Krys OTTINO - Sciences Po Service Carrières

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Krys OTTINO - Sciences Po Service Carrières
Krys Ottino
100044583
Rapport de stage de Troisième Année
Journaliste
Lepetitjournal.com Kuala Lumpur
Septembre 2014 à Mai 2015
Kuala Lumpur, Malaisie
1
Table des matières:
Tables des matières ....................................................................................................................................... 2
Première partie : Le stage, expérience professionnelle de longue durée à l'étranger. ................................... 4
I)
La recherche. ......................................................................................................................................... 4
1)
Pourquoi le stage ? ............................................................................................................................ 4
a)
La volonté d'être mis à l'épreuve. .................................................................................................. 4
b)
Evoluer dans un nouvel univers. ................................................................................................... 4
c)
L'expérience de mes prédecesseurs. ............................................................................................. 5
2)
Une recherche laborieuse. ................................................................................................................. 5
a)
Un premier temps de déception. ................................................................................................... 5
b)
Comment je suis arrivé au sein du petitjournal. ........................................................................... 6
c)
En vue de Kuala Lumpur… .......................................................................................................... 7
II)
Huit mois au petitjournal. ................................................................................................................. 8
1)
La découverte de l'activité journalistique.......................................................................................... 8
a)
La structure du journal. ................................................................................................................. 8
b)
Devenir reporter. ........................................................................................................................... 9
c)
De Monsieur Sport à Monsieur Art. ............................................................................................ 10
d)
La casquette de commercial. ....................................................................................................... 11
2)
Une révélation professionnelle........................................................................................................ 12
a)
La découverte de mes compétences. ........................................................................................... 12
b)
Une prédisposition pour le discours légal. .................................................................................. 12
c)
Quel projet professionnel? .......................................................................................................... 13
Seconde Partie : Plonger dans l'étranger. .................................................................................................... 14
I)
Un choc culturel. ................................................................................................................................. 14
1)
Lors de mon activité au sein du journal. ......................................................................................... 14
a)
S'habituer aux us et coutumes locales. ........................................................................................ 14
b)
Souffrir la censure. ...................................................................................................................... 15
c)
Les colons du nouveau millénaire. .............................................................................................. 16
2)
II)
1)
Dans la vie de tous les jours. ........................................................................................................... 17
a)
Le paradoxe d'une société conservatrice et ultra libérée à la fois. .............................................. 17
b)
"Ok laaaaahhhh….." ................................................................................................................... 18
Une prise en main personnelle. ....................................................................................................... 20
La question du logement. ................................................................................................................ 20
2
a)
Bienvenue à Cheras..................................................................................................................... 20
b)
"L'électrochoc" de la recherche d'un appartement. ..................................................................... 21
2)
A l'aventure. .................................................................................................................................... 22
a)
Seul au monde? ........................................................................................................................... 22
b)
Un besoin d'organisation. ............................................................................................................ 23
3)
Les apports personnels d'un séjour à l'étranger. .............................................................................. 24
a)
Négocier selon la culture............................................................................................................. 24
b)
Accueillir la diversité. ................................................................................................................. 25
Bilan ............................................................................................................................................................ 27
Annexes ...................................................................................................................................................... 28
3
Première partie : Le stage, expérience professionnelle de longue
durée à l'étranger.
I)
La recherche.
1) Pourquoi le stage ?
a) La volonté d'être mis à l'épreuve.
Deux raisons fondamentales expliquent mon choix. La première, que je pense partager avec
tous les élèves de troisième année qui ont pris cette option, est le besoin de remplir son CV et de
s'assurer que notre projet professionnel est cohérent. Je suis rentré à Sciences Po parce que mes
cours d'histoire et de politique me passionnaient, et comme beaucoup j'avais le désir de me
diriger vers le haut fonctionnariat ou la vie politique. J'ai vite découvert que ce projet n'était pas
en adéquation avec ma personnalité. A partir de là, ma valse des masters a débuté: chaque mois
je me destinais à une spécialisation différente. Devant cette incertitude, j'ai dès le milieu de ma
première année pris la décision d'effectuer un stage, pour me confronter à un univers
professionnel pendant plusieurs mois. Qui plus est, le témoignage de mon entourage comme
celui de mes amis m'a conforté dans ce chemin, en me rappelant combien il est aujourd'hui
compliqué de trouver un emploi au terme de sa formation et à quel point un stage est une ligne
de CV valorisante, surtout quand l'employeur sait qu'il a été favorisé vis-à-vis une année en
université.
b) Evoluer dans un nouvel univers.
Mon autre volonté était de me détourner pendant un an d'un univers étudiant que je ne connais
que trop. Dès ma première, au lycée, j'ai eu l'occasion de participer à un programme échange au
sein d'un institut privé, le Collège International de Cannes, qui accueille des étrangers qui
étudient le français durant un semestre ou pendant la période estivale. J'ai très vite passé
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l'intégralité de mon temps avec les jeunes universitaire, ce qui a notamment alimenté mon envie
de rentrer à Sciences Po pour profiter de cet univers multiculturel. Une fois que j'ai rejoint vos
murs, je suis resté dans la même tradition en passant la majeure partie de mon temps avec les
étudiants en échange. J'avais donc envie de changer d'atmosphère durant un an, en me dirigé vers
le milieu professionnel. Bien que l'ouverture intellectuelle et le questionnement incessant qui est
tradition à Sciences Po me plaît, j'avais envie de rencontrer des personnes différentes, plus âgées
et terre à terre, et d'expérimenter le même mode de vie.
c) L'expérience de mes prédecesseurs.
Le dernier élément qui explique ma décision est une lecture extensive des rapports de séjour
d'étude en université comme de stage. Je me suis rendu compte que viser une grande université
américaine, volonté de beaucoup et que j'avoue avoir partagé au moment de mon entrée à
Sciences Po, n'est pas nécessaire car cela n'a pas un impact majeur sur la carrière futur. L'esprit
de la troisième m'a plus semblé être celle d'une découverte de l'autre qui permet de se révéler, et
choisir plus judicieusement la voie professionnelle qui nous convient. C'est pourquoi j'ai voulu
pousser la découverte à son paroxysme, en changeant de lieu de vie tout en m'extirpant du
quotidien étudiant.
2) Une recherche laborieuse.
a) Un premier temps de déception.
Je me suis donc penché sur le sujet dès le milieu de ma première année. C'est notamment car
mes parents sont totalement dénués de relations qui auraient pu m'ouvrir des portes dans
l'obtention d'un stage. La première piste que j'ai exploré se trouvait en la personne du maire de
ma ville d'origine, qui avait eu la générosité de m'accorder, au même titre qu'à cinq autres
boursiers lauréats de la mention très bien au baccalauréat, une bourse de 6,000€. Ancien grand
nom du monde de la communication, je contactais son cabinet dès janvier 2013 pour demander
un rendez-vous afin de solliciter un futur stage dans une boîte de communication. Cette
rencontre, qui eut lieu en juin 2013, s'est révélé infructueuse, notamment par le manque de
préparation et de cohérence de mon projet. J'ai donc commencé ma deuxième année avec la
volonté de trouver un stage au plus vite, mais un manque de méthode a grandement réduis ma
productivité. Outre lettres de motivation trop longues et trop de sélectivité dans mes candidatures
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spontanées, mon erreur principale a été de me focaliser sur la promesse d'un de mes maîtres de
conférence, qui m'avait assuré qu'un stage chez l'avionneur pour lequel il travaillait m'était
réservé. La seule preuve de la procédure qu'il avait entreprit s'est matérialisée par une lettre de
refus reçu fin mars 2014. A partir de janvier 2014, la pression commençait à monter et j'ai
entamé une recherche plus fréquente et poussée. Je postulais à environ cinq offres de stage par
semaine. A cette époque, mon projet, aveuglé par un cours de politique étrangère des Etats-Unis
qui m'avait passionné, était d'effectuer un master en affaire public pour me préparer au passage
de concours d'entrée au ministère des affaires étrangères ou à la direction générale de la sécurité
extérieure, afin de travailler comme analyste ou agent de renseignement. J'essayais également de
négocier un stage auprès de Total, car j'avais fait la promotion du pétrolier au sein de Sciences
Po durant l'année, mais j'ai vite compris que le groupe était plus intéressé par des ingénieurs ou
d'étudiants en école de commerce. J'ai failli atterrir à Washington en mission de défense, mais
ma candidature a été repoussée au dernier moment parce que le recruteur s'est rendu compte que
je n'étais pas en master. Finalement mon stage s'est déroulé dans une structure bien différente.
b) Comment je suis arrivé au sein du petitjournal.
Courant février, j'ai reçu par mail de Sciences Po Avenir une offre de stage au sein du
petitjournal.com kuala lumpur. Le repoussant dans un premier temps car je n'y voyais pas de
cohérence avec mon projet professionnel, il m'a séduit dans un second temps pour plusieurs
raisons. En premier, la localisation géographique : amoureux des tropiques, l'idée de passer une
année sans hiver m'était très agréable. Qui plus est, la Malaisie est un pays que j'avais eu la
chance de visiter et que j'avais aimé par le passé; l'envie de découvrir plus de l'Asie du Sud Est
me démangeait. Mes proches ont également été de bon conseil, en me rappelant que postuler
n'est pas s'engager. Ayant déjà écrit des articles pour une association politique et pour un think
tank vers lesquels j'ai redirigé Alexandra Le Vaillant, la responsable de l'édition, je n'ai eu qu'à
écrire deux brèves, qui condensent une information chaude de l'actualité en huit lignes, en guise
de mise à l'essai. Notre entretien Skype était plus informatif que sélectif, l'affaire étant déjà
pratiquement entendue. J'ai dès l'origine précisé à Alexandra que devenir journaliste n'était en
rien mon projet professionnel, et que je venais en Malaisie pour passer un an dans un pays qui
m'attire et m'y faire du réseau en vue d'y trouver des débouchés professionnels futurs. Ce
caractère conciliant s'expliquait notamment par l'absence de rémunération. Mais cette situation a
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également des avantages: le journal n'ayant pas de bureau sur Kuala Lumpur, j'aurais la liberté de
mener des projets personnels du moment que mes articles étaient écrits dans les temps.
Ce qui ne devait à l'origine qu'être un plan de secours a au fur et à mesure des mois pris place
dans mon esprit comme le stage idéal. L'idée de passer un an en Malaisie me séduisait de plus en
plus. Et la flexibilité dont je profiterai pour voyager en Asie du Sud Est me semblaient une
opportunité à ne pas manquer. En effet, lorsque j'ai découvert que je pourrais me loger dans des
résidences de luxe dotées de piscines et salles de gym pour un quart de ce que je paye une
misérable chambre à Paris, et que la compagnie low cost Air Asia me permettrait de voyager à
moindre frais si je m'y prenais à l'avance, le stage au petit journal prenait de plus en plus de
valeur. Je me suis donc pencher sur sa préparation.
c) En vue de Kuala Lumpur…
Le premier aspect auquel je me suis intéressé est bien sûr le financement de mon séjour.
Comme je faisais la promotion de Total à ce moment, et que je savais que je profiterai d'une
certaine flexibilité géographique durant mon stage, je leur ai proposé un projet contre un
financement partiel… procédure laborieuse et peu fructueuse. J'ai également tenté de démarcher
la ville de Cannes et le Conseil Général des Alpes Maritimes pour une promotion touristique et
commerciale en Malaisie…. sans plus de succès. J'ai été plus chanceux, avec la fondation de
France, qui m'a octroyé la Bourse Pierre Ledoux qui récompense les étudiants qui effectuent un
stage dans une structure locale. Cela s'applique petit journal, qui promeut la culture et la langue
française en Malaisie. Le financement est également passé par un travail saisonnier en
hypermarché au rayon fruits et légumes, durant lequel ma difficulté pour me lever à quatre
heures du matin m'a notamment fait réaliser le milieu militaire ou de la sécurité n'était peut être
pas fait pour moi.
La deuxième partie de ma préparation est une analyse de l'histoire et de la situation actuelle de
la Malaisie. Comme j'allais devenir journaliste, je ne comptais pas arriver à l'aveugle dans ce
nouveau pays. Alexandra m'avait notamment demandé de préparer certaines rubriques dont je
m'occuperai personnellement, comme les sujets relatifs à la défense, au sport ou à l'obtention de
visa. J'ai également acquis de nombreuse connaissance sur la situation économique,
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principalement dans le domaine des hydrocarbures, et sociale du pays, pour la préparation des
projets que j'ai précédemment mentionné.
II)
Huit mois au petitjournal.
1) La découverte de l'activité journalistique.
a) La structure du journal.
Lepetitjournal.com est une société créée au Mexique en 2001 par Hervé Heyraud, expatrié qui
suivait sa compagne. Présents dans 45 villes à travers le monde aujourd'hui, l'entreprise loue des
franchises annuelles à des particuliers. Chaque édition est donc divisé en deux parties : les
productions locales effectuées sur places, et internationales qui sont faites à Paris et redirigées
vers chaque franchise. L'entreprise impose notamment l'utilisation du système de courriel
Roundcube, qui m'a fait réaliser à quels point les dirigeants de Sciences Po nous ont facilité la
vie en optant pour Gmail.
L'édition de Kuala Lumpur, ouverte en 2011, est d'une taille assez réduite, ce dû à la faiblesse
du nombre de francophones dans le pays. Un peu plus de 5.000 français sont enregistrés au
consulat de France, et approximativement le double doit résider dans le pays. La Malaisie étant
une ancienne colonie britannique, le français n'est pas aussi démocratisé au sein de la population
locale qu'au Cambodge ou au Vietnam voisin. L'édition est donc dénué de bureaux, et l'équipe ne
s'élevait qu'à trois personnes à l'origine: Alexandra, Safia, autre élève de Sciences Po en
troisième année, et moi. Quotidien, le journal propose chaque jour de la semaine une série de
brèves qui résume l'actualité locale pertinente pour les expatriés. Le lundi, Alexandra publie une
quantité plus importante qui vise à résumer l'actualité du weekend. Safia se chargeait des brèves
des mardi et mercredi, et moi celle de jeudi et vendredi, que nous rédigions la veille. Les sujets
primordiaux sont la sécurité, l'économie, les divertissements susceptibles d'intéresser les
expatriés. Le caractère autoritaire du gouvernement nous contraignait à bannir certains sujets, ce
sur quoi je reviendrai par la suite. A tour de rôle, nous produisions également un agenda du
weekend qui informait les membres de la communauté française des activités dont ils pouvaient
profiter. Il fallait enfin produire chaque semaine un article de deux pages. J'ai eu la chance de
traiter de sujets variés durant mon séjour. Si Alexandra me donnait des directives durant les
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premiers mois, l'élargissement de mon réseau et ma connaissance grandissante du terrain m'a
permis de choisir mes propres sujets.
b) Devenir reporter.
Bien que la quantité de contenu écrit demandée à Sciences Po est un bon entraînement au
métier de journaliste, quelques ajustements ont été de rigueur pour rendre mes articles agréable
aux yeux des lecteurs. Premièrement, la longueur de mes phrases a dû être réduite, tout autant
que mon penchant pour les adverbes. Aussi, le passé simple a été banni de mes productions, pour
les rendre plus simples et percutantes. Par contre, la tradition de notre école à toujours se
concentrer sur le synthétique m'a permis de faire des choix judicieux dans le traitement des
informations.
Dans un second temps, c'est l'art de d'effectuer des interviews que j'ai dû acquérir. Mon
baptême du feu était des plus intenses. Mes trois interlocutrices faisaient parti d'un groupe qui
depuis trois ans organise un marché de Noël à Kuala Lumpur, dont les fonds sont destinés à
financer des associations qui s'occupent d'enfants malades. Je me suis laissé submerger par un
triple flot d'information décousues et qui se recoupaient, ce qui m'a mis en difficulté dans la
rédaction de mon article. A terme, le contenu utilisable était réduis et m'a à peine permis de
produire un écrit d'une longueur acceptable. Une autres fois, la personne que j'interviewais m'a
donné de nombreuses informations mais m'a demandé de ne pas publier la plupart d'entre elles.
Mon épreuve la plus ardue s'est matérialisée en la personne d'un danseur contemporain, qui avait
sollicité un entretien pour parler d'un festival de dance à Malacca, ancien comptoir coloniale
situé en Malaisie, et m'a parlé pendant vingt minutes des dynamiques et conséquences de la
Révolution Française! J'ai donc compris qu'il convenait de préparer des questions qui édifient un
lien logique tout au long de l'article, et de ne pas hésiter à recentrer la conversation si
l'interlocuteur a tendance à se disperser.
La partie la plus agréable de mon stage était la couverture d'évènement la participation à des
conférences multiples, comme la "fashion week" de Malaisie, plusieurs vernissages, ou encore
des dégustations de vin. Ce fut l'occasion d'aiguiser mes compétences en termes de réseautage et
de découvrir des domaines vers lesquels je pourrai me diriger une fois mon master fini. C'est
notamment ce qui a rythmé les sujets que j'ai traité au fur et à mesure de l'année.
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c) De Monsieur Sport à Monsieur Art.
Dans un premier temps, comme j'étais le seul garçon de l'édition, Alexandra m'a chargé de
tous les évènements sportifs susceptibles d'intéresser la communauté expatriée. Lors du dernier
weekend de septembre, j'ai couvert l'Open de Tennis de Malaisie, le Base Jump (saut en
parachute depuis une plateforme) de la Tour de télécommunication de Kuala Lumpur, haute de
421 mètres, et effectué l'interview d'un français participant au triathlon Iron Man de Langkawi.
Ces rencontres professionnelles condensées sur un cours laps de temps ont été formatrice, car les
sportifs devaient être abordés d'une manière différente selon leur activité, car leur personnalité
était très différente. Alors que le triathlète était technique et précis, à cheval sur les termes
utilisés et sur la description exacte de son palmarès, de ses habitudes d'entraînement et des
sacrifices qu'il avait dû faire, les base jumpers, qui pratiquent un sport niche fort en adrénaline,
étaient beaucoup plus détendus et mettaient l'accent sur l'esprit familial qu'ils recherchaient et le
pur plaisir que leur procure les sauts. Le tennismen, professionnels, étaient eux peu accessibles et
se contentaient de donner leurs impressions sur le match.
Ces couvertures m'ont également fait réaliser un des avantages de l'activité journalistique: la
possibilité de participer à des évènements gratuitement en échange de leur couverture. Cela m'a
par la suite permis de me rendre à une compétition de sports de combats que j'avais envie de
voir. Cela m'a surtout montré comment il suffit parfois de demander pour avoir accès à des
manifestations qui paraissent inaccessibles. Par contre, le milieu sportif, bien qu'il m'intéresse,
s'est révélé un piètre environnement de réseautage, car le déroulement des évènements ne permet
pas les rencontres, l'ensemble des spectateurs étant bien sûr concentrés sur la performance.
C'est pourquoi j'ai décidé d'essayer de me diriger vers d'autres sphères. Comme je l'explique
plus tard, ma rencontre la plus fructueuse a eu lieu lors d'un vernissage, qui m'a permis d'être
introduit au cœur de la vie artistique contemporaine de Kuala Lumpur.
Etant dès lors invité à tous les évènements ayant trait à l'art contemporain à Kuala Lumpur, je
suis devenu le Monsieur Art du petit journal. Cette expérience a été très instructive car j'ai été
plongé dans un milieu étranger, très fermé, où chacun se connaît et porte un jugement sur l'autre.
J'ai appris à respecter les coutumes malaises/islamique et à comprendre leur vision artistique
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pour en faire des comptes rendus fidèles. J'ai surtout compris à quel point l'humour et la modestie
sont les atouts majeurs d'une jeune personne pour se faire accepter dans des groupes d'influence.
Sur la fin de mon stage, notamment car deux nouveaux arrivants pouvaient traiter des sujets
d'ordre général, Alexandra m'a laisser la liberté d'exclusivement faire des articles sur
problématique légale dans le domaine de l'entreprise et de l'impôt, pour me préparer à mon
master en droit économique et rencontrer des interlocuteurs qui pourraient se révéler des contacts
de valeur dans la recherche d'un stage ou emploi futur.
d) La casquette de commercial.
A partir de janvier, à l'occasion de l'arrivé d'un nouveau stagiaire de Sciences Po, Alexandra
m'a demandé de me concentrer sur la recherche d'annonceurs pour le journal. Ils sont en effet
indispensables à la profitabilité de l'édition dans la mesure où la maison mère parisienne ne
fournit aucun financement aux locataires de franchise. Je devais contacter par mail, téléphone ou
porte par porte les entreprises susceptibles d'être intéressés par la diffusion de publicité au sein
du petit journal. Nous proposions au choix une série d'encarts publicitaires sur la page de
l'édition, un publireportage de trois articles sur l'entreprise, la présence dans notre agenda du
weekend ou notre rubrique bon plans. Une autre option était le sponsoring informatif. Par
exemple, une agence immobilière serait toujours sollicitée lorsqu'un article sur ce secteur
d'activité est en projet, et se trouverait mentionnée une fois l'article terminé. La tâche est ardue
dans la mesure où peu dans un pays anglophone ne voient l'intérêt de chercher à atteindre la
communauté francophone. Qui plus est, si nous avions 22.000 lecteurs mensuels, seul 60%
d'entre eux habitent effectivement en Malaisie.
J'ai vite compris que le meilleur moyen d'atteindre les clients potentiels était d'utiliser mes
contacts personnels. C'est d'ailleurs la seule voie qui m'a permis d'avoir quelques résultats. J'ai en
effet démarché de nombreux restaurants et écoles de cuisine. La seule institution qui ait accepté
est celle dirigée par une personne que j'ai rencontrée lors d'un dîner de Thanksgiving organisé par
une amie.
Une telle expérience dans un pays étranger avait notamment un intérêt dans un pays à la
culture au combien différente.
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2) Une révélation professionnelle.
a) La découverte de mes compétences.
Comme je l'ai indiqué précédemment, j'avais à l'époque où j'ai accepté le stage la vocation de
devenir un fonctionnaire dans les services de sécurité, ce qui suppose une prédisposition à
l'analyse et passe exclusivement par la lecture de données et en rédiger une conclusion. Je
voulais essayer d'obtenir un stage en chancellerie ou en mission de défense une fois mon temps
au petit journal terminé. Mais j'ai vite compris que ce ne serait pas l'environnement qui me
convenait le mieux. Alors que Safia, ou les autres stagiaires par la suite, étaient d'une nature
calme et pouvaient passer la journée de travail sans prononcer un mot, j'aimais entretenir une
atmosphère dynamique, demandant ou donnant des conseils à l'un ou l'autre, mitraillant des
blagues ou anecdotes liées à mes couvertures récentes. Je me suis donc tout naturellement senti
comme un poisson dans l'eau dès la première réception au sein de laquelle je représentais le
journal. J'ai impressionné Alexandra en la mettant après les premières minutes en contact avec
un commercial de Qatar Airways, annonceur potentiel. Le compte rendu écrit de ce même
évènement s'est révélé plus laborieux : j'ai dû le reprendre trois fois. Je me suis vite conformé
aux attentes des chargée de mission en terme d'écriture, mais cette expérience a fait l'office d'une
révélation. Dans le domaine des relations humaines, je n'ai besoin d'aucun tuteur.
C'est pourquoi je me suis concentré sur cette compétence naturelle durant le reste de l'année.
Mon fait d'arme est d'avoir offert à Alexandra l'opportunité d'effectuer l'interview de ses rêves:
celle du professeur Dato' Jimmy Choo. Pour y parvenir, j'ai d'abord essayé de le solliciter
directement lors d'un évènement. Il a accepté, et m'a rediriger vers un de ses collaborateurs, qui
n'a jamais répondu à mes messages. J'ai donc adopté une approche plus indirecte. J'ai contacté
l'un de mes contacts dans le milieu de l'art, qui m'a présenté le chargé de relation publique du
professeur. J'ai attendu que notre contact devienne amical, avant de finalement demander
d'effectuer une interview, ce qui s'est révélé très aisé.
b) Une prédisposition pour le discours légal.
L'autre révélation a eu lieu lors de la couverture de sujet sur les problématiques d'immobilier
ou d'impôt. Ces sujets, qui apparaissent aride à la plupart, m'ont au contraire paru divertissant.
J'ai découvert un parallélisme entre l'univers légal et celui d'un jeu d'échec que la simple étude du
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sujet sur les bancs de l'université ne permettait pas d'appréhender. Par exemple, lors de mes
recherches pour un article sur l'achat de biens immobiliers en Malaisie, j'ai découvert comment la
création de "bumi companies" écrans permettait de contourner la régulation qui réservent le droit
d'acheter certaines terres aux bumiputeras que j'ai évoqué précédemment. De même, j'ai été
introduit par mes amis malaisiens au concept d'optimisation fiscale par l'achat d'œuvres d'arts.
J'ai donc profité d'une partie de mon temps libre pour parcourir des ouvrages sur le droit des
affaires et son actualité. Une fois que j'ai découvert que cette discipline m'apparaissait agréable,
j'ai décidé d'opter pour le master droit économique.
c) Quel projet professionnel?
Alliant ce naturel pour le contact naturel et cet intérêt pour le domaine légale, je me destine
donc désormais à la représentation légale d'artistes, sportifs ou n'importe quelle personne morale
qui a besoin d'un carnet d'adresse et que ses contrats soient négociés avec vigueur. Cette décision
a été motivé par le stage en lui-même, mais aussi par l'évolution de ma personnalité qu'a
engendré cette année en Asie. J'ai en effet développé une singularité dans mon approche du
contact humain et une aisance pour le conflit verbale qui sont en adéquation avec ce projet.
C'est pourquoi je ne peux qu'encourager les quelques personnes qui seront amenées à lire ce
rapport de stage à se détourner d'un séjour en université et de prendre la même option. Passer
plusieurs mois à l'étranger est une chance exceptionnelle, mais prendre l'option d'étudier ne
permet de vivre l'expérience dans son intégralité. Vous risquez de vous retrouver plonger dans un
milieu qui, Sciences Po étant une institution internationale, n'est finalement pas si différent de
celui que vous avez connu à Paris pendant deux ans. Le stage vous permet en revanche
d'embrasser un mode de vie plus proche de celui des locaux. C'est aussi une confrontation directe
et de longue durée avec le monde du travail qui vous donne l'opportunité de choisir votre master
avec plus d'assurance.
Dans l'absolu, avez-vous envi de parcourir plusieurs milliers de kilomètres pour faire
exactement la même chose que vous avez fait pendant deux ans ?
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Seconde Partie : Plonger dans l'étranger.
I)
Un choc culturel.
1) Lors de mon activité au sein du journal.
a) S'habituer aux us et coutumes locales.
Non seulement la Malaisie est sous plusieurs aspects surprenante si on conserve le prisme
Européen, mais sa triple culture malaise, chinoise et indienne rendent le labyrinthe encore plus
vaste. Dans la mesure où ma représentation du petitjournal m'a fait pénétrer des pans assez
élitistes de la société malaisienne, j'ai vite compris qu'une hiérarchie aristocratique existait au
sein de ce pays et qu'il convenait de la respecter pour éviter les incidents. Ainsi, le titre "dato' "
est attribué aux individus qui ont accompli des prouesses dans leur vie (bien que l'achat de ce
statut est possible pour les plus offrant). Celui de "tan sri", plus faiblement dispersé et
prestigieux, concerne ceux qui ont rendu un service exceptionnel à la nation malaisienne. C'est
en Malaisie une faute d'appeler "sir" quelqu'un qui est "dato' ". En parallèle de cet excès
d'orgueil, l'organisation de rencontres impose une équité paradoxale. Lors d'un évènement à la
gallerie d'art national dont l'invité d'honneur était l'une des reines d'un des Etats de Malaisie, la
nourriture servie était la même que dans les restaurants de rue. Encore plus singulier, lors de la
cérémonie de lancement de la construction du futur condominium le plus haut de Kuala Lumpur,
"Star Residency", dont les invités de marque étaient le PDG de Samsung et le professeur Dato'
Jimmy Choo, concepteur de chaussures pour femmes et véritable icône en Malaisie, alors qu'un
budget feu d'artifice et dernière génération d'enceinte avait été mobilisé, nous étions contraint de
nous diriger vers des toilettes de chantier pour nos besoin les plus naturels.
Comme les Chinois tiennent le commerce en Malaisie, j'ai également dû les côtoyer quand je
faisais des articles sur l'immobilier, les assurances, ou encore quand je faisais du démarchage
publicitaire. J'ai découvert que toute négociation chez eux se fait autour d'un repas, qu'il convient
d'engloutir avec voracité avant le début de la conversation. Le premier article qu'Alexandra m'a
demandé d'écrire traitait de la fête de la moisson chinoise, fondé sur le calendrier lunaire chinois,
qui a lieu au début du mois de décembre. La pièce majeur de ces festivité trouve son sein dans le
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Moon Cake, pâtisserie cuisinée avec une pâte faite soit avec de la fleur de lotus, ou des haricots
rouge. Un jaune d'œuf est traditionnellement situé au sein de cette confection qui peut atteindre
mille calories. Mon article devant précisément traiter de cet aliment, je suis allé interviewer des
restaurateurs à la recette différente, qui me proposait chacun de multiple Moon Cakes sans me
proposer l'option de refuser.
b) Souffrir la censure.
Sous couvert de démocratie parlementaire, la Malaisie est sous le contrôle d'un régime assez
autoritaire, qui n'accepte pas les critiques directes. C'est pourquoi je traitais des sujets qui qui
touchaient à politique, la religion ou la corruption avec une grande précaution. Je me centrais sur
les faits, rien que les faits, et ne laisser transparaître aucun jugement personnel. Je me détournais
des sujets à caractère trop polémique, comme l'exécution au C4 en 2006 d'Atlanthuya, une
ancienne top model mongole devenue traductrice qui aurait été la maîtresse du premier ministre.
Depuis 1948, la Malaisie est sous le coup d'un Sedition Act, qui par ailleurs ne pourrait passer
le contrôle de constitutionnalité s'il était effectué par la Cour Fédéral, qui "criminalise les propos
de tendance séditieuse, qui alimente la haine et l'hostilité entre les différentes races
malaisiennes." C'est pour le gouvernement un moyen de condamner tous les propos qui leur
déplaisent. Toute critique directe du gouvernement ou de la religion musulmane est donc à
proscrire. Etant de tour de brève suite aux tragiques exécutions de janvier à Paris, j'ai découvert
que si les partis d'opposition condamnaient les attaques, le parti au pouvoir est resté muet. Et la
déclaration du Premier Ministre s'est voulue très nuancée. Bien que cela m'est choqué, je me suis
retenu d'effectuer toute remarque à ce sujet, sans quoi je me serai exposé, ainsi que tous les
membres du journal, à des soucis avec les autorités. Alors que la tradition de partage d'idées que
l'on nous inculque à Sciences Po m'a appris à exprimer mon opinion, ce stage m'a démontré qu'il
convient quelque fois de s'asseoir dessus, tout du moins en public.
Ces précautions sont d'autant plus cruciales lorsque l'on réalise à que tout ce qui est présent sur
la bande est épluché par la Malaysian Communication and Multi Media Comission. De
nombreuses personnes ont été mises en examen pour leur propos désobligeants sur Facebook
durant mon séjour. J'ai aussi pu assister pendant mon stage au procès d'Anwar Ibrahim, opposant
politique principal, qui aurait en 2008 "sodomisé" son assistant, ce qui est proscrit par une norme
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légale du pays inspiré de la Charia. Gracié en 2010 par la Cour d'Appel, un revirement de
jurisprudence de cette dernière en 2013 l'a remis sur le banc des accusés. La personnalité
publique a été trouvé coupable en février par la Cour Fédérale, suprême organe de justice du
pays, l'envoyant derrière les barreaux. Le verdict aurait été publié dans certains média avant qu'il
soit rendu par cette dernière.
Le gouvernement maintient donc son pouvoir en faisant la promotion d'une vision
conservatrice de la société, que ses détenteurs ne partagent pas forcément comme nous le verrons
par la suite.
c) Les colons du nouveau millénaire.
Comme je l'ai indiqué précédemment dans le rapport, j'ai notamment choisi le stage car je ne
voulais pas faire parti d'un groupe étanche d'expatriés en rejoignant une université. D'un autre
côté, mes missions au petitjournal.com m'ont contraint de couvrir de nombreux évènements de la
communauté française. Il nous est demandé de faire une analyse culturelle de notre pays
d'accueil, mais je trouve que l'analyse du microcosme que représente une communauté
d'expatriés est également judicieuse.
Lors de mon voyage au Myanmar, je me suis procuré le premier ouvrage de George Orwell,
"Histoire Birmanes". Inspiré par son temps au service de Sa Majesté dans les colonies, il y décrit
une communauté de huit expatriés britannique dans une ville perdu au nord du pays. Ils passent
l'intégralité de leur journée dans un "Club Européen", où ils boivent du Whisky, jouent au tennis,
se plaignent constamment des manières indigènes, et parlent avec nostalgie de leur pays
d'origine. Leur autre passe-temps favori est la déblatération de rumeur sur l'un l'autre.
J'ai trouvé la similitude avec les expatriés je rencontrais en Malaisie frappante. De tout mon
séjour, je n'ai rencontré qu'un seul français qui était vraiment intégré, en couple avec une
Malaisienne et installé sur le long terme. Son profil était d'ailleurs différent: frappé de mal de
vivre à Paris, il a alterné plusieurs années entre travail intensif pour économiser de l'argent et
faire des tours du monde, avant de passer le cap et de venir effectuer un master en hospitalité en
Malaisie, dans l'espoir de s'y installer. Les autres passent l'intégralité de leur temps dans des
groupes d'expatriés fermés, vont dîner en groupe, voyagent en groupe, et sont hostile à toute
sociabilisassions. Un jour, j'ai été invité à un afterwork par deux étudiants français qui vivaient
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dans le second condominium où j'ai résidé. Après avoir demandé la permission, j'ai décidé
d'inviter mon ami chinois malaisien qui m'avait introduit à de nombreux groupes de locaux et
m'avait fait découvrir de multiples bonnes adresses. L'accueil ne pouvait être plus hostile, les
autres invités refusant de parler anglais et lui demandant à tour de rôle ce qu'il faisait ici. Nous
avons dû partir après une demi-heure, et j'étais on ne peut plus gêné.
L'autre similitude que j'ai remarquée avec le bouquin, cette fois ci chez des expatriés plus
âgés, est cette conviction qu'ils venaient à l'étranger pour faire don de leur savoir-faire, tout en
étant totalement imperméable à la culture locale. En d'autres termes, une continuation de
l'ethnocentrisme occidentale.
Plusieurs situations m'ont amené à ce constat. Par exemple, un ingénieur Allemand est allé
jusqu'à dire à ma colocataire qu'il "se sentait nivelé par l'idiotie environnante en Asie. Si je reste,
c'est parce qu'ils savent que j'ai reçu ma formation en Europe, et qu'ils me payent très bien en
conséquence". Une autre personne qui m'a frappé par son arrogance est un galeriste français venu
s'installer en Malaisie pour soi-disant promouvoir la vie artistique du pays. Lors d'un évènement
durant lequel le ministre de la Culture et du Tourisme faisait un discours, il s'est penché vers moi
pour me dire "c'est vraiment un très mauvais ministre. Ils feraient mieux de me nommer à son
poste. Les locaux ne comprennent rien au fonctionnement du monde de l'art."
Sur le plan de l'analyse sociologique et politique, il est intéressant de se demander si l'arrivée
au sein d'une culture inconnue n'entraîne pas se renfermement communautaire et ce caractère
narcissique.
2) Dans la vie de tous les jours.
a) Le paradoxe d'une société conservatrice et ultra libérée à la fois.
J'ai donc rencontré au fil des évènements auxquels j'ai assisté rencontré des personnes qui sont
issus de l' "aristocratie" malaisienne et se réclame de ses valeurs. Ils condamnent les opposants
politiques d'être des déviants qui mèneraient dans la société à la ruine. Mais dans les coulisses,
j'ai pu voir ces même personnes consommer de l'alcool dans des quantités importantes, et me
faire des avances osées, entrant des lors en opposition avec les lois islamiques. La Malaisie est
d'ailleurs le seul pays dans lequel je me suis fait interpeller dans la rue, à de nombreuses, pour
me proposer des relations charnelles.
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Un autre paradoxe vient du racisme inhérent à la société. Alors que le "Sedition Act" prétend
défendre l'harmonie de la société contre des discours discriminant, ils sont coutumiers. Il existe
donc de nombreuses résidences dans lesquelles les Iraniens et personnes de couleur sont
ouvertement refusés. Lorsque l'on remplit un papier administratif, il est nécessaire d'indiquer son
"ethnicité". Les lois elles même sont discriminantes. Les bumiputeras, ethnie originelle de la
péninsule Malaise, sont les seules à pouvoir acheter certaines terre, ont des facilité pour accéder
à l'université, profitent de quotas, payent des prix inférieurs sur de nombreux services, et
accèdent à des taux d'intérêt supérieurs sur leur placement financiers. Cela explique l'hostilité des
communautés chinoises et indiennes, qui bien qu'elles sont dans le pays depuis deux siècles, ne
sont pas traités sur un pied d'égalité.
b) "Ok laaaaahhhh….."
Cette expression est utilisée par les Malais pour vous faire comprendre qu'ils n'envisagent pas
de brusquer leur rythme pour répondre à vos attentes. En France, nous partageons ce stéréotype
que les Asiatiques sont des gens travailleurs dans leur intégralité. Ce séjour en Malaisie m'a
montré qu'il y a autant de différences entre les pays asiatiques qu'entre les contrées Européennes.
Ce qui m'a frappé au prime abord est le nombre de jours fériés du calendrier malaisien. Il
cumule les fêtes citoyennes, islamiques, chinoises et indiennes. Dès le premier mois j'ai
découvert qu'il y avait en Malaisie un jour pour célébrer, l'Indépendance, et un autre pour prêter
honneur à la Nation. Cela offre un véritable aspect pratique pour les weekends prolongés, et les
ponts sont de rigueur. Mes amis m'ont également expliqué qu'il est très facile de multiplier les
congés payés dans l'année, notamment lorsque l'on est malais. J'ai rencontré à Langkawi,
archipel du Nord du pays, la propriétaire, chinoise malaisienne, de plusieurs commerces de
détail. Elle m'a confié préférer devoir affronter l'épreuve d'employer des birmans ou népalais,
qu'elle doit financièrement sponsoriser lors de leur venue en Malaisie, car il est selon elle
"impossible de gérer une boutique avec des locaux". Le jour même où nous discutions de ce
sujet, l'une de ses deux seules employées malaises lui a envoyé un message précisant qu'elle ne
pouvait pas se rendre au travail, en raison du mariage d'une cousine. Deux situations que j'ai
vécu directement illustrent cet état d'esprit. Sur l'île de Perenthian, j'ai rencontré deux femmes
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qui restaient dans un hôtel au-dessus de leur budget. Je leur ai donc proposé de venir à mon hôtel
pour voir si des chambres étaient disponibles. Le lymphatique employé, lorsqu'elles ont demandé
de voir les bungalows, leur a répondu qu'il ne pouvait pas leur montrer, ce qui laissait supposer
qu'elles étaient occupées. Une des filles, qui a vu clair dans son jeu, lui a demandé s'il était
possible de leur donner les clefs pour qu'elles vérifient les chambres. Il accepte. Elles décident de
voir un autre hôtel qui leur conviendrait mieux, ce qu'elles trouvent un peu plus loin, réservant
une chambre pour le lendemain. Mais l'une d'entre elles étant blessé à la jambe, elle précise qu'il
est nécessaire de venir chercher sa valise le lendemain à 9h00 pour le check in. Sa réponse fut
savoureuse:" Ehhh?! Tomorrow nine o'clock? Me Malaysia, lazy boy! Even you give me money I
don't do". L'autre scène s'est dérouler dans un magasin peu avant mon départ. Je demande un
produit à une employé (malaise) où je peux trouver un produit. Avant même que je finisse ma
phrase, elle m'a précisé que ce n'était pas en stock. Sa manager (chinoise) qui avait entendu la
conversation, s'est directement dirigé vers moi et m'a donné le produit en question qui n'était qu'à
trois mètres.
Cette situation amène à une réflexion politique et sociale. Les bumiputeras ont sans aucun
doute cette attitude du fait des politiques de discrimination positive dont ils profitent depuis
l'indépendance. L'article 153 de la Constitution donne au Roi la mission de "sauvegarder la
position spéciale des Malais et de natif des Etats Sabah et du Sarawak et leurs intérêts légitimes
face aux autres communautés". Cette clause était à l'origine nécessaire car les représentants de
l'ethnicité locale étaient des paysans originaires de milieux ruraux, alors que les chinois et indien,
dont les ancêtres ont été amené sur le territoire par les anglais pour l'exploitation des ressources
naturelles, étaient accoutumés au commerce et à la vie citadine. Elle est aujourd'hui obsolète,
dans la mesure où ils ont rattrapé ce retard et monopolisent les pôles de décisionnels. Une bonne
illustration est la population de Putrajaya, capitale administrative du pays : 95% de la population
est bumiputera.
Mais malgré l'ensemble de ces avantages, le salaire moyen de la population chinoise est
supérieur à celui de la population malaise. Les personnes les plus riches de Malaisie sont
également d'origine chinoise. Une hypothèse qui pourrait expliquer ce constat est que ce régime
de discrimination positive accrue est le principal facteur développant de cette fainéantise.
Pourquoi se tuer à la tâche lorsque l'on profite d'un coussin de traitements spéciaux ? La Malaisie
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est sur ce point un exemple d'expérimentation politique qu'il est intéressant d'observer sur le
terrain.
II)
Une prise en main personnelle.
1) La question du logement.
a) Bienvenue à Cheras.
Cheras est le nom de la première ville dans laquelle j'ai vécu, dans la banlieue de Kuala
Lumpur. J'y ai passé les trois premiers mois de mon séjour, au sein d'un condominium neuf mais
dans lequel presque uniquement des locaux vivaient, du fait de sa localisation géographique. Je
louais une chambre de taille moyenne à la société ZZLeisure, dans un appartement qui avait
quatre chambres, pour 1.200 ringgits par mois (j'ai appris par la suite que l'on pouvait louer un
appartement complet pour 1.500 ringgits dans cette même propriété). J'avais réservé le premier
mois par la France par le biais d'Airbnd, puis le reste au manager de l'appartement, un jeune
chinois à l'esprit vif du nom de Moo.
Je fus d'abord charmé par le quartier environnant. Îlot d'habitations perdu aux milieux des
autoroutes, il avait à disposition ce dont j'avais besoin : un restaurant de rue, Mamak, où l'on peut
manger à sa fin pour 8 ringgits si l'on sait jongler entre les épices, une supérette proposant des
prix compétitif et un 7/11 bienvenu quand on est pris par des crampes d'estomac pendant la nuit,
et un salles de musculation dont l'abonnement revenait à seulement 50 ringgits par mois. J'étais
le seul caucasien qui hantait ses bancs.
J'ai vite fait connaissance avec les autres occupants de mon appartement, notamment les trois
Syriens qui vivaient dans la plus grande chambre, deux frères et leur ami. L'aîné, Yassin, qui est
devenu un très bon ami, m'a fait part de leur histoire tragique. Son frère et lui ont dû quitter
Damas en 2012 car leur cousin, chauffeur d'un Général, était suspecté de fomenter un attentat
contre ce-dernier. "Dans mon pays, quand le pouvoir a quelque chose contre toi, il vient contre
toute ta famille." Leur ami, Aryan, les a rejoint un an plus tard. Alors qu'il était à l'université, une
manifestation d'étudiants a éclaté. La police a fait une descente et a capturé tout le monde. Au
poste, on lui a cassé plusieurs doigts, et menacer de le tuer s'il ne ramenait pas le nom d'un rebel
par semaine. Dès qu'ils l'ont laissé sortir, il s'est débarrassé de sa carte sim et s'est rué vers le
premier avion. Les trois compagnons d'infortune ont choisi la Malaisie car c'est l'un des seuls
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pays qui accepte les ressortissants Syriens. Lorsqu'ils sont arrivé, Yassin et son frère avaient
respectivement 20 et 18 ans. Ils n'avaient jamais travaillé de leur vie, mais ont du se retrousser
les manches pour survivre. Ils se sont diriger vers le service en salle en restaurant, car il y a une
forte demande d'arabophone du fait du large nombre de touristes qui viennent du Golfe.
L'exploitation était monnaie commune. Yassine m'a raconté que durant la haute saison, lorsqu'il
travaillait dans un restaurant Libanais. Il a dû travailler tous les jours pendant quatorze heures.
Ses collègues le couvraient lorsqu'il avait besoin de se reposer pour ne pas s'effondrer
d'épuisement. Quand il demandait sa paye, le manager ne voulait pas lui en donner l'intégralité,
prétextant que lorsque le restaurant n'était pas rempli, ce n'est pas véritablement du travail.
Sa rencontre a été une expérience humaine des plus incroyables et enrichissantes. Alors que
mes collègues Syriens avaient une existence des plus dures, ils voulaient toujours m'inviter à
déjeuner ou dîner avec eux. Leur amitié est des plus pures et désintéressé. Yassin et son frère
sont aujourd'hui en Turquie, où ils ont pu rejoindre leurs parents. Ils sont maintenant régularisés,
et peuvent reprendre leurs études.
b) "L'électrochoc" de la recherche d'un appartement.
Pour expliquer l'importance de cette expérience pour moi, il convient de préciser que je suis
resté pendant mes deux premières années de collèges universitaire dans la chambre d'un
logement pour étudiant que mon père avait trouvé pour moi, facilité dans la mesure où je n'avais
que trois semaines entre mon admission et mon entrée à Sciences Po. Bien que je doive partager
l'espace de vie avec des colocataires que je n'avais pas choisi, j'ai décidé d'y demeurer, ayant
peur de ne pas trouver un nouvel appartement si je quittais cette chambre. J'avais également la
hantise de devoir payé des charges. J'étais après mon arrivée à Cheras dans le même état d'esprit,
et j'avais donc, un mois après mon arrivée, imbécilement signé un contrat qui m'engageait à
rester six mois dans l'appartement, avec un mois de dépôt de garantie. Mais Moo a en quelque
sorte déposé la goutte d'eau qui a fait déborder le vase en me demandant payer en plus pour le
wifi, alors que je lui avais précisé que je comptais rester dans cet appartement car j'aimais savoir
toutes mes dépenses couvertes par le loyer. Profitant d'une confiance en moi nouvelle suite à
mon retour du Vietnam, où j'ai voyagé seul, j'ai contacté Mok, mon ami qui travaille dans
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l'immobilier à Kuala Lumpur. Il m'a précisé que le contrat n'avait pas de réelle existence légale
tant s'il n'était pas tamponné, et que je pouvais donc quitter mon appartement deux mois après sa
signature (écoulement du loyer et du dépôt de sécurité). J'ai donc décidé de me mettre à la
recherche non pas d'une chambre, mais d'un appartement entier, pour économiser de l'argent en
trouvant des colocataires, et avoir la possibilité de les sélectionner.
Je me suis retrouvé dans l'embarras en découvrant qu'il était impossible signer un bail pour
moins d'un an. Néanmoins, j'ai utilisé un réseau social du nom d'Internations, qui vise à mettre
en relation les expatriés d'une même ville, annonçant que j'ai été à la recherche d'un appartement,
et de personnes avec qui le partager. Olivia, programmatrice informatique indonésienne qui vit
en Malaisie à l'année, m'a contacté. Nous avons porté notre choix sur un logement de trois
chambres que j'avais trouvé et dont j'avais négocié le prix, mais que nous avons loué sous son
nom. C'était pour moi un risque, dans la mesure où je payais la moitié du dépôt de sûreté, qui
équivalait à deux mois et demi de loyer, alors que je ne restais dans la chambre moyenne pour
cinq mois. Mais nous sommes parvenus à sous-louer la petite chambre dès le lendemain à un
autre français présent sur les réseaux sociaux.
Cette expérience qui semble anodine a été très formatrice, dans la mesure où je me suis extirpé
de ma zone de confort et me suis lancé dans l'univers stressant des négociations immobilières en
devant m'adapter à une culture différente. C'est un gain de confiance en moi qui est indispensable
à l'accomplissement de mes projets personnels.
2) A l'aventure.
a) Seul au monde?
L'autre expérience formatrice de mon séjour est d'avoir effectué l'ensemble de mes voyages en
solitaire. Cela m'a contraint à plus que jamais allé aux contacts des locaux dans ma recherche
d'informations et de directions. Le langage des signes et l'utilisation de termes simples ont été
indispensables pour se faire comprendre dans des pays où les gens parlent peu anglais. De nature
méfiante, j'avais à l'origine peur de suivre les locaux ou de prendre en compte leurs indications.
Je voulais également réserver tous mes hôtels et trajets à l'avance, sur internet. Mais j'ai vite
découvert que faire confiance aux locaux, tout en prêtant attention aux arnaques ou aux
potentiels dangers, est la meilleure manière de trouver les bonnes adresses et d'avoir accès à des
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activités intéressantes à prix réduit. Par exemple, lorsque je me suis rendu sur l'île de Langkawi,
la femme locale que j'ai rencontré a pu négocier la location d'un jet-ski, sans guide, durant trois
heures, pour 150 ringgits, alors que le prix annoncé était de 125 ringgit pour une demi-heure
devant plage. Ou encore en Indonésie, je suis parvenu grâce à une amie de Jakarta à me rendre
sur une île où personne ne parlait un mot d'anglais. Comme elle travaillait pour le groupe Accor,
nous avons également pu résider dans des hôtels offrant un service de qualité pour un prix réduit
durant le séjour.
Bien sûr, certaines personnes avaient des intentions malveillantes, comme compter le prix de
cinq nuits d'hôtels lorsque l'on en passait que quatre, ou même vous refuser la vente de
médicaments parce que vous n'êtes pas local. Mais cela reste une minorité, et j'ai découvert que
la plupart des gens sont prêts à vous épauler quand ils vous voient dans le besoin. Un épisode qui
restera gravé dans ma mémoire se déroule dans Kuala Terengganu, ville se situant à une centaine
de kilomètre de l'embarcadère où je devais prendre un ferry pour me rendre sur une île. Lorsque
j'attendais le dernier bus de quatre heures pour me rendre sur l'île, un local est venu me proposer
de m'y amener pour 80 ringgit. Je lui ai expliqué que rien ne me pressait comme je voulais passer
la nuit dans un hôtel proche de l'embarcadère, et que j'avais un budget d'étudiant. Mais le dernier
bus est tombé en panne, j'ai donc décidé d'accepter son offre. Se montrant compréhensif de mes
contraintes budgétaires, il a décidé de me diriger vers un autre bus, qui m'a amené dans une ville
proche du port, où j'ai pu prendre un taxi pour seulement 20 ringgit. Un bel exemple d'entraide
désintéressée.
b) Un besoin d'organisation.
Malgré cette bienveillance inattendue, une part de préparation est indispensable au bon
déroulement de séjours dans des pays comme le Vietnam ou la Birmanie. La première contrainte
à laquelle j'ai fait face est celle du temps de transport. Nous convenons, à travers le prisme
français, qu'une distance de 100 km se couvre en une heure, une heure et demie. L'état des routes
dans ces régions rend ce parcours impossible en moins de quatre à cinq heures ! Il est donc
indispensable de faire des choix, et de construire son parcours de manière intelligente. Au
Vietnam, partant au Nord d'Ho Chi Minh City vers une station balnéaire dès le deuxième jour,
j'ai dû faire une croix sur la visite du Delta du Mekhong et me rendre sur des villes qui se
trouvaient sur le chemin du retour, sans quoi j'aurai passé un temps infernal dans les transports.
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Au Myanmar, dans la mesure où je ne restais qu'une petite semaine dans le pays, j'ai dû me
limiter à la capitale et au bord de mer le plus proche, délaissant les temples du nord du pays.
Dans un pays comme la Birmanie, très récemment ouvert, il a aussi été fondamental de se
renseigner sur les lieux où l'on pouvait se procurer des coupures locales à l'avance, dans la
mesure où très peu de machines distributrices sont dispersé sur le territoire. Il fallait également
connaître les interdits, dans la mesure où la réaction des forces de l'ordre est souvent
disproportionnée, et qu'il est très difficile de se sortir situations sensibles lorsque l'on ne parle pas
la langue locale. Un portugais résident au Myanmar m'a ainsi raconté comment, lors d'une
traversée de la route à Rangoon, un policier s'est jeté sur lui en hurlant et l'a contraint à pénétrer
dans un bus ou une dizaine d'autres membres des forces de l'ordre et des civils étaient présents.
Après un périple de deux heures qu'il pensait l'amener au peloton d'exécution, ils sont arrivés au
commissariat de police national où on lui a remis une amende d'un dollars pour avoir traversé la
route hors des passages cloutés.
Il était aussi nécessaire de parcourir les Lonely Planet ou Guides du Routard avant de se
rendre dans ces destinations car les hôtels n'ont pas de partenariats Booking ou Agoda. Si les
locaux sont souvent prêts à vous aider, avoir une idée plus ou moins précise des endroits où vous
pourrez dormir dans vos budgets est indispensable pour voyager tranquillement dans un pays
dont les habitants ont un anglais la plupart du temps approximatif. En étant seul, un d'autre
élément indispensable est l'achat d'une carte Sim dans chaque pays visité, qui permet aussi bien
de joindre les gens rencontrés sur place que de pouvoir faire face aux inattendus. Un exemple
précis est la fois où mon taxi m'a déposé à plus de 400 mètres de l'endroit où je devais prendre un
bus pour me rendre dans une autre ville. J'ai appelé la compagnie qui m'a indiqué où me rendre.
Ce que je retirerais avant de mes voyages, c'est la nécessité absolue d'avoir une vague
connaissance du fonctionnement de la région visitée, et de savoir s'imposer aux locaux pour
obtenir de l'aide. L'un ne peut pas exclure l'autre, et je pense que cela est une bonne préparation
au monde professionnel, où connaissance technique de son métier et une capacité à se
promouvoir se complètent et sont les rouages d'un véhicule qui ne peut avancer sans les deux.
3) Les apports personnels d'un séjour à l'étranger.
a) Négocier selon la culture.
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Habitué aux pays Européens dans lesquels tout se fait selon la procédure, et où un non est
définitif, j'ai appris en Asie que ça n'était que le début et que l'on pouvait arriver à ses fins avec
assez de patience et d'autorité. Bien sûr, le prérequis est de savoir exactement ce que l'on désire.
Que cela soit pour un trajet en taxi ou une batterie de téléphone dans un centre commerciale, les
offreurs ont tendance à multiplier le prix de manière outrancière. Les occasions auxquelles je me
suis fait littéralement plumé sont celles où je ne connaissais pas précisément les prix de ce que je
recherchais. Mais même si l'on a les données précises en tête, il convient d'être patient et
intraitable. Souvent il faut feindre quitter la négociation pour que votre interlocuteur vous
rattrape et accepte votre offre. Mon épisode le plus savoureux a eu lieu au Vietnam. Je voulais
me rendre à la station de train et proposai à un chauffeur de motocycle 20.000 dong pour m'y
amener, ce qui était honnête, et lui demanda son prix: il annonça 2.000.000 dong ! Me voyant me
détourner, il me rattrapa et accepta pour 30.000 dongs. Je me suis vite rendu compte qu'il
m'amenait dans la mauvaise direction et dut lui indiquer quelle voie prendre à l'aide de mon GPS.
Une fois arrivée, j'ai dû insister pour qu'il me rende ma monnaie sur un billet de 50.000, car il
prétextait que les embouteillages qu'il avait dû affronter entraînaient une hausse du prix.
Ayant été en contact avec des cultures différentes, j'ai également dû apprendre à adapter mes
techniques de négociations à mon interlocuteur. Les Chinois tentent très souvent de vous
envelopper dans des "small talks" et inventent des raisons fictives pour justifier des hausses de
prix successives. Il ne faut pas avoir peur d'élever la voix et de leur demander de se concentrer
sur l'affaire en discussion, tout comme de tenir leurs engagements initiaux. Avec les Malais ou
les Thaïs, il faut au contraire prendre grande précaution à ne pas les braquer en s'énervant, à
maintenir sa position tout en souriant.
Cette expérience qu'il n'existe pas de technique de négociation uniforme, l'adaptation à la
culture de son interlocuteur est indispensable.
b) Accueillir la diversité.
Comme je l'ai expliqué au début du rapport de stage, j'avais à l'origine une vision de
l'existence assez binaire, manichéenne. Ce qui est pertinent et ce qui est dénué d'intérêt. Les
stages en mission de défense ou en chancellerie comme unique option. J'ai durant ma troisième
année découvert à quel point il faut s'ouvrir au monde sous tous ses aspects. Trois exemples:
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J'ai rencontré, lors d'une pause déjeuné avec ma collègue Safia, un galeriste avec qui je suis
resté en contact. Il m'a convié à un petit vernissage, durant lequel j'ai rencontré une artiste qui
m'a introduit au gratin du monde de l'art en Malaisie. De fil en aiguille, je suis parvenu à
rencontrer des personnes importantes dans des sphères différentes de la société malaisienne qui
se révèleront peut être précieuses dans le futur. Elles l'ont déjà été à un certain niveau: l'un de
mes amis que j'ai rencontré grâce à cette introduction m'a une semaine avant mon retour présenté
une amie qui est chargé de relations publiques pour le groupe British Airways sur la zone Asie
du sud et du sud-est. Comme mon vol était un British Airways de Singapour à Londres, elle a fait
en sorte que je puisse profiter d'un meilleur siège.
Au niveau du sport, je n'étais à l'origine intéressé uniquement par la musculation, qui
permettait le plus de gain en un minimum de temps. Ma voisine au sein de la seconde résidence
dans laquelle j'ai vécu était une jeune Russe instructrice de yoga. Comme nous avons lié amitié,
elle m'a proposé des cours gratuits, que j'ai suivi plusieurs fois par semaine pendant trois mois.
Depuis, des tensions dans a colonne vertébrale que je supportais depuis des années ont disparu,
et je suis plus capable de maîtriser ma respiration. Cela a aussi éveillé en mois un intérêt pour le
bouddhisme, dont les quelques préceptes que j'essaye d'appliquer m'offre déjà une certaine paix
dans ma vie au quotidien comme dans l'optique de mes choix professionnels.
J'ai accompagné mon ami Mok à des cours de Salsa et Kizumba, et bien que cela me semblait
à l'origine rébarbatif, je me suis impliqué. Plus tard, lors d'un dîner pour le Nouvel An Chinois
auquel j'avais été convié par une amie, j'ai rencontré une femme d'origine jamaïcaine avec qui le
contact est très bien passé en parlant de dance latine. Je suis ainsi devenu ami de cette dame qui
est l'ambassadeur de l'ONU pour Singapour, la Malaisie et Brunei, qui pourra potentiellement
m'aider dans le futur.
Cette troisième année m'a compris combien il est important d'être ouvert et attentif à tout ce
que vos rencontres vous apportent.
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Bilan :
Ma troisième année à l'étranger au sein du petit journal de Kuala Lumpur s'est révélée
enrichissante sur le plan professionnel comme personnel. Elle a révélé mes atouts sur le plan du
contact humain. La pratique d'une activité journalistique pendant plusieurs mois a rendu mon
écriture plus synthétique et percutante, et accrut ma productivité. Elle m'a permis d'aiguiller mon
choix de master avec plus de confiance et de cohérence avec mon profil personnels.
Si je devais choisir un mot pour décrire mon expérience, cela serait "rencontre". Rencontres
diverses qui ont changé ma vision du monde. Comme Yassine, qui malgré sa survie loin de son
pays était toujours souriant, et m'a démontré combien il est ridicule de s'apitoyer sur les petites
mésaventures que peut rencontrer un jeune étudiant. Comme Anne, mon amie qui s'est imposée
comme une artiste majeure en Malaisie par la voie atypique du tissage, et m'a montré que l'on
peut percer en tout du moment que la passion vous enflamme. Comme Dodi, qui m'a montré
comment la modestie et la fidélité en amitié a permis à un jeune malaisien, perdu sans le sou
dans Londres après avoir coupé court à ses études d'ingénieur, de devenir le bras droit du
professeur Jimmy Choo, et l'une des personnes qui comptent dans la mode asiatique aujourd'hui.
Cela procure un cocktail d'apports à ma personnalité que je n'aurais jamais obtenu sur les
bancs d'une université, ce qui me permet de supposé que j'ai pris la bonne décision en prenant
l'option du stage dans un premier temps et celle du petitjournal.com dans un second.
Si je dois donner deux conseils aux futures troisièmes années, ça serait d'accueillir toute
opportunité de stage ou de séjour, car un temps passé dans un pays lointain est toujours instructif.
Et de se plonger véritablement dans la culture locale pour la comprendre et y faire de belles
rencontres.
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Annexes:
Tableau des devises mentionnées
1 euro
4 ringgit (Malaisie)
1 euro
25.000 dongs (Vietnam)
1 euro
15.000 roupies (Indonésie)
1 euro
1.200 kyats (Myanmar)
1 euro
40 baths (Thaïlande)
1) Coût de la vie :
a) Alimentation:
Budget: Dirigez-vous vers les Mamaks, restaurants locaux ouverts jour et nuit. Repas entre 6 et 8
ringgits. Attention aux plats épicés. Optez pour un roti boom et roti egg le matin, crêpe farcie
accompagnée de sauce. Le nasi goreng china est assez neutre. Si vous voulez du thé, demandez
du teh tarik, qui est mélangé avec du lait concentré, sans quoi on déposera du lait concentré dans
votre boisson mais sans mélanger, ce qui est infecte.
Centres commerciaux : Vous pouvez vous diriger vers les food courts des centres commerciaux
si vous voulez plus de diversité. Vous pourrez manger pour entre 15 et 20 ringgit. Le centre
commercial Pavilion, dans le quartier Bukit Bintang au centre de la ville, est riche en diversité.
Restaurant: Si vous voulez manger occidentale, comptez le même prix que ce que vous
dépenseriez à Paris.
Alcool: Très cher, car la Malaisie étant un Etat Islamique, de très fortes taxes à l'importation sont
imposées.
b) Logement:
Vous pouvez trouver des chambres au Bistari Condominium, en face de la station de LRT
PWTC, 20 minutes des tours Petronas, de 700 à 1.500 ringgit par mois. Rendez vous sur place et
demandez le numéro de Marissa. Si vous restez aux alentours d'une année, louez directement un
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appartement à son propriétaire, vous ferez des économies. Par contre, un dépôt de sécurité de
deux mois minimum vous sera demandé.
c) Transport:
LRT/ Monorail: Equivalent du métro parisien. Vous pouvez avoir une carte mensuelle "My
Rapid Kl" pour 100 ringgit. Une fois le mois écoulé, rechargez 100 ringgits sur votre carte à
l'aide d'une machine pour renouveler l'abonnement. Il existe aussi un KTM, qui peut vous
emmener loin dans la banlieue de Kuala Lumpur. C'est l'équivalent du RER, notamment dans sa
qualité de fonctionnement. Seulement 1 ringgit par trajet est requis.
Taxis: Téléchargez l'application smartphone "MyTeksi", qui vous permet de commander un taxi
en indiquant votre destination. Il sera contraint d'utiliser le compteur. Si vous négociez dans la
rue, vous serez souvent confronté à des refus d'allumer le compteur et des prix prohibitifs.
Bus: De nombreuses compagnies de bus vous permettent de rejoindre l'ensemble de régions de la
Malaisie. Vous pouvez rejoindre Singapour pour seulement 40 ringgits.
Air Asia: La compagnie aérienne low cost offre des billets très intéressant. J'ai réservé l'ensemble
de mes billets pour mes voyages en juin 2014 pendant une campagne promotionnelle qui offre
des billets gratuits (sauf les frais et taxes sont facturés). Une dizaine de trajets pour environ 200
€.
d) Bon plans:
Pour tout ce qui est achat de vêtements/ accessoires, le centre commerciale Sungei Wang à Bukit
Bintang permet les meilleures affaires. Le voisin Plaza Low Yat permet de profiter de biens et
services à prix cassés dans le domaine électronique et informatique.
e) Internet:
Le prix d'une connexion fibre optique est conséquent. Comptez 150 ringgit par mois avec Unifi
Telekom Malaysia. Lors de mon départ, le gouvernement annonçait une baisse de prix, donc
vous profiterez certainement d'abonnements moins chers.
2) Visa:
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L'entreprise qui vous emploiera devra opter entre le visa de stage et le visa touristique, de 90
jours et renouvelable. Attention, le visa de stage doit être approuvé par l'administration
malaisienne, et peut quelque fois se retrouver perdu dans ses méandres. C'est le cas de mon
collègue de stage Massil Mammeri, qui explique avec plus de précisions les mésaventures qu'il a
rencontré dans son rapport.
Si vous optez pour le visa touristique, ayez toujours un voyage prévu sous 90 jours, sans quoi les
services de l'immigration peuvent vous détenir, vous contraindre à acheter un billet retour voir à
quitter le territoire dans le premier avion. Ayez une preuve écrite de vos réservations de billets
d'avion futurs sur vous.
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