Siegfried Sassoon (1886

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Siegfried Sassoon (1886
Siegfried Sassoon (1886-1967)
Siegfried Sassoon est sans conteste un des
plus grands noms de la littérature britannique de la Grande
Guerre en termes d’influence et de notoriété, aux côtés de
Wilfred Owen, dont la reconnaissance sera plus tardive. S’il
est de bon ton aujourd’hui de considérer ses poèmes de
guerre inférieurs à ceux de Wilfred Owen et d’Isaac
Rosenberg, entre autres, il serait injuste de les dénigrer. Les
poèmes que Sassoon a écrits pendant la guerre, et qui ont été
publiés d’abord dans les journaux puis sous forme de recueil
en 1918 et 1919, conservent tout leur impact. Quant à ses
mémoires publiés en deux fois, sous une forme semifictionnelle à la fin des années 20, puis sous une forme plus directement
autobiographique dans les années 30 et 40, ils constituent une œuvre de premier plan,
qui par son ampleur et sa pertinence, continuent d’être une des références
incontournables de la littérature de témoignage.
Le parcours de Siegfried Sassoon est à la fois emblématique de ce qu’a vécu la
vaste majorité des écrivains-combattants et très singulier dans sa radicalité. Sa
dénonciation de la conduite de la guerre a pris un chemin que peu ont eu l’audace ou le
courage de suivre. Dans ses sinuosités, ses revirements et ses fulgurances, l’expérience
de Sassoon entre 1914 et 1918 rend compte de la complexité du vécu des combattants.
Issu d’une famille de banquiers juifs, Siegfried Sassoon naît le 8 septembre 1886 à
Brenchey, dans le Kent. Son père quitte le domicile conjugal quand il est enfant et
meurt peu de temps après. C’est le seul drame d’une enfance idyllique sous bien des
aspects. Dans Mémoires d’un chasseur de renards (1928), il la dépeint avec une force
nostalgique qui a séduit bon nombre de lecteurs. L'Angleterre d'avant 1914 qu’il nous
donne à voir dans ce roman autobiographique est un monde oisif et serein, où les parties
de chasse au renard dans les collines du Kent semblent être la seule préoccupation d’une
jeunesse qui a fait de l’insouciance un art de vivre.
Comme la plupart des jeunes Britanniques de son milieu, Sassoon compose des
poèmes. Remarqué juste avant la guerre par Edward Marsh, l’initiateur du mouvement
des poètes georgiens, il s’installe à Londres en espérant démarrer une carrière littéraire.
Mais le mois d’août 1914 vient mettre un terme à sa vie de bohème. Il s’engage
immédiatement dans la cavalerie. La guerre n’est à ses yeux qu’une aventure exaltante,
un pique-nique ensoleillé, auquel il compte participer avec une désinvolture toute
britannique. Il a alors 28 ans et aucune profession.
Sassoon ne participe pas tout de suite aux combats. Il se fracture en effet le bras
suite à une chute de cheval, ce qui retarde son départ pour le front. Il arrive en France en
novembre 1915, au sein des Royal Welsh Fusiliers. Le même mois, il apprend la mort
de son frère, tué à Gallipoli et écrit à cette occasion un poème d’hommage patriotique,
dans la droite lignée de ce que les poètes des tranchées écrivaient au début de la guerre.
Comme pour la plupart des combattants, l’enthousiasme et le patriotisme de
Siegfried Sassoon ne tardent pas à s’éroder. Ses poèmes prennent une tendance
nettement moins élégiaque. Entre son arrivée en France, en novembre 1915, et son
retour au front en décembre 1916, après une période d'hospitalisation, le regard qu’il
porte sur la guerre a radicalement changé. Les images auxquelles il recourt dans ses
poèmes deviennent d’un réalisme sans concession. Le ton est ouvertement celui de la
colère, voire de la dénonciation.
L’évolution de Siegfried Sassoon est emblématique du parcours de la majorité
des combattants. Pour la plupart d'entre eux, la cassure s’est opérée en juillet 1916, la
bataille de la Somme ayant été un véritable traumatisme pour l’armée britannique.
Cependant, pour Sassoon le choc décisif s’est produit un peu auparavant. Le 18 mars,
son meilleur camarade, David Thomas, est tué. Cette mort l’affecte au plus haut point.
Si l'insensibilité face à la mort est une donnée obligée pour tout combattant, il arrive
aussi qu'une mort particulière, celle d’un frère ou d’un camarade, provoque des
réactions violentes et désordonnées. Suite à cette perte, la guerre devient pour Sassoon
une sorte de croisade personnelle, avec une volonté farouche d'en découdre. Son ardeur
au combat s’en trouve décuplée, atteignant parfois une attitude quasi suicidaire. Le 26
mai, quelques-uns de ses hommes participent à un coup de main dans le no man's land.
Apprenant que le caporal O'Brien est blessé, Sassoon part le chercher, désobéissant aux
ordres. Il parvient à le ramener à la tranchée mais O'Brien meurt. J'aurai tout donné
pour qu'il vive, écrit-il dans ses mémoires. Quand je vais maintenant en patrouille dans
le no man's land, son fantôme m'accompagne. Il acquiert dès lors une réputation de
casse-cou et reçoit la Médaille Militaire pour avoir ramené des blessés sous le feu nourri
de l'ennemi. Au cours de l'été, il tombe malade et doit être hospitalisé, d’abord à
Amiens puis à Rouen, où un médecin le renvoie en Angleterre.
Cette période correspond à une crise majeure. Loin des combats, il aboutit à un
constat sans ambages. Il n'y a plus de juste cause, l’amertume et le désespoir ont pris le
pas. Chez la plupart des combattants, ceci s’est traduit par une résignation muette.
Sassoon, lui, choisit d'exprimer sa colère. Il rédige quelques poèmes virulents où les
attaques contre l'état-major ne sont plus voilées.
Après une période de convalescence dans sa famille, Sassoon passe le mois
d'octobre avec Robert Graves, qui est également en permission de convalescence.
Graves, qui publiera Adieu à tout cela en 1929, écrit aussi des poèmes. Les deux
hommes combattent dans le même bataillon, le 1st Royal Welsh Fusiliers.
L’art poétique de Sassoon s’affine. Dans un style dénué de toute sophistication,
il recourt à un réalisme essentiellement basé sur l’image. C’est ce qui fait toute la force
de sa poésie, mais aussi sa faiblesse, l’exploration de la langue étant secondaire, voire
parfois inexistante. C’est une poésie qui se veut une réponse immédiate à ce qu’il vit.
Nombre de ses poèmes sont centrés autour d'une impression, qu'il cherche à rendre dans
toute sa force visuelle, aussi parfois d'une simple idée qu’il cherche à illustrer. Le
souvenir obsédant des camarades disparus, la peur de voir s'allonger la liste des morts,
sa haine de plus en plus grandissante des états-majors, tout cela il le jette avec force sur
le papier. Il retourne au front le 4 décembre 1916. En avril 1917, il prend part à des
attaques sur la ligne Hindenburg et reçoit une balle entre les épaules. Evacué à l'hôpital
de Denmark Hill, il rédige quelques poèmes où sa haine des faiseurs de guerre est une
fois de plus exprimée en termes virulents. En juillet, sa révolte le fait franchir un pas de
plus. Il rédige un manifeste contre les autorités militaires et demande à un député de le
lire à la chambre des communes.
Ceci est un acte délibéré de défi contre l’autorité militaire, parce que je crois que cette
guerre est sciemment prolongée par ceux qui ont le pouvoir d’y mettre un terme. Je suis
un soldat et je suis convaincu de parler au nom de tous les soldats. Je crois que cette
guerre, où je me suis engagé parce que je la tenais pour une guerre de défense et de
libération, est devenue une guerre de conquête et d’agression (….)
La production d’un tel texte est passible de la cour martiale. Son ami Robert
Graves en prend connaissance et mesure tout de suite la gravité de la situation. Il se rend
à Liverpool pour rencontrer Sassoon, qui non seulement ne se rétracte pas mais jette en
plus sa médaille militaire dans la rivière Mersey. Graves réussit à convaincre les
autorités militaires que Sassoon a subi un traumatisme suite aux bombardements. On
l'envoie à Craiglockhart, l'hôpital écossais où sont soignés les soldats traumatisés. Il y
rencontre Wilfred Owen, qui écrira par la suite des poèmes de guerre qui deviendront
des classiques pour plusieurs générations de Britanniques. Les deux jeunes hommes
échangent des vues sur ce que doit être l’art poétique en tant de guerre.
Au cours de 1917, Sassoon réussit à publier régulièrement des poèmes dans
différentes revues. Son premier recueil sera édité en mai 1918. Si l'accueil critique est
favorable, le public n'est pas prêt à recevoir un discours aussi véhément contre la guerre.
En fait, l'arrière s'intéresse peu aux écrits des combattants et ne désire pas vraiment
connaître leur vécu, préférant se conforter dans les représentations mensongères de la
presse et de la propagande officielle. Le fossé qui s'est de plus en plus creusé entre ceux
de l'arrière et le front a grandement affecté les combattants et a poussé plus d'un à
prendre la plume pour rétablir la vérité. Dans son poème Gloire aux femmes, Sassoon
s'en prend aux mères qui glorifient leurs fils blessés au combat du moment bien sûr que
la blessure affecte une partie du corps que l'on puisse mentionner sans honte.
Le 26 novembre 1917, Sassoon est déclaré apte à reprendre du service. Si son
manifeste exprimait clairement le refus du combat, la culpabilité de ne pas être à côté de
ceux qui se battent est la plus forte. Mais il ne retourne pas en France. En janvier 1918,
il est posté à Limerick, en Irlande. La douceur de la vie irlandaise lui permet de
récupérer pleinement tous ses moyens. Il est prêt à repartir au combat. Envoyé à
Jérusalem, il n'y reste qu'un mois. En mai, il réintègre son unité dans le secteur d'Arras.
Au mois de juillet, il reçoit une balle en pleine tête, accidentellement tirée par un de ses
sergents. Une fois de plus, Sassoon reprend le circuit des hôpitaux militaires. La guerre
est terminée pour lui.
Tout au long de sa vie, Siegfried Sassoon ne cessera de revenir sur son
expérience de combattant. The Complete Memoirs of George Sherston, trilogie
composée de Mémoires d’un chasseur de renards (1928), Memoirs of an infantry officer
(1930) et Sherton’s Progress (1936), est une œuvre à la fois romanesque et
autobiographique. La distanciation romanesque permet à Sassoon de nous donner un
récit nuancé, au style élaboré, et de proposer différents angles. Une de ses techniques
favorites est celle de la juxtaposition. En confrontant des réalités et des sensations très
différentes, voire opposées, il tente de montrer la complexité de l'expérience vécue par
le combattant. Il y a chez lui un art du récit très subtil, où la nostalgie n'exclut pas la
colère et la dénonciation.
Devenu un des grands noms de la littérature britannique de la Grande Guerre,
Siegfried Sassoon mènera une vie placée bien souvent sous le signe de la contradiction.
Son homosexualité ne l’empêche pas de se marier en 1933 et d’avoir un fils en 1936.
Militant pacifiste pendant les années 30, il affiche des sympathies politiques de gauche,
mais sans jamais s’engager vraiment. En 1957, il se convertit au catholicisme.
Le premier extrait aborde le problème des mémoires de guerre : comment
retranscrire le vécu de la guerre ? Comme souvent chez Sassoon, les descriptions de
paysage et d'éléments naturels côtoient les réalités de la guerre. Le second extrait tente
de définir l'état d'esprit des combattants au début de 1916.
Le soir suivant, juste avant l'appel aux armes, j'ai longuement contemplé les
rougeoiements du coucher de soleil et je me suis dit que le ciel était un des éléments
rédempteurs de la guerre. Là où je me trouvais, derrière les tranchées de soutien, le
terrain criblé de trous d'obus s'enfonçait dans la pénombre; les distances étaient
bleues et solennelles, un petit bosquet se dressait en haut d'une crête, masse sombre
qui se découpait sur les cendres rougeoyantes d'un jour finissant, un de plus, qu'il
avait fallu endurer. Portant mon regard en direction de l'ouest, loin de la guerre, je
vis l'étoile du soir qui scintillait en toute sérénité. Des canons grondaient dans le
lointain. On entendait les convois passer sur les routes situées derrière Fricourt; le
fait qu'ils fussent allemands ne cessait de m'étonner.
Quand je regarde en arrière et que j'essaie de retrouver la texture exacte de pareils
moments, je m'aperçois qu'ils sont impossibles à reproduire. La mémoire élimine
l'ennui et les contraintes physiques pour ne retenir que l'impression incomplète
d'une expérience étrange, intense et unique. S'il était possible de revenir sur terre
après la mort et si les fantômes pouvaient traverser le temps pour choisir les lieux
qu'ils veulent hanter, je retournerais au secteur du Bois Français tel qu'il était à
l'époque. Mais comme je suis convaincu que les spectres sont privés du sens de
l'odorat (et je ne suis pas sûr non plus que leur ouïe soit opérationnelle), de telles
expéditions surnaturelles seraient aussi décevantes que celles qui absorbent
présentement mon énergie mentale. Il faut savoir que la vie dans les tranchées
sollicitait en permanence les sens; et bien que nos actions fussent dominées par la
discipline militaire, notre instinct animal prenait toujours le dessus. Au moment
précis que j'évoque, je n'avais aucun désir d'analyser mon environnement. Je
souhaitais simplement être libéré de l'oppression qu'il engendrait. En écoutant le
roulis lointain des convois ennemis, je pensais à une vieille gouvernante allemande
que j'avais connue, qui me parlait souvent de "ces chers Molkte et Bismark", de la
paix qui régnait dans sa maison en Westphalie et de son père qui était pasteur
protestant. Je me demandais à quoi pouvait ressembler la Westphalie et regrettais de
ne pas avoir davantage parcouru le monde avant qu'il ne se résume à un lieu où l'on
verse le sang. Il faut dire qu'avant de partir à la guerre je n'avais qu'une notion très
brumeuse de tout ce qui n'était pas l'Angleterre.
Je me trouvais donc là, avec ma vie au goût d'inachevé, et elle était susceptible de se
terminer à tout instant; l'air du soir, jusque là aussi paisible qu'une cathédrale, fut en
effet troublé par un projectile qui s'abattit à proximité et brisa net le cours de mes
méditations, aspirées dans un nuage de fumée noire au bruit infernal. Un rat se
faufila parmi les boites de conserve et les sacs de remblai éventrés, une odeur de
chaux me parvint aux narines : l'atmosphère des tranchées avait reprit ses droits.
Tandis que je retournais à la cagna pour y chercher mon revolver en vue de l'appel
aux armes et de la revue de détail, j'entendis la voix de Flook, à un tournant de la
tranchée de soutien, qui demandait à un des grenadiers de la compagnie s'il n'avait
pas vu son supérieur partir dans cette direction. Flook était pressé de m'apprendre
que j'avais une permission. J'inspectai à la hâte les fusils de ma section et quelques
minutes plus tard je descendis la tranchée d'Old Kent Road. La redoute Maple essuyait
son habituel bombardement du soir. Un homme venait d'être tué quelques minutes
auparavant par un obus de 77. Aussi étais-je heureux de me trouver sur la route de
Morlancourt en compagnie de Dottrell; heureux également de me rendre le
lendemain à la gare de Méricourt derrière un cheval qui traînassait; d'entendre les
mélodieuses cloches de Rouen fendre l'air du soir tandis que le train de
permissionnaires faisait un arrêt, ne se décidant qu'une demi-heure plus tard à
poursuivre nonchalamment sur Le Havre. Cette série de bénédictions trouva son
apogée dans une paisible maison de Kensington, celle d'un ami de tante Evelyn, où je
passai la nuit.
Absolution
Absolution
L'angoisse de la terre absout notre regard,
La beauté luit alors sur toutes choses où il se porte.
La guerre est notre fléau, mais la guerre nous rend
sages;
Combattant pour la liberté, nous devenons des
hommes libres.
The anguish of the earth absolves our eyes
Till beauty shines in all that we can see.
War is our scourge ; yet war has made us wise,
And, fighting for our freedom, we are free.
L'horreur de la blessure, la colère face à l'ennemi,
Et la perte des choses chères; tout cela doit passer.
Nous sommes la joyeuse légion, car nous savons :
Le Temps n'est qu'une brise argentée qui fait
onduler les prés.
Horror of wounds and anger at the foe,
And loss of things desired ; all these must pass.
We are the happy legion, for we know
Time’s but a golden wind that shakes the grass.
Il fut un temps où nous répugnions à quitter
Cette vie où nous voulions notre juste dû.
Maintenant que nous avons accueilli cet héritage
du coeur,
Que vouloir de plus, mes camarades, mes frères ?
There was an hour when we were loth to part
From life we longed to share no less than others.
Now, having claimed this heritage of heart,
What need we more, my comrades and my
brothers ?
Avril-septembre 1915
[L’auteur commente ainsi ce poème, écrit en 1915 avant l’arrivée au front :
« C’est ce que l’on pensait quand on s’engageait en 1914 et 1915. Mais personne n’a plus ressenti cela
par la suite. Seule est restée une étrange nostalgie pour « le bon vieux temps passé à Givenchy ». Mais il y
aura toujours des « bon vieux temps », même pour ceux qui passent avantageusement de l’enfer au
paradis ! »]
A mon frère
Donne-moi la main, mon frère, explore mon visage;
Fixe ces yeux pour que je ne connaisse pas la honte;
Car nous avons mis un terme à toute chose vile.
Nous retournons par la route qui nous a vus arriver.
Ton lot est avec les esprits des soldats morts,
Et je suis au champ où l'homme doit se battre.
Mais dans la pénombre, je vois ton visage glorieux
Et par ta victoire, je gagnerai la lumière.
To My Brother
Give me your hand, my brother, search my
face ;
Look in these eyes lest I should think of shame ;
For we have made an end of all things base.
We are returning by the road we came.
Your lot is with the ghosts of soldiers dead,
And I am in the field where men must fight.
But in the gloom I see your laurell’d head
And through your victory I shall win the light.
18 décembre 1915
[Hamo, le jeune frère de Sassoon, venait d’être tué à Gallipoli.]
Suicide in the trenches
Suicide dans la tranchée
J'ai connu un brave petit soldat,
Qui souriait en toute innocence à la vie.
Dans la solitude de la nuit, il dormait sans souci.
Au réveil, il sifflait avec l’alouette.
Dans les tranchées funestes et glacées de l'hiver,
Des obus, des poux et trop peu de rhum,
Il se logea une balle dans la tête.
On ne parla jamais plus de sa personne.
Vous, les foules impudentes aux regards exultants,
Qui aux braves soldats en parade accordez votre
liesse,
Rentrez donc chez vous et priez que jamais vous ne
connaissiez
I knew a simple soldier boy
Who grinned at life in empty joy,
Slept soundly through the lonesome dark,
And whistled early with the lark.
In winter trenches, cowed and glum,
with crumps and lice and lack of rum,
He put a bullet through his brain.
No one spoke of him again.
You smug-faced crowds with kindling eye
Who cheer when soldier lads march by,
Sneak home and pray you'll never know
The hell where youth and laughter go.
Cet enfer où disparaissent les rires et la jeunesse.
[Poème publié dans le Cambridge Magazine du 23 février 1918.]
La cagna
The Dug-Out
Pourquoi ces jambes entortillées quand tu dors,
Et ce bras qui barre ton visage triste,
Froid et sans vigueur ? J'ai le coeur blessé
De voir ton ombre sculptée à l'or vacillant de la
flamme;
Tu te demandes pourquoi je te secoue l'épaule;
Tu murmures en t'éveillant, tu soupires et tournes
la tête...
Tu es trop jeune pour t'endormir à jamais;
Et quand tu dors, tu me fais penser aux morts.
Saint-Venant, juillet 1918
Why do you lie with your legs ungainly huddled,
And one arm bent across your sullen, cold,
Exhausted face ? It hurts my heart to watch you,
Deep-shadow’d from the candle’s guttering gold ;
And you wonder why I shake you by the shoulder ;
Drowsy, you mumble and sigh and turn your head...
You are too young to fall asleep for ever ;
And when you sleep you remind me of the dead.