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193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
Original : anglais
Assemblée parlementaire de l’OTAN
COMMISSION DE LA DEFENSE ET
DE LA SECURITE
IMPLICATIONS REGIONALES ET
MONDIALES DE LA GUERRE CIVILE EN
SYRIE : QUEL ROLE POUR L’OTAN?
RAPPORT
Andrzej SZEWINSKI (Pologne)
Rapporteur
Sous-commission sur la coopération transatlantique en
matière de défense et de sécurité
www.nato-pa.int
23 novembre 2014
193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
TABLE DES MATIERES
I.
INTRODUCTION ................................................................................................................... 1
II.
LA GUERRE CIVILE EN SYRIE AUJOURD’HUI ................................................................... 2
III.
L’ARMEE ARABE SYRIENNE ............................................................................................... 3
A.
COMBATTANTS ETRANGERS ET MILICES PROCHES DU REGIME ....................... 3
B.
FORCES TERRESTRES EN 2014 ............................................................................... 4
C.
FORCE AERIENNE ET SES CAPACITES DE DEFENSE EN 2014 ............................. 5
D.
LOGISTIQUE ET ORGANISATION .............................................................................. 5
E.
CONCLUSIONS RELATIVES A L’ARMEE ARABE SYRIENNE ................................... 6
IV.
LA FRAGMENTATION ET LA RADICALISATION DE LA RESISTANCE SYRIENNE ........... 6
A.
OPPOSITION POLITIQUE .......................................................................................... 7
B.
OPPOSITION ARMEE ET GLISSEMENT VERS UNE GUERRE SUR TROIS
FRONTS....................................................................................................................... 7
1.
Armée syrienne libre et groupes rebelles modérés affiliés : moribonds ? ............ 8
2.
Radicalisation croissante ..................................................................................... 9
3.
Rebelles islamistes locaux : essor et déclin du Front islamique ......................... 10
4.
Rebelles s’inspirant d’al-Qaida .......................................................................... 11
5.
Combattants étrangers sunnites ........................................................................ 11
6.
Combattants étrangers européens .................................................................... 12
V.
L’OPPOSITION ET L’OCCIDENT ........................................................................................ 13
A.
STRATEGIES DANGEREUSES : LA MONTEE DE DAESH ET LA GUERRE SUR
TROIS FRONTS ......................................................................................................... 14
1.
Stratégie et tactiques ......................................................................................... 14
2.
Vers une guerre sur trois fronts : la bataille d’Alep ............................................ 14
3.
L’élargissement du front kurde .......................................................................... 16
VI.
LES DEFIS REGIONAUX ET MONDIAUX CROISSANTS : CONSEQUENCE DE
LA GUERRE CIVILE EN SYRIE .......................................................................................... 17
A.
REFUGIES REGIONAUX ........................................................................................... 18
B.
COMBATTANTS ETRANGERS ................................................................................. 18
C.
DEBORDEMENT DU CONFLIT ET DESINTEGRATION DE L’ETAT ......................... 19
D.
SITUATION HUMANITAIRE ....................................................................................... 20
E.
ARMES CHIMIQUES – LA SYRIE ET L’ORGANISATION POUR
L’INTERDICTION DES ARMES CHIMIQUES (OIAC)................................................. 21
VII.
CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS ....................................................................... 22
ANNEXE – L’ECHEC DU PROCESSUS DE PAIX DE GENEVE .................................................. 26
I.
NEGOCIATIONS DE PAIX DE GENEVE............................................................................. 26
II.
LE CHEMIN SEME D’EMBUCHES JUSQU’A GENEVE II ................................................... 26
III.
GENEVE II........................................................................................................................... 28
IV.
FAIBLESSES ....................................................................................................................... 28
V.
POSSIBILITES .................................................................................................................... 29
BIBLIOGRAPHIE ................................................................................................................. 31
i
193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
I.
INTRODUCTION
1.
Le 11 mars 2014, la guerre civile en Syrie est entrée dans sa quatrième année et aucune
issue ne semble se dessiner. Les sept derniers mois de cette guerre effroyable n’ont fait que
rendre plus complexe encore la situation aux niveaux local, régional et international. La guerre a
fait plus de 200 000 morts parmi les Syriens, sa violence inouïe se traduit par au moins 3 millions
de réfugiés dans l’ensemble de la région et quelque neuf millions de personnes déplacées dans
leur pays – soit la pire catastrophe humanitaire de ce siècle. L’Etat syrien, entré en guerre il y a
trois ans, est presque entièrement détruit, pas un seul secteur n’a été épargné.
2.
Plus le temps passe et plus la guerre civile en Syrie devient complexe. Il ne s’agit plus pour
l’armée arabe syrienne de lutter contre des groupes armés locaux assez disparates. La situation
de chaos dans laquelle s’enfonce la Syrie est aujourd’hui exacerbée par un conflit ouvert entre des
forces rebelles, des alliances mouvantes entre divers groupes minoritaires du pays, l’intervention
directe de soldats du Hezbollah et de conseillers iraniens, une arrivée massive de combattants
étrangers sunnites et chiites, l’appui matériel accru de l’Iran et de la Russie et, même, l’usage
tactique d’armes chimiques. Si seul l’usage de ces armes a amené les pays occidentaux à brandir
la menace de recourir à la force, celle-ci a été rapidement écartée par l’intervention diplomatique
russe en vue d’obtenir un accord sur le démantèlement du stock d’armes chimiques de Damas.
3.
La guerre en Syrie a également permis l’essor de groupes armés extrémistes très puissants,
facteurs de déstabilisation au niveau régional, qui utilisent les régions en guerre du nord et du
nord-est de la Syrie comme base d’opérations pour gagner en nombre et en force. Daesh1
(également appelé ISIS, ISIL, et Etat islamique), le plus notable d’entre eux, a utilisé sa base
d’opérations dans le nord-est de la Syrie pour lancer une campagne de destruction en Irak durant
l’été 2014. Grâce au pillage, au racket et au commerce illicite de pétrole, ce groupe constitue une
menace importante pour la région et pour le monde entier, que combat aujourd’hui une coalition
internationale de 22 pays, dirigée par les Etats-Unis, au moyen d’une campagne aérienne et d’un
appui indirect aux forces locales sur le terrain.
4.
La spirale continue du chaos, de la confusion et de la violence en Syrie dissuade toujours
les puissances occidentales d’une intervention de grande ampleur. En fait, les puissances
occidentales ont apparemment décidé qu’il n’y a pas d’option militaire viable pour mettre un terme
à la violence en Syrie. Cette réticence de l’Occident à intervenir est aussi une question de
calendrier et de contexte ; éprouvant une certaine lassitude face à plus d’une décennie
d’engagement militaire continu dans la région, les puissances occidentales et leurs opinions
publiques, notamment les Etats-Unis, répugnent à envisager toute nouvelle aventure au
Moyen-Orient. S’y ajoute le manque de leadership qui caractérise le monde arabe. Ce manque
d’acteurs influents dans la région, doublé de la réticence de l’Occident, aggrave encore la tragédie
syrienne, ce qui ne veut pas dire pour autant que l’OTAN et ses pays partenaires n’ont aucun rôle
à jouer.
5. En fait, de multiples raisons rendent indispensable un débat plus approfondi sur l’usage des
capacités de l’OTAN en Syrie et dans les régions voisines. Les défis que pose le conflit syrien en
matière de sécurité sont nombreux et présents à la porte de l’Alliance. Le conflit a favorisé l’essor
de Daesh en Irak et en Syrie, et le groupe risque désormais d’envenimer le conflit et de l’étendre
au Liban, voire à la Turquie et à la Jordanie. La prolifération des groupes extrémistes et les
milliers de combattants étrangers qu’ils parviennent à recruter, notamment Européens et
Nord-Américains, aggravent le risque que la Syrie du Nord – et désormais la partie est de
1
On utilisera dans ce rapport le terme Daesh pour décrire le groupe armé extrémiste qui se fait appeler
Etat islamique. Ce terme intègre l’acronyme du groupe en arabe, al-Dawla al-Islamiya fi al-Iraq wa
al-Sham, et, comme l’a indiqué récemment un article du Boston Globe : « selon le mode de
conjugaison en arabe, sa signification va de « fouler aux pieds ou écraser » à « fanatique qui impose
ses vues aux autres ». Le groupe extrémiste n’est pas un Etat et ne représente pas l’Islam, il s’agit
d’un groupe terroriste ayant un objectif régional (voire mondial).
1
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l’Irak - ne servent de terreau fertile au terrorisme mondial. Citons également le risque d’une faillite
totale de l’Etat, entraînant un flux encore plus important. L’épidémie de polio qui s’est déclarée
récemment dans le nord de la Syrie montre que la guerre constitue une menace pour la région à
tous les niveaux : militaire, politique et sociétal. Tel un cancer, le conflit envahit tous les secteurs
de l’Etat et de la société, n’épargnant rien sur son passage et consumant l’énergie de la région
tout entière.
6.
Après avoir donné un aperçu de l’état actuel de la guerre qui règne en Syrie, en évaluant les
forces du régime et les forces rebelles, le rapport met en évidence les raisons de l’impasse du
processus de paix international, informe sur les derniers développements concernant les effets
régionaux du conflit et suggère les options qui s’offrent à l’Alliance en dehors d’une intervention
directe dans le conflit. A une époque où l’OTAN est devenue l’instrument de facto des missions
internationales de protection civile, les souffrances terribles que la guerre civile en Syrie inflige aux
populations civiles dans l’ensemble de la région ne sauraient être ignorées.
II.
LA GUERRE CIVILE EN SYRIE AUJOURD’HUI
7.
L’année 2014 et les événements qui l’ont marquée ont compliqué encore une guerre qui
défie toute caractérisation. La spirale de la violence dans laquelle s’enfonce la Syrie, avec les
grandes puissances et les pouvoirs régionaux intervenant par alliés interposés, a créé un
effroyable vide sécuritaire dans la région – à la faveur duquel a prospéré l’un des groupes
terroristes armés les plus extrêmes ayant jamais menacé la région, Daesh. Les millions de
réfugiés syriens ont mis à rude épreuve les ressources des pays qui les accueillent et des
violences localisées ne sont pas rares. A mesure que le conflit fait voler en éclats les vestiges de
l’Etat syrien, la guerre en Syrie propage la faillite de l’Etat au-delà de ses frontières – l’Irak étant le
premier d’une liste qui pourrait être longue – renforçant l’influence de groupes armés extrémistes
régionaux et exportant la violence bien au-delà du Moyen-Orient à mesure que des combattants
étrangers s’engagent aux côtés des rebelles.
8.
La stratégie anti-insurrectionnelle brutale du régime de Bachar al-Assad lui assure une
position dominante, de Damas jusqu’au principal port de Lattaquié, en passant par Homs et
Hama. La consolidation territoriale par l’armée arabe syrienne, doublée de l’abandon stratégique
du nord, est demeurée la stratégie clé tout au long de l’année 2013 et en 2014. Les efforts
renouvelés contre les bastions des rebelles autour d’Alep, ont repris sérieusement à l’automne
2014, ont pour but de venir à bout des dernières forces « modérées » contrôlant encore des
2
quartiers stratégiques de la ville et de la province d’Idlib Les autres variables que sont les luttes
fratricides entre rebelles, l’intervention directe du Hezbollah aux côtés du régime d’al-Assad, et le
renforcement de l’appui matériel russe et iranien, semblent indiquer que le rapport de forces
penche en faveur de Damas, sans pour autant réussir à faire tomber les bastions des rebelles et à
prendre le contrôle d’Alep.
9.
Deux victoires notamment ont apporté au régime un nouvel élan et insufflé une nouvelle
confiance en consolidant son territoire central : la reprise de Qusayar et de Yabroud,
respectivement, en mai 2013 et en mars 2014. La reconquête de ces villes a permis à Damas
d’établir des nœuds stratégiques indispensables pour protéger son flanc occidental et consolider
son couloir septentrional à travers Homs jusqu’aux ports de la Méditerranée de Tartus et de
Lattaquié. Qui plus est, Qusayar et Yabroud permettent au régime de bloquer les principales
routes de contrebande des rebelles en provenance du Liban. Pour autant, alors que les rebelles
se livraient, l’hiver 2013, à des luttes fratricides, les efforts considérables déployés par l’armée
arabe syrienne pour reprendre pied dans le nord n’ont donné que de piètres résultats. Le conflit
entrant dans sa quatrième année, le régime semble de nouveau dans une impasse, ne disposant
2
La bataille d’Alep sera traitée lorsqu’on se penchera sur toute la gamme de forces rebelles et sur la
dynamique des fronts régime-contre-rebelle et rebelle-contre-rebelle.
2
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pas des effectifs nécessaires pour faire tomber les bastions des rebelles dans le nord, notamment
autour d’Alep.
10. L’arrivée massive de combattants étrangers a modifié de manière significative le caractère
des forces rebelles qui tentent de garder le contrôle de vastes zones de l’est et du nord du pays.
La fragmentation et la radicalisation font obstacle à la capacité des forces rebelles de coordonner
une résistance efficace capable de lancer de nouvelles offensives. Les quelque 1 200 factions qui
se battent aujourd’hui en Syrie peuvent être regroupées en quatre catégories : l’Armée syrienne
libre, les groupes islamistes locaux, les rebelles s’inspirant d’al-Qaida et les islamistes salafistes
régionaux, et les Unités de protection du peuple kurde.
11. Le présent rapport tente de donner une vue d’ensemble de l’évolution des parties qui
s’affrontent en Syrie. Après bientôt quatre ans de conflit intense, il est quasiment impossible
d’estimer un ordre de bataille précis pour l’un ou l’autre camp. Pour autant, les effectifs des forces
en présence peuvent être évalués avec suffisamment de précision pour comprendre le rapport de
forces sur le terrain.
III.
L’ARMEE ARABE SYRIENNE
12. Au début de la guerre en 2011, les effectifs cumulés des forces terrestres, aériennes et
navales étaient de quelque 200 à 400 000 soldats. La majeure partie de l’équipement militaire
syrien datait de la grande époque où ce pays était, au Moyen-Orient, le principal bénéficiaire des
armes soviétiques. Il a toujours été difficile d’obtenir des chiffres précis pour l’armée syrienne
étant donné la nature clandestine d’une grande partie de son arsenal et l’importance des forces de
sécurité intérieure qui peuvent, parfois, jouer un double rôle3. Situation que compliquent encore
plusieurs autres variables relatives aux effectifs et à la force du régime à mesure que le conflit
s’est poursuivi.
A.
COMBATTANTS ETRANGERS ET MILICES PROCHES DU REGIME
13. Le principal facteur influant sur le conflit depuis sa première année est sa « milice-isation »
du conflit, amorcée par le régime. Le régime de Bachar al-Assad a créé, avec le soutien financier
et l’appui de l’Iran, un réseau étendu et complexe de milices loyalistes locales et nationales dans
l’ensemble de ses bastions. Au cours de la deuxième année du conflit, le régime a commencé à
financer, avec un appui logistique et financier important de l’Iran, les forces syriennes de défense
nationale dans le but de créer un rempart de milices locales pour permettre à l’armée arabe
syrienne de préserver la mobilité de ses forces pour lutter contre les rebelles. Les forces de
défense nationale, composées de citoyens volontaires loyalistes, issus pour l’essentiel de groupes
minoritaires (principalement alaouites, chrétiens, et druzes) sont équipées et payées par le régime
Assad. La résurgence des milices alaouites shabiha, désormais tolérées, a servi les intérêts du
régime, l’armée arabe syrienne les utilisant à diverses fins, allant de mesures de contrôle et
d’actes d’intimidation, à l’échelon local, à des opérations brutales de nettoyage ethnique4.
3
4
Par exemple, on estime que les forces de sécurité intérieure ont atteint 500 000 hommes au cours des
premières années de la participation de la Syrie à la guerre civile libanaise, notamment après la
répression, en 1982, de l’insurrection menée par les Frères musulmans contre Hafez al-Assad. Ce
rapport fait la synthèse de diverses estimations des forces militaires permanentes du régime, avec les
réserves disponibles, moins les défections estimées.
Les milices shabiha sont apparues pour la première fois dans les années 80, durant l’occupation
syrienne du Liban, sous forme d’un réseau de gangs alaouites utilisant leurs liens de parenté avec la
famille Assad à Damas pour tirer profit de l’économie de guerre au Liban. Ainsi, les gangs shabiha se
sont enrichis en tirant parti de toutes les formes de trafic illégal, de part et d’autre de la frontière
libano-syrienne.
3
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14. Le deuxième facteur favorable à l’armée arabe syrienne est l’engagement sans réserve du
Hezbollah pour défendre le régime Assad, l’un de ses principaux bienfaiteurs. Des milliers de
combattants du Hezbollah, bien entraînés et bien équipés, et leur vaste réseau de soutien lié au
parti politique/milice chiite libanais, sont venus grossir les rangs des forces du régime dans les
régions stratégiques5. Les combattants du Hezbollah ont livré bataille pour protéger le flanc
occidental du régime le long de la vallée de la Bekaa, qui est aussi une ligne essentielle de
ravitaillement en armes pour le Hezbollah. Qui plus est, des conseillers militaires iraniens chargés
de former les milices et d’orienter la lutte anti-insurrectionnelle sont arrivés massivement, issus
notamment des Corps des Gardiens de la révolution islamique - la Force al-Qods, qui sert de
principal bras armé de l’Iran à l’étranger6. Résultat : les tactiques et les stratégies font l’objet de
larges consultations, voire d’un contrôle direct, de la part de Téhéran.
15. Enfin, le régime bénéficie d’un afflux de combattants étrangers chiites indépendants, attirés
par la propagande iranienne et envoyés en Syrie au sein de groupes destinés à contrer les
nombreux combattants sunnites venant grossir les rangs des rebelles dans le nord et l’est
(Solomon). Selon les estimations, entre 8 000 et 10 000 combattants chiites se trouvent en Syrie
pour appuyer le régime, un chiffre qui rivalise avec celui des combattants étrangers sunnites
venus rejoindre les rangs des rebelles. Ils viennent surtout du Liban et de l’Iraq, mais aussi de
pays beaucoup plus lointains tels que l’Azerbaïdjan et l’Afghanistan (Solomon).
16. Après bientôt quatre ans de campagnes offensives et de luttes intensives contre les forces
rebelles nationales et internationales, l’armée syrienne assume toujours la majorité des combats.
e
e
Le régime continue à s’appuyer sur sa Garde républicaine ainsi que sur les 3 et 4 divisions d’élite
qui constituent la force de frappe la plus mobile et d’une efficacité extrême. L’armée a perdu un
grand nombre de blindés ces trois dernières années ainsi que de nombreux avions de combat et
des hélicoptères, la marine demeurant pour l’essentiel à quai et ne participant à aucune opération
importante de défense du littoral (Holliday ; IISS, 2013). Ce qui suit est un bref aperçu de la
structure des forces du régime alors qu’il entame sa quatrième année de combat.
B.
FORCES TERRESTRES EN 2014
17. Les forces terrestres se sont avérées plus mobiles que prévu. Fortes d’environ
2 500 véhicules blindés de combat d’infanterie, elles sont appuyées par quelque 4 500 chars de
l’époque soviétique (dont environ 1 600 T-72). En matière d’appui-feu, on estime que le régime
compte toujours quelque 5 300 pièces d’artillerie, 4 000 missiles antichars et près de
5 000 MANPADS (Kechechian).7
18. Dans l’ensemble, les forces terrestres comptent 300 000 soldats, dont la moitié sont des
appelés. En 2012, le régime de Bachar al-Assad a interdit à tous les hommes âgés de 18 à 42 ans
de quitter le pays (AFP, 12 mars 2014 ; Enders). Les alliés paramilitaires du régime, décrits plus
haut, sont au nombre de 250 000 (Kechechian, 2013). Cela étant, la plupart des formations du
régime n’opèrent pas à pleine capacité, et certaines brigades ont apparemment été dissoutes en
raison d’un manque de loyauté politique ou à la suite de lourdes pertes. L’armée arabe syrienne
ne compte probablement que 125 000 soldats actifs, plus de 40 000 d’entre eux présentent un
5
6
7
Les estimations quant à la forme et au nombre de membres du Hezbollah combattant en Syrie varient
considérablement, aucune source ne faisant vraiment autorité. Les estimations vont de 1 000 à
10 000, le nombre exact se situant quelque part entre les deux. Voir Nerguizian, 2013.
La Mission consultative iranienne en Syrie (IAMS) est attestée et ses principaux acteurs ont même fait
l’objet de sanctions, imposées par le ministère américain des Finances pour l’aide qu’ils apportent au
gouvernement d’Assad depuis le début du conflit. Cette mission est composée des Forces d’al-Qods,
de l’Organisation du renseignement, de forces terrestres, des forces de l’ordre iraniennes et de
membres du service du renseignement et de la sécurité. Voir US Department of the Treasury
(Département d’Etat américain des Finances), 2011.
Systèmes portatifs de défense aérienne (MANPADS)
4
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risque de défection (Kechechian). Les forces du régime ont subi plus de 50 000 pertes depuis
2011.
19. S’il est clair que les forces du régime syrien sont relativement bien équipées, il est difficile de
juger de l’efficacité de l’équipement restant. En outre, des informations faisant état de
réapprovisionnement et de rééquipement importants de la part de la Russie et de l’Iran ont, de
toute évidence, modifié le degré de fiabilité d’une bonne partie des plates-formes militaires, vu
l’ajout de pièces de rechange ou de nouveaux systèmes de combat. Il est toutefois clair que le
taux élevé de régénération des forces du régime par le recours massif aux forces paramilitaires et
à la conscription s’explique par le taux élevé des pertes qui continuent de vider les rangs de
l’armée arabe syrienne. Les problèmes que posait le taux de défection relativement élevé qui a
pesé sur le régime au cours des trois premières années du conflit ont pour ainsi dire disparu.
C.
FORCE AERIENNE ET SES CAPACITES DE DEFENSE EN 2014
20. Si la force aérienne maintient sa suprématie aérienne sur le territoire national, elle n’a
aucune chance face aux avions et aux pilotes formés en Occident. Le régime compte
probablement un millier de pilotes prêts au combat pour une flotte de quelque 500 avions de
chasse et bombardiers de l’époque soviétique et près de 300 hélicoptères de combat russes et
français (Kechechian).
21. Si les défenses aériennes syriennes sont relativement solides, elles sont vieillissantes et
d’une efficacité incertaine. La Russie aurait toutefois fourni à l’armée syrienne, à partir de 2009,
des batteries de missiles sol-air plus récents. Si la Syrie a intégré les modèles S-300 et S-400
(capacités similaires aux missiles Patriot) dans son système de défense antimissile durant
l’hiver/printemps 2014, il est possible que les systèmes d’armes défensives de la Syrie soient
assez robustes. Cela étant, l’armée syrienne conserve un atout : sa batterie de missiles sol-sol de
portée courte et intermédiaire. Comme il est apparu clairement fin 2013, la Syrie dispose
8
également d’un arsenal important d’ogives chimiques . Si l’utilisation d’armes chimiques
formellement illégales a apparemment cessé, les forces du régime continuent à utiliser d’autres
produits chimiques, notamment du chlore, faisant ainsi toujours peser la menace d’attaques de ce
type sur les populations vivant dans des zones favorables aux rebelles, ou sous leur contrôle
(OIAC, FFM, septembre 2014)9
22. Le largage de barils d’explosifs tout au long de l’année 2014 par les forces aériennes
syriennes indique que le régime rationne ses missiles et autres armes de précision ; ce qui indique
sans doute que le régime table sur la fourniture d’armes anti-aériennes aux rebelles par leurs
soutiens du Golfe ou par l’Occident, auquel cas les forces aériennes devront utiliser des tactiques
beaucoup plus sophistiquées, doublées d’armes plus rapides et plus précises. Les récentes
attaques du régime contre les positions des rebelles ‘modérés’ près d’Alep, à la veille et au
lendemain des frappes aériennes de la coalition dirigée par les Etats-Unis, semblent indiquer qu’ils
utilisent de nouveau des armes de précision de manière intensive. Il s’agit sans doute d’en finir
une fois pour toute avec les forces rebelles « modérées » encore présentes à Alep et dans ses
environs, ou du moins de couper leur dernière voie de ravitaillement par la Turquie10.
D.
LOGISTIQUE ET ORGANISATION
23. L’armée arabe syrienne dispose de quelque 2 500 véhicules utilitaires de transport terrestre,
et de 40 avions de transport (Kechechian; IISS, 2014). Comme indiqué ci-dessus, ces capacités
se sont avérées plus résistantes, plus efficaces et plus rapides que ne le croyaient de nombreux
8
9
10
Pour une discussion plus approfondie sur l’évacuation des armes chimiques syriennes et l’OIAC
(l’organisation pour l’interdiction des armes chimiques), voir le chapitre suivant.
Si l’utilisation de chlore gazeux n’est pas expressément interdite par la Convention sur les armes
chimiques, son usage contrevient au droit international humanitaire.
De plus amples informations sur la bataille d’Alep figurent plus loin dans le rapport.
5
193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
11
analystes avant la guerre . L’armée arabe syrienne est donc toujours dotée de capacités
suffisantes pour établir des lignes de communication rapides avec toutes ses principales lignes de
front.
24. Les forces du régime restent dominées par les alaouites, plus de 70 % des officiers
s’identifiant au groupe religieux. D’autre part, certaines unités de forces spéciales demeurent
e
relativement solides, notamment la 4 division blindée et la Garde républicaine. Les défections
d’officiers sont quasiment nulles à ce stade de la guerre, notamment parmi les officiers alaouites.
Cette absence de défections en 2013 tient sans doute au sentiment de la montée en puissance du
régime, voire d’une victoire imminente. De ce fait, le régime peut tabler sur un leadership de
confiance capable de mener au combat les brigades légères fortes de 2 500 à 3 500 hommes et
de contenir les rebelles sur tous les fronts. Des raids aériens continus permettent aux unités
d’élites de s’attaquer aux points faibles de la défense des rebelles, les forces classiques pouvant
ainsi pénétrer le territoire contrôlé par l’opposition.
E.
CONCLUSIONS RELATIVES A L’ARMEE ARABE SYRIENNE
25. Après quasiment quatre années de combat contre un mouvement d’insurrection de plus en
plus disparate, les forces armées syriennes se sont avérées largement capables de défendre leur
territoire consolidé. Les forces du régime ont montré qu’elles étaient capables de déployer avec
efficacité des unités légères, bien équipées et approvisionnées, sur l’ensemble de ce théâtre.
Stratégiquement, le régime lutte contre l’insurrection en menant une campagne qu’il faut bien
qualifier d’anti-humanitaire étant donné qu’il utilise délibérément la privation de nourriture et le
bombardement de cibles civiles pour couper les rebelles de la population. Une telle stratégie
pourrait expliquer la tendance apparente du régime à économiser une partie de ses forces pour un
bras de fer décisif à une date ultérieure ; en attendant, le régime semble se satisfaire du fait que la
majorité des attaques terrestres de faible ampleur sont menées par ses forces paramilitaires
alliées.
IV.
LA FRAGMENTATION ET LA RADICALISATION DE LA RESISTANCE SYRIENNE
26. Depuis le début de la révolte armée, la fragmentation et la radicalisation de l’opposition
syrienne l’empêchent d’être un acteur uni, cohérent et représentatif. Avant même que Daesh ne
devienne une menace réelle pour toutes les autres forces rebelles opérant dans le nord et le
nord-est de la Syrie, l’impasse militaire des deux dernières années s’est révélée désastreuse pour
le courant majoritaire de l’opposition qui manque de moyens pour venir à bout des forces de
sécurité syriennes. Paradoxalement, les raids aériens que réalisent actuellement les Etats-Unis et
leur alliés contre Daesh et d’autres groupes extrémistes s’inspirant d’al-Qaida n’ont fait que rendre
plus difficile encore toute tentative d’unifier les groupes moins radicaux.
27. Depuis le début de la guerre, l’opposition armée et l’opposition politique syriennes reposent
sur des alliances mouvantes auxquelles manque un appui extérieur transparent. S’il n’a jamais été
aussi urgent qu’une opposition unie parle d’une seule voix, celle-ci n’est pas encore une réalité.
Les groupes d’opposition en exil et ceux opérant sur le territoire syrien sont constamment en
désaccord. Qui plus est, l’opposition politique et l’opposition armée coordonnent peu leur action,
voire pas du tout. Ainsi, les efforts déployés, début 2014, pour amener deux parties
représentatives à la table des négociations à Genève ont bien montré le manque de consensus
entre l’opposition armée et l’opposition politique en Syrie. Les facteurs qui favorisent la
fragmentation croissante et la tendance à la radicalisation sont complexes. Ils représentent une
11
De nombreux rapports, notamment du CSIS et du Washington Institute for Near East Policy,
estimaient que la vaste infrastructure de l’armée arabe syrienne était trop dépendante d’équipements
militaires vieillissants et peu fiables. D’où les conclusions erronées d’un effondrement de l’armée arabe
syrienne face à une insurrection déterminée.
6
193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
variable importante de l’intensité croissante et de la capacité de destruction de l’implication
régionale et internationale dans la guerre civile syrienne.
A.
OPPOSITION POLITIQUE
28. La mainmise que le parti Baas, en général, et la famille de Bachar al-Assad, en particulier,
exercent depuis cinquante ans sur le pays a étouffé toute forme de société civile en Syrie. De ce
fait, l’opposition politique qui a émergé en 2011 était un bloc grossièrement taillé et peu structuré
d’expatriés marginalisés, d’intellectuels et autres dissidents laïcs. Cette situation a donné lieu à un
clivage entre l’opposition politique et l’opposition armée lorsque les combats ont éclaté durant l’été
2011. Ce clivage était particulièrement net entre ceux qui menaient la lutte de l’intérieur de la Syrie
et les coalitions en exil qui voulaient servir d’organe qui chapeaute un mouvement d’opposition
plus large.
29. Les tentatives réciproques de discrédit de l’opposition politique interne et externe, depuis le
début du conflit armé en été 2011, font douter de la capacité de l’opposition à parvenir à un
règlement négocié avec le régime d’Assad (Issa). La nature fragmentée de l’opposition politique
au régime de Damas est un obstacle majeur qui l’empêche de coopérer efficacement avec les
groupes armés sur le terrain et de les contrôler.
30. A ce jour, les trois grandes coalitions de l’opposition sont le Comité national de coordination
pour le changement démocratique (CNC), le Conseil national syrien (CNS) et la Coalition nationale
pour les forces d’opposition et révolutionnaires syriennes (Coalition nationale). La
Coalition nationale a été reconnue comme représentant légitime du peuple syrien, mais aucune de
ces coalitions n’est parvenue à atteindre la majorité et/ou la pluralité nécessaires pour représenter
véritablement les tendances très diverses des forces armées de l’opposition.
B.
OPPOSITION ARMEE ET GLISSEMENT VERS UNE GUERRE SUR TROIS FRONTS
31. Il n’y aurait pas moins de 1 200 groupes armés d’opposition en Syrie, avec plus de
100 000 combattants (IISS, 2014b). Les efforts pour structurer les groupes armés rebelles en
organisations militaires plus cohérentes ont subi à peu près le même sort que ceux déployés sur
le plan politique ; on est toujours en présence de coalitions disparates en proie à des alliances
mouvantes auxquelles fait défaut un soutien extérieur constant et transparent. S’assurer le soutien
d’Etats (ainsi que d’autres formes de soutien externe) a été un moteur essentiel de la
restructuration organisationnelle. Les changements rapides sur le champ de bataille ainsi que
l’intensité de la violence ont aussi contribué à la formation de coalitions locales informelles et
ponctuelles qui surgissent pour répondre aux besoins immédiats en matière de sécurité de leurs
communautés. Cette fluidité montre à la fois la nature non idéologique d’une bonne partie de
l’opposition armée et la dimension profondément locale du conflit. Les groupes armés se
réclamant de projets politiques explicites sont généralement motivés par des idéologies islamistes
radicales, le groupe Jabhat al-Nosra lié à al-Qaida et Daesh étant les plus extrêmes. L’essentiel
de l’opposition, y compris certains groupes affichant une identité islamique, n’ont d’autre objectif
que de renverser al-Assad (pour les maximalistes) ou de repousser leurs agresseurs des zones
où ces groupes rebelles sont implantés (pour les minimalistes).
32. Les forces rebelles bénéficient de divers fournisseurs d’armes et de fonds allant des
principaux alliés du Qatar et de l’Arabie saoudite aux Frères musulmans de la région, en passant
par des donateurs privés, même si l’aide américaine a augmenté progressivement tout au long de
l’année 2014. Par ailleurs, les factions rebelles ont réussi à se procurer des armes par le biais du
marché noir, en s’emparant de dépôts d’armes de l’armée syrienne, et en s’approvisionnant
directement dans les régions frontalières des territoires qu’elles contrôlent. Les rebelles sont
passés maîtres dans l’art de créer des réseaux d’usines provisoires pour assembler des engins
explosifs improvisés (EEI) et autres systèmes d’artillerie rudimentaire (Chivers, 2013). Etant donné
l’offre abondante d’armes légères sur le marché mondial, particulièrement après la Guerre froide,
7
193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
les fusils et armes de poing sont largement disponibles, même si le prix d’un AK-47 sur le marché
noir a flambé au cours des quatre dernières années. Les rebelles ont aussi acquis des systèmes
de missiles antiaériens et antichars. Selon des observateurs du conflit, les factions rebelles
disposeraient de missiles antiaériens portatifs FN-6 et de missiles antichars Konkurs 9M113 de
l’époque soviétique (IISS, 2014). Autre événement notable en 2014 : la distribution de missiles
antichars TOW (BG-71) dont auraient bénéficié des groupes évalués et approuvés par les
Etats-Unis, même si ces rebelles ne peuvent toujours pas obtenir d’armes anti-aériennes. A cet
égard, Daesh tient une place à part dans le paysage des rebelles syriens, ayant saisi des
quantités importantes d’armes et de matériel, notamment des chars, dont disposaient les forces
de sécurité irakiennes avant leur effondrement durant l’été 2014 dans le nord-est de l’Irak ;
certains de ces blindés ont réintégré la Syrie.
33. A l’heure de la rédaction de ce rapport, les forces rebelles syriennes peuvent être
regroupées comme suit : Armée syrienne libre (ASL) et les groupes qui y sont affiliés, groupes
islamistes locaux, rebelles s’inspirant d’al-Qaida et islamistes salafistes régionaux et Unités de
protection du peuple kurde. Au début, les groupes de rebelles se sont ralliés derrière une vision
commune laïque de transition du pouvoir à Damas. A mesure que le conflit s’est intensifié, une
tendance nette à la radicalisation des factions rebelles s’est manifestée, couplée à l’afflux de
groupes extrémistes étrangers salafistes. Avec la propagation du conflit, la population kurde du
nord et de l’est a pris les armes pour établir et défendre une région autonome. L’essor de la
variante la plus extrême des rebelles s’inspirant d’al-Qaida a favorisé l’ouverture d’un nouveau
front, Daesh étant aux prises avec la totalité du spectre des rebelles syriens, ainsi qu’avec les
Kurdes, sans parler des « simili » conflits avec l’armée arabe syrienne. Un bref aperçu des
tendances des principales formations idéologiques des groupes armés qui s’affrontent en Syrie
est repris ci-dessous.
1.
Armée syrienne libre et groupes rebelles modérés affiliés : moribonds ?
34. En août 2011, des déserteurs de l’armée syrienne ont formé l’Armée syrienne libre (ASL).
Au tout début du conflit, des groupes armés de l’ensemble du pays ont rejoint l’ASL. Relativement
laïque dans sa structure, l’ASL a pour objectif la transition du pouvoir à Damas(officiellement en
faveur d’une transition démocratique). Faute de mécanismes de commandement et de contrôle
efficaces sur le champ de bataille, les pays amis occidentaux et du golfe Persique ont cherché à
favoriser une coalition plus large et plus centralisée de forces rebelles pour faciliter
l’approvisionnement, les communications et la coordination via l’établissement, fin 2012, du
Conseil militaire suprême (CMS). On pensait que ce Conseil militaire, centralisé et doté d’une voie
de communication directe avec ses alliés régionaux et occidentaux, permettrait de contrer
efficacement la montée de popularité de groupes rebelles extrémistes djihadistes. Or, en dépit
d’efforts relativement concertés, les forces proches du CMS ont maintenu des identités, des
programmes et des commandements séparés, certains éléments allant même jusqu’à collaborer
avec des groupes islamistes et des groupes liés à al-Qaida.
35. La décision de l’Administration Obama de ne pas frapper les forces du régime après les
attaques chimiques d’août 2013 a scellé le sort des forces rebelles ‘modérées’ qui se battaient en
Syrie. Le non-recours à la force par les Etats-Unis et ses alliés a radicalement changé les
positions des dirigeants rebelles « modérés » sur le terrain : premièrement, ils n’avaient plus
vraiment de raisons concrètes de prendre leur distance par rapport aux groupes
islamistes/djihadistes de plus en plus efficaces sur le terrain, et, deuxièmement, ils craignaient
qu’une relance des efforts diplomatiques internationaux pour régler le conflit syrien ne profite à
l’opposition syrienne en exil au détriment des rebelles qui se battent à l’intérieur du pays. Ceci a
conduit le Conseil militaire suprême sur la voie de l’obsolescence – durant les trois mois qui ont
suivi l’affaire des armes chimiques, la plupart des principaux groupes ont condamné celui-ci –
favorisant ainsi la formation et la prééminence du Front islamique (FI) qui réunit certains des
groupes les plus puissants opérant dans les provinces d’Alep et d’Idlib (ICG, 2014). La fin du
soutien apporté par les Etats-Unis au CMS après l’attaque lancée, le 9 décembre 2013, par des
8
193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
groupes du Front islamique contre un dépôt d’armes du CMS, a tari une des principales voies
d’approvisionnement en armes dont bénéficiaient des groupes ‘modérés’ contrôlant le territoire
des provinces d’Idlib et d’Alep.
36. En 2014, les Etats-Unis et ses alliés du Golfe ont commencé à apporter un soutien
coordonné aux rebelles par le biais d’un Centre conjoint d’opérations militaires (MOC), situé dans
une ville turque près de la frontière syrienne et composé d’agents de la CIA. Les responsables
américains s’efforcent d’évaluer les groupes recevant un appui, et ont encouragé leurs alliés en
Arabie saoudite et au Qatar à faire de même. Plusieurs groupes, parmi les moins modérés, ont
compris le message en adoptant une position plus pragmatique en vue d’apaiser les craintes de
l’Occident mais aussi celles de la région d’une radicalisation du conflit (ICG, 2014).
37. Le sentiment et/ou la preuve que les responsables de l’Armée syrienne libre sont inefficaces,
corrompus et mus par leur intérêt personnel, lui ont été très néfastes. En dépit de son nom, cette
nébuleuse n’a jamais pris corps pour former, de près ou de loin, une armée unique, demeurant
aussi disparate que n’importe quelle coalition rebelle opérant en Syrie. Cela étant, nombre des
brigades autrefois étroitement associées à l’Armée syrienne libre et au CMS n’ont pas disparu
pour autant à mesure que leurs combattants rejoignaient des groupes plus radicaux – des
éléments de l’Armée syrienne libre se sont maintenus dans de nombreux cas même si la
dénomination Armée syrienne libre est inappropriée en l’absence de commandement et de
coordination efficaces au niveau régional ou national.
38. Le Front des révolutionnaires syriens (FRS), basé à Idlib et constitué, en décembre 2013,
par Jamal Maarouf, est sans doute le groupe le plus notable à avoir pris ses distances à l’égard de
l’ASL et du CMS, sans tomber dans la version extrême d’inspiration islamiste/salafiste des
groupes rebelles (ICG, 2014). Citons comme autre groupe non idéologique et relativement laïc
Harakat Hazm (HH) qui serait le premier des groupes évalués et approuvés par les américains à
avoir reçu des missiles TOW (WSJ, 2014) et qui est désormais présent à Alep, le champ de
bataille où se joue le sort de la lutte révolutionnaire (ICG, 2014). FRS et HH sont aussi les
premiers bénéficiaires de l’aide acheminée par le biais du MOC, dont sont exclus les affiliés du
Front islamique (Lister, 7 août 2014 ; Hassan, 4 septembre 2014). La réorientation des ressources
qui a suivi semble avoir provoqué un certain nombre de défections de simples combattants qui ont
quitté les rangs du Front islamique pour intégrer ces groupes modérés, et elle a relancé les efforts
visant à constituer et à consolider des alliances d’insurgés modérés (ICG, 2014 ; Lister, 7 août
2014).
2.
Radicalisation croissante
39. Comme indiqué plus haut, une tendance de fond de la guerre civile syrienne en 2013 et
début 2014 est le déclin de l’ASL et du CMS et la radicalisation connexe d’importants contingents
du mouvement rebelle. Plusieurs facteurs ont contribué à la montée du salafisme parmi les
rebelles syriens12, notamment les caractéristiques structurelles de la société syrienne. Au début,
le soulèvement syrien était le fait d’une classe rurale très défavorisée vivant désormais dans des
zones urbaines éloignées de leurs réseaux de solidarité ; une situation largement exploitée par les
prêcheurs salafistes. En outre, le conflit s’intensifiant et la possibilité d’une chute précipitée du
régime d’Assad s’éloignant, nombre de combattants se sont tournés vers le salafisme. Pour
beaucoup d’entre eux, le salafisme est apparu comme la seule façon d’éviter de se retrouver
enlisés dans une impasse politique et militaire sans fin étant donné que les principaux circuits
d’approvisionnement en matériel provenant d’Etats arabes du Golfe et de donateurs privés
privilégiaient les groupes salafistes les plus radicaux (ICG, 12 octobre 2012). L’effet
« boule de neige » a fait le reste à mesure que les groupes salafistes, équipés du meilleur matériel
12
‘Salafisme’ désigne un mouvement de Musulmans sunnites qui soutient une version fondamentaliste
de l’Islam. Il adopte une interprétation littérale du Coran, fondée sur l’exemple d’al-Salaf al-Saleh,
‘Les ancêtres vénérables’.
9
193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
possible, ont commencé à remporter de réelles victoires sur le champ de bataille, attirant un
nombre croissant de rebelles, jusqu’alors dans des groupes laïcs, à rejoindre leurs rangs.
40. La brutalité du régime explique aussi la montée en puissance de plusieurs groupes
salafistes parmi les rebelles syriens. La violence avec laquelle le gouvernement, dominé par la
minorité alaouite, réprime la population sunnite est le meilleur facteur de recrutement, notamment
parce que l’aide accrue de l’Iran et du Hezbollah n’a fait que conforter l’idée d’un conflit
confessionnel. En fait, la montée en puissance du mouvement salafiste profite directement au
discours du régime selon lequel la guerre syrienne est une lutte contre le terrorisme intérieur et,
comme nous l’avons déjà souligné, le régime d’Assad a créé et encouragé la dérive extrémiste
des groupes d’opposition.
3.
Rebelles islamistes locaux : essor et déclin du Front islamique
41. Les rebelles islamistes locaux/d’inspiration locale ont, dès le début du conflit, joué un rôle de
premier plan dans la guerre civile en Syrie. Le Front islamique pour la Syrie, créé en
décembre 2012, était la première incarnation de l’alliance regroupant divers groupes rebelles
islamistes, connue près d’un an plus tard, en novembre 2013, sous le nom de Front islamique.
Comme indiqué plus haut, la création du FI a été favorisé par la chute du CMS. Les fondateurs du
Front islamique sont trois des principaux groupes autrefois associés au CMS. Le Front islamique
est vite devenu la principale coalition d’insurgés en Syrie : diverse sur le plan géographique, elle
regroupe le plus grand nombre d’organisations, avec 45 000 à 50 000 combattants, et reçoit des
fonds tant privés que publics des Etats arabes du Golfe (Lund, 2014)13.
42. La montée du Front islamique traduit non seulement l’échec des dirigeants de l’Armée libre
syrienne et du CMS mais aussi la radicalisation croissante déjà évoquée : l’une des factions les
plus puissantes de l’alliance est Ahrar al-Sham, un groupe salafiste radical dirigé par des hommes
résolus et connu pour sa coopération avec Jabhat al-Nosra (ICG, 9 septembre 2014 ; ISW,
1er octobre 2014)14. Contrairement aux groupes salafistes internationaux, le Front islamique a pour
objectif de renverser le régime de Bachar al-Assad et de bâtir à la place un État islamique. Les
effets conjugués du pragmatisme local, de l’engagement envers la révolution, et d’une forte
identité religieuse, qui constituent les atouts du Front islamique, lui permettent de coopérer sur le
terrain avec des factions modérées de l’ASL (Harakat Hazm et autres) et avec al-Nosra affilié à
al-Qaida.
43. Le Front islamique est dirigé par le charismatique Zahran Alloush, qui a su apporter une
certaine cohérence dans les groupes quelque peu disparates que cette organisation chapeautait,
lesquels en dépit de leurs forts penchants islamistes, ne sont absolument pas homogènes du
point de vue idéologique. Au sein du Front islamique, Zahran Alloush dirige al-Islam, le groupe
Jaysh d’insurgés le plus puissant dans la zone rurale de Damas (Ghouta), d’où sa brigade a
contribué à repousser les forces de Daesh. En dépit des efforts du Qatar et de la Turquie visant à
faire bénéficier le Front islamique de l’aide occidentale, celui-ci (et autres groupes locaux) ont
grandement pâti de la décision prise à l’initiative des Etats-Unis de ne pas accorder une aide aux
groupes ne faisant pas partie de l’Armée syrienne libre (Hassan, 4 septembre 2014). Le combat
acharné mené sur plusieurs fronts contre Daesh, couplé au manque de cohésion entre les
groupes, font que le Front islamique est aujourd’hui sérieusement affaibli. La disparition en
septembre 2014 du dirigeant d’Ahrar al-Sham dans une mystérieuse explosion pourrait fragiliser
un peu plus le Front islamique. Par ailleurs, les partisans de la ligne dure sont apparemment en
passe de s’emparer de ce qui reste d’Ahrar al-Sham tandis que d’autres factions du FI
13
14
A l’origine, sept groupes islamistes ont créé le Front islamique : Harakat Ahrar al-Sham al-Islamiyya,
Jaysh al-Islam, Suqour al-Sham, Liwa al-Tawhid, Liwa al-Haqq, Ansar al-Sham et le Front islamique
kurde.
A son maximum, Ahrar comptait environ 10 000 combattants (Lund, juin 2013). S’il n’est guère
possible à ce stade de donner une bonne estimation, il est néanmoins plus que probable que les
effectifs sont largement en dessous de ces chiffres.
10
193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
comprennent de mieux en mieux les bienfaits de la modération. Les défections dans les rangs
d’un Ahrar al-Sham amoindri au profit de groupes modérés et de groupes extrêmes comme
al-Nosra, ou les deux, pourraient aussi changer la donne ; certaines brigades du FI ressentent
déjà les effets de la perte de combattants au profit de ces groupes en raison de financement plus
sûr.
4.
Rebelles s’inspirant d’al-Qaida
44. La radicalisation de l’opposition armée a aussi mis au premier plan des factions rebelles
s’inspirant d’al-Qaida, les plus importantes étant Jabhat al-Nosra (Front al-Nosra) et Daesh déjà
mentionnés plus haut. Daesh, qui incluait à l’origine al-Qaida en Iraq (AQI), devenu par la suite
l’Etat islamique en Irak, aurait, selon de nombreuses sources, joué un rôle important dans la
création du Front al-Nosra ; en août 2011, Abu Mohammad al-Golani, un syrien qui s’est battu aux
côtés de l’ISI contre les forces des Etats-Unis en Irak, a été autorisé par le dirigeant de l’Etat
islamique en Irak, Abu Bakr al-Baghdadi, à établir une branche d’al-Qaida en Syrie (Abouzeid, 23
juin 2014). Les premières recrues remontent à la libération par le régime, en juin 2011, de
centaines de djihadistes radicaux de la prison de Sednaya, près de Damas, dont la plupart
s’étaient battu en Irak les années précédentes. Le Front al-Nosra qui a déclaré son existence en
janvier 2012, sans révéler son affiliation à al-Qaida, est devenu depuis lors l’une des forces
rebelles les plus efficaces en Syrie, mobilisant le soutien populaire par le biais de services sociaux
et de travaux d’intérêt public et en se montrant déterminé à renverser le régime d’al-Assad.
45. Les efforts du leader de Daesh, Abu Bakr al-Baghdadi, pour réunir Daesh et le Front
al-Nosra sous la bannière de « L’Etat islamique en Irak et en Syrie » ont provoqué une fracture
entre les deux réseaux djihadistes qui aura des répercussions sur la situation de l’opposition
syrienne. Le leader d’al-Nosra, Abu Mohammed al-Golani, a rejeté cette fusion et continue à se
réclamer du leader d’al-Qaida, Ayman al-Zawahiri. En dépit des efforts de médiation déployés par
al-Zawahiri, la fracture a pris effet dans les mois suivants et les relations entre les deux groupes
n’ont cessé de se détériorer, chacun convoitant le territoire de l’autre et faisant main basse sur les
ressources disponibles. Par ailleurs al-Nosra a perdu nombre de ses recrues étrangères, séduites
par les ambitions démesurées de al-Baghdadi.
5.
Combattants étrangers sunnites
46. Les deux dernières années du conflit syrien ont été marquées par un afflux massif de
sunnites étrangers venus grossir les rangs de groupes radicaux et extrémistes en Syrie. Si
certains combattants étrangers ont rejoint les rangs d’autres groupes parmi les plus extrêmes des
insurgés, notamment Ahrar al-Sham et Jabhal al-Nosra, la majorité aurait rejoint Daesh.
47. En décembre 2013, selon les estimations, quelque 11 000 combattants venant de 74 pays
différents ont rejoint l’opposition armée, le nombre d’Européens occidentaux triplant entre avril et
décembre 2013, soit environ 20 % du total (Pantucci ; Zelin). A l’automne 2014, d’après les
responsables du renseignement des Etats-Unis, la Syrie et l’Irak comptent 15 000 combattants
étrangers venant de 80 pays du monde entier, dont quelque 2 000 Européens et 100 Américains
(NYT, 21 septembre 2014). Selon d’autres estimations, les chiffres sont plus élevés, la Syrie
comptant à elle seule plus de 12 000 combattants étrangers, dont 3 000 d’entre eux sont
Européens (The Economist, 30 août 2014) : bien que la plupart des combattants étrangers
continuent à franchir la longue et poreuse frontière turque pour pénétrer en Syrie, des efforts
récents de la part de l’armée turque pour réduire le flot de combattants étrangers ont payé. Les
forces armées turques ont pu arrêter quelques milliers de combattants étrangers tentant de se
jeter dans l’arène de la guerre en Syrie. Cela étant, le nombre de combattants sunnites venus de
l’étranger en Syrie dépasse encore le nombre de tous les djihadistes qui s’étaient rassemblés sur
d’autres champs de bataille, y compris en Iraq et en Afghanistan (Pantucci ; Yacoubian). Malgré
les récents efforts de contrôle des frontières, le problème persiste toujours.
11
193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
48. Les raisons de cet afflux de combattants étrangers sunnites en Syrie sont nombreuses. Tout
d’abord, la volonté d’éliminer le régime de Bachar al-Assad qui, en tant que régime alaouite est
considéré par les Arabes sunnites radicaux comme apostat15. Le ralliement du régime d’al-Assad
à l’Iran chiite, et à son bras armé libanais, le Hezbollah, a consolidé les divisions sectaires. La
brutalité avec laquelle Bachar al-Assad tente d’écraser les insurgés ne fait que renforcer la
tendance à dénaturer le conflit. Au tout début de la guerre, un esprit de solidarité entre musulmans
et arabes, et non un radicalisme pur et dur, semble avoir été l’une des motivations conduisant
certains jeunes hommes à se rendre en Syrie. L’émergence de groupes djihadistes en Syrie,
toutefois, couplée à la radicalisation croissante et à la polarisation du conflit, ont agi comme un
aimant pour des djihadistes aguerris (tels que les Tchétchènes, les Irakiens ou les Algériens) ainsi
16
que pour de jeunes occidentaux inexpérimentés et souvent auto-radicalisés .
49. Outre la dynamique sectaire, les combattants étrangers sont à l’évidence entraînés dans
cette lutte par la proximité du champ de bataille avec Israël, qui demeure un problème de fond
toujours non résolu et nourrit chez les Musulmans un sentiment d’oppression et d’injustice. Pour
autant, les actions très concrètes menées par Daesh pour créer un Etat « islamique » doté d’une
armée efficace au Levant, ont servi de paratonnerre pour les jeunes extrémistes.
50. Nonobstant l’attention suscitée par les combattants européens, les principaux contributeurs
de combattants étrangers demeurent les pays du Moyen-Orient : Tunisie (3 000), Arabie saoudite
(2 500), Jordanie (plus de 2 000), Maroc (1 500), Liban (890), et Libye (556). Parmi les ex-pays
soviétiques, les principaux sont la Russie (423 sans compter la Tchétchénie ; 186 pour la
Tchétchénie), le Kazakhstan (150), l’Ukraine (50), et le Kirghizistan (30) (Zelin ; The Economist).
6.
Combattants étrangers européens
51. Les Européens engagés aux côtés des rebelles sunnites sont de nationalités et d’ethnies
diverses ; le Royaume-Uni, la France, la Belgique, l’Allemagne et les pays des Balkans fournissant
le plus de recrues. Des régions de l’ex-Union soviétique et des pays occidentaux non européens
tels que l’Australie, le Canada et les Etats-Unis fournissent le reste (Zelin, 2013 ; The Economist,
17
2014) . Comme indiqué au préalable, les Européens représentent environ 20 % du nombre total
de combattants étrangers en Syrie, ce qui veut dire que plusieurs milliers de jeunes gens, et
même certaines femmes, s’aguerrissent au combat en suivant un entraînement et en se battant
aux côtés des groupes musulmans les plus extrémistes au monde (Pantucci ; Zelin). D’après le
Centre international pour l’étude de la radicalisation, entre 10 et 15 % de ceux qui partent de
certains pays occidentaux pour se rendre en Syrie sont des femmes qui suivent leur mari ou qui
veulent devenir des fiancées djihadistes (The Economist, 2014). Les combattants étrangers
occidentaux sont principalement de jeunes hommes, encore adolescents pour certains qui, en mal
de sensations fortes, viennent participer au djihad. Si la plupart rejoignent les rangs d’al-Nosra ou
de Daesh, les autres groupes djihadistes qui attirent les Européens sont Harakat Ahrar al-Sham
15
16
17
La secte alaouite est officiellement approuvée en 1973 par Musa Sadr en tant que ramification des
chiites duodécimains. L’approbation des alaouites en tant que branche de l’Islam chiite s’inscrit dans
l’initiative de Hafez al-Assad visant à légitimer son autorité en tant que président d’un pays à majorité
sunnite, et membre de la secte minoritaire alaouite. (Seale, 1990.)
S’il est vrai que des Occidentaux prennent les armes en Syrie, ils sont aussi utilisés comme chair à
canon par Daesh et al-Nosra : ils sont envoyés pour ouvrir un nouveau front en se faisant sauter dans
des attentats à la voiture piégée et autres opérations. Les Occidentaux servent aussi la stratégie de
Daesh mise en place sur les médias sociaux pour recruter davantage à l’Ouest et augmenter ses
effectifs. Les personnes instruites ou qualifiées sont en fait très prisées étant donné que Daesh
s’efforce d’établir et de faire fonctionner des services efficaces à l’exemple des services publics.
Les recrues d’Europe occidentale viennent principalement de France (≈ 700), Royaume-Uni (≈ 400),
Allemagne, (≈ 270), Belgique (≈ 250) et Pays-Bas (≈ 120). Par rapport à la taille de la population, les
pays les plus touchés sont la Belgique (plus de 20 combattants étrangers par million), le Danemark
(≈ 15), la France (≈ 10), l’Australie (≈ 10), la Norvège (≈ 10), les Pays-Bas (≈ 5), l’Autriche (≈ 5).
Diverses estimations circulent à propos du nombre de combattants turcs, allant de 400 à 1000. Dans
les Balkans, les principaux contributeurs sont le Kosovo (≈ 150), l’Albanie (≈ 140), et la Bosnie (≈ 60).
12
193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
al-Islamiyya, Jaysh
(Pantucci, 2013).
V.
al-Muhajireen
wal-Ansar
voire
le
groupe
réactivé
Jund
al-Sham
L’OPPOSITION ET L’OCCIDENT
52. Le morcellement et la radicalisation du mouvement ont joué un rôle décisif dans la réticence
de l’Occident à fournir à l’opposition syrienne les armes dont elle a besoin pour inverser le rapport
de forces sur le terrain. L’Occident appuie jusqu’à présent la Coalition nationale et soutient son
bras militaire, le Conseil militaire suprême, via une assistance ‘non létale’, notamment un appui
opérationnel et logistique limité. Une décision prise en juin 2013 par Washington pour livrer de
petites quantités de moyens létaux, qui très vite s’est heurtée à des obstacles politiques et
logistiques, a été abandonnée (IISS, 2014). Les puissances occidentales hésitent à armer les
rebelles de crainte que des armes puissantes ne tombent entre les mains des groupes les plus
extrémistes. L’évolution récente de la situation au sein de l’opposition armée n’a fait que
compliquer davantage le problème. Les Etats-Unis ont néanmoins lancé, à l’automne 2013, un
programme de formation militaire en Jordanie, organisé par la CIA et destiné à un petit nombre de
rebelles triés sur le volet ; ce programme est toutefois jugé insuffisant : pour 1 000 rebelles formés
par les Etats-Unis, on estime que 20 000 sont formés par la Force al-Qods des Gardiens de la
révolution et le Hezbollah (Miller).
53. Le retrait en décembre 2013 du Front islamique du CMS et sa lutte contre les forces de ce
dernier a permis de les chasser de leurs quartiers généraux et entrepôts d’armes au poste
frontière de Bab al-Hawa avec la Turquie. La prise par le Front islamique de ces stocks de
matériel, fournis par les pays occidentaux, ainsi que l’intensification des combats entre forces
rebelles ont amené les Etats-Unis et le Royaume-Uni à suspendre toute assistance « non létale »
dans le nord de la Syrie (Gordon, Landler et Barnard). Si les Etats-Unis, depuis janvier 2014,
fournissent de nouveau ce type d’aide aux groupes d’opposition non armés et, depuis
février 2014, au Conseil militaire suprême, la demande d’armes que les rebelles adressent à
l’Occident reste lettre morte (Carney ; INYT). Le rôle joué par les pays occidentaux à l’égard des
rebelles n’est pas très clair : ayant apparemment encouragé le Qatar et l’Arabie saoudite à
financer les rebelles, ils font obstacle à l’entrée d’armes lourdes en Syrie (Ostovar and McCants).
54. Les raids aériens des Etats-Unis et de ses alliés contre Daesh et Jabhat al-Nosra posent un
dilemme pour les rebelles modérés. Si tous les groupes d’opposition armés en Syrie, à quelques
exceptions près, se battent contre Daesh, allant des modérés de l’Armée syrienne libre aux
rebelles islamistes et affiliés d’al-Qaida, l’ensemble de ces groupes considèrent al-Assad comme
leur ennemi numéro un et leur priorité ; en fait, ils tiennent al-Assad responsable de l’émergence
de Daesh18. Nombre des rebelles recevant une aide par le biais du MOC ont indiqué clairement
leur ambivalence et leur frustration face aux frappes aériennes que tout le monde considère
comme profitant indirectement au régime d’al-Assad, et risquant de diviser un peu plus l’opposition
ou d’affaiblir ses éléments modérés19. Ainsi, malgré les programmes américains visant à former et
à équiper 5 000 rebelles de l’Armée syrienne libre en Arabie saoudite, les conséquences des
frappes aériennes sur la force politique et les effectifs des rebelles modérés en Syrie, et sur la
18
19
Voir paragraphe suivant sur les stratégies du régime et la guerre sur trois fronts.
Les frappes sont intervenues alors que Daesh, galvanisé par ses succès en Irak, commençait à axer
une partie de son action et de ses ressources sur les bases militaires d’al-Assad situées sur son
territoire et infligeait aux forces de sécurité syriennes quelques défaites humiliantes. Qui plus est, les
frappes aériennes américaines et de la coalition ont donné la possibilité aux forces aériennes
syriennes de poursuivre et de renforcer les attaques visant les rebelles syriens du courant majoritaire,
parfois même sous le couvert de frappes étrangères. Enfin, en ciblant al-Nosra par le biais de ce qu’il
est convenu d’appeler sa cellule Khorasan, les Etats-Unis sont perçus, même par les modérés,
comme frappant l’un des principaux groupes aux côtés desquels ils se sont battus contre al-Assad (et
Daesh), et donc comme faisant du tort à la lutte contre le régime oppresseur.
13
193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
situation de l’opposition au sens large, sont apparemment complexes et difficiles à prévoir à ce
stade.
A.
STRATEGIES DANGEREUSES : LA MONTEE DE DAESH ET LA GUERRE SUR
TROIS FRONTS
1.
Stratégie et tactiques
55. La stratégie globale du régime d’al-Assad ces dernières années a consisté à polariser et à
sectariser le conflit. Depuis le début de la guerre, le régime d’al-Assad qualifie les membres de
l’opposition de terroristes cherchant à mettre en péril la sécurité en Syrie, leur enlevant ainsi toute
légitimité politique. Pour que ce discours devienne réalité, le régime a relâché des centaines de
djihadistes extrémistes de la prison de Sednaya, près de Damas, dont la plupart avaient combattu
aux côtés d’al-Qaida en 2003, au lendemain de l’insurrection en Irak, laissant ces extrémistes
aguerris au combat se regrouper progressivement au sein de nouveaux réseaux, avant de former
un groupe affilié à al-Qaida, et ensuite le groupe dissident Daesh.
56. L’opposition est de plus en plus décrite comme un groupe terrifiant d’extrémistes
salafi-djihadistes prêts à tuer ou à convertir de force les communautés minoritaires. Ceci coïncide
avec les efforts visant à mobiliser les populations minoritaires importantes de Syrie (chrétiens,
alaouites, druzes, arméniens, etc.) à l’appui du régime d’al-Assad : choisir la sécurité de la liberté
de religion sous réserve de contraintes politiques au lieu d’un avenir incertain sous le joug
d’islamistes extrémistes. Les IRCG iraniens (forces al-Qods) et les forces d’Hezbollah se sont
ralliés à al-Assad pour protéger les ‘intérêts chiites’ régionaux contre ce qu’ils tiennent pour un
assaut de sunnites maniaques et radicaux cherchant à établir un califat dans la région. En raison
de la fracture sunnite/chiite propre au conflit, des milliers de combattants chiites sont venus d’Iran,
d’Irak, du Liban, d’Afghanistan, etc., pour appuyer le régime d’al-Assad. Etant donné la nature de
plus en plus sectaire du conflit, et les campagnes visant à présenter l’opposition comme un
groupe terroriste d’extrémistes sunnites, le régime a fait porter l’essentiel de son effort de guerre
sur les groupes armés plus ‘modérés’ de l’opposition.
57. Depuis le début de la guerre, le régime utilise des tactiques aveugles et brutales
(barils d’explosifs, privation de nourriture, bulldozers, massacre par des milices, etc.) pour que les
progrès des rebelles, remportés non sans épreuves, soient privés de tout soutien populaire – les
populations favorables aux rebelles, ou ayant la malchance de se trouver à l’intérieur d’une zone
sous leur contrôle, étant la cible de privations en matière d’électricité, d’eau et de denrées
alimentaires sûres, etc. Elles savent qu’elles risquent aussi de subir des violences extrêmes et
aveugles dans le cadre du combat que mène le régime contre les forces rebelles. Le régime
espère que ces tactiques videront de leur population les zones tenues par les rebelles, les privant
ainsi de la possibilité de créer un Etat parallèle.
58. Par ailleurs, en 2013, le régime a pris la décision stratégique d’abandonner le nord et l’est
du pays, ce qui non seulement permet de se consacrer entièrement à consolider les positions clés
que le régime détient dans les centres de population et le long de la côte, mais aussi de durcir son
discours stigmatisant une opposition extrémiste si les groupes les plus radicaux devaient
s’emparer du territoire dans le cadre d’une guerre d’usure entre eux.
2.
Vers une guerre sur trois fronts : la bataille d’Alep
59. Fin 2013, Daesh n’a pas hésité à se retourner contre l’ensemble de l’opposition armée
syrienne et à se retirer de la lutte contre le régime syrien. Le recrutement très actif par Daesh de
combattants étrangers aux quatre coins du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord, dans les pays du
Golfe et en Occident, et ses objectifs territoriaux au détriment de la lutte contre al-Assad, ont fait
naître chez les rebelles syriens une défiance croissante envers ce groupe. Daesh menaçait
d’importants bastions de rebelles et, par conséquent, des voies d’approvisionnement le long de la
14
193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
frontière turque. Ainsi, le 3 janvier 2014, une alliance entre plusieurs brigades de l’Armée syrienne
libre, dénommée le Front des révolutionnaires syriens, et le Front islamique, ont entrepris de
mener l’assaut contre la position de Daesh dans les territoires tenus par les rebelles, ouvrant un
deuxième front dans la guerre civile en Syrie.
60. Le front aligné ASL-Front islamique accuse les groupes affiliés à al-Qaida - et en particulier
Daesh - d’atrocités pires que celles commises par le régime d’al-Assad. Si le Front al-Nosra
continue de s’associer aux efforts des groupes islamistes pour renverser le régime d’al-Assad,
Daesh s’est totalement dissocié de ces objectifs limités et a déclaré son intention de créer son
propre Etat dans le nord de la Syrie et l’est de l’Irak. Le 2 février 2014, les principaux leaders
d’al-Qaida ont officiellement désavoué tout lien avec Daesh. Dans la foulée, Daesh a officiellement
déclaré la guerre au Conseil national syrien et au Conseil militaire suprême. Les combats ont été
particulièrement intenses de janvier à avril.
61. Ainsi, bien que chassé de la partie ouest d’Alep au début de l’année 2014, Daesh a
consolidé son emprise sur l’est d’Alep et sur une grande partie du nord-est de la Syrie jusqu’aux
frontières des régions kurdes. Ces régions ont donné à Daesh le contrôle de ressources vitales,
du commerce et de lignes d’approvisionnement qui lui ont permis de consolider une base
d’opérations. Daesh, fort de cette position relativement solide, a lancé des opérations depuis la
Syrie vers l’Irak le long des deux fleuves, le Tigre et l’Euphrate, l’armée nationale irakienne
s’effondrant à mesure qu’il progressait sur le terrain. Daesh a donc réussi à s’emparer des
principaux centres de population grâce à une manœuvre d’encerclement en direction de Bagdad.
Il est désormais un groupe régional doté d’un « potentiel de combat et de moyens » vu qu’il utilise
sa base consolidée en Syrie pour prendre le contrôle de nouveaux territoires en Irak.
62. L’effondrement des forces armées irakiennes dans l’est de l’Irak a permis à Daesh de
s’emparer d’importants équipements très performants, dont la majeure partie avait été fournis par
l’armée américaine. En outre, le groupe s’est emparé de plusieurs installations de pétrole et de
gaz, ainsi que d’une importante somme d’argent (430 millions de dollars) grâce à la prise de la
banque centrale à Mossoul. Aujourd’hui, le groupe se procure d’importants revenus non
seulement grâce au pillage, à la taxation, au racket et aux rançons mais aussi en se livrant au
commerce illicite de pétrole, ce qui lui rapporte au moins 1,25 million de dollars par jour20.
63. Durant la période qui a précédé les opérations menées par les Etats-Unis et leurs alliés pour
détruire les capacités de Daesh, tant en Irak qu’en Syrie, le régime syrien a intensifié sa
campagne à Alep dans l’espoir de fermer définitivement les voies d’approvisionnement restantes
des forces modérées qui tiennent encore le territoire à l’ouest d’Alep. Les rebelles font état d’une
reprise des frappes de précision par les forces terrestres et aériennes du régime. Daesh
concentrant de nouveau son action sur Alep et les territoires kurdes et autres dont les rebelles se
sont emparés le long de la frontière turque, les rebelles ‘modérés’ restants se trouvent pris entre le
marteau et l’enclume à Alep.
64. En résumé, il semble que la dynamique du mouvement rebelle en Syrie se complique un
peu plus avec chaque nouvel événement survenant au niveau local, régional ou international.
Engager les rebelles modérés dans la campagne contre Daesh sera d’autant plus difficile étant
donné leur déception face à la priorité donnée à cette lutte par rapport à celle contre le régime
d’al-Assad, mais aussi face à une guerre contre un discours de la terreur comparé à leur propre
vision d’une lutte révolutionnaire d’ampleur nationale. Concrètement, même si l’aide aux rebelles
modérés, approuvés par l’Occident, aurait augmenté, les rebelles du courant majoritaire en Syrie
sont nettement dominés par le régime de Bachar al-Assad et à Daesh.
20
Selon le Iraqui Oil Report, Daesh est en mesure d’envoyer au moins 125 camions par jour de la seule
raffinerie de pétrole d’Ajeel. Les extrémistes vendent les chargements de pétrole au prix réduit
d’environ 9 000 dollars par camion-citerne. Voir Mohammed Hussein.
15
193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
3.
L’élargissement du front kurde
65. L’opposition kurde syrienne joue un rôle distinct dans la guerre civile en Syrie étant donné
l’objectif qu’elle poursuit d’établir une région autonome dans les régions kurdes de la Syrie : le
changement de régime à Damas n’était pas nécessairement un facteur essentiel de ce combat.
Pour autant, le fait que le territoire syrien où les Kurdes aspirent à devenir autonomes ne soit pas
21
kurde de manière homogène , ni d’un seul tenant, constitue un obstacle majeur à l’autonomie. Il
est composé en fait de trois régions séparées, ayant des identités culturelles et géographiques
distinctes, situées dans le nord de la Syrie et voisines de la Turquie (Khaddour et Mazur, 2013).
Deux de ces enclaves sont assez petites : la première, à l’ouest d’Alep, est appelée Afrin par les
Kurdes et, la deuxième, dans le nord de la province de Raqqa, est Kobani. La vaste zone dont les
Kurdes ont voulu s’emparer, connue sous le nom de Jazeera, dans la province d’Hasakah, située
au nord-est de la Syrie, est considérée comme le ‘grenier’ du pays en raison de ses ressources
agricoles et renferme aussi une bonne partie des ressources pétrolières limitées de la Syrie.
66. Après le quasi-retrait de l’armée syrienne mi-201222, les groupes politiques kurdes et les
forces armées qui y sont associées ont cherché à surmonter leurs différends pour créer et
administrer une zone kurde autonome de facto dans le nord-est de la Syrie. Le Democratic Union
Party (PYD), parti dominant, et sa branche armée, les People’s Protection Units (YPG), sont
parvenus à un accord avec le parti rival, le Kurdish National Council (KNC), pour administrer la
zone par le biais d’un Comité kurde suprême, vite considéré comme un outil du PYD
(BBC, 17 octobre 2013). Depuis lors, le PYD contrôle la majeure partie du Kurdistan syrien
(Lund, 25 décembre 2013). En janvier 2014, le PYD est devenu le fer de lance de la déclaration
officielle de l’établissement d’un gouvernement régional autonome, donnant le nom de Rojava au
territoire englobant les enclaves kurdes : soit une étape importante dans le morcellement de facto
de la Syrie (Daragahi).
67. L’opposition kurde est donc devenue un facteur susceptible d’accroître la déstabilisation de
la région et de morceler un peu plus le territoire syrien. La montée en puissance de Daesh,
toutefois, a largement compromis la position kurde en Syrie. L’expansion de Daesh dans des
zones voisines des enclaves kurdes syriennes, notamment celles de Kobani (rebaptisé par le
régime syrien Aïn al-Arab en arabe) et de Jazeera, est devenue au cours de l’année 2014 une
menace grave et durable non seulement pour l’autonomie kurde mais aussi pour le sort de la
population kurde de Syrie.
68. La lutte que mènent les Kurdes pour obtenir l’autonomie a donc ouvert un étrange troisième
front dans la guerre civile en Syrie. Outre le conflit qui oppose le régime aux rebelles et la guerre
entre les rebelles et Daesh dans le nord, les Kurdes séparatistes se sont aussi trouvés mêlés au
conflit. En quelques mois, le front kurde est devenu essentiellement une lutte contre Daesh.
Le 10 septembre 2014, le YPG et une autre milice kurde, Jabhat al-Akrad (le Front kurde), se sont
alliées à plusieurs brigades rebelles locales affiliées à l’ASL23 pour annoncer la formation d’un
commandement opérationnel conjoint dans le nord d’Alep et la zone voisine de Raqqa. Il s’agit là
de l’étape la plus importante vers une coopération rebelles/kurdes en Syrie. Les tensions ont été
fortes entre les deux camps durant le conflit, les rebelles du courant majoritaire accusant les
Kurdes de tout faire pour rester en dehors du combat contre al-Assad dès lors que le régime était
prêt à se montrer conciliant, du moins en partie, envers les initiatives kurdes pour obtenir
l’autonomie.
21
22
23
Hormis les arabes sunnites, dont beaucoup ont des affiliations tribales, il y a une minorité importante
de chrétiens syriaques.
Le régime a en effet conservé quelques bases militaires et une présence dans les villes, notamment
dans la partie nord-est plus importante sur le plan stratégique (telles les villes de Hasakah et Qamishli,
qui se trouvent à la frontière de la Turquie).
Nombre d’entre elles ont intégré l’ASL en raison de l’affaiblissement de Liwa al-Towheed, un groupe
du Front islamique.
16
193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
69. Au moment de la rédaction du présent rapport, Daesh a fortement progressé dans les
enclaves kurdes de Kobani et Jazeera, et assiège depuis plus d’un mois la ville de Kobani. Malgré
plusieurs raids aériens de la coalition, ISIS a réussi semble-t-il à se réapprovisionner et à obtenir
des renforts, s’emparant de plusieurs quartiers de la ville, et contraignant un nombre record
d’habitants à traverser la frontière pour se réfugier en Turquie24. La lutte pour Kobani est devenue
un symbole très important dans cette guerre – non seulement pour l’efficacité perçue de la
campagne internationale destinée à affaiblir Daesh, mais aussi pour les objectifs politiques de la
population kurde en Syrie ainsi que pour la survie d’un front plus large de rebelles aux
avant-postes de la lutte contre Daesh.
VI.
LES DEFIS REGIONAUX ET
LA GUERRE CIVILE EN SYRIE
MONDIAUX
CROISSANTS :
CONSEQUENCE
DE
70. Alors qu’elle entre dans sa quatrième année, la guerre civile atteint un point d’inflexion : elle
constitue désormais une menace à l’échelon régional et mondial. Cette nouvelle dimension tient à
plusieurs facteurs : la crise humanitaire tant à l’intérieur qu’à l’extérieur du pays, notamment dans
les pays voisins, l’extrémisme des groupes qui s’affrontent et l’impossibilité de trouver une issue
au déchaînement de la violence font de ce conflit le pire, et de loin, qu’ait connu le XXIe siècle. Qui
plus est, la dynamique sectaire très puissante du conflit provoque de réelles lignes de faille
régionales et fait disparaître des frontières politiques établies depuis longtemps. Faute d’une
approche directe à deux niveaux, à savoir une pression diplomatique concertée et de grande
ampleur et le recours à tous les moyens disponibles pour parer aux menaces croissantes qui
résultent du conflit, les pays membres de l’OTAN pourraient s’exposer à des conséquences
dramatiques.
71.
-
-
-
-
-
24
Les crises à traiter sans délai sont évidentes, elles posent toutefois de sérieuses difficultés :
Premièrement, le flux déstabilisateur de réfugiés tant à l’intérieur de la Syrie que dans la
région voisine n’est pas tenable ;
Deuxièmement, le nombre élevé de combattants étrangers, dont des ressortissants
occidentaux, est une bombe à retardement pour les pays occidentaux si jamais ces
combattants formés par le djihad rentrent chez eux ;
Troisièmement, les effets du conflit se répercutent sur les lignes de fracture ethniques et
sectaires de la région, ont déjà gagné une bonne partie de l’Irak, et pourraient provoquer
un conflit d’ampleur régionale au Levant ;
Quatrièmement, la désintégration de l’Etat syrien est réelle, rien ne permettant de
penser que le régime d’al-Assad reprenne le contrôle des territoires qu’il a perdu dans le
nord et dans l’est ou ne rétablisse les services de l’Etat et les Kurdes insoumis ayant
déclaré un gouvernement autonome dans leurs propres régions ;
Cinquièmement, la situation humanitaire demeure catastrophique dans l’ensemble de la
Syrie étant donné le manque de services sanitaires et la fragmentation du territoire syrien
entre gouvernement, rebelles et Daesh, ce qui rend la distribution d’aide particulièrement
difficile ;
Sixièmement, le problème des armes chimiques n’a peut-être pas été entièrement réglé
par la mission conjointe OIAC-ONU chargée de l’évacuation et l’élimination des armes
chimiques de Syrie.
L’ONU a par la suite estimé que quelque 160 000 personnes ont traversé la frontière en l’espace de
deux semaines, et plus de 100 000 en un week-end seulement. Le nombre de réfugiés de Kobani se
situe aujourd’hui autour de 200 000.
17
193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
A.
REFUGIES REGIONAUX
72. Le nombre de réfugiés enregistrés qui ont fui le conflit en Syrie pour se réfugier dans les
pays voisins a explosé ces trois dernières années : de quelque 8 000 enregistrés
le 2 janvier 2012, leur nombre est passé à 2 303 746 le 2 janvier 2014, et enfin 3 178 404
le 8 octobre 2014 (Care International ; UNHCR). Soit un taux de croissance vertigineux de 335 %
pour 2012-2013, avec quelque 5 000 personnes sortant du pays chaque jour. La crise syrienne
est devenue la plus importante opération à ce jour de l’Agence des Nations unies pour les réfugiés
(UNHCR). Selon les estimations, les réfugiés non enregistrés représentent au moins plusieurs
millions supplémentaires dans la région (visites de l’AP-OTAN en Jordanie et en Turquie).
73. En moins d’un an, le nombre officiel de réfugiés s’est donc accru de près d’un million ; par
ailleurs, le conflit ne cessant de s’intensifier, des mouvements importants de réfugiés se
poursuivent. Selon les estimations, le nombre de réfugiés dans les pays voisins dépassera, en
décembre 2014, 4,1 millions de réfugiés enregistrés. Les effets indirects de la guerre civile se font
sentir dans l’ensemble de la région étant donné les tensions et les difficultés liées à l’accueil d’un
aussi grand nombre de réfugiés fuyant la guerre.
74. La Turquie, la Jordanie et le Liban sont les pays les plus rudement éprouvés par les flux de
réfugiés. La Turquie a même été la cible de plusieurs agressions directes, sous forme de missiles
perdus atterrissant sur son sol, d’avions de combat syriens violant son espace aérien et
d’attaques terroristes contre les sites de réfugiés et à proximité. En conséquence, la Turquie a
renforcé ses forces de sécurité le long des frontières, de la région de Hatay jusqu’aux zones
kurdes au nord et à l’est. Elle a par ailleurs demandé à ses Alliés de l’aider à protéger les
populations vivant dans les régions frontalières contre les tirs de missile syriens. En réponse à
cette demande de protection contre les missiles balistiques syriens, plusieurs pays membres de
l’Alliance, à savoir les Etats-Unis, les Pays-Bas et l’Allemagne, ont chacun envoyé des batteries
de missiles Patriot, respectivement à Gaziantep, Inçirlik et Kahramanmaras. La Turquie a aussi
prôné l’établissement d’une « zone sécurisée » avec interdiction de survol dans le nord de la
Syrie, où le flux de réfugiés en provenance de la région de Kobani accroît considérablement les
risques d’une nouvelle déstabilisation.
75. Comme l’ont appris les membres de l’AP-OTAN lors de visites effectuées dans la région
avec des pays alliés et partenaires de l’OTAN, l’afflux de réfugiés met à rude épreuve les
ressources de la Turquie et devient un problème critique en Jordanie. La pression de plus
d’un million de réfugiés fait peser une charge excessive sur les maigres ressources du Royaume
de Jordanie : l’approvisionnement en eau a atteint un seuil critique, les vivres ne sont pas
suffisants et un grave manque de fonds ne permet pas de faire face à ces problèmes, sans parler
des menaces croissantes que font peser sur la sécurité les flux de réfugiés et la proximité du
conflit. Après un exercice militaire en Jordanie en juin 2013, les Etats-Unis ont décidé de laisser
un détachement de F-16 et des batteries de missiles Patriot ainsi que plusieurs contingents pour
répondre aux inquiétudes de la Jordanie au niveau de la sécurité.
B.
COMBATTANTS ETRANGERS
76. Comme mentionné ci-dessus, le phénomène des combattants étrangers, aussi bien sunnites
que chiites qui se battent en Syrie, est sans précédent, leur nombre dépassant même ceux venus
rejoindre les luttes djihadistes en Afghanistan et en Iraq. Près de 20 % de ces combattants, ou du
moins plusieurs milliers d’entre eux, sont des ressortissants de pays occidentaux. La formation
ainsi que l’expérience du terrain acquises par ces combattants en Syrie sont sans équivalent
aujourd’hui. Fait préoccupant : ces Occidentaux rejoignent de plus en plus les groupes les plus
radicaux sur le terrain, notamment des groupes salafistes syriens locaux mais surtout al-Qaida et
Daesh.
18
193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
77. L’extrémisme a trouvé un terrain propice en Syrie pour créer un sanctuaire pour les
terroristes et un quasi-Etat au cœur du Moyen-Orient, aux portes mêmes d’un allié de l’OTAN.
Des sources indiquent qu’al-Qaida et Daesh ont intensifié leur campagne de recrutement parmi
les combattants occidentaux en vue d’opérations dans d’autres pays que la Syrie. De toute
évidence, ces combattants sont « intéressants » car leur passeport leur donne une grande liberté
d’action dans le monde entier.
78. En outre, les luttes internes et les schismes persistants des groupes rebelles offrent la
possibilité à al-Qaida et à ses branches d’établir des bases solides en Syrie. L’absence de forces
américaines ou russes sur le terrain rend la tâche encore plus attrayante et facile à réaliser
(Mendelsohn et Ahram). Il semble bien qu’al-Qaida ait voulu saisir l’occasion en Syrie avec
l’établissement de la cellule Khorasan. Ce petit groupe, ne comptant probablement pas plus de
douze membres, a été la cible de raids aériens américains, qui auraient même tué le chef de la
cellule. Khorasan avait pour objectif apparent de profiter du chaos en Syrie pour établir une base à
partir de laquelle il serait possible de lancer des attaques terroristes contre des cibles
occidentales.
79. Autant de facteurs qui pourraient faire de la Syrie un terreau propice aux opérations
terroristes à l’échelon régional et mondial. A cet égard, la menace que représentent les
combattants étrangers radicalisés ne doit pas être sous-estimée et doit être vue comme une
menace à court terme tant pour l’Europe que pour l’Amérique du Nord. Le contrecoup de la
situation en Syrie s’est déjà fait sentir en Europe avec la fusillade, en mai 2014, contre le musée
juif à Bruxelles, qui a fait 4 morts. Les progrès considérables de Daesh en Irak, ainsi que la
décapitation d’otages occidentaux, ont clairement pour but d’amener l’Occident, et notamment les
Etats-Unis, à agir. Si les frappes aériennes des Etats-Unis et de leurs alliés contre Daesh et la
présence d’al-Qaida en Syrie ont surtout retenu l’attention, les membres de l’OTAN et d’autres
pays s’efforcent, quant à eux, de mettre fin à l’entrée et à la sortie de combattants étrangers de
leur pays, ce qui a donné lieu à plusieurs arrestations. Des mesures spécifiques pour remédier au
problème sont également mises en oeuvre.
C.
DEBORDEMENT DU CONFLIT ET DESINTEGRATION DE L’ETAT
80. La sectarisation manifeste du conflit, notamment entre Musulmans sunnites et chiites, a
attiré un nombre sans précédent de combattants étrangers. Qu’un tel niveau de violence sectaire
soit possible n’est pas de bon augure pour la stabilité des structures étatiques existantes au
Levant. Le conflit a déjà des répercussions graves sur les pays voisins, notamment en Iraq et,
dans une certaine mesure, au Liban
81. Le débordement, depuis l’été 2014, du conflit syrien en Irak a pratiquement réduit l’Etat en
miettes25. Le fait que Daesh a consolidé son emprise sur la province d’Anbar marque une nouvelle
détérioration de la situation en Irak après le retrait des Etats-Unis. Les forces armées du
gouvernement de Bagdad n’ont toujours pas les capacités suffisantes pour inverser le rapport de
forces dans le pays, lequel pourrait s’enfoncer dans un nouveau cycle de violence pour un certain
temps.
82. Au Liban, la violence de nature sectaire et idéologique a fragmenté des zones de la vallée
de la Bekaa, de Beyrouth et de la région du nord. Dans le nord, les lignes de fracture entre les
communautés sunnites et alaouites autour de Tripoli ont provoqué une recrudescence d’échanges
de tirs, de meurtres ciblés et autres flambées de violence entre communautés. De plus, les
progrès au Liban de Daesh et la campagne de bombardement progressive qu’il a menée dans
l’ensemble du pays, notamment à Beyrouth, sont une façon de confronter le Hezbollah sur son
25
Ces événements sont relatés dans le rapport [201 PC 14 F] de la Commission politique sur les
conséquences de l’évolution constante de la sécurité à la frontière Sud-Est de l’OTAN.
19
193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
propre terrain et lui faire payer le soutien qu’il apporte au régime d’al-Assad. Il est à craindre que
le conflit entre al-Qaida et le Hezbollah au Liban ne fera que s’intensifier.
83. La stratégie principale du régime de consolider son territoire et d’assurer les principales
voies d’approvisionnement, à l’est et au nord de Damas jusqu’à la Méditerranée signifie que les
divers groupes armés de rebelles vont continuer, du moins à court terme, à se disputer le nord et
l’est de la Syrie. Les institutions de l’Etat sont en panne dans la partie de la Syrie contrôlée par les
rebelles, ce qui entraîne l’arrêt de toutes prestations, allant des services sanitaires à l’électricité et
à l’eau en passant par l’éducation et la santé.
84. La région autonome kurde de facto, dans le nord-est du pays, est aussi un véritable
casse-tête. Il sera d’autant plus difficile au camp, quel qu’il soit, qui reprendra le contrôle de
l’ancien Etat syrien, du moins ce qu’il en restera, de replacer un ‘petit Etat’ kurde, si tant est qu’il
perdure, sous l’autorité politique de Damas. Paradoxalement, la menace que fait peser Daesh a
favorisé la coopération entre les rebelles du courant majoritaire et les combattants kurdes qui
jusqu’alors se regardaient avec méfiance, voire avec franche hostilité, ce qui indique la précarité
des alliances sur le terrain. Il est difficile à ce stade de mesurer les conséquences politiques de
cette nouvelle donne étant donné que les Kurdes se retrouvent dans une position de plus en plus
périlleuse dans le nord de la Syrie en dépit des frappes aériennes contre Daesh. Qui plus est,
l’irrédentisme kurde en Syrie demeure une source de tensions avec la Turquie au nord, et l’Iraq et
l’Iran à l’est, chacun de ces Etats étant toujours aux prises avec leur propre problème kurde.
D.
SITUATION HUMANITAIRE
85. La situation humanitaire demeure extrêmement difficile en Syrie et ne cesse de se
détériorer : le conflit a fait plus de 200 000 morts et 10,8 millions de personnes, touchées par la
crise, ont besoin d’une assistance humanitaire, dont 4,7 millions se trouvant dans des zones
difficiles d’accès, et 241 000 sont assiégées, dont un grand nombre par leur propre
gouvernement. La Syrie compte le plus grand nombre de personnes déplacées au monde, soit
6,45 millions, dont la moitié sont des enfants.
86. La guerre de siège qui est menée, les restrictions imposées par le gouvernement et la
présence de groupes extrémistes empêchent la livraison d’aide à des millions de personnes. Qui
plus est, le conflit, notamment les attaques aveugles (infrastructures civiles) et les techniques
employées (largage de barils d’explosifs) portent atteinte à la solidité de l’appareil d’Etat et, dans
une large mesure, à l’ensemble des infrastructures publiques. Le conflit qui fait rage, avec de
multiples combats menés sur des lignes de front très mouvantes, rend l’acheminement de l’aide
humanitaire très difficile.
87. L’épidémie de poliomyélite semble, pour l’instant, maîtrisée. Le virus est réapparu en Syrie
en octobre 2013 pour la première fois depuis 14 ans. Aucun nouveau cas n’a été signalé depuis
janvier 2014, après une flambée de plus de 30 cas en 2013, ce qui montre l’efficacité des
campagnes successives de vaccination menées et celles toujours en cours. D’après l’OMS, la
campagne de juin a permis de vacciner 2,7 millions d’enfants et celle de septembre un autre
million d’entre eux. Pour autant, le nombre d’enfants présentant des symptômes cliniques de
poliomyélite pourrait être plus élevé26. On estime que la poussée épidémique, d’origine humaine,
est la conséquence des attaques dont les médecins sont la cible, de la destruction du système de
santé et du refus de fournir des vaccins aux zones considérées comme réfractaires ou aux zones
échappant au contrôle du gouvernement (Whewell). L’OMS et l’UNICEF ont organisé une
campagne régionale pour faire face à l’épidémie de polio qui a éclaté en Syrie, à savoir un
Plan stratégique de lutte contre l’épidémie de polio au Moyen-Orient. Seulement deux cas ont été
signalés dans la région, les deux en Irak, et le plus récent remonte au mois d’avril 2014. Les
26
Douze des cas signalés se trouvent dans le territoire sous le contrôle des rebelles, où les services de
santé et l’aide internationale sont encore plus limités par le conflit.
20
193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
efforts menés par l’OMS pour enrayer l’épidémie, à la fois dans la région et en Syrie, vont se
poursuivre.
88. Outre la polio, la Syrie est devenue un incubateur pour toutes sortes de maladies
infectieuses qui avaient, il fut un temps, presque disparu. On fait état de centaines de cas de
rougeoles, d’épidémies de typhoïdes, d’hépatites et de dysenteries. La tuberculose, la diphtérie et
la coqueluche sont toutes en progression. Le gouvernement bloque souvent la livraison de
fournitures médicales et de matériel. Par ailleurs, quelque 100 000 enfants sont stigmatisés par la
leishmaniose, une maladie parasitaire de la peau qui prospère en temps de guerre. Ces maladies
se propagent au-delà des frontières syriennes avec les millions de réfugiés qui fuient le pays
(Sparrow). La livraison de denrées non alimentaires telles que des fournitures et des équipements
médicaux (dans les zones aux mains des rebelles) est effectivement freinée par les nouvelles
procédures que les pouvoirs publics mettent en place. Les autorités syriennes refusent
systématiquement l’inclusion de médicaments injectables, antiseptiques, sérums, médicaments
psychotropes, bandages et gants dans les convois d’aide (ACAPS). Des manœuvres dilatoires
sont également utilisées.
89. Le risque de pénurie alimentaire constitue un autre problème ; selon les estimations,
6,3 millions de personnes sont au bord de la famine et ont cruellement besoin d’aide alimentaire et
agricole (OCHA ; ACAPS). La production de blé en 2014 devrait chuter de 52 % par rapport à la
moyenne enregistrée pour la période 2001-2011 (FAO ; ACAPS). Les prix des denrées
alimentaires, dans l’ensemble, continuent à grimper en Syrie en raison de la diminution des stocks
alimentaires. En août, 4,25 millions de personnes ont bénéficié d’une aide alimentaire, mais ce
chiffre est tombé à 3,94 millions en septembre. A partir du mois d’octobre, les colis de nourriture
du PAM seront réduits, soit moins de 60% de la valeur nutritive recommandée en cas de situation
d’urgence, avec de nouvelles réductions prévues en novembre (PAM ; ACAPS), et aucun
financement pour le Programme alimentaire mondial (PAM) ne sera disponible pour la Syrie en
décembre. L’eau est aussi une question cruciale : les familles syriennes consomment 40 % moins
d’eau qu’avant et un tiers des stations d’épuration ne fonctionnent plus (ACAPS). L’arrivée de
l’hiver comporte aussi son lot de risques, notamment une hausse des prix du combustible, de
nouveaux risques pour la santé et des besoins accrus en matière de logement.
E.
ARMES CHIMIQUES – LA SYRIE ET L’ORGANISATION POUR L’INTERDICTION
DES ARMES CHIMIQUES (OIAC)
90. Le 21 août 2013, quelque 1 400 personnes ont péri dans une attaque de roquettes
d’artillerie sol-sol contenant du gaz sarin, lancée contre les positions des rebelles à la Ghouta, un
faubourg de Damas. Alors que, d’après les rapports des services de renseignement occidentaux,
depuis 2012, le régime de Bachar al-Assad a utilisé des armes chimiques au moins à 14 reprises
contre ses citoyens, c’est l’attaque contre la Ghouta par les forces du régime qui a provoqué
l’indignation internationale, amenant les Etats-Unis à envisager une action militaire punitive.
Toutefois, la proposition de la Russie selon laquelle la Syrie accepte l’évacuation et la destruction
de son stock d’armes chimiques a écarté toute intervention militaire.
91. Avec l’approbation du Conseil de sécurité des Nations unies, une mission conjointe
ONU/OIAC a été déployée en Syrie, avec une série d’échéances devant aboutir, fin juin 2014, à la
destruction totale de l’arsenal, et à l’évacuation des matières chimiques les plus dangereuses dès
la fin du mois de décembre 2013. Tout au long de l’hiver 2013-2014, la frustration de la
communauté internationale n’a fait que croître : l’administration de Bachar al-Assad n’a pas
respecté plusieurs échéances, dont le délai du 15 mars fixé pour détruire tous les sites de
production d’armes chimiques, et le processus d’évacuation de l’avis général, progresse beaucoup
trop lentement. Le 23 juin 2014, le dernier stock d’armes déclaré de la Syrie a été acheminé hors
du pays.
21
193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
92. L’évacuation de l’arsenal d’armes chimiques de Bachar al-Assad et la destruction des
installations s’y rapportant est un progrès considérable, notamment parce que l’on craignait, non
sans raison, que le régime ne respecte pas ses engagements et au vu des tergiversations qui ont
suivi. Pour autant, il n’a pas fallu longtemps pour se rendre compte que ce succès remporté par la
communauté internationale avait ses limites. Non seulement le conflit s’exacerbe de jour en jour,
mais plus effroyable encore, selon des informations révélées avant même la conclusion de la
mission initiale ONU-OIAC, le régime larguerait aujourd’hui des bombes contenant du chlore. Si le
chlore n’est pas interdit en tant que tel par l’OIAC, son utilisation comme arme constitue une
violation de la convention de l’OIAC (que la Syrie a ratifiée dès le début du processus) et
probablement un crime de guerre.
93. Une mission d’établissement des faits de l’OIAC a été établie en avril 2014 à cette fin. En
septembre, elle a indiqué avoir réuni « des informations confirmant qu’un agent chimique toxique
a été utilisé de manière systématique et répétée » en tant qu’arme dans des villages du nord de la
27
Syrie (OIAC, FFM, 10 septembre 2014). Les enquêteurs de l’OIAC ont ensuite établi « avec un
degré élevé de certitude » que le produit toxique en question est effectivement du chlore. Pour
autant, ils n’ont pas pu attribuer la responsabilité des attaques en dépit d’éléments indiquant que
le chlore a été largué par hélicoptères, que seul le régime possède (AP, 7 octobre 2014). La
mission d’établissement des faits poursuit ses travaux à la suite de nouvelles allégations en août.
94. De nouvelles complications semblent se dessiner : début septembre, les Etats-Unis ont
déclaré craindre que la Syrie soit encore en possession de certains de ses produits chimiques, et
le chef de l’OIAC, Sigrid Kaag, a déclaré que des divergences et des inquiétudes demeurent sur la
question de savoir si la Syrie a déclaré l’ensemble de son arsenal chimique
(NYT, 4 septembre 2014). Qui plus est, le démantèlement des installations de fabrication d’armes
chimiques ne fait que commencer et, en octobre, la Syrie a déclaré quatre autres sites qu’elle
avait omis de mentionner jusqu’alors (AP).
VII.
CONCLUSIONS ET RECOMMANDATIONS
95. A plusieurs égards, la lutte pour l’avenir du Moyen-Orient se joue en dehors de la Syrie.
Alors que les grandes puissances recherchent un terrain d’entente pour amener les groupes
rebelles disparates et les forces loyalistes du régime de Bachar al-Assad à la table de négociation,
elles n’ignorent pas qu’on leur demande de dénouer un nœud gordien de pouvoirs régionaux
menant une guerre sur le territoire syrien par alliés interposés, toutes les parties se servant des
allégeances ethniques et confessionnelles pour exacerber les luttes intestines. Avec
l’intensification du conflit qui entre dans sa quatrième année, la politique de « la dernière atrocité »
provoque une escalade de violence et obscurcit l’horizon en propageant l’ombre de la guerre.
96. Les puissances occidentales ont clairement indiqué qu’elles ne voient aucune option militaire
viable pour une intervention directe dans le conflit syrien. Quoi qu’il en soit, l’Alliance et ses
membres disposent d’autres options hormis l’intervention militaire directe qui peuvent contrer
certains des effets désastreux de la guerre civile au niveau régional et empêcher qu’ils ne se
répercutent sur le reste du monde.
97. Etant donné l’engagement manifeste de l’OTAN, qui remonte à la période de l’après-Guerre
froide, dans ce que l’on peut qualifier de missions de protection civile – de la Bosnie à
l’Afghanistan en passant par la Libye – il serait difficile de prétendre qu’il ne faut pas se
préoccuper des effets de la guerre civile en Syrie, ne serait-ce qu’au niveau régional. La présente
sous-commission recommande que les mesures suivantes soient prises en considération par tous
les pays alliés et partenaires :
27
Les villages qui étaient des bastions de rebelles dans la province de Idlib, sur l’axe principal qui relie
Alep et Damas, sont d’une importance vitale pour le régime de Bachar al-Assad.
22
193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
1.
Accroître l’aide directe aux gouvernements les plus touchés par les réfugiés de la
guerre syrienne. Le nombre de réfugiés enregistrés fuyant la guerre en Syrie devrait
dépasser 4 millions avant la fin de cette année. Alors que l’ensemble de la région est mise à
rude épreuve par cette arrivée massive de réfugiés, la Jordanie, le Liban et la Turquie en
portent le plus lourd fardeau. Avec une population avant la guerre de, respectivement, 6,3 et
4,4 millions, la Jordanie et le Liban ne peuvent pas absorber longtemps de tels nombres de
réfugiés sans risquer d’épuiser les ressources nationales et d’aggraver les tensions internes.
Les pays membres peuvent fournir une aide immédiate et efficace à ces deux pays sous
forme de fonds, de vivres, et d’eau. Certes, il ne s’agit apparemment que des symptômes
du conflit, mais en allégeant le poids que représente l’afflux de réfugiés, les Alliés et leurs
partenaires peuvent contribuer à alléger un facteur qui pourrait faire déborder le conflit dans
toute la région. Cela reviendrait, d’une part, à relâcher la pression régionale et, d’autre part,
à s’attaquer à l’un des aspects de l’effroyable crise humanitaire qui frappe la population
syrienne.
2.
Forces d’action rapide en matière de renseignement, surveillance et reconnaissance.
La région a besoin d’une assistance immédiate dans ce domaine pour identifier, repérer et
établir le profil d’extrémistes islamiques potentiels qui chercheraient à exporter la violence
au-delà des frontières syriennes et dans le reste du monde. Les ressources nécessaires à
cette fin existent dans les différents pays de l’Alliance, qu’il s’agisse de forces spéciales ou
de spécialistes du renseignement ou encore d’engins télépilotés dédiés à la collecte de
données et à la surveillance étroite des zones syriennes contrôlées par les rebelles. De
plus, une assistance plus large aux services existants du renseignement et autres services
de sécurité de Turquie, de Jordanie et du Liban permettrait de mieux identifier et repérer de
potentiels militants extrémistes. Par ailleurs, appuyer les efforts des forces turques pour
renforcer sa frontière avec la Syrie, longue de 912 kilomètres, contribuera grandement à
contenir le conflit et à tarir le flux de ressources dont s’emparent les groupes extrémistes à
mesure qu’ils progressent dans l’ensemble du Levant, notamment Daesh.
Les vastes camps de réfugiés établis et autres lieux non officiels où se concentrent des
réfugiés constituent, pour les groupes extrémistes, un terreau fertile pour le recrutement : les
populations sont souvent sans emploi, pauvres, isolées, etc. Face à la prolifération de ces
villes de réfugiés propices au recrutement de terroristes, les Alliés et leurs partenaires
devraient trouver le moyen d’aider les pays à mettre en place des programmes efficaces de
lutte contre la radicalisation des populations vulnérables. Il est aussi possible d’établir de
nouveaux programmes de déradicalisation et d’investir dans ceux mis en place dans
l’ensemble des pays voisins pour aider à la prise en charge des terroristes déjà arrêtés.
Grâce à une attention, une surveillance et des mesures d’incitation suffisantes, des
terroristes avérés peuvent quitter les organisations extrémistes et revenir à des positions
plus modérées. Les programmes de déradicalisation, qui ont donné d’assez bons résultats
dans l’ensemble de la région, devraient faire partie des efforts entrepris pour repérer les
hommes, les états d’esprit et les systèmes financiers à la base du recrutement et des
28
opérations des organisations terroristes .
Des moyens accrus en matière de renseignement, surveillance et reconnaissance dans la
région aideront par ailleurs les Etats membres de l’OTAN à réduire les sources de revenus
qui alimentent les groupes armés sur le terrain, notamment Daesh. Suivre les flux
monétaires, faire obstacle à la contrebande de pétrole en Turquie, stopper l’arrivée massive
de recrues qui intègrent ses rangs est le seul moyen concret de porter atteinte à ses
capacités. Sans réapprovisionnement, sans argent et sans flux de combattants, Daesh se
retrouvera petit à petit contraint de se battre sur deux fronts, en Syrie et en Irak, contre les
forces locales sur le terrain appuyées par les frappes aériennes des Etats-Unis et de ses
alliés, sans possibilité de reconstituer ses réserves de blindés et de combattants.
28
Pour toute information supplémentaire sur les programmes de déradicalisation, voir Stern, 2010.
23
193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
3.
Stabiliser le Liban et l’Iraq. Les membres de l’Alliance peuvent améliorer la situation
sécuritaire au Liban et en Iraq en renforçant les frontières et en formant, conseillant et
assistant des missions destinées à aider les forces des deux pays à reprendre le contrôle de
leur territoire national.
a.
Liban - L’état précaire dans lequel se trouve aujourd’hui le secteur de la sécurité au
Liban peut être amélioré en « renforçant » la frontière libano-syrienne. Hormis une
intervention directe,
les membres de l’Alliance doivent contribuer à renforcer
considérablement les Forces armées libanaises pour enrayer la propagation de la
guerre civile au Liban. La défense de la frontière libano-syrienne – notamment l’axe
vital à travers la vallée de la Bekaa, mais aussi, bien sûr, le long de l’autoroute
Damas-Beyrouth – réduirait de manière significative, voire bloquerait, l’essentiel des
transferts et des communications entre la Syrie et ses groupes armés ainsi que le flux
croissant de combattants rebelles (notamment ceux liés à al-Qaida et à Daesh) qui
cherchent à compromettre la stabilité du Liban.
b.
Former, conseiller et assister les Forces armées libanaises et irakiennes. C’est
au Liban que la guerre civile syrienne pourrait provoquer un autre conflit civil
désastreux. Les Forces armées libanaises qui manquent cruellement de financement
et de ressources sont confrontées au défi considérable d’assurer la sécurité d’un Liban
unifié, entier et pacifique. De récentes promesses de l’Arabie saoudite de renforcer les
Forces armées libanaises doivent encore être concrétisées et devraient
s’accompagner d’une réelle volonté de régler les problèmes persistants que sont la
réforme du secteur de la sécurité et la constitution d’une force armée nationale.
Les Etats-Unis fournissent aujourd’hui quelque 100 millions de dollars par an d’aide
militaire aux Forces armées libanaises. Cette somme relativement limitée (31 fois
moindre que l’aide militaire fournie à Israël) a néanmoins permis d’accroître le champ
d’action et les effectifs des Forces armées libanaises. Mais il faut aller plus loin. Le
plan quinquennal, lancé en septembre 2013, visant à restructurer et à revitaliser les
Forces armées libanaises mérite que les Etats membres et les partenaires de l’OTAN
s’y intéressent, la réforme des Forces armées libanaises pouvant certainement
contribuer à contenir le conflit syrien. L’intérêt porté par les alliés de l’OTAN et leurs
partenaires aux Forces armées libanaises permettrait aussi de contrebalancer l’action
que mènent les Saoudiens pour influer sur les futures forces armées libanaises,
faisant la part trop belle aux sunnites.
Vu la vitesse à laquelle les capacités de l’armée irakienne se sont effondrées, il est
essentiel que les Alliés les soutiennent pour leur permettre de reprendre le territoire
situé à l’est de l’Irak. Des efforts concertés doivent être entrepris pour
réapprovisionner, former, conseiller et aider l’armée irakienne à reprendre pied dans la
province d’Anbar.
4.
Une offensive diplomatique concertée à trois niveaux
Le conflit syrien s’est transformé, au cours des quatre dernières années, d’un conflit local, à
régional puis mondial. Il est clair que l’on ne reviendra pas à la situation antérieure. Inviter
tous les acteurs qui l’ont porté à son paroxysme à se réunir autour de la table des
négociations est le seul moyen de parvenir à une solution. Les trois options suivantes
permettront d’élargir la coopération régionale et mondiale pour y parvenir.
24
193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
a.
Exercer une pression diplomatique en vue de parvenir à un règlement négocié
largement représentatif. Les deux camps en présence ont reconnu qu’il n’y a pas
d’alternative crédible à la négociation diplomatique pour résoudre le conflit en Syrie.
Vu la situation humanitaire catastrophique sur le terrain, doublée d’une impasse
militaire, il est d’autant plus vital d’engager une action diplomatique de grande ampleur
pour faire cesser les combats en Syrie. On pourrait s’inspirer à cet égard des
négociations qui ont mis un terme à la guerre civile qui a dévasté le Cambodge – une
action menée à trois niveaux par l’ensemble des acteurs concernés a permis de
conclure un accord négocié et de sortir d’un conflit qui semblait insoluble.
Pour se donner toutes les chances de parvenir à ce règlement négocié, il faut
engager, en parallèle, des discussions entre les acteurs régionaux et mondiaux.
Comme indiqué dans l’annexe qui suit, les négociations internationales, sous leur
forme actuelle, sont au point mort, le régime de Bachar al-Assad refusant d’accorder la
moindre légitimité aux rebelles et les rebelles ne pouvant toujours pas amener un
porte-parole à la table de négociation. Deux autres voies parallèles doivent être
ouvertes entre les pouvoirs régionaux intéressés et les pouvoirs internationaux,
notamment la Turquie, la Jordanie, le Liban, l’Arabie saoudite, le Qatar et l’Iran. De
plus, les Etats-Unis et la Russie, les deux puissances mondiales les plus concernées,
doivent trouver le moyen de dépasser leurs divergences sur la Syrie pour contribuer au
succès du règlement négocié. Les deux voies de négociation, aussi bien régionale
qu’internationale, peuvent aboutir à un règlement négocié plus viable et permettre de
sortir de l’impasse.
b.
Faire pression sur tous les pouvoirs extérieurs afin qu’ils cessent de fournir des
armes au conflit. L’armement croissant des rebelles et les efforts visant à
réapprovisionner le régime de Bachar al-Assad ont abouti à un conflit d’une violence
extrême. Les livraisons d’armes de pouvoirs régionaux et internationaux cherchant à
soutenir leurs alliés ont provoqué une escalade de violence et de destruction telle que
l’Etat tout entier est au bord de la faillite et que des millions de vie sont en jeu. Trouver
le moyen de freiner le ravitaillement en armes, des deux côtés, contribuera également
à amener les acteurs les plus concernés à la table des négociations.
c.
Appuyer et élargir la portée de la campagne que mène l’OMS pour freiner la
flambée de pandémies régionales. Les dangers associés aux récentes flambées de
maladies de plus en plus virulentes ne doivent pas être sous-estimés. Les réfugiés
continuant à fuir le pays, ils doivent être considérés comme d’évidents vecteurs de
transmission de nombreuses maladies infectieuses, la pire étant la récente épidémie
de poliomyélite. Les Alliés et leurs partenaires devraient accroître leurs efforts de
coopération avec la campagne que mène actuellement l’OMS dans la région pour
contenir la propagation de ces maladies. Il faudrait créer, avec le gouvernement à
Damas et par le biais des groupes rebelles, des moyens de coopération dans le
domaine de la santé des populations affectés. La cause commune de prévention des
maladies est de l’intérêt des deux parties au conflit – elle épargnera à des populations
prises en étau dans ce conflit tragique d’endurer des souffrances encore plus grandes.
25
193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
ANNEXE
ANNEXE – L’ECHEC DU PROCESSUS DE PAIX DE GENEVE
I.
NEGOCIATIONS DE PAIX DE GENEVE
1.
Les guerres civiles peuvent se terminer de trois manières : la victoire du régime, la victoire
des rebelles ou un règlement négocié. Etant donné que la victoire pure et simple de l’une ou de
l’autre des parties en présence est, à ce jour, impossible et ce notamment en raison de la
fragmentation des forces rebelles qui a dissuadé les puissances occidentales de fournir, de
manière suivie et substantielle, des armes pour appuyer leurs efforts, la troisième option est l’issue
la plus privilégiée (Montgomery).
2.
La dernière tentative de parvenir à un règlement négocié, appelée la Conférence de
Genève II, débutée le 22 janvier 2014 à Montreux, s’est terminée le 23 à Genève, sur le constat
qu’il était vain de poursuivre les discussions entre les camps qui s’opposent en Syrie. Avant même
que ne s’ouvrent les discussions, tout le monde pensait que la conférence était vouée à l’échec.
Pour comprendre ce pessimisme, il suffit de repenser à tout ce qui a précédé l’ouverture des
négociations visant à mettre un terme à la guerre civile en Syrie. Genève II était une nouvelle
tentative de la communauté internationale pour redonner vie à l’idée moribonde de pourparlers de
paix. Cette idée figure pour la première fois dans un plan de paix en six points appuyé par l’ONU,
qui fut par la suite intégré dans un Communiqué final publié à l’issue de la Conférence de
Genève I. Si le processus de Genève II souffre, en grande partie, des mêmes faiblesses, il a
néanmoins permis de débloquer l’impasse diplomatique.
II.
LE CHEMIN SEME D’EMBUCHES JUSQU’A GENEVE II
3.
L’initiateur de l’action internationale visant à négocier une paix entre les forces rebelles et le
régime de Bachar al-Assad est l’ancien secrétaire général de l’ONU, Kofi Annan. Ce dernier a été
nommé Envoyé spécial conjoint de l’Organisation des Nations unies et de la Ligue des
Etats arabes en Syrie. Ses premières conclusions ont donné lieu à une proposition en six points,
soumise le 16 mars 2012 au Conseil de sécurité et acceptée, le 27 mars 2012, par le
gouvernement syrien. Le plan de paix de Kofi Annan prônait la cessation de la violence armée,
sous la supervision de l’ONU, « sous toutes ses formes et par toutes les parties », un processus
politique conduit par les Syriens, l’acheminement de l’aide humanitaire dans toutes les zones
touchées par les combats, la libération des prisonniers politiques, la liberté de circulation des
journalistes et le respect de la liberté d’association et du droit de manifester pacifiquement (CFR).
4.
Le plan de paix a été accepté mais n’a pas été mis en œuvre. Parvenir à un cessez-le-feu
est devenu le cauchemar de Kofi Annan et demeure à ce jour l’un des principaux défis de la
guerre civile. En dépit de l’acceptation formelle du plan par le gouvernement syrien et les rebelles,
la violence s’est intensifiée à un rythme alarmant. Un premier cessez-le-feu devait prendre effet le
12 avril 2012, mais aucune des deux parties ne l’a respecté. La Mission de supervision des
Nations unies en République arabe syrienne (MISNUS), déployée pour superviser le cessez-le-feu
et la mise en œuvre du plan de paix, semble avoir contribué à une réduction globale de la violence
entre avril et début mai. Depuis lors, la violence a non seulement atteint mais surpassé à la
mi-juin, les niveaux de violence d’avant le 12 avril (MISNUS, 2012). Dans l’impossibilité de
s’acquitter de son mandat, les membres et les biens de la mission de l’ONU étant pris pour cible,
elle a suspendu ses opérations le 15 juin et a pris fin le 19 août 2012.
5.
Dans un climat de violence extrême et de radicalisation du mouvement, et face à l’échec des
tentatives de l’ONU pour apaiser le conflit, la communauté internationale a fait campagne pour
renouveler l’engagement en faveur du plan en six points. Le Groupe d’action pour la Syrie,
composé d’un grand nombre d’acteurs régionaux et internationaux, s’est réuni le 30 juin 2012,
26
193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
ANNEXE
dans le cadre de ce qui est désormais connu sous le nom de Conférence de Genève I29. Le
Communiqué final, publié à l’issue de cette conférence, est devenu la pierre angulaire des
négociations de paix de Genève II. Dans ce Communiqué final, les membres du groupe d’action
« (i) ont défini des dispositions et des mesures que doivent prendre les parties pour garantir
l’application intégrale du plan en six points et des résolutions 2042 et 2043 du Conseil de sécurité,
notamment un arrêt immédiat de toutes les formes de violence ; (ii) sont convenus de lignes
directrices et de principes pour une transition politique qui réponde aux aspirations légitimes du
peuple syrien ; et (iii) sont convenus des actions à entreprendre pour atteindre ces objectifs de
façon à appuyer les efforts entrepris par l’Envoyé spécial conjoint en vue de faciliter un processus
politique conduit par les Syriens » (Communiqué final).
6.
Pour la première fois depuis l’éclatement du conflit, un accord international est conclu sur la
nécessité d’établir un gouvernement transitoire en Syrie. Selon le Communiqué, le gouvernement
transitoire doit être formé sur la base d’un « consentement mutuel », ce qui veut dire qu’il doit être
accepté par le gouvernement syrien et par l’opposition, et devra être doté des « pleins pouvoirs
exécutifs ». Même si les deux parties au conflit ont salué le résultat de Genève I, des désaccords
sur la composition et la mise en œuvre des institutions de transition ont brisé l’élan diplomatique
nécessaire pour relancer les négociations de paix. Le gouvernement syrien et les rebelles n’ayant
pas participé à Genève I, le différend sur la teneur implicite du Communiqué final s’est manifesté
par le biais des soutiens régionaux. Le Communiqué ne faisait pas mention du rôle de
Bachar al-Assad dans le gouvernement de transition. Or, si le ministre russe des
Affaires étrangères, Sergei Lavrov, a déclaré que la composition du gouvernement de transition
n’était soumise à aucune condition préalable, la secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, a
déclaré qu’Assad ne pouvait pas en faire partie et devait partir, déclaration également appuyée
par la France et le Royaume-Uni (BBC, 30 juin 2012 ; Beaumont et Malik). L’antagonisme de ces
préalables à l’ouverture des pourparlers de paix, quasiment insurmontable, a bloqué la possibilité
de faire asseoir le gouvernement et l’opposition autour d’une même table. L’absence de l’Iran des
négociations de Genève I est une autre lacune qui, doublée du manque persistant d’une approche
concertée de la part des acteurs extérieurs sur les dispositions transitoires, a contribué à l’échec
du processus.
7.
Les principaux éléments du Communiqué final, qui incluait le plan en six points, partaient du
principe que l’on trouverait un terrain d’entente alors même que les deux camps étaient
diamétralement opposés, n’envisageant comme issue que la victoire sur l’ennemi
(ICG, 1er août 2012). Un cessez-le-feu inatteignable, une escalade de la violence, la perte de l’élan
diplomatique généré par Genève I et le manque d’unité au sein du Conseil de sécurité ont abouti à
la démission de Kofi Annan et à la nomination, le 17 août 2012, de Lakhdar Brahimi qui a pris sa
succession (ONU, 2012).
8.
M. Brahimi a centré ses efforts sur la mise en application du Communiqué final. En
mai 2013, les Etats-Unis et la Russie ont reconnu qu’il était nécessaire de convaincre, à la fois, le
gouvernement syrien et l’opposition syrienne, d’accepter une solution négociée fondée sur les
principaux éléments du Communiqué (BBC, 2 juillet 2013). L’initiative russo-américaine a
débouché sur l’ouverture des pourparlers de paix de Genève II, qui ont eu lieu 18 mois après la
signature du Communiqué final.
29
Les membres du Groupe d’action pour la Syrie sont les secrétaires généraux de l’Organisation des
Nations unies et de la Ligue des Etats arabes, les ministres des Affaires étrangères de la Chine, des
Etats-Unis d’Amérique, de la Fédération de Russie, de la France, du Royaume-Uni, de la Turquie, de
l’Iraq (président du Sommet de la Ligue des Etats arabes), du Koweït (président du Conseil des
ministres des Affaires étrangères de la Ligue des Etats arabes) et du Qatar (président du Comité
arabe de suivi de la situation en Syrie de la Ligue des Etats arabes) et la Haute représentante de
l’Union européenne pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité.
27
193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
ANNEXE
9.
Les difficultés rencontrées pour déterminer qui participerait et quelle serait la structure des
discussions et leur teneur expliquent le retard pris pour fixer la date de la conférence. L’une des
conditions pour participer à Genève II était d’accepter le Communiqué final de Genève I,
notamment la création d’un gouvernement transitoire doté de « pleins pouvoirs exécutifs », établi
par « consentement mutuel ». Cette fois, les parties en présence ont clairement exprimé leur
position. Bachar al-Assad a clairement fait savoir, avant Genève II, que la discussion devait porter
sur la lutte contre le terrorisme en Syrie et qu’il ne partagerait jamais le pouvoir avec l’opposition,
et cette dernière a clairement fait savoir que le seul accord acceptable pour elle devait inclure le
départ d’Assad (The Economist, janvier 2014)). Genève II avait hérité des défauts structurels de
Genève I. Quoi qu’il en soit, au-delà des faiblesses qui rendent tout accord politique négocié
assez illusoire, Genève II peut permettre de s’extraire de l’impasse.
III.
GENEVE II
10. Genève II est loin d’être la première tentative de parvenir à un règlement politique négocié
pour sortir du conflit. Avec plus de 40 pays et organisations participant aux discussions, c’est
cependant la première fois que des représentants de l’opposition syrienne et du gouvernement
syrien se sont assis face à face, ne serait-ce que pour exprimer leurs positions réciproques. Etant
donné le contexte dans lequel les discussions se sont déroulées, il était clair qu’un accord
politique entre les deux parties belligérantes serait difficile à obtenir. La négociation des principaux
éléments du Communiqué final est en effet un objectif ambitieux. Pour autant, même si Genève II
a consolidé certaines faiblesses du processus de négociation, il donne aussi la possibilité de le
faire avancer.
IV.
FAIBLESSES
11. L’un des principaux écueils était d’obtenir une représentation légitime de l’opposition
syrienne, non seulement pour participer aux négociations mais pour y parler au nom des forces
rebelles/d’opposition disparates. En fait, la Coalition nationale des forces de l’opposition et de la
révolution syrienne n’a confirmé sa présence que le 18 janvier 2014 (BBC, 2014). La délégation
de l’opposition, certes présente, ne représentait pas tout le spectre des forces d’opposition.
Compte tenu des divisions au sein de l’opposition syrienne, il est quasi impossible de parler du
groupe en tant qu’entité unifiée, malgré un certain degré de légitimité conféré à la coalition
nationale syrienne par la communauté internationale. La plupart des principaux groupes de
rebelles en Syrie soit ne soutiennent pas Genève II, soit le condamnent purement et simplement
(Lundi 24 janvier 2014). Qui plus est, certains ont dénoncé le fait que les Etats-Unis et le
Royaume-Uni aient menacé de retirer leur soutien si les groupes rebelles refusaient de participer
aux discussions (Black and Wintour).
12. S’ajoute au morcellement de l’opposition syrienne le fait que les conditions préalables au
processus Genève II, telles que fixées dans le Communiqué final de Genève I, pourraient être
jugées beaucoup plus difficiles à réaliser étant donné la tournure qu’ont pris les événements ces
18 derniers mois (Sayigh). Comment parler de ‘consentement mutuel’ entre ennemis dès lors qu’il
n’existe même pas au sein de l’une des parties au conflit.
13. Pour qu’un accord politique porte ses fruits, il faut que les deux parties en présence aient le
sentiment que les négociations serviront au mieux leurs intérêts, ce qui est en général le cas
lorsque les deux parties sont durement éprouvées. Cela n’a jamais été le cas en Syrie. Les points
de désaccord des deux parties sont incompatibles et apparemment irrévocables s’agissant de la
composition de la future structure politique. Le rôle de Bachar al-Assad demeure un point de
désaccord apparemment insurmontable. Tant qu’il en sera ainsi, un gouvernement transitoire
28
193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
ANNEXE
établi sur la base du « consentement mutuel », tel que stipulé dans le Communiqué final, est tout
simplement illusoire.
14. Autre facteur décisif pour le succès des négociations : la présence de tous les principaux
acteurs participant au conflit. Comme pour Genève I, l’absence de l’Iran est de toute évidence un
des points faibles et la question de sa participation à Genève II a été traitée avec une certaine
maladresse. Le secrétaire général de l’ONU, Ban Ki Moon, n’a envoyé une invitation que trois
jours avant les pourparlers de paix. L’Iran ayant clairement fait savoir qu’il ne participerait à la
conférence sous aucune condition préalable, l’opposition syrienne a menacé de se retirer du jeu,
et les Etats-Unis ont refusé d’accepter la participation de l’Iran s’il ne respectait pas les
dispositions de Genève I. A peine un jour plus tard, le secrétaire général a annulé l’invitation
adressée à l’Iran pour éviter l’échec de l’ensemble du projet de pourparlers de paix (Lynch et
Hudson). Si l’ouverture est un principe essentiel de tout règlement négocié, la participation de
l’Iran devrait aller de soi dans n’importe quelle initiative multilatérale visant à créer les conditions
propices à l’instauration de la paix (Pillar). La guerre civile en Syrie est, à bien des égards, une
guerre menée par alliés interposés où l’Arabie Saoudite et l’Iran jouent un rôle majeur, appuyant
respectivement l’opposition et le gouvernement. Si le Qatar, la Turquie et l’Iraq sont aussi des
acteurs importants, un règlement politique négocié sans la présence de l’Arabie saoudite ou de
l’Iran à la table des négociations est voué à l’échec. De telles conditions de négociations peuvent
certes démoraliser la partie au conflit soutenue par l’Occident, et pourrait amener à remettre en
question l’approche de la solution politique négociée dans sa totalité. Il n’empêche qu’il y a de
bonnes raisons de soutenir ce qui reste « la moins mauvaise option ».
V.
POSSIBILITES
15. Certes la paix est la solution idéale, mais ce ne doit pas être le seul critère pour juger l’issue
des pourparlers de paix. D’autres effets bénéfiques peuvent en résulter et certains commencent à
se manifester. Les négociations peuvent devenir le moyen de promouvoir la coopération entre les
Etats-Unis et la Russie, en laissant Bachar al-Assad en dehors d’un règlement que tous les deux
acceptent (Shapiro et Charap). Ne pas parvenir à un règlement négocié politique ne doit pas faire
perdre de vue que les Etats-Unis et la Russie ont réussi à s’entendre pour tenter de « régler le
problème » des armes chimiques et pour demander l’organisation de Genève II. Même si des
différences de taille persistent, la coopération entre les Etats-Unis et la Russie a fait un pas en
avant (Levy et Barnes-Dacey).
16. Les pourparlers de paix peuvent favoriser des voies de communication qui serviront aux
négociateurs à un stade ultérieur (Doran et O’Hanlon). Ils sont aussi probablement la seule façon
aujourd’hui de s’assurer que la communauté internationale, le gouvernement syrien et les rebelles,
se rallient à l’idée de créer les conditions propices à l’instauration d’une paix durable (Levy et
Barnes-Dacey).
17. Genève II a par ailleurs légitimé les négociations entre le gouvernement syrien et
l’opposition. Pour la première fois, celui-ci a été confronté à des questions de transition politique,
et cette dernière à des questions de plate-forme politique, de représentation et de responsabilité
(Levy and Barnes-Dacey).
18. Par ailleurs, Genève II permet de recentrer l’attention internationale sur le conflit en cours.
En effet, si l’accord sur la destruction des armes chimiques est un résultat positif, les causes
principales et sous-jacentes du conflit, les niveaux de violence et l’urgence humanitaire sont
autant de problèmes qui doivent encore être réglés.
19. Même si un règlement politique entre le gouvernement et l’opposition semble hors de portée,
le processus initié à Genève II peut être l’occasion de faire avancer l’idée d’explorer une autre
29
193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
ANNEXE
voie. S’agissant d’une guerre menée par alliés interposés, le conflit syrien est influencé par des
acteurs extérieurs, mais au bout du compte ce sont les parties syriennes qui auront le dernier mot
(ICG, 1er août 2012). L’autre voie devrait s’intéresser aux acteurs régionaux et s’assurer de leur
retrait mutuel (Shapiro et Charap). Cette voie médiane appelée Genève 1.5 ne traiterait que les
aspects de la guerre par procuration en Syrie. Elle amènerait l’Arabie saoudite et l’Iran à la table
de négociation mais pas la Syrie, pour essayer de s’attaquer aux causes du conflit, préparant
progressivement le terrain pour un processus de négociation (Yacoubian). Bâtir un consensus
entre les principaux acteurs extérieurs des deux parties au conflit pourrait contribuer à établir des
positions de départ qui permettraient au moins de s’extraire de l’impasse diplomatique et d’exercer
une pression uniforme et cohérente sur les deux parties syriennes pour négocier la paix (Sayigh).
20. Autant d’effets bénéfiques qui suffisent à justifier l’idée que « n’importe quel dialogue » est
plus souhaitable que « pas de dialogue du tout ». Même si l’issue la plus souhaitable reste hors de
portée, ce dialogue pourrait créer les conditions propices à des pourparlers de paix fructueux entre
le gouvernement syrien et l’opposition syrienne (Cordesman, 2014).
21. La communauté internationale s’est véritablement efforcée de parvenir à un règlement
politique négocié de la guerre civile en Syrie, dont le succès reste à ce jour hors de portée. Sans
négliger les occasions qu’offre ce processus, les défauts structurels demeurent importants. Malgré
les défis qui perdurent depuis la signature du Communiqué final, il reste probablement la seule
base sur laquelle une solution politique viable au conflit peut se construire.
30
193 DSCTC 14 F rév. 1 fin.
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