant lancé par les F.T.P. de Charles Tillon, et, tenter de réduire la troupe
d'invasion d'une unité chacun.
Dans mon cas les armes étaient facilement accessibles, mais bruyantes, tandis que
l'arme blanche était l'arme discrète et silencieuse par excellence.
Les quelques essais d'estoc contre un arbre réalisés avec une baïonnette de
Mauser m'ont convaincu très vite que je n'avais ni l'âge, ni la taille pour ce type
d'opération à sanction immédiate et que la sagesse imposait d'attendre et de voir
venir.
Peu après, les américains étaient là et grâce au gîte d'une nuit offert à deux GI'S
par mon père, j'ai pu faire connaissance avec le couteau de tranchée USM3 auquel
je ne peux penser encore maintenant après toutes ces années passées, sans en
ressentir une forte émotion.
Dans l'après-guerre, alors que gamin en culottes courtes je mettais à profit les
moments de loisir que me laissait l'école pour courir les bois avec quelques copains,
je n'avais de cesse de me procurer, quand je n'en avais pas ou que je l'avais perdu,
un bon et solide couteau qui allait rejoindre dans ma poche, profonde comme une
besace, la ficelle beaucoup plus facile à trouver.
Il convenait d'affûter soigneusement ces couteaux pour tailler les branches,
composant arcs, flèches et lance-pierres, mais hélas il était nécessaire parfois de
suer sang et eau pour les ouvrir, ou alors au contraire ils se refermaient
intempestivement sur nos doigts, y laissant un souvenir cruel, profond et sanglant.
Il fallait autre chose.
L'idéal aurait été de transformer une baïonnette allemande en un solide couteau,
mais personne ici n'avait ni la technique, ni l'outillage pour y parvenir.
J'ai donc décidé de m'y atteler moi-même. J'ai fait de nombreux essais de forgeage
avec des petites limes usagées comme matière première en les chauffant dans le
pot de la cuisinière, mais l'acier brûlait ou cassait du fait que je ne maitrisais pas les
opérations de forgeage et de trempe.
Alors que le cliquetis des armes avait quitté le théâtre européen au profit du Théâtre
d'Opérations Extérieures dans cette Indochine qui me faisait rêver, j'entrais au
collège technique en Octobre 1953.
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En quelques semaines, avec ma première lime usée et un questionnement insistant
me fournissant les réponses technologiques que j'attendais, j'ai entrepris la
réalisation du premier couteau, qui me reste, sur la base du mythique USM3, mais
en plus charpenté en vue d'achever sangliers et chevreuils dans la chasse où j'étais
traqueur.
Début Mai 1954, j'étais prêt,
c'était Dien Bien Phu.
Bien qu'interne au collège, j'ai continué à m'intéresser aux campagnes militaires
d'Asie, à la chasse et aux aventures des autres.
Si bien que j'ai dessiné de nombreux modèles de couteaux avec l'arrière pensée
qu'un jour peut-être cela pourrait servir tant à des utilisateurs potentiels qu'à la
création éventuelle d'une entreprise de fabrication.
Une double préoccupation m'animait :
- Concevoir des lames de terrain solides, tranchantes et sans entretien à destination
de tous les théâtres de guerre ,de tous les territoires de chasse et d'aventure du
monde.
- Et présenter des lignes 'inspirées", "terme apparemment saisissable dont
l'insaisissable est le terme".
Comme pour les voitures automobiles ou les robes de haute couture - car les
métiers de la mode m'auraient sans doute attiré en d'autres circonstances - les
besoins étant divers, les modèles doivent l'être aussi, d'où la réalisation de plusieurs
familles de produits dont chacun peut avoir des fonctions polyvalentes tout en
présentant une dominante "chasse", "militaire" ou autre.
Par exemple la gamme des "Tronçay" manifeste une dominante "chasse" tout en
étant utile ailleurs.
Bien plus tard, après le cursus d'une école d'ingénieur (l'INSA de Lyon), du service
militaire en tant que sous-lieutenant d'infanterie en Allemagne, de divers emplois en
grande et moyenne industrie, puis d'un poste de contractuel de l'état, ayant réuni
expérience et expérimentation, j'entrais en coutellerie en Septembre 1980.
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encastrée en fait un système fragile dont, de plus, la mise en oeuvre est longue. Par
contre, ce système bénéficie d'un prix et d'une facilité de fabrication très favorables.
L'idéal serait d'adopter un système d'emmanchement rapide comme ceux que l'on
trouve sur les baïonnettes. Et dans ce cas, quelque soit le système, le prix de
revient est dissuasif s'agissant de très petites séries.
J'ai donc retenu pour l'instant un système simple de douilles, l'un solidaire de la
lame, l'autre solidaire de la hampe, qui s'emmanchent sur dix centimètres de long
en glissant grassement et qui sont solidarisées par une goupille à verrouillage
rapide de façon à obtenir deux fardeaux à peu près équivalents en poids et assez
faciles à transporter.
Et malgré tout, ce produit est cher, d'où une diffusion difficile.
Quoiqu'il en soit, après avoir réalisé un très grand épieu et un petit, nous avons
Nicolas et moi, décidé de supprimer le petit, de réduire la longueur du grand et de
n'en plus faire qu'un dont la lame s'inspire directement d'une lance gallo-romaine,
provenant d'une fouille proche des Champs Catalauniques, là où Attila a essuyé sa
défaite définitive.
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10. COUTEAUX DE SURVIE
La notion de survie est impropre à caractériser une catégorie de couteaux
déterminée selon feu François Baret, ancien officier de la légion étrangère et de la
légion d'honneur, mon maître en la matière et ami. Il est préférable de parler de
couteaux d'urgence.
En effet, selon que l'on est sur un radeau pneumatique en plein pacifique, à pied
dans la jungle d'Amazonie ou "égaré" dans le Grand Nord Canadien, l'outil de survie
n'est pas le même, ni la lame.
C'est la raison pour laquelle nous ne pouvons qu'inciter les voyageurs à évaluer
l'axe principal des risques qu'ils prennent chacun dans leur cas.
Tout au plus, il nous semble que l'Orq serait le couteau le plus universel en ces
circonstances.
11. EPIEUX
J'ai été amené à réaliser, dès 1980, à la demande de divers chasseurs, certains
épieux de taille et de forme différentes dont l'exigence était double : solidité et mise
en oeuvre rapide.
Pour la solidité, j'ai bénéficié des conseils de Jacques Hettier de Boislambert, alors
Président de l'Association Nationale des Chasseurs de Grand Gibier, lequel m'avait
expliqué qu'ayant tordu une lame d'épieu dans un gros sanglier, il avait du le
renforcer en y soudant du rond à béton. De même, un autre amateur de ce type de
chasse, m'a dit avoir vu un fer d'épieu Puma cassé. Mais peut-être était-ce une
malfaçon.
Pour la rapidité de mise en oeuvre, la première solution adoptée a été de construire
un épieu fixe comme celui de Puma. Mais naturellement le problème du transport se
pose alors.
La plupart des gens qui se sont penchés sur cette question, amateurs ou
professionnels, l'ont résolue en adoptant le système vis-écrou, mais il n'est
satisfaisant en rien. La longueur du bras de levier comparé à la longueur de vis
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2. LES CHOIX TECHNOLOGIQUES
• Le paradoxe des mécanismes métallurgiques :
L'objectif de tout coutelier est de réaliser des lames à haut pouvoir tranchant qui
soient aussi extrêmement résistantes à la rupture par choc ou flexion.
Or ces deux qualités sont parfaitement contradictoires. Un haut pouvoir tranchant
qui tienne dans la durée ne peut-être obtenu que si la matière de la lame est dure,
et plus cette matière est dure, plus elle est cassante.
La meilleure illustration de cette loi paradoxale se trouve dans les couteaux en
céramique. Même une céramique grossière est toujours plus dure que le plus dur
des aciers, c'est la raison pour laquelle le fil des couteaux de table perd toujours la
bataille du steak face à l'assiette. Il s'émousse toujours.
L'idée est donc venue de réaliser des couteaux eux aussi en céramique de sorte
que les chances soient égales de part et d'autre, couteaux que l'on peut utiliser
aussi et surtout en cuisine.
Que constate-t-on à l'expérience ?
Si l'on respecte l'évident principe de base d'éviter toute chute à l'objet sous peine de
le voir se briser en de nombreux morceaux, au bout d'un certain temps d'usage
cette lame aux qualités de coupe initiales exceptionnelles ne tranche plus ou fort
mal.
Que s'est-il passé ?
Si l'on examine le tranchant avec une loupe à fort grossissement on s'aperçoit que
le fil n'est plus qu'une suite de micro-ébréchures à touche-touche provenant de
micro-cassures dues aux efforts de coupe latéraux, et non à la coupe elle-même, ce
qui est tout à fait irrémédiable.
Comment le coutelier passe-t-il de l'antinomie ou bien tranchant ou bien solide, au
but recherché et tranchant et solide ? Comment sort-il pratiquement de ce
paradoxe ?
Par un ou plusieurs compromis choisis en fonction du but à atteindre.
Pour ce faire, il convient de s'informer sur ce qui se passe à l'intérieur de l'acier pour
en comprendre globalement le mécanisme.
Si l'on examine du fer au niveau atomique, on s'aperçoit que chaque atome prend
place à chaque angle d'un cube, ce qui fait que le plus petit arrangement métallique
que l'on appelle un cristal comprend huit atomes de fer.
Si l'on ajoute dans du fer en fusion du carbone en quantité minime et raisonnable
(entre 0,2 et 2% de carbone pour fixer les idées) on finit par obtenir au moyen des
opérations classiques d'aciéries un acier à l'état recuit. Si l'on examine un cristal
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basique, on s'aperçoit que le cube de fer aux huit atomes à installé un atome de
carbone en son centre, l'ensemble comprenant alors neuf atomes, huit de fer et un
de carbone.
Si l'on chauffe cet acier à un peu plus de 1000°C et que l'on examine ce même
cristal, on constate une sérieuse transformation.
Le cristal basique s'est dilaté de 25%, l'atome de carbone central est parti, mais par
contre chaque face du cube s'est doté d'un atome de carbone en son centre, si bien
que maintenant le cristal d'acier comprend les huit atomes de fer et six atomes de
carbone, soit cinq de plus qu'avant. On est passé pour chaque cristal d'un système
cubique centré à un système cubique à face centrée.
Si maintenant nous refroidissons cet acier lentement, nous revenons au statu quo
anté, mais si nous le refroidissons brutalement par le procédé que l'on appelle
trempe (parce qu'initialement on trempait dans l'eau) le cristal se rétracte
brutalement en emprisonnant le carbone. Cet emprisonnement nait des contraintes
dans l'acier, c'est à dire des forces qui le mettent sous tension, ce qui durcit
l'ensemble, forces en équilibre plus ou moins instables qui fragilisent cet acier
trempé.
Les métallurgistes ont découvert que si l'on réchauffait modérément (de l'ordre de 2
à 300°C) l'acier trempé pendant un certain temps, sa dureté diminuait peu, mais
l'équilibre des forces instables devenait quasi stable, ce qui rendait l'acier trempé
moins fragile.
Les usagers des aciers trempants pratiquent donc l'ensemble des opérations
trempe et revenu.
Avec l'acier inoxydable de coutellerie qui contient de 0,5 à 1,2% de carbone, de 13
à 18% de chrome et 0,5 % de molybdène environ, les choses sont sensiblement
semblables mais en plus complexe.
On a vu que le cristal de base chauffé se dilatait, absorbait du carbone qui se
trouvait embastillé (on dirait enloubiankaïsé en Russie) par le refroidissement brutal.
Dès lors, on constate que le cristal d'acier trempé n'a pas repris la dimension qu'il
avait à l'état recuit, il a fortement grossi.
A l'échelle visible, si la pièce d'acier trempé est massive elle ne se déforme pas,
mais elle gonfle de l'ordre de 2 à 3%. Mais si la pièce trempée possède une
dimension privilégiée comme dans les lames, elles s'incurvent et ceci de façon
totalement imprévisible, si bien qu'aux opérations de trempe et de revenu il faut
associer une opération de redressage unitaire.
Le redressage unitaire pose de grands problèmes de main d'œuvre aux entreprises
qui font de la production de masse (par exemple de l'ordre de 15.000 lames/jour) à
l'aide de fours tunnels. Pour éviter les aléas de production ces gens privilégient des
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D'où la décision de Nicolas, avec mon accord, d'abandonner la taillanderie
inoxydable au profit d'une taillanderie classique basée sur l'usage d'acier non allié
de qualité, mis en oeuvre par nos soins, avec nos critères, d'un prix de revient, donc
d'un prix de vente, supportable, d'autant que nous proposons un polissage suffisant
mais moins poussé que pour les lames de couteaux.
Nous reprenons la marque ARDENNLAME pour qualifier spécifiquement cette
taillanderie, avec objectif limité de produire quelques modèles de coupe-coupe,
utiles aux gens de terrain, que nous appellerons
Ardennlame n°1 , Ardennlame n°2 ,Ardennlame n°3 :
N°1
N°2
N°3
Long.lame
360mm
250mm
360mm
Long. H.T. lame
480mm
370mm
480mm
Larg. lame maxi
45mm
45mm
45mm
Epais. lame
3mm
3mm
3mm
x
x
x
Extrémité
Ronde
Ronde
Pointue
Poids total
600 grammes
500 grammes
600 grammes
Montage soie, cuir
Nota : Extrémité ronde : genre machette Collins 26 ou 22" ou Ontario Knife 18" de la
seconde guerre mondiale (WWII)
Extrémité pointue : type coupe-coupe modèle 1916 français ou Martindale
Birmimgham (WWII) et actuel.
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Cette production de masse issue de pays émergents répond probablement aux
besoins locaux, mais lorsqu'il s'agit de s'équiper en France individuellement d'outils
de qualité pour une expédition de quelques semaines, il n'est pas possible de
monter sous nos latitudes un commerce d'importation de gros ne permettant de
maîtriser ni les questions de flux trop important, ni les questions de qualités plus ou
moins incertaines.
Je cherchais depuis plusieurs décennies un ou des modèles me donnant
satisfaction et j'avais rejeté mes multiples dessins, à mon sens, indaptés.
Et un jour, en sortant de la douche, la poignée de la salle de bain a fait "tilt" dans ma
tête. Je me suis rué sur une feuille de papier et j'ai dessiné le "Célèbes".
Quelques années après, le temps de mettre au point tout le système de production,
j'étais prêt.
C'était au temps de l'Exposition Universelle de Séville. Deux jours avant
l'inauguration, le pavillon mélanésien ayant brûlé, et comme il n'était plus temps de
reconstruire, la télévision nous a montré l'érection de ce pavillon dont elle fixait les
phases au fur et à mesure. Et là, quelle ne fut pas ma surprise de voir les
mélanésiens coupant des bambous de 20 cm de diamètre avec des coupe-coupe
qu'on aurait dit sortant tout droit de mes mains, tant la forme, la longueur et l'usage
étaient semblables.
Comme aucun des deux n'avait copié sur l'autre, il faut bien conclure à une certaine
convergence de vue et de concept, ce qui conforte ce "quelque chose d'asiatique"
que je porte en moi. C'est pourquoi j'ai appelé ce modèle Célèbes en mémoire de la
fabuleuse aventure militaire de Raymond Westerling et celle, non moins célèbre
parce que plus connue, de la guerre du Pacifique menée par le Général Mac Arthur.
- Il me fallait aussi un petit coupe-coupe destiné à servir de couteau de camp. Nos
enfants jouaient à l'époque avec des "Lego" et "Play-Mobil" entre autres. N'étant
guère jeu, je n'y prêtais pas attention jusqu'à ce qu'il m'ait fallu ranger un peu et j'ai
découvert deux modèles de couteaux "Play Mobil" qui m'ont parlé.
J'ai interprété le signal que m'offrait ces miniatures et j'en ai sorti le dessin d'un
couteau de camp que j'ai appelé Isalo, un massif montagneux du sud de
Madagascar, en mémoire de grands personnages comme Galliéni et d'une femme
médecin, malgache, de ma connaissance.
Mais la mise en oeuvre de ce type de technologie, mise au point pour obtenir des
tranchants à choc à base d'acier inoxydable et de traitements sophistiqués, est fort
coûteuse. Si bien, que le prix final en est très dissuasif.
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acier inox à bas carbone (quand il y en a) qui certes ne s'incurvent pas mais ne
durcissent guère. C'est ce qui explique le constat grand public : L'inox, ça ne coupe
pas".
Pour donner un semblant de fonctionnalité à ces instruments bas de gamme,
les producteurs obnubilés plus par la rentabilité et l'argent que par la qualité des
produits, ont doté ces couteaux "ferraille" de dents qui donnent aux utilisateurs le
plaisir de déchiqueter les éléments plutôt que de les trancher. Tout cela pour éviter
de mettre dans l'acier ce qu'il faut pour qu'il puisse couper et .... pour faire du fric.
Le redressage unitaire demande doigté et expérience. Il ne s'agit pas de taper sur la
bosse comme on le ferait sur une barre d'acier doux, sous peine de casser. Il s'agit
de taper dans le creux et d'allonger la fibre intérieure à l'aide d'un marteau "fendant"
grâce à une technique spécifique.
Il est évident que ce type d'opération dont on ne peut se passer induit des tensions
internes qui s'ajoutent à celles de la trempe.
Et ce n'est pas fini.
L'aviation qui fait voler des machines "plus lourdes que l'air" est toujours à la
recherche de composants capables de la fonction définie au moindre poids, d'où
une course à la performance donnée par la haute technologie.
Les métallurgistes se sont aperçus que des pièces en parfait état, qui avaient
résisté sans souci et longtemps aux efforts prévus, se brisaient brutalement sans
cause visible ni prévisible
L'étude a montré que ce phénomène appelé " fatigue du métal "est lié au nombre de
vibrations engrangées par la pièce considérée. Il a donc fallu définir en fonction de
la fréquence et de l'amplitude des vibrations statistiquement les plus probables, une
durée de vie aux pièces vitales. C'est ainsi que l'on change ces pièces au bout de X
heures de fonctionnement, même si elles sont en bon état apparent et qu'on les
détruit pour ne pas avoir la tentation de les réutiliser.
Cette fatigue qui physiquement est l'expression de nano-ruptures (à l'échelle des
chaînes de cristaux) est d'autant plus prégnante que la matière est déjà par ellemême très sollicitée et c'est évidemment le cas des lames.
Pour elles, personne ne peut évaluer la dose de vibrations qu'elles ont subies et il
faut se résigner à la contingence de la rupture.
On peut dire en résumé qu'une lame est un corps métallique mis sous tension par
un ensemble de forces en équilibre plus ou moins stable du fait de la trempe, du
redressage et de la fatigue.
Cette lame, par sa genèse même, est donc relativement fragile.
Un autre groupe de facteurs est hostile à la pérennité des lames.
–
La grosseur du grain. On recherche un acier de grain fin parce que les gros
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grains sont source de fragilité. Ce facteur de grosseur dépend de l'élaboration de
l'acier à laquelle nous ne pouvons rien, de son forgeage, en particulier du nombre
de chaude et de sa trempe. Ce facteur est d'autant plus contraignant s'agissant
d'acier inoxydable que la plage de travail à chaud est très étroite, de l'ordre de 30°C
et qu'il n'existe aucun repère visuel pour s'y référer.
- Les criques, qui sont des ruptures plus ou moins superficielles de l'acier. Le
plus souvent il s'agit au niveau du lingot d'une bulle, on dit aussi une soufflure, dont
les parois sont oxydées, si bien qu'au laminage il n'y a pas soudure et ces criques
affectent alors la forme de lignes ; on parle aussi de paille ou d'inclusions. Ce défaut
se rencontre dans l'acier damas quand l'oxydation a empêché la soudure d'une
partie des aciers.
- Quant aux tapures elles sont générées plutôt au refroidissement du lingot
ou dans la trempe, mais elles peuvent aussi être générées par une chauffe
excessive en un point par l'usinage. Le mécanisme en est facile à comprendre.
Les aciers ne sont pas toujours bons conducteurs de la chaleur et les aciers
inoxydables sont très mauvais à ce petit jeu. Si l'on chauffe un point de façon locale
et excessive, le point se dilate, mais pas la zone contiguë , si bien que nous avons
un effet de cisaillement entre le point chaud et dilaté et son voisin froid et impavide.
- L'état de surface joue lui aussi un rôle important sur la fatigue car il faut
éviter toute amorce de rupture, de même que pour l'oxydation parce qu'il faut éviter
toute amorce d'attaque.
8. COUTEAUX SUR MESURE
S'il y a un aspect des choses que nous comprenons, c'est bien l'intention que
chacun peut avoir à un moment ou l'autre de se faire faire le couteau dont il rêve,
même si ce "rêve" n'apporte pas en lui-même "la solution universelle".
Il peut arriver en toute simplicité qu'il s'agisse d'un désir plus ou moins refoulé de
l'enfance et nous nous prêtons, autant qu'il est possible, à le satisfaire pour libérer le
futur de notre interlocuteur.
Si bien que nous en devenons "la main" réalisatrice sous réserve de la faisabilité,
car nous ne possédons pas forcément l'outillage indispensable, d'où le dialogue
nécessaire entre nous pour mettre au point le projet final concrétisé par un dessin
afin que la "main" soit dirigée.
9. LA TAILLANDERIE ARDENNLAME
A l'occasion de mon service militaire j'ai pris conscience que cette fonction ainsi
que toutes les activités civiles subissaient la contrainte du manque de temps.
Dans des périodes plus anciennes, cette fonction, surtout pour la troupe, comportait
de nombreux temps morts, longs et fastidieux qui permettaient l'entretien des
équipements et des armes. Progressivement l'inactivité militaire tellement
brocardée, avec l'évolution technologique, puis celle de la professionnalisation, s'est
réduite au point qu'on en arrive maintenant à n'avoir plus aucun repos.
A propos de la campagne d'Afghanistan, vu côté américain, la télévision nous a
Nous fournissons depuis de nombreuses années aux hommes de terrain des
dagues et couteaux à destination des territoires de chasse et théâtres d'opérations
du monde entier.
En retour, l'expérience de nos clients nous a permis de constater un besoin de
terrain peu ou mal satisfait.
Il leur a manqué souvent, ces lames longues, minces et rustiques qui font merveille
dans les végétations touffues, luxuriantes et broussailleuses que l'on rencontre un
peu partout dans le monde et même ici avec les massifs épineux et de ronciers.
Pourtant, il n'y a pas si longtemps, des fabricants illustres et compétents
proposaient des produits pertinents. On pense ici à Collins qui a offert une
taillanderie de qualité, coupe-coupe, haches, pelles, pioches, etc .... de 1826 à
1966.
Malheureusement cette entreprise mythique a disparu sous le coup de deux
arguments économiques mortels - Le progrès technologique a introduit la
tronçonneuse qui a fait disparaître presque totalement l'usage de la hache et du
passe-partout dans les exploitations forestières grandes et mêmes petites -. La
disparité des coûts de main d'œuvre par pays selon laquelle, à outillage de
production égal, il est devenu préférable de fabriquer dans des pays à bas salaires,
d'autant plus, que souvent, les utilisateurs sont sur place, au Brésil par exemple.
7
36
Cette petite étude n'a d'autre ambition que de mettre en évidence le champ d'action
dans lequel il va falloir manœuvrer pour atteindre le but fixé dans les meilleures
conditions.
• Théâtres et milieux récipiendaires :
L'Orq : Nous avons réalisé ce couteau dans l'esprit d'un couteau de plongée, mais
en espérant que ses qualités seraient remarquées par les coureurs des bois
terrestres. Ce qui est le plus remarquable dans ce modèle c'est sa scie dorsale.
Cette scie n'a pas pour objet de couper du bois, mais elle cherche à couper en
glissant, des filins, des cordages de chanvre ou de nylon, des tubes de caoutchouc,
des sangles, des tendons, des peaux, des sandows, etc... Cette scie a une voie qui
fonctionne dans le sens horizontal et une dans le sens vertical. Cette caractéristique
ajoutée à ses qualités intrinsèques en font l'un des meilleurs couteaux de survie,
d'aventure, polyvalent, que nous ayons conçus.
montré des militaires en opération dont le casque avait reçu une et même deux
caméras miniatures. L'image était retransmise par satellite au Pentagone pour être
exploitée en direct par un officier.
Cette situation qui peut paraître futuriste est confirmée par le traducteurprésentateur Philippe de Montenon de "Contre Insurrection, Théorie et Pratique" du
Lieutenant Colonel (français) David Galula, livre considéré par le préfacier, le
Général d'Armée (US) David H. Petraeus, Commandant en Chef de la Force
Multinationale en Irak, comme le Clausewitz de la guerre non conventionnelle.
"Un général situé en Floride pouvait demander à suivre en temps réel les images du
combat livré par un groupe d'infanterie en plein cœur de Bagdad". page XXV
Dans ces conditions, personne ne dispose plus de ces instants de calme, même en
opération, qui favorisaient le reconditionnement des impédimenta, et la vie civile
n'est pas différente en terme de stress.
Ainsi le couteau, instrument déjà modeste parce que toujours second par rapport à
l'arme à feu quelqu'en soit l'usage, devait se faire oublier et ne nécessiter aucun
nettoyage. De ce fait, le type d'acier s'imposait par lui-même. Il s'agissait de choisir
un acier inoxydable à haut pouvoir tranchant.
Le Frogseal : C'est ma vision du couteau de plongée. Dans mon esprit, il s'agissait
de fabriquer un modèle pouvant être utilisé avec un étui plastique préexistant de
grande diffussion, l'étui Beuchat.
Je voulais aussi doter ce couteau de la scie mise au point pour l'Orq, mais plus
longue et d'un grand tranchant. Le design le plus adapté était alors le genre dague à
tranchants parallèles.
Les Seals aux USA sont de unités de type commando aptes à opérer en terre, air,
mer, dont l'acronyme est la contraction de Sea, Air, Land. Pour en rajouter dans le
style aquatique français j'y ai accolé Frog, grenouille.
• L'acier AISI 440C ou Z100CD17 :
35
A l'époque, entre 1970 et 1975, je n'avais connaissance d'aucune littérature traitant
des aciers inoxydables de coutellerie. Mon idée consistait alors à chercher avec
quel acier trempant on fabriquait les chemins de roulement. à billes inoxydables ,
dans l'espoir d'utiliser cet acier pour fabriquer mes lames.
J'ai fini par découvrir qu'il existait une aciérie spécialisée en coutellerie, Bonpertuis,
et grâce à son représentant j'ai eu accès à un ensemble d'informations, j'ai pu
adopter l'acier T9Mo, alias Z100CD17 ou AISI 440C, que personne n'utilisait alors
en coutellerie en France.
Entretemps j'avais découvert le même choix dans la littérature coutelière américaine
importée par des libraires ou armuriers disparus depuis, ce qui a conforté mon
choix. Toute cette démarche m'a coûté plusieurs années et c'est ainsi que j'ai
introduit , le premier en France, l'usage de cet acier "chirurgical" inoxydable.
Cet acier nécessitait une mise en œuvre autrement plus contraignante que l'acier
non allié de qualité étant donné que sa plage de forgeage-traitement est étroite et
impossible à évaluer à l'œil. Dans un précédent emploi, au sein d'une entreprise
fabriquant des composants d'aviation, j'avais acquis l'expérience de la trempe sous
vide, rare à l'époque.
8
Avec ce type de traitement thermique, le four étant piloté à 1/2 degré en plus ou en
moins de la température théorique, j'étais sûr d'opérer une trempe optimale et de
fabriquer par ce processus rigoureux des lames de qualité, sérieuses et répétitives.
Ce traitement de cet acier apportait encore d'autres contraintes, dont celle de ne
pas permettre de trempe différentielle. Ainsi, contrairement aux lames en acier non
allié, la soie était à la même dureté que la lame.
Il fallait en tenir compte, éviter de créer une amorce de rupture au niveau de la
garde en diminuant trop brutalement la section et aussi adopter un mode de
montage de la poignée nouveau qui exerce sur la soie une précontrainte analogue
dans son principe à celle des poutres en béton.
Grâce à ces dispositions, j'ai pu privilégier la solidité, ce qui a été bien compris des
clients et usagers qui nous ont suivis et soutenus.
• Le Damas
L'acier de type damas avait pour objectif de compenser les défauts graves que l'on
trouvait dans les aciers jusqu'au début du 20ème siècle, lorsque leur élaboration
était entièrement tributaire de l'habileté des forgerons métallurgistes.
La base consistait à souder par forgeage deux types d'acier différents, l'un très
chargé en carbone, conférant le pouvoir tranchant à la lame après trempe, mais
devenant cassant alors, l'autre à basse teneur en carbone durcissant peu à la
même trempe et conférant à l'ensemble une grande résistance à la rupture.
L'habileté des Celtes était reconnue dès Halstatt 1 (800 AvJC) pour ce type de
travail.
L'acier damas ne correspondant pas à mon "cahiers des charges" personnel est
très bellement mis en œuvre par d'autres et j'en suis ravi.
Il est bon de rappeler ici que la technologie dans son ensemble est au service d'un
but à atteindre. Ainsi en fonction du but, on choisit l'ensemble des technologies
propres à y parvenir et non pas l'inverse, c'est à dire d'affecter après coup un but à
une technique dont on vient tout juste d'acquérir une maîtrise partielle sans rien
connaître de la culture technique environnante.
Prenons le cas des vilbrequins de moteurs. Dans les années 60, ils étaient forgés.
Un peu plus tard, les fontes, particulièrement celles au graphite sphéroïdal, ayant
fait de grands progrès et le prix de revient étant inférieur, les moteurs de voitures
grand public ont été dotés de vilebrequins moulés. Mais quand on a besoin de
hautes performances pour des moteurs de voitures de compétition on revient au
forgeage et même, pour les bielles, on abandonne l'acier au profit du titane.
9
Pour une exposition, j'étais pressé d'affûter un MK2 long et, par inadvertance, j'ai
mis ma polisseuse à bande en route dans le mauvais sens sans m'en apercevoir.
Au lieu d'être entraîné vers le bas, la lame l'a été vers le haut et m'a sauté à la
figure avec vigueur. J'ai pris un grand choc douloureux dans le visage et le sang a
jailli. Passé l'instant de sidération, j'ai réalisé quelle était ma part de chance dans
cette difficulté, le point d'impact se situant entre la carotide et l'œil. J'ai mis un gant
de toilette sur l'endroit douloureux en guise de pansement compressif parce qu'il y
avait du sang partout, et après un certain temps de reprise en main, j'ai tenté
d'évaluer les dégâts. J'avais l'aile droite du nez tranchée et une dent qui me faisait
souffrir à l'intérieur de la gencive. Du sang m'arrivait dans la gorge que je crachais
quand je pouvais ou que j'avalais la plupart du temps.
Arrivé aux urgences, où il n'y avait pas même un siège pour s'asseoir, une infirmière
m'a jeté un coup d'œil distrait et pressé, puis s'en est allée.
Plusieurs heures après une interne m'a prodigué des soins, essentiellement une
dizaine de points, puis on m'a orienté en ORL dans une chambre à deux.
Peu après, me sentant fort mal, j'ai essayé d'aller aux toilettes et .... j'ai repris
connaissance au moment ou trois infirmières finissaient de me remettre au lit.
En réalité, ce que le personnel hospitalier n'avait pas détecté c'est que j'avais perdu
beaucoup plus de sang qu'il n'y paraissait, l'hémorragie étant interne.
J'ai été hospitalisé quatre jours, mais j'ai mis un mois à m'en remettre
complètement. Il a fallu faire sauter la dent déchaussée sans même user d'explosif
et la remplacer par un superbe accessoire amovible.
Si l'on transpose cette blessure sur un théâtre d'opération dépourvu d'antenne
chirurgicale, comme c'est presque toujours le cas dans les guerres non
conventionnelles, on se doute que l'absence de soins orienterait plus vers la mort
rapide que vers la vie.
7. LES COUTEAUX A DOMINANTE AQUATIQUE
S'il y a un milieu où posséder un couteau en état est une question de vie ou de mort
plus que partout ailleurs, c'est bien le milieu aquatique, qu'il soit de mer ou d'eau
douce. Nous ne sommes pas familiers de ces milieux, mais beaucoup d'amateurs
nous ont exprimé leurs souhaits et nous en avons tenu compte.
Le Nauta : C'est un couteau rustique, solide, sans garde, comme on en trouve un
peu partout chez les praticiens de la voile. Nous avons cherché à ce qu'aucune
arête n'accroche la peau des mains, déjà très sollicitée par le sel et les diverses
manoeuvres.
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Le Bazeilles : Il s'agit du modèle Prairie, version couteau de combat. C'est ma
vision du couteau militaire, tel que je l'avais imaginé dans les années 54-56, ainsi
que cela est évoqué plus haut, qui ne diffère des autres modèles de la famille
Prairie que par une longueur de lame intermédiaire (20 cm) et une présentation
satinée. La longueur de lame correspond exactement à celle des baïonnettes du
fusil US17 raccourcies en arsenal que l'armée attribue aux légionnaires en tant que
poignard quand ils sont sur le terrain.
La poignée en rondelles de cuir alternées lui confère le look-mili qu'on trouve aussi
sur des couteaux de chasse et le satinage de la lame en fait une présentation plus
rustique.
Bazeilles est le nom d'un village des Ardennes à une portée de fusil de Sedan, là où
se trouve la "Maison de la dernière cartouche", haut lieu de la résistance des
troupes de Marine face aux Allemands en 1870. Le sacrifice de la vie de la plupart
d'entre eux en fait l'équivalent pour les marsouins et bigors de Camerone pour la
légion.
Il est normal et c'est un honneur que notre entreprise se soit penchée sur le cas de
Bazeilles en en faisant commémoration et ce modèle montre, s'il en était besoin,
qu'il est impossible d'établir une distinction nette entre couteau de chasse et
couteau de combat.
✗
Le couteau au combat
La notion de couteau de combat est ambigüe car elle recouvre au moins trois
réalités assez différentes :
- Il peut s'agir, et c'est le cas le plus général de couteaux que l'on emmène sur soi
au combat et que l'on utilise pour les multiples usages de la vie en campagne,
couper des branches, des liens, ouvrir des caisses, des boîtes de conserve, etc ...
C'est l'outil plus ou moins tranchant d'usage courant.
- Il peut s'agir exceptionnellement de l'usage classique, mais rare, consistant à tuer
un ennemi par surprise dans le cadre d'une opération que l'on appelle un coup de
main (voir les Canons de Navarone par exemple).
- Plus exceptionnellement encore, il peut s'agir d'affrontement face à face au
couteau, ce qui est une situation rare, imprévue, contingente. Il existe des écoles
d'art martiaux dont il convient de se rapprocher en cas d'intérêt, mais on ne voit
jamais quel peut-être le résultat de ce type de confrontation.
C'est la raison pour laquelle j'apporte mon témoignage sur les effets d'un coup de
couteau reçu, mais ici hors combat.
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Sans doute y-a-t-il chez moi une certaine nostalgie à ne plus fréquenter les pilons
que j'ai bien connus de 1965 à 1968 chez Citroën. C'était à Clichy et la forge
disposait de cinquante pilons à vapeur surchauffée Erié. J'ai bien connu, pour y
avoir participé, les équipes de pilonniers, chauffeurs, préposés à la mouillette,
lancier à air comprimé, découpeurs sur presse à ébavurer. J'ai bien connu
l'atmosphère empuantie par les vapeurs de mazout et les battitures, les 50° à
l'ombre et le vacarme de ces cinquante pilons qui battent toute la journée en faisant
vibrer le sol loin à la ronde.
J'ai souvent admiré le père Hocde, l'artiste des forges à main, façonner des pièces
prototypes. Pour information un pilon Erie de 3000 Lbs (livres américaines) de
masse tombante comprenait une chabotte de 50 tonnes (métriques), une contrechabotte de 50 tonnes, un massif de poutres de chênes assemblées par des tirants
à ressort de 30 à 60 m3, le tout reposant sur une pyramide de béton armé dans une
fosse sous platelage de 11 à 12 mètres.
Mais voilà que du temps a passé. Si je veux revoir mes chers vieux pilons en
fonction il faut maintenant que j'aille en Chine, car ils ont été démontés pièce par
pièce et soigneusement remontés quelque part du côté de Shanghaï.
J'ai aussi bien connu et aimé mes autres usines, leurs tranches d'usinage, leurs
odeurs spécifiques. J'ai encore dans l'oreille le son mat de l'attaque franche des
meules de rectif bien diamantées, bien arrosées sur des pièces dépourvues de
toute vibration, le palpeur Etamic stoppant le travail à la cote.
Tout cela est maintenant de l'histoire ancienne. Pour moi ce n'est rien, chaque âge a
ses plaisirs, mais je regrette que beaucoup de plus jeunes que moi qui auraient
aimé cette ambiance ne la puissent plus connaître faute d'usines ..... en France.
10
• LES ETUIS
Pour porter un couteau non pliant à la ceinture, dans un carnier, une poche ou
accroché à un équipement militaire, il lui faut un réceptacle spécifique permettant de
ne pas blesser quiconque en même temps que de pouvoir s'en saisir rapidement
pour en user.
Traditionnellement on parlait de fourreau qui était constitué de battes de bois, plus
ou moins enrobées de cuir ou de métal.
Dans notre cas, comme dans celui de beaucoup de fabricants, le réceptacle
canonique est réalisé en cuir collé et cousu, plutôt épais, sans bois ni métal et nous
affectons le terme d'étui à ce type d'accessoire de transport, le terme de gaine étant
plutôt corrélé avec la notion de souplesse.
Nous nourrissons l'ambition de ce que nos étuis à couteau soient dans leur genre
aussi sérieux et solides que nos couteaux eux-mêmes, c'est la raison pour laquelle
nous avons toujours recherché les cuirs les plus raides et épais pour envelopper
nos lames, ce qui est l'antithèse la plus nette avec l'industrie du cuir en général, à
part celle des semelles de chaussures. Car le risque, c'est qu'un couteau bien affûté
transperce un étui malencontreusement incurvé et blesse son malchanceux
propriétaire. Et cela n'est pas rare.
Nous aurions aimé nous orienter vers les fourreaux, mais qu'ils soient métalliques,
plastiques ou a base de bois, leur mise en œuvre nécessite des outillages
importants, donc de très grandes séries pour les amortir. Il semble toutefois qu'avec
les nouveaux matériaux on puisse combiner le sérieux, la solidité et les toutes
petites séries avec des prix de revient supportables pour des clients, à juste titre,
exigeants.
C'est l'un de nos prochains objectifs.
Une mise en garde s'impose à l'égard des étuis cuir .
Depuis le début de notre activité la qualité des cuirs mis en œuvre a été notre souci
constant et nous avions retenu un fournisseur français nous offrant toutes garanties
pour le tannage de ses peaux, exclusivement aux écorces de chêne. J'ai souvent
visité l'établissement. Début 90, partant en retraite, le patron de cette entreprise,
qu'il dirigeait depuis plus de 30 ans, l'a vendue et son successeur n'a pas mis deux
ans pour mettre la clef sous la porte.
Il nous a fallu nous adresser au négoce international pour lequel la traçabilité des
peaux est le cadet de ses soucis et nous savons que des producteurs usent de sels
de chrome pour accélérer le tannage, même si le produit est dit "tannage naturel".
Ce produit chimique attaque très rapidement et gravement l'acier, même inoxydable,
même poli glace, nous n'y pouvons rien et c'est le plus souvent irrémédiable.
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Notre modèle corrige ces deux défauts, ce qui en fait un produit tout à fait
convenable pour sa destination et qui pourrait tout à fait reprendre du service au cas
ou ....
Le nom de "Vengeur de 1870" lui a été attribué par la vox populi de l'époque.
Partant de cette même lame, nous réalisons des dagues de chasse montées
différemment.
Le RC4 : c'est un légionnaire qui nous a exprimé son désir de se faire faire un
modèle à lui, pour lequel il nous a remis un croquis. Après confrontation de nos
idées nous sommes arrivés au modèle définitif et l'avons réalisé.
Pour une raison que j'ignore, le légionnaire n'a jamais pris possession de son
poignard et je l'ai adopté en lui donnant le nom de Route Coloniale N°4, celle de
Cao Bang-Langson qui sonne encore dans mes oreilles et pour rendre hommage à
tous ceux qui ont combattu sur ce théâtre colonial.
Il ne peut être réalisé qu'en AISI D2, autrement dit en Z160 CDV12
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Le MK2 par contre a été lancé sur cahier des charges précis, accompagné d'un
dessin coté. Ce dessin omettait de préciser les formes exactes de la poignée, si
bien que deux écoles ont vu le jour : une poignée ronde réalisée par Camillus et une
poignée ovale réalisée par Ka-Bar, ces modèles étant produits massivement.
Le système de montage initial très fragile par écrou central du diamètre de vis égal
à l'épaisseur de la lame, soit 4,5 mm, a été rapidement remplacé par une goupille
traversant pommeau et lame, mais perpétuant le défaut génétique des couteaux
montés en cuir : le jeu irrattrapable et assuré au bout d'un certain temps.
Notre modèle s'est plus inspiré du couteau commercial qui a été à l'origine du MK2.
Il s'agit d'un couteau de la marque "Western" de 8" de lame qui a eu un grand
succès initial avant d'être supplanté par la production intensive des MK2 de 7" de
lame en 1943 (plusieurs millions d'exemplaires).
La pointe de notre modèle, comme celle de l'original, n'est pas très aigüe et à la
demande, pour mieux piquer à la chasse, nous la modifions.
Notre modèle par contre est plus épais d'origine , donc plus solide et a reçu notre
montage de rattrapage de jeu.
Le Vengeur : le poignard de tranchée français, modèle 1916, a été adopté par
l'armée française après de nombreux atermoiements sur la proposition d'un
coutelier thiernois Astier-Prodon. Le modèle est excellent à deux exceptions près :
la soie en est ridiculement petite, à peine grosse comme un clou, ce qui fait de ce
couteau-poignard un instrument fragile, opinion confirmée par l'expérience des
combats, et la garde est trop large au niveau de l'épaulement et ne permet pas
d'utiliser le ricasso de façon idoine.
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Nous recommandons donc à nos clients et usagers de conserver leurs couteaux
hors de leurs étuis quand ils ne sont pas sur le terrain.
3. L'ESTHETIQUE DES LAMES
"Rien n'est plus beau qu'un corps de femme nue". Yves Saint Laurent
• INSPIRATION
Très jeune j'ai manifesté un certain sens artistique fortement influencé, comme pour
la plupart des gens de ma génération, par la plastique des survivants des camps de
concentration, d'où mon orientation très anorexique, plus Giacometti que Botéro,
plus Kate Moss que Monica Bellucci.
Ma grand-mère qui allait à Paris à peu près une fois par an m'emmenait parfois
avec elle. Au début des années 50, je pouvais avoir onze - douze ans, nous avons
visité le musée du Louvre et je suis tombé en arrêt devant la sculpture, d'une
froideur toute de marbre, d'une Aphrodite de Cnide et en particulier devant la courbe
longue de ses hanches.
Plus tard, j'ai retenu ce même galbe dans "Les Trois Grâces", une peinture de
JeanBaptiste Regnault, toujours au musée du Louvre, dans l'Eve d'Adam et Eve
d'Albrecht Dürer, peinture conservée au musée du Prado, dans une sculpture d'Arno
Breker, ainsi que chez divers mannequins de haute couture comme Twiggy ou des
danseuses de Compagnies telle Carolyn Carlson, ou des danseuses de cabarets
parisiens comme Rita Renoir, suivant en cela, sans le savoir, l'exemple de Sir Basil
Liddel Hart, stratégiste anglais bien connu.
Lorsqu'il s'est agi de dessiner un couteau d'estoc et de taille synthétisant le meilleur
des couteaux de combat USM3 et MK2, je me suis inspiré du couteau à pain de
mes parents, de la baïonnette du fusil Chassepot, des couteaux que tiennent dans
leurs dents les nageurs de combat de Formose en 1956 et de la courbe des
hanches en amphore de Vénus callipyge (Gérard de Villiers), de "mon" Aphrodite.
C'est l'origine des couteaux Prairie et Bazeilles qui justifie ce "quelque chose de
féminin" qu'ont ressenti et bien voulu exprimer quelques clients à leurs propos.
• CONFIRMATION
Beaucoup plus tard, dans une boutique de lingerie, j'ai remarqué une affiche
"AUBADE N° 9" dont la ligne de hanche me rappelait celle de ma "Vénus".
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La vendeuse m'a permis d'en décalquer la courbe.
En mai 1998, une mannequin américaine Dayle Haddon a fait une pub télévisuelle
pour des produits cosmétiques, passant nue de dos, mettant en valeur des courbes
de hanches, remarquable d'élégance. Grâce à l'enregistrement sur cassette et à
l'arrêt sur image, j'ai pu décalquer la courbe sur l'écran. Le galbe des courbes
coïncidant et n'en faisant plus qu'une, il s'agissait alors de vérifier que les courbes
des Prairie et Bazeilles coïncidaient également .... ce qui
était le cas et incite à d'autres recherches plastiques.
Le MK1 : Parmi les couteaux d'usage général qui ont été en service dans les
armées US et alliées de la dernière guerre, ce sont les divers modèles MK1 qui sont
les moins canoniques. Autant dire que chaque fabricant y a été de ses propres
variantes.
Si bien que nous avons choisi de réaliser une sorte de compromis morphologique
sans en copier aucun.
• PROSPECTIVE
On sait que les canons de Vitruve ont fixé les proportions harmonieuses du corps
humain dans le sens vertical, mais rien n'est dit, ce me semble, sur les autres
dimensions, ni au sujet des courbes.
Mon hypothèse est que la courbe des hanches en amphore "canonique" serait un
segment de parabole dont le nombril serait le foyer ...
Il reste à le vérifier pour influencer peut-être les bureaux de tendance ....
s'affranchir de la dictature de la silhouette africaine aux fesses proéminantes et
laisser un peu de place aux slilhouettes plates de type asiatique.
4. LOGO
Il est certain, qu'originaire de l'Ardenne, bien que né à Lutèce, je suis sensible au
symbole de son animal emblématique le sanglier.
Il se trouve qu'au temps des Gaules c'était déjà le cas, d'où son usage totemique ou
décoratif assez fréquent dans cette civilisation pré-chrétienne.
C'est ainsi que la photo d'une statuette gallo-romaine du 2ème siècle, conservée au
Musée d'Orléans et publiée en 1977 dans "Les Celtes" de Georges Dottin, a attiré
mon attention.
L'idée m'est venue d'utiliser le dessin de cette statuette en en changeant la crinière
pour la rendre plus réaliste, la remplaçant par le profil des quatre fils Aymond, un
ensemble de sommets connus et touristiques de la Vallée de la Meuse, pour mieux
ancrer ce logo à l'Ardenne légendaire.
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6. DAGUES ET COUTEAUX A DOMINANTE MILITAIRE
Né dans les contingences militaires qui m'ont accompagné toute ma petite enfance,
j'en ai subi l'empreinte, d'où la responsabilité d'un questionnement de longue
haleine sur les fins et les voies, les armées et les armes, blanches en particulier,
n'en étant que les moyens.
L'USM3 de ma fabrication se cale au plus près sur le modèle d'origine mais en y
apportant quelques améliorations, à savoir la nature de l'acier et un système de
serrage des rondelles de cuir permettant d'en rattraper le jeu, ce que ne fait pas le
modèle d'origine.
Ceci étant, ce couteau de tranchée est plus du genre dague que du genre couteau
et se prête, en dehors de la collection, au combat ou à achever du moyen gibier. On
a rétabli la longueur d'origine, 171 mm, adaptée aux étuis plastique USM8 et
USM8A1 de la guerre. Les nouveaux étuis plastique étant plus longs d'un
centimètre pour la même appellation, nous proposons des lames de 180 mm qui
ballottent moins.
5. DAGUES ET COUTEAUX A DOMINANTE CHASSE
• COUTEAUX DE TRADITION
✗ Famille des Tronçay
Cet ensemble de couteaux orientés vers la chasse manifeste son unité par des
poignées semblables d'un modèle à l'autre.
L'origine des Tronçay vient d'un couteau qui était exposé dans la salle "Chasse" du
musée de Charleville lorsqu'il était au "Vieux Moulin".
Deux points remarquables m'avaient frappé, au début des années 70, dans ce
couteau :
- La forme de la pointe, que l'on appelle actuellement "Bowie",dont le dos est
concave.
- La date estampillée à l'aide d'un poinçon à chaud : 1780, soit neuf ans avant la
révolution française.
J'avais l'intention d'écrire un article appuyé par une photo pour montrer combien les
américains n'avaient rien inventé à ce sujet.
Quand je suis revenu avec le nécessaire plusieurs années après, quelqu'un avait
volé ledit couteau, au grand dam du conservateur du musée.
Le nom de cette famille de couteaux a été emprunté à la forêt de chêne, plantée par
Colbert, pour construire une flotte quand les arbres seraient à maturité
Le Tronçay 1 ne diffère du Tronçay 2 (type Bowie) que par la forme du dos, à la
pointe qui est convexe de façon à présenter une trajectoire dégageante quand on
ouvre un animal à la retourne, évitant ainsi de percer les viscères. C'est notre
couteau le plus fabriqué parce que le plus universel à la chasse.
Solide, bien en main, ni trop long, ni trop court, il peut contribuer à achever un
animal déjà conséquent, l'ouvrir, le vider, le dépecer, voire même le dépouiller en
cas de besoin.
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Le Tronçay 2 demande, pour la même fonction, un peu plus de doigté au moment
de l'ouverture pour éviter de percer les viscères du fait de sa trajectoire
engageante.
Caractéristiques dimensionnelles pour les deux modèles :
Longueur hors tout : 260 mm
Longueur de lame : 150 mm
Largeur de lame : 34 mm
Epaisseur de lame :
6 mm
Montage
: sur soie
Poids du couteau : 350 grammes
Le Bâmiâm , lui procède d'un tout autre état d'esprit. A l'initiative de l'escadron 03300 Ardennes, basé à Toul, des pilotes de chasse ayant opéré, ou toujours en
opération en Afganistan, nous ont demandé de réaliser un couteau de chasse
commémoratif de leur unité, laquelle porte le nom d'Ardenne.
Ceci est un honneur pour nous. Après discussion entre ces pilotes et nous, Nicolas
leur a proposé ce couteau, d'usage presque équivalent au Tronçay 2, mais plus
léger.
J'ai proposé de le baptiser du nom des Bouddhas de Bâmiâm, très grandes et très
antiques statues d'influence grecque, détruites à l'explosif par des talibans de très
haute culture. Je connaissais ces statues par un ami afgan, lui-même ami intime
d'un iranien, de la même promotion que moi à l'INSA de Lyon. D'où ce nom de
Bâmiâm.
Le Tronçay 4 a plus la vocation de l'après chasse. Sa pointe très solide est
recommandée pour les archers qui s'en servent à récupérer leurs flèches fichées
dans un arbre.
Longueur hors tout : 235 mm
Longueur de lame : 125 mm
Largeur de lame : 30 mm
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Le Tian-Chan conçu, lui aussi, par Nicolas est encore plus léger parce que plus
petit. Il a pour objectif de donner une réponse d'après-chasse aux chasseurs de
moyen gibier en montagne où le poids est l'ennemi. De lame mince (3 mm), courte
(85 mm) et large, c'est l'équivalent en tout petit du Tronçay 5, présentant ou non un
crochet tranchant pour ouvrir les carcasses. C'est le plus petit et le plus léger des
couteaux d'après-chasse de notre production et les chasseurs qui l'ont expérimenté
s'en sont montré satisfait, y compris les dames Dianes. Ce couteau tient son nom
du massif montagneux d'Asie où vont tirer certains chasseurs occidentaux.
Les Tronçay 3 et 5 ont été conçus spécialement pour le dépouillage, mais en
France, contrairement à d'autres endroits, la forme du 3 n'est guère prisée. Le 5, lui
a fait ses preuves au Canada dans les mains d'un chef de tribu plus inuit
qu'amerindien et dont l'unique activité est la chasse. En service depuis 1982-1983, il
était encore en fonction en 2008 selon le témoignage de G. Pacella qui l'a rencontré
sur place dans les territoires du Grand Nord, le Nunavut.
Le Tronçay 6 privilégie la fonction d'estoc pour achever un grand gibier, mais peut
se charger de toute la besogne qui suit moyennant plus de temps passé du fait de
sa longueur et d'une lame très "Bowie" de pointe.
Longueur hors tout : 300 mm
Longueur de lame : 190 mm
Largeur de lame : 34 mm
Epaisseur de lame :
6 mm
Montage
: sur soie
Le numéro 7 a été sauté parce qu'il est difficile de prononcer Tronçay 7.
Le Tronçay 8 est un Tronçay 1 dont la lame mesure 20 cm, au lieu de 15, pour
satisfaire certains chasseurs préférant un instrument qui peut aussi servir de
couteau de camp, en Afrique par exemple.
27
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Quant au Tronçay 9 il s'agit d'un Tronçay 4 dont la lame a été porté à 20 cm elle
aussi de façon à lui conférer la même orientation que pour le Tronçay 8, mais plutôt
à destination de l'Asie.
✗ Famille des "Prairie"
Elle tient son nom du titre d'un livre de Fénimore Cooper, dont les récits d'aventure
enchanta mes lectures d'enfance. Il s'agissait de la Grande Prairie Nordaméricaine,
de la chasse aux bisons, des indiens et de la vie de divers aventuriers.
Le concept de ces couteaux a été exposé plus haut.
Cette famille comprend essentiellement deux modèles presque identiques, le
Prairie1 de 22 cm de lame et le Prairie 2 de 18 cm, qui permettent principalement
d'achever le grand gibier et d'être utiles aussi dans la phase d'après chasse pourvu
que l'on prenne un peu plus de temps sur la carcasse qu'avec un couteau
spécialisé.
Longueur hors tout :
Longueur de lame :
Largeur de lame :
Epaisseur de lame :
Montage
:
Poids du couteau :
Prairie 1
Prairie 2
340 mm
220 mm
32 mm
6 mm
sur soie
400 grammes
300 mm
180 mm
30 mm
6 mm
sur soie
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Le Rieze, le plus ancien des petits couteaux est monté sur plate-semelle et dispose
d'un seul quillon de garde ; d'une épaisseur de 5 mm, il est robuste et assure
sensiblement les mêmes fonctions que le Charleville, malgré une lame légèrement
plus courte. Son nom est emprunté à cette petite forêt rabougrie qui pousse
difficilement dans les zônes plus ou moins marécageuses, mi toundra, mi taïga de
l'Ardenne.
Le Yukon , sur l'incitation de Nicolas, nous avons dessiné un couteau d'aprèschasse léger, mince, d'une toute autre esthétique que les "Ardennais", présentant
une poignée plus volumineuse et qui, selon les usagers de terrain, leur donne
véritablement satisfaction.
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Le Tendeur est un dérivé de ce couteau, doté d'une lame légèrement plus longue,
qui a été réalisé en collaboration avec l'association des tendeurs de grives et son
président vers 1994. Ce couteau est destiné à faire "l'entaille dans la ployette pour y
insérer le lac".
✗ D'autres couteaux eux aussi orientés chasse forment plutôt une collection
dont l'unité tient plus à la fonction qu'à la morphologie.
Le Yalu est un couteau de chasse monté en plate semelle, avec un seul quillon de
garde, dont la lame mesure 15 cm, ce qui en fait un homologue du Tronçay 1 mais
avec une toute autre esthétique, plus asiatique, au point de lui avoir donné le nom
du fleuve séparant la Chine de la Corée du Nord.
Le Sedan tient sa forme générale du Rocroy mais possède une lame un peu plus
longue (10 cm au lieu de 8) et plus mince (3 mm au lieu de 5), l'objectif étant de
réaliser un couteau léger, passe-partout et suffisamment solide pour les usages
courants. Son nom a été choisi pour rendre hommage à la première académie
militaire de France, sise à la maison des Gros Chiens face au chateau fort des
Lamarck, (1609), en quelque sorte l'ancêtre de Saint Cyr.
Le Graz, autre couteau de chasse à longue lame (20 cm) est inspiré d'un couteau
de tranchée autrichien de la guerre de 14 - 18. Son nom vient de la ville
autrichienne dans laquelle est né le Général Baron Roman Féodorovitch Ungern
Von Sternberg, bien que Balte, pour lequel je nourris une certaine admiration du fait
qu'il a fait la guerre (de 14) côté russe, contre les empires centraux et qu'il s'est
distingué ultérieurement par un destin exceptionnel.
Le Ventoux est un couteau de chasse qui lui aussi s'apparente par la fonction au
Tronçay 1. Son design m'a été inspiré par la baïonnette tchèque raccourcie,
qu'avait en guise de couteau de chasse un notaire des environs, dans la chasse des
années 50 où j'étais traqueur.
✗ Une collection
caractéristiques.
autre
de
25
couteaux
légers
offre
d'autres
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Le Vidda : Ce couteau à lame longue (22 cm) s'inspire directement de la
baïonnette du fusil d'assaut Valmet, la Kalashnikov finlandaise. Il en adopte le
montage sans garde, qui certes est traditionnel dans le Grand Nord tout autour de la
terre, mais très dangeureux pour les doigts à l'usage. C'est la raison pour laquelle
ce couteau est peu prisé en France. Il nous arrive de le réaliser avec une garde à
deux quillons. Pour ceux qui ont vu le film "La bataille de l'eau lourde" (1947) Vidda
est l'appellation des hauts plateaux couverts de toundra que l'on trouve en Norvège,
où
se déroule une part de l'action, à savoir la préparation de l'opération destinée à faire
sauter l'usine de fabrication de l'eau lourde Norskhydro de Vemok et le stock de la
même eau à destination de l'Allemagne nazie.
Le White Chapel : J'ai du restaurer la pointe d'un couteau de chasse anglais du
19ème siècle pour le compte d'un bon client l'ayant acquis en salle des ventes de
Drouot, et j'avais réalisé des lames présentant quelque analogie pour une toute
autre destination. Je me suis donc inspiré de ce couteau anglais dont l'appellation
vient tout droit de mes réminiscences concernant les horribles assassinats de Jack
l'éventreur dans ce quartier de Londres.
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Le Rocroy : Le besoin d'un tout petit couteau très solide, d'usage général, facile à
transporter, y compris dans un sac à main, s'est fait sentir lorsqu'un client et sa
femme, en séjour de pêche dans le Yukon sans le soutien d'une organisation, s'est
trouvé en difficulté et s'est tiré d'un mauvais pas grâce à l'un de mes couteaux. J'ai
donc réduit au maximum un "Mézières" tout en conservant son épaisseur de 5 mm
et je l'ai baptisé du nom de Rocroy, en mémoire du 350ème anniversaire de la
bataille de Rocroy (1643), qui a été la première victoire militaire de Louis XIV contre
les espagnols. La conception de ce couteau venait tout juste de se terminer au
moment de cette fête.
Longueur hors tout : 175 mm
Longueur de lame : 80 mm
Largeur de lame : 22 mm
Epaisseur de lame :
5 mm
Montage
: sur soie
Poids du couteau : 160 grammes
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Le Charleville ne diffère du précédent que par un dos légèrement concave à la
pointe qui offre une autre esthétique aux amateurs et qui peut aussi bien que l'autre
servir à l'après-chasse et au casse-croûte.
Longueur hors tout : 230 mm
Longueur de lame : 120 mm
Largeur de lame : 24 mm
Epaisseur de lame :
5 mm
Montage
: sur soie
Poids du couteau : 200 grammes
• DAGUES DE CHASSE
La base même du combat à l'arme blanche longue était de porter des coups d'estoc
et de taille, autrement dit des coups de pointe ou des coups de tranchants.
Cet art là est tombé en désuétude, du moins sous nos latitudes, mais trouve encore
un reste d'existence dans la chasse lorsqu'il s'agit d'achever un grand gibier.
Sans doute est-ce devenu de nos jours un art mineur que de mettre un terme aux
souffrances d'un animal blessé, qui demande du savoir faire et de mesurer la prise
de risque personnelle pour n'être ni trop hardi, ni trop prudent.
On a vu avec les couteaux de chasse que l'on pouvait user de la pointe et du
tranchant, mais avec les dagues il s'agit de privilégier le coup de pointe, l'estocade.
Dans cette optique l'arme de chasse spécifique c'est la dague, laquelle par
construction ne peut pratiquement pas couper étant donné l'angle de tranchant
géométriquement formé à la pointe qui est peut différent de 45°.
Par contre le pouvoir de pénétration de ces lames est "fulgurant" et rien ne peut s'y
opposer, pas même les os, si l'impulsion violente est produite par le corps du
chasseur tout entier et fait choc. C'est ce qui en fait tout l'intérêt.
La gamme des dagues de chasse repose sur trois modèles :
La Rix : c'est une dague à double tranchant de 22 cm de lame, très effilée, avec un
ricasso prononcé et strié qui incite à une tenue très caractérisée. Cette lame, très
prisée des chasseurs de grand gibier, est un des fleurons de notre fabrication.
L'idée vient des mains gauches des bretteurs du 16ème siècle et de la dague V42
américaine qui a été fabriquée par Case à raison de 3600 exemplaires pour équiper
les premières "Special Forces" Américano-Canadiennes en 1943.
Est-il besoin d'expliquer l'origine de son nom ?
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Le WW II dont la génèse a été évoquée plus haut s'appelle ainsi pour rappeler son
idée d'origine : World War II (seconde guerre mondiale).
La lame, toujours de 22 cm, est moins effilée que dans le modèle précédent, mais
néanmoins encore très pénétrante pour une coupe un peu supérieure.
• COUTEAUX D'EXPLOITATION
Il s'agit d'une collection de couteaux de chasse dont l'orientation va nettement vers
l'après-chasse. Autant dire qu'avec eux il n'est pas question de tuer des
mammouths.
✗ Les couteaux ardennais forment une quasi famille soulignée par la
proximité géographique de leurs noms autant que par l'unité des lignes de poignée.
Leur esthétique est inspirée de la forme des manches de la hache qui était fixée
avec la pelle ronde sur le côté gauche des Jeep US.
Le Mézières est un couteau relativement plus léger et petit que le Tronçay 1, mais
néanmoins robuste et s'il est optimisé pour l'après-chasse, il peut à l'occasion être
utilisé pour achever des chevreuils et des petits sangliers. Sa pointe plongeante lui
confère une trajectoire dégageante lors de l'ouverture des carcasses.
La dague de l'Empereur , elle, est une version plus longue que la Rix puisque sa
lame mesure 32 cm.
Sa longueur la rapproche des couteaux de vènerie qui sont en réalité des épées
courtes de chasse et dont l'intérêt essentiel est d'achever en relative sureté les
grands cervidés extrêmement dangereux à l'hallali tant par leurs bois que par leurs
sabots.
Le nom de cette dague vient du premier client pour lequel nous avons réalisé ce
modèle et c'est en même temps un clin d'œil à mon enfance et à l'histoire du fait
que j'ai trouvé dans le parc de ma grand-mère de nombreuses pièces de monnaie à
l'effigie de Napoléon III, mon arrière grand-oncle, premier habitant de la demeure et
maire de Maubert-Fontaine de 1830 à 1870 ayant été un sénateur influent du
Second Empire.
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