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L’Encéphale (2013) 39, 416—425 Disponible en ligne sur www.sciencedirect.com journal homepage: www.em-consulte.com/produit/ENCEP PSYCHIATRIE LÉGALE Singularités cliniques et criminologiques de l’uxoricide : éléments de compréhension du meurtre conjugal Female intimate partner homicide: Clinical and criminological issues E. Cechova-Vayleux a, S. Leveillee b, J.-P. Lhuillier a, J.-B. Garre c, J.-L. Senon d, S. Richard-Devantoy e,∗,f a Service de psychiatrie, centre hospitalier universitaire, 85, rue Saint-Jacques, 44093 Nantes cedex 1, France Département de psychologie, université du Québec à Trois-Rivières, Trois-Rivières, Québec, Canada c Département de psychiatrie et de psychologie médicale, CHU d’Angers, 4, rue Larrey, 49100 Angers, France d Service hospitalo-universitaire de psychiatrie et psychologie médicale, centre hospitalier Henri-Laborit, CHU et CHHL, SHUPPM BP 587, 86021 Poitiers, France e Department of Psychiatry and Douglas Mental Health University Institute McGill Group for Suicide Studies, McGill University, Douglas Institute, Frank B. Common Pavilion, 6875 La Salle boulevard, Montréal, Québec, H4H 1R3 Canada f Laboratoire de psychologie des Pays de la Loire, UPRES EA 4638, université d’Angers, 49000 Angers, France b Reçu le 5 mai 2012 ; accepté le 19 octobre 2012 Disponible sur Internet le 26 mars 2013 MOTS CLÉS Uxoricide ; Homicide conjugal ; Violences conjugales ; Criminologie ; Antécédents de violence ; Prévention ∗ Résumé Introduction. — L’uxoricide —– le meurtre de l’épouse —– est une des complications létales des violences conjugales. L’objectif de cette étude était de décrire les données sociodémographiques, cliniques et criminologiques d’hommes auteurs d’un uxoricide et de les comparer à des hommes auteurs d’un homicide intrafamilial autre ou d’un homicide extrafamilial. Méthode. — De janvier 1975 à décembre 2005, 32 uxoricides dans la région d’Angers ont été commis par des hommes, et ont été comparés à 26 homicides intrafamiliaux autres qu’un uxoricide et à 97 homicides extrafamiliaux. Les variables socio-démographiques, cliniques et criminologiques ont été colligées à partir des dossiers d’expertises psychiatriques pénales et complétées des dossiers médicaux. Résultats. — Les hommes auteurs d’uxoricide étaient d’âge moyen (37,8 ans), en activité professionnelle, avec des antécédents psychiatriques (69 %), judiciaires (31 %) et de violence envers autrui (47 %). La moitié d’entre-eux avait vécu des événements de vie traumatisants dans l’enfance. Ils avaient plus souvent une qualification professionnelle d’ouvrier et moins Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (S. Richard-Devantoy). 0013-7006/$ — see front matter © L’Encéphale, Paris, 2013. http://dx.doi.org/10.1016/j.encep.2012.10.010 Clinique de l’uxoricide 417 d’antécédents judiciaires que les hommes auteurs d’un homicide extrafamilial. Le meurtre survenait majoritairement dans la soirée et lors d’une alcoolisation aiguë, plus souvent au domicile de la victime en cas d’uxoricide et d’homicide intrafamilial. L’uxoricide, qualifié plus souvent d’assassinat, s’accompagnait quatre fois moins souvent d’une autre infraction que l’homicide extrafamilial. Les auteurs d’uxoricide avaient davantage de symptômes dépressifs et d’idées suicidaires au moment du passage à l’acte et restaient sur les lieux du crime comparativement aux auteurs d’homicide extrafamilial qui prenaient plus souvent la fuite. Les auteurs d’uxoricide ou d’homicide intra- ou extrafamilial ont été reconnus pénalement responsable dans la moitié des cas. Les caractéristiques socio-démographiques, cliniques ou criminologiques des auteurs d’uxoricide ne différaient statistiquement pas de celles des auteurs d’un homicide intrafamilial en dehors d’une dispute pré- et per-délictuelle plus fréquente chez les premiers. Conclusion. — Identifier les spécificités de l’uxoricide participerait au repérage précoce des situations de violences conjugales à risque létal et à l’élaboration de stratégies de prévention. © L’Encéphale, Paris, 2013. KEYWORDS Female intimate partner homicide; Uxoricide; Clinical; Criminological; Personal history of violence; Domestic violence; Prevention Summary Background. — Female intimate partner homicide (FIPH) is a fatal complication of domestic violence. The aim of this study was to describe the socio-demographic, clinical and criminological characteristics of male perpetrators of FIPH and to compare them to the perpetrators of extrafamilial homicide and the perpetrators of intrafamilial homicide other than FIPH. Methods. — Between 1975 and 2005, 32 FIPH were perpetrated in the region of Angers (France), and these were compared to 26 intrafamilial homicides other than FIPH and to 97 extrafamilial homicides perpetrated in the same period, in the same region. The socio-demographic, clinical and criminological data were collected from psychiatric expert reports and medical files. Results. — The mean age of the FIPH perpetrators was 37.8 years. They were professionally active, in majority as manual workers. They had a psychiatric record (69%), a previous criminal record (31%), and a history of violence against others (47%). Half of these perpetrators also had experienced a traumatic event before the age of 18. Compared to extrafamilial homicide perpetrators, FIPH perpetrators occupied more frequently a manual job and had prior criminal records less frequently. In the majority of cases of FIPH and intrafamilial homicide, the murder occurred in the evening, at the victim’s home, and while the perpetrator was intoxicated. FIPH was mostly premeditated and was accompanied four times less frequently by another criminal behaviour compared to extrafamilial homicide. The FIPH perpetrators had more depressive symptoms and suicidal ideations when committing the crime and remained on the crime scene more often than extrafamilial homicide perpetrators who mostly attempted to flee the crime scene. FIPH perpetrators and extra- and intrafamilial homicide perpetrators were found criminally responsible in half of the cases. The socio-demographic, clinical and criminological characteristics of FIPH perpetrators were not statistically different from those of perpetrators of another intrafamilial homicide except that conflict preceded FIPH more frequently. Conclusion. — Identification of specific features of FIPH could contribute to the early identification of domestic violence at risk of becoming lethal and to the elaboration of preventive strategies. © L’Encéphale, Paris, 2013. Introduction Les violences conjugales constituent un véritable enjeu de santé publique dans le monde. Trois à quatorze pour cent des femmes de tous âges ont été agressées au cours de l’année écoulée par leur partenaire ou ex-partenaire dans les pays occidentaux [1,2], voire 71 % dans les pays en voie de développement [2]. La prévalence de la violence conjugale vie entière est de 25 à 30 % [3]. Au Canada, les violences conjugales représentent 80 % de tous les actes de violences rapportés par la police [4] ; 6,2 % des Canadiens ont admis avoir été victimes de violences conjugales (physique ou sexuelle) de la part d’un conjoint ou d’un ex-conjoint dans les cinq dernières années (www.statcan.gc.ca). En France, une femme en couple sur dix a vécu une situation de violence dans l’année écoulée [5] et 30 % lorsqu’il s’agissait de femmes séparées dans les 12 derniers mois. Les conséquences de ces différentes formes de violences conjugales sont particulièrement élevées en termes de morbi-mortalité [6,7]. Une des complications majeures de la violence conjugale est dans les situations extrêmes la mort d’un partenaire, majoritairement la femme, par suicide [8] ou homicide [9,10]. Le femicide, homicide d’une femme, constitue la septième cause de décès prématuré chez la femme, toutes causes confondues [9,10]. En France (2009), une femme est victime d’un meurtre de la part de son (ex)-partenaire tous les deux jours et demi, soit 140 par année [11]. L’uxoricide, le meurtre de l’épouse, plus fréquent que celui de l’époux, est perpétré par le partenaire dans 30 à 55 % des cas ou l’ex-partenaire dans les cas restants [9,12,13]. Il est souvent précédé de violences physiques envers la femme [9], 418 soulignant la notion de continuum entre violences conjugales et uxoricide. Certains auteurs considèrent le meurtre de l’épouse comme le paroxysme d’une série d’épisodes de violences conjugales de plus en plus sévères [14,15]. Les facteurs associés au risque pour une femme d’être tuée par son conjoint seraient ainsi sensiblement identiques à ceux qui concourent à la violence physique [14,15]. Cependant, les antécédents de violences conjugales ne permettent pas de prédire à lui seul l’homicide conjugal. La moitié des victimes d’uxoricide n’a jamais subi de violences physiques de la part de leur conjoint avant le meurtre [4,16]. L’uxoricide est aussi l’homicide intrafamilial le plus fréquent suivi du filicide (le meurtre d’un ou des enfant(s)) et du parricide (le meurtre d’un ou des parent(s)) [15,17,18]. Au Québec, entre 1997 et 2007, 139 hommes et 17 femmes ont tué leur conjoint(e), 40 pères et 28 mères ont tué leur(s) enfant(s), et dix hommes et une femme ont commis un familicide (homicide de la conjointe et du ou des enfants). Les caractéristiques socio-démographiques, cliniques, psychopathologiques et criminologiques des auteurs d’un uxoricide ou familicide et d’un homicide intrafamilial autre qu’un uxoricide ont bien été décrites par des auteurs canadiens [19]. Comparativement aux hommes ayant commis un autre type d’homicide, l’auteur d’un homicide conjugal est relativement âgé [19,20], en moyenne 42 ans, a un meilleur niveau d’éducation et une situation professionnelle au moment des faits [21,22]. Il a peu d’antécédents criminels [21—23] ou judiciaires [19] et présente rarement une maladie mentale [24] mais davantage des traits ou un trouble de personnalité [21]. L’uxoricide, commis avec une arme à feu, survient fréquemment dans un contexte dépressif et suicidaire ; la rupture amoureuse constitue le facteur déclenchant du passage à l’acte, actualisant un vécu d’abandon et de négligence dans l’enfance [21]. La tentative de suicide postuxoricide est fréquente (20 % des cas) [25,26]. Les données de la littérature française concernant l’uxoricide ou les autres formes d’homicides intrafamiliaux commis par des hommes sont relativement rares et parcellaires. L’objectif de cette étude est de décrire les données socio-démographiques, cliniques et criminologiques des hommes qui ont tué leur conjointe (uxoricide), puis de les comparer à celles d’hommes qui ont tué uniquement un ou plusieurs membres de la famille autre(s) que leur conjointe (homicide intrafamilial) et celles d’hommes qui ont tué uniquement une victime extrafamiliale (homicide extrafamilial). Nous émettons l’hypothèse que les hommes auteurs d’un uxoricide ont des caractéristiques sociodémographiques, cliniques et criminologiques propres et distinctes des hommes auteurs d’un autre type d’homicide intrafamilial ou extrafamilial. Identifier les spécificités de l’uxoricide participerait au repérage précoce des situations de violences conjugales à risque létal et à l’élaboration de stratégies de prévention. Méthode Population De janvier 1975 à décembre 2005, 155 homicides ont été commis par des hommes dans la région d’Angers et expertisés par deux experts psychiatres près de la cour d’appel E. Cechova-Vayleux et al. d’Angers : 32 hommes auteurs d’un uxoricide, 26 hommes auteurs d’un homicide intrafamilial autre qu’un uxoricide et 97 hommes auteurs d’un homicide extrafamilial. Nous avons retenu une définition élargie de l’uxoricide, incluant les couples mariés et non mariés, mais vivant ensemble au moment des faits. Le matériel d’étude comprend les pièces des dossiers d’expertise psychiatrique et médicopsychologique, et dans certains cas, le dossier médical. Outils d’évaluation Les données socio-démographiques et cliniques (âge au moment des faits, sexe, niveau d’études, profession, antécédents psychiatriques personnels et familiaux, antécédents judiciaires et de violences envers autrui), criminologiques (qualification juridique des faits, délit ou crime éventuellement associé, comportements de l’agresseur pré-, peret post-homicide, modus operandi [lieu et heure du crime, arme, nombre de coups portés et alcoolisation au moment des faits]), victimologiques (nombre de victime[s], sexe, âge et lien entre l’agresseur et la victime), et expertales (pathologie éventuelle de l’auteur, conséquences médicolégales pour le devenir de l’individu et appréciation par l’expert de la dangerosité psychiatrique de l’auteur) ont été analysées par deux psychiatres (S.R.D. et E.C.V.). Les diagnostics des experts ont été conservés pour les diagnostics de maladie mentale grave (schizophrénie, délire paranoïaque, trouble de l’humeur), de maladie neuro-dégénérative, de déficience mentale, de troubles de la personnalité et d’abus ou de dépendance aux substances psycho-actives. Dans tous les cas, un diagnostic CIM-10 [27] a été attribué rétrospectivement à partir des expertises psychiatriques et médico-psychologiques. L’étude a été menée en conformité avec les normes éthiques énoncées dans la Déclaration d’Helsinki (1983). Le comité d’éthique local a approuvé le projet d’exploitation d’une base de données. Analyses statistiques Les variables cliniques et comportementales ont été analysées sur SPSS Statistics 19.0. Le p a été fixé a priori à 0,05. Dans un premier temps, les caractéristiques cliniques des meurtriers (âge, sexe. . .) et leurs données socio-démographiques, cliniques et criminologiques ont été décrites. Pour les variables quantitatives, la distribution des variables a été étudiée (moyenne, médiane, mode, minimum, maximum, écart-type). Les variables qualitatives ont été décrites par leurs effectifs et leurs pourcentages correspondants. Dans un deuxième temps, des comparaisons entre les trois groupes ont été réalisées à l’aide de tests paramétriques compte tenu de la distribution des variables et de la taille de chaque groupe. Le test de Chi2 de Pearson (ou le test exact de Fisher selon la distribution de la variable) était utilisé pour la comparaison des variables qualitatives à trois groupes et des groupes deux à deux. Pour les variables quantitatives, les tests statistiques utilisés étaient le test t de Student pour les comparaisons de deux groupes et une Anova pour les comparaisons de trois groupes. Dans un troisième temps, nous avons caractérisé la relation entre le type d’homicide et les variables socio-démographiques, cliniques et criminologiques à l’aide d’une régression Clinique de l’uxoricide logistique univariée (estimations Odds Ratio bruts), multiple puis descendante pas à pas au moyen d’un modèle de régression logistique (estimations Odds Ratio ajustés). Les modèles de régression logistique ont été réalisés entre le groupe d’uxoricide et celui de l’homicide intrafamilial, puis entre uxoricide et homicide extrafamilial, et enfin entre homicide intrafamilial et extrafamilial. Résultats Caractéristiques socio-démographiques Les hommes auteurs d’un uxoricide avaient une tendance statistique à être plus âgés que les hommes auteurs d’un homicide intra- ou extrafamilial (Tableau 1). Ils avaient plus souvent une qualification professionnelle d’ouvrier (2 = 6,34 ; ddl = 1 ; p = 0,01) et moins d’antécédents judiciaires que les hommes auteurs d’un homicide extrafamilial (2 = 8,73 ; ddl = 2 ; p = 0,01). Il n’y avait aucune différence significative intergroupe concernant les antécédents de violence envers autrui. Caractéristiques criminologiques L’uxoricide a été plus souvent qualifié d’assassinat (2 = 4,46 ; ddl = 2 ; p = 0,035) et s’accompagnait quatre fois moins souvent d’une autre infraction que l’homicide extrafamilial (2 = 6,43 ; ddl = 1 ; p = 0,01) (Tableau 2). Le domicile de la victime a été plus souvent le lieu du crime en cas d’uxoricide et d’homicide intrafamilial par rapport à l’homicide extrafamilial (2 = 36,42 ; ddl = 6 ; p < 0,001). Le choix de l’arme du crime ne différait pas statiquement entre les trois groupes, même si les auteurs d’uxoricide avaient une tendance statistique à utiliser plus souvent une arme blanche en comparaison des deux autres groupes de meurtriers. L’homicide survenait majoritairement dans la soirée et lors d’une alcoolisation aiguë, quel que fut le lien à la victime. Les circonstances du passage à l’acte révélaient plusieurs différences intergroupes significatives. Les auteurs d’uxoricide présentaient plus souvent des symptômes dépressifs au moment des faits par rapport aux auteurs d’homicide extrafamilial (2 = 8,25 ; ddl = 2 ; p = 0,01). Une dispute précédait plus souvent le meurtre en cas d’uxoricide et d’homicide extrafamilial que d’homicide intrafamilial (2 = 12,54 ; ddl = 4 ; p = 0,009). Le comportement après le crime révélait que les auteurs d’uxoricide et d’homicide intrafamilial restaient plus souvent sur le lieu du meurtre (2 = 11,61 ; ddl = 4 ; p = 0,01) que les auteurs d’homicide extrafamilial. Les auteurs d’uxoricide avaient une tendance statistique non significative à commettre plus souvent une tentative de suicide après le crime que les auteurs des deux autres groupes. Caractéristiques expertales Le trouble schizophrénique a été significativement moins souvent diagnostiqué chez les auteurs d’uxoricide que d’homicide intrafamilial (2 = 5,5 ; ddl = 1 ; p = 0,03) ou extrafamilial (2 = 3,3 ; ddl = 1 ; p = 0,02) (Tableau 3). Sans 419 être statistiquement significatif, le meurtrier présentait plus fréquemment un trouble de l’humeur en cas d’homicide intrafamilial que d’homicide extrafamilial ou d’uxoricide. Dans ce dernier cas, ils avaient une tendance à présenter plus fréquemment un délire paranoïaque en comparaison des deux autres groupes. Le trouble de la personnalité et d’abus ou de dépendance à l’alcool étaient les diagnostics les plus fréquemment retrouvés, quel que fut le lien à la victime. Plus de la moitié de meurtriers a été reconnue pénalement responsable. La dangerosité de l’auteur a été plus fréquemment reconnue pour l’homicide extrafamilial qu’intrafamilial (2 = 10,47 ; ddl = 1 ; p = 0,001). Analyse post-hoc Dans un modèle de régression logistique descendante pas à pas, et comparativement à l’homicide extrafamilial, l’uxoricide était associé positivement à la présence d’une activité professionnelle de l’auteur (OR à 2,9 [95 % d’intervalle de confiance (IC) (1,14—7,23) ; p = 0,02]), à un meurtre ayant lieu au domicile de la victime (OR à 3,4 [95 % IC (1,24—9,18) ; p = 0,02]), et négativement à la présence d’antécédents judiciaires (OR à 0,3 [95 % IC (0,13—0,82)] ; p = 0,02). La dispute au moment des faits était associée positivement à l’uxoricide comparativement à un autre type d’homicide intrafamilial (OR à 4,9 [95 % IC (1,47—16,6)] ; p = 0,01). Enfin, par rapport à l’uxoricide, l’homicide extrafamilial était négativement associé à des symptômes dépressifs au moment des faits (OR à 0,2 [95 % IC (0,06—0,8)] ; p = 0,02). Discussion Caractéristiques cliniques et criminologiques Dans notre travail, les hommes auteurs d’un uxoricide étaient d’âge moyen 37,8 ans (20—72 ans), en activité professionnelle, avec des événements de vie traumatisants dans l’enfance (56 %), et des antécédents psychiatriques (68,8 %), judiciaires (31 %) et de violence envers autrui (47 %). Ils avaient plus souvent une qualification professionnelle d’ouvrier et moins d’antécédents judiciaires que les hommes auteurs d’un homicide extrafamilial. Les auteurs d’uxoricide avaient une tendance à présenter plus fréquemment un délire paranoïaque en comparaison des deux autres groupes. Le meurtre survenait majoritairement dans la soirée et lors d’une alcoolisation aiguë, plus souvent au domicile de la victime en cas d’uxoricide et d’homicide intrafamilial qu’en cas d’homicide extrafamilial. L’uxoricide, qualifié plus souvent d’assassinat, subodorant une éventuelle préméditation, s’accompagnait quatre fois moins souvent d’une autre infraction que l’homicide extrafamilial. L’arme à feu (37,5 %) et l’arme blanche (31,3 %) constituaient les moyens privilégiés de l’acte meurtrier. Les auteurs d’uxoricide avaient davantage de symptômes dépressifs et d’idées suicidaires au moment du passage à l’acte et restaient sur les lieux du crime comparativement aux auteurs d’homicide extrafamilial. Les auteurs d’uxoricide ou d’homicide intra- ou extrafamilial ont été 420 E. Cechova-Vayleux et al. Tableau 1 Caractéristiques socio-démographiques des hommes auteurs d’un uxoricide et des hommes auteurs d’un homicide intrafamilial autre qu’un uxoricide ou d’un homicide extrafamilial. Données socio-démographiques Âge moyen, année ± écart-type (min, max) Niveau d’étude primaire, n (%) En activité professionnelle, n (%) Ouvriers, n (%) Homicide extrafamilial (n = 97) Homicide intrafamilial (n = 26) Uxoricide (n = 32) F ou 2 p 33,3 ± 13,8 (19—84) 32,5 ± 11,4 (18—59) 37,8 ± 14,3 (20—72) 1,51 0,22 59 (60,8) 12 (46,2) 20 (62,5) 7,52 0,65 42 (43,3) 11 (44) 21 (65,6) 5,00 0,08 U > EF = IF 15 (37,5) 6 (54,5) 15 (71,4) 6,48 0,04 U > EF 15 (57,7) 5 (31,3) 2 (12,5) 10 (62,5) 5 (31,3) 0 (0) 9 (34,6) 22 (68,8) 9 (40,9) 3 (13,6) 17 (77,3) 5 (22,7) 0 (0) 15 (46,9) 2,26 0,90 0,84 1,05 2,86 0,79 1,79 0,32 0,64 0,72 0,63 0,25 1 0,80 7 (26,9) 10 (31,3) 15,02 0,002 EF > IF = U 17 (65,4) 9 (52,9) 18 (56,3) 8 (44,4) 1,89 1,18 0,39 0,55 5 2 2 0 0 3 6 5 1 1 3 4 0,16 1,65 1,56 0,85 7,04 0,29 0,92 0,49 0,44 0,81 0,09 0,93 Antécédents psychiatriques et judiciaires Antécédents psychiatriques 52 (53,6) Tentative de suicide, n (%) 17 (29,8) Toxicomanie, n (%) 5 (8,8) Alcoolisme, n (%) 39 (68,4) Trouble de l’humeur, n (%) 8 (14) Schizophrénie, n (%) 2 (3,5) Antécédents de violence de 36 (37,1) l’auteur, n (%) Antécédents judiciaires de 57 (58,8) l’auteur, n (%) Évènements de vie traumatisant (entre 0 et 18 ans) Tout type, n (%) 49 (50,5) Décès dans la famille 29 (59,2) nucléaire, n (%) Placement, n (%) 17 (34,7) Séparation parentale, n (%) 7 (15,2) Violences parentales, n (%) 9 (18,4) Abus sexuel, n (%) 3 (6,1) Père inconnu, n (%) 9 (18,4) Carences affectives, n (%) 9 (18,4) (29,4) (11,8) (11,8) (0) (0) (17,6) (33,3) (27,8) (5,6) (5,6) (16,7) (22,2) Analyse post-hoc Min : minimum ; Max : maximum ;U : auteur d’un uxoricide ; IF : auteur d’un homicide intrafamilial ; EF : auteur d’un homicide extrafamilial. Anova pour les variables quantitatives ; Tests Chi2 de Pearson ou test exact de Fisher pour les variables qualitatives. reconnus pénalement responsables dans la moitié des cas. Les caractéristiques socio-démographiques, cliniques ou criminologiques des auteurs d’uxoricide de notre étude ne différaient statistiquement pas de celles des auteurs d’un homicide intrafamilial en dehors d’une dispute pré- et perdélictuelle plus fréquente chez les premiers. Nos résultats concordent avec les données de la littérature des auteurs d’uxoricide : un âgé élevé par rapport aux auteurs d’homicides intra- ou extrafamiliaux [19], des antécédents fréquents de tentative de suicide [21] et d’alcoolisme [19] et de faible prévalence d’antécédents judiciaires [19,21]. La littérature souligne également un taux d’inactivité professionnelle important des auteurs d’uxoricide tout en étant plus faible que celui des auteurs d’homicide extrafamilial [19]. Les résultats de notre étude retrouvaient cette tendance intergroupe, même si peu d’auteurs d’uxoricide étaient sans activité professionnelle (35 %). Nos résultats confirment par ailleurs que l’uxoricide, par rapport aux autres types d’homicides, est plus fréquemment prémédité [28] et moins souvent associé à une autre infraction délictuelle [19]. Il est souvent précédé d’une phase d’idéations homicidaires ou de symptômes anxieux ou dépressifs [28]. Concernant l’arme du crime dans notre étude, le choix s’orientait vers des moyens plus létaux en cas d’uxoricide, arme à feu (36,7 %) et arme blanche (33,3 %), donnée classique de la littérature francophone [21]. Dans les études américaines et canadiennes l’arme à feu demeure le moyen le plus fréquemment utilisé en cas d’uxoricide, jusqu’à 60 % des cas [9,29]. L’intensité du sentiment de jalousie et des émotions associées guide le mode opératoire meurtrier, la force physique utilisée et le choix des moyens létaux [30]. Il a été supposé que dans les cas où l’intensité de la jalousie était intense, la femme était tuée par un moyen plus violent, plus personnel, notamment avec les mains [31]. Par rapport aux autres types d’homicides intrafamiliaux, l’uxoricide était plus souvent commis avec une force physique excessive, pouvant peut-être témoigner d’une forte charge affective et d’une Clinique de l’uxoricide 421 Tableau 2 Caractéristiques criminologiques des hommes auteurs d’un uxoricide et des hommes auteurs d’un homicide autre qu’un uxoricide et d’un homicide extrafamilial. Homicide extrafamilial (n = 97) Donnés criminologiques Assassinat, n (%) Délit ou crime associé, n (%) Lieu du crime — au domicile de la victime, n (%) L’heure du crime — le soir ou la nuit (18 h—6 h), n (%) Arme à feu, n (%) Arme blanche, n (%) Strangulation, n (%) Plusieurs moyens utilisés, n (%) Nombre de coups ≥ 5, n (%) Homicide intrafamilial (n = 26) Uxoricide (n = 32) 2 p Analyse post-hoc 29,50 8,42 28,36 < 0,001 0,015 < 0,001 U > EF EF > U IF > U > EF 21 (21,6) 27 (27,8) 36 (31) 10 (38,5) 3 (11,5) 25 (96,2) 13 (40,6) 2 (6,3) 23 (71,9) 19 (59,4) 13 (50) 64 (66) 2,33 0,311 38 17 12 23 31 (39,2) (17,5) (12,4) (23,7) (32) 12 4 2 2 9 (46,2) (15,4) (7,7) (7,7) (34,6) 12 10 2 8 10 (37,5) (31,3) (6,3) (25) (31,3) 2,96 4,90 3,71 4,77 5,82 0,56 0,29 0,43 0,32 0,66 État mental lors de l’homicide Colère, n (%) Dépression, n (%) Idées délirantes, n (%) Dispute, n (%) Idées suicidaires, n (%) Alcoolisation, n (%) 34 1 15 60 2 57 (35,1) (1,0) (15,5) (61,9) (2,1) (58,8) 13 2 3 8 4 11 (50) (7,7) (11,5) (30,8) (15,4) (42,3) 15 4 3 19 4 15 (46,9) (12,5) (9,4) (59,4) (12,5) (46,9) 4,29 9,90 3,38 12,54 10,49 7,79 0,33 0,02 0,47 0,009 0,015 0,08 Comportement post-homicide Appel des secours, n (%) Fuite, n (%) Reste sur place, n (%) Tentative de suicide, n (%) 21 65 28 4 (21,6) (67,0) (28,9) (4,1) 12 9 15 3 (46,2) (34,6) (57,7) (11,5) 14 14 15 5 (43,7) (43,8) (46,9) (15,6) 13,59 12,69 11,61 7,50 0,045 0,006 0,01 0,06 IF > EF EF > U = IF U = IF > EF Caractéristiques de la victime Victime du sexe féminin, n (%) Adulte, n (%) Personne âgée (> 64 ans), n (%) 14 (14,4) 79 (81,4) 10 (10,3) 32 (100) 31 (96,9) 1 (3,1) 84,56 32,70 32,70 < 0,001 < 0,001 < 0,001 U > IF > EF U = EF > IF 13 (50) 13 (50) 3 (11,5) U > EF EF = U > IF U = IF > EF Min : minimum ; Max : maximum ; U : auteur d’un uxoricide ; IF : auteur d’un homicide intrafamilial ; EF : auteur d’un homicide extrafamilial. Tests Chi2 de Pearson ou test exact de Fisher pour les variables qualitatives. nécessité de décharge pulsionnelle [21,22] ou encore d’un état de désorganisation psychique [21,22]. Psychopathologie des auteurs d’uxoricide Les auteurs d’uxoricide de notre étude présentaient souvent une symptomatologie dépressive et suicidaire au moment des faits et tentaient de se suicider après le passage à l’acte meurtrier. L’homicide—suicide est plus élevé chez les auteurs d’uxoricide que chez les auteurs d’un autre type d’homicide [32—34]. Au Canada, 25 % des meurtriers armés se sont suicidés après avoir tué leur conjointe [35,36]. L’acte uxoricide—suicide demeure intimement lié à la jalousie masculine et à la conviction de l’infidélité de la femme sous forme de ruminations obsessionnelles [34]. Dans les cas de dépressions masculines, l’uxoricide—suicide peut s’inscrire dans le concept d’homicide altruiste du mélancolique [37]. La survie de l’épouse n’est, dans ce cas, pas imaginable par le mari [23,37]. La probabilité est en revanche très faible qu’une femme se suicide après avoir tué son mari [34], entre 0 et 3 % des cas selon les études [34,38]. La femme envisage l’homicide altruiste plutôt envers les enfants [39]. D’autres troubles psychiatriques, autres que dépressifs, président à la compréhension psychopathologique des auteurs d’uxoricide. La littérature a fait état de trouble délirant persistant (délire paranoïaque) [40,41] ou de la personnalité [17]. Les auteurs d’uxoricide présentent une personnalité passive agressive, ou évitente et dépendante [16], rarement une personnalité psychopathique [4] qui est davantage associée aux auteurs de violences non létales ou extrafamiliales [4,16]. Les fragilités narcissiques, les angoisses de séparation et l’échec du sentiment de contrôle semblent être essentiel à la compréhension de la violence conjugale létale [17]. Enfin, dans la très grande majorité des cas, l’auteur d’un uxoricide ne présente aucun trouble psychiatrique. L’uxoricide : un crime passionnel ? En France, pendant deux siècles, l’uxoricide s’est confondu avec le crime passionnel, ce dernier étant schématiquement 422 E. Cechova-Vayleux et al. Tableau 3 Caractéristiques expertales des hommes auteurs d’un uxoricide et des hommes auteurs d’un homicide autre qu’un uxoricide et d’un homicide extrafamilial. Homicide extrafamilial (n = 97) Diagnostic psychiatrique Aucun trouble psychiatrique, n (%) Schizophrénie, n (%) Trouble de l’humeur, n (%) Délire chronique non dissociatif, n (%) Trouble de la personnalité, n (%) Abus ou dépendance à l’alcool, n (%) Autre(s) trouble(s) psychiatrique(s) non spécifié(s), n (%) Responsabilité pénale Responsabilité pénale Article 64 ou article 122-1 alinéa 1, n (%) Atténuation de responsabilité ou article 122-1 alinéa 2, n (%) Dangerosité psychiatrique, n (%) 29 9 2 5 19 21 12 (29,9) (9,3) (2,1) (5,2) (19,6) (21,6) (12,4) Homicide intrafamilial (n = 26) 8 4 3 0 5 4 2 (30,8) (15,4) (11,5) (0) (19,2) (15,4) (7,7) 52 (53,6) 19 (19,6) 26 (26,8) 15 (57,7) 2 (7,7) 9 (34,6) 64 (64,0) 8 (30,8) Uxoricide (n = 32) 12 0 1 3 8 6 2 2 p (37,5) (0) (3,1) (9,4) (25) (18,8) (6,2) 0,48 5,20 4,32 2,12 0,35 0,56 0,37 0,79 0,05 0,09 0,39 0,84 0,75 0,82 18 (56,3) 6 (18,8) 8 (25) 0,17 1,98 0,77 0,92 0,40 0,68 11,11 0,004 16 (50) Analyse post-hoc U < IF = EF IF < EF Min : minimum ; Max : maximum ; U : auteur d’un uxoricide ; IF : auteur d’un homicide intrafamilial ; EF : auteur d’un homicide extrafamilial. Tests Chi2 de Pearson ou test exact de Fisher pour les variables qualitatives. réduit au crime du mari abandonné par une femme infidèle [42]. Pour Bénézech et al., le crime passionnel est caractérisé par une incapacité à supporter une séparation ou une menace de rupture [43]. La perte de l’objet entraîne une souffrance intolérable à l’origine d’un processus émotionnel et dépressif de meurtre—suicide. La victime est le plus souvent la partenaire comme le sont parfois les enfants du couple [44]. La menace de séparation révèle au mari une impression subite de perte de contact avec l’être cher. Casoni et al. [37] décrivent les cas de figure où une non-disponibilité temporaire de la conjointe, quel qu’en soit le motif, provoque chez le conjoint un sentiment d’absence définitive et permanente, parfois vécue comme rejet ou non reconnaissance de leur propre existence. L’angoisse éveillée est ressentie comme intolérable, ce qui semble susciter une réaction imprévisible [37]. L’uxoricide n’est pourtant pas synonyme du crime passionnel qui n’est, ni une catégorie judiciaire, ni une entité de la nosographie psychiatrique mais une dynamique du passage à l’acte criminel déclenchée par l’angoisse de perte d’objet, concept qui éclaire un autre axe de compréhension de l’uxoricide reposant sur la complexité des liens qui unissent l’agresseur à sa victime. L’uxoricide constitue souvent le paroxysme d’une situation de violences conjugales. Le concept de continuum entre violences conjugales et homicide conjugal a été contesté par Gartner et al. [45] et Dutton et Kerry [16] qui y opposent de faibles prévalences d’antécédents de violences conjugales chez les auteurs d’uxoricide dans certaines séries et l’absence d’indices comportementaux de violence prè-uxoricide. Toutefois, les violences conjugales se sont souvent installées insidieusement, se chronicisent et renforcent la perversion qui unit les protagonistes. Les violences répétées et fréquentes ponctuent la relation entre la victime et l’agresseur et interrogent le fonctionnement psychique de l’agresseur. Le partenaire violent ne peut supporter que l’autre ne soit pas conforme à ce qu’il attend de lui ou d’elle ; l’autre ne doit pas lui échapper ni vivre quelque chose en dehors de lui. Les partenaires sont confinés à une atmosphère psychologique de contrôle, de surveillance et d’emprise qui traduit une tendance fondamentale à la neutralisation du désir d’autrui [46]. L’agresseur exerce une toute puissance et laisse peu de place à l’altérité. L’intérêt pour autrui est absent et une véritable relation narcissique se crée avec « une méconnaissance absolue des besoins d’autrui, de ses désirs, de ses craintes, avec la seule prise en compte de certaines caractéristiques partielles susceptibles d’être narcissiquement utiles et à ce titre consommées [47] ». La possessivité et la jalousie sexuelle comme constante psychologique de l’uxoricide ? Pour Wilson et Daly [15], l’uxoricide serait une stratégie pour contrôler l’autonomie et la reproduction de la femme par l’homme, ce qui expliquerait que le risque d’uxoricide diminuerait avec l’avancée en âge du partenaire [48]. Une femme en âge de procréer suscite une jalousie sexuelle masculine ; les stratégies de surveillance du partenaire participe à augmenter le risque de passage à l’acte [49]. Le désir de domination et de possession exclusive, le sentiment de propriété et la jalousie sexuelle caractérisent le fonctionnement psychique des auteurs d’uxoricide [50,51]. La jalousie est considérée comme un élément déclencheur du passage à l’acte uxoricide dans 25 % des cas [50], l’homme soupçonnait sa conjointe d’infidélité. S’attaquant directement à l’instinct de propriétaire [52], une séparation conjugale, réelle ou annoncée, constitue aussi un moment propice à l’éclosion de la violence homicide (50 % [50,53] à Clinique de l’uxoricide 66 % [16], voire 80 % [21] des cas). L’uxoricide survient alors dans les mois qui suivent la séparation, avec une acmé à trois mois [22]. 423 d’étude était pour autant de bonne qualité, les données étant renseignées dans plus de 97 % des cas. Conclusion Pistes et stratégies de prévention La prévention de l’uxoricide passe en premier lieu par une reconnaissance législative de la violence masculine. Ainsi, jusqu’en 1975, l’auteur d’un uxoricide était excusé par le Code Pénal de 1810 s’il découvrait son épouse en flagrant délit d’adultère au domicile conjugal (Article 324 alinéa 2 : « Néanmoins, dans le cas d’adultère, prévu par l’article 336, le meurtre commis par l’époux sur son épouse, ainsi que sur son complice, à l’instant où il les surprend en flagrant délit dans la maison conjugale, est excusable. »). Cette loi n’a jamais été réciproque. Le second élément de prévention repose sur la connaissance des facteurs associés à la violence conjugale. En dehors des facteurs généraux de la violence [54,55] et des antécédents de violences conjugales et son augmentation en fréquence et gravité [19], d’autres facteurs concourent à un risque d’uxoricide : possession d’une arme à feu au domicile [9,19], alcoolisme chez l’homme surtout s’il est associé à des sentiments de possessivité [19], stratégies du contrôle de l’homme envers la femme [28], menaces de mort et de strangulation [9,19], idées suicidaires et désespoir du conjoint [19] surtout dans un contexte de rupture de la relation conjugale ou dans les deux à trois mois suivant celle-ci [28], antécédents de rapports sexuels forcés [9], présence d’enfants au domicile d’une précédente union [9,50,53]. Éventuellement, on pourra s’aider, mais avec prudence, d’outils diagnostics cliniques (grilles actuarielles) pour identifier les facteurs de risque d’un comportement conjugal violent [56]. En dernier lieu, la loi no 2010-769 du 9 juillet 2010 relative aux violences faites spécifiquement aux femmes, aux violences au sein des couples et aux incidences de ces dernières sur les enfants prévoit une « ordonnance de protection » par le juge aux affaires familiales, permettant de mettre en place, sans attendre le dépôt d’une plainte, des mesures d’urgence (éviction du conjoint, partenaire ou concubin violent, relogement hors de sa portée en cas de départ du domicile conjugal. . .). L’auteur de violences qui ne respecterait pas ces mesures encourt des peines de prison et d’amende. Un numéro vert (3919) a été mis en place pour les violences conjugales, ainsi que d’autres numéros et sites internet de plusieurs associations. Ce texte de loi encourage le médecin à un travail multidisciplinaire reposant sur un dispositif de prise en charge en réseau [57]. Plusieurs limites méthodologiques de notre étude doivent être soulignées. Premièrement, tandis que les rapports psychiatriques ont été standardisés, les diagnostics ont été posés par les cliniciens utilisant les critères de la CIM-10 à partir des dossiers médicaux. Toutefois, il convient de noter qu’un grand nombre d’études antérieures ont déjà utilisé des méthodes similaires. Deuxièmement, le design cas-contrôle rétrospectif ne permet pas de fortes inférences causales ; seule une étude prospective autoriserait à le faire. Enfin, la nature des relations conjugales avant le crime et les facteurs déclencheurs du passage à l’acte criminel n’étaient pas toujours détaillés. Le matériel L’évolution de la condition féminine et la révélation de l’intime des rapports homme—femme ont dévoilé la nature des violences qui peuvent se dessiner au sein du couple, et l’un de ses avatars, l’uxoricide. Préoccupation récente de santé publique, le clinicien aura la délicate tâche de participer au repérage précoce des situations de violences conjugales à risque létal et d’identifier et de discriminer ce qui est du registre de la mésentente conjugale de ce qui ressort de la violence. Contribution des auteurs S. Richard-Devantoy a un accès complet aux données du manuscrit et assume la responsabilité de l’intégrité du manuscrit. Design du manuscrit : E. Cechova-Vayleux et S. RichardDevantoy. Rédaction du manuscrit : E. Cechova-Vayleux et S. Richard-Devantoy. Révision critique du manuscrit : S. Leveillée, J.P. Lhuillier, J.L. Senon et S. Richard-Devantoy. Association à titre honorifique : J.B. Garré. Obtention d’un financement : Non applicable. Expertise statistique : S. Richard-Devantoy. Supervision du manuscrit : S. Richard-Devantoy. Déclaration d’intérêts Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article. Références [1] WHO. 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