influence de la connectivité du paysage sur la biodiversité
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influence de la connectivité du paysage sur la biodiversité
Master M2 Ecologie Fonctionnelle, Comportementale et Evolutive – EFCE Université de Rennes 1 2009-2010 Rapport Bibliographique INFLUENCE DE LA CONNECTIVITÉ DU PAYSAGE SUR LA BIODIVERSITÉ Thiago Oliveira Andrade Stage encadré par : Françoise Burel ; Alain Butet ; Aude Ernoult. Laboratoire d’accueil : UMR CNRS 6553 ECOBIO Equipe « PAYSACLIM » SOMMAIRE 1. INTRODUCTION...................................................................................1 2. LA CONNECTIVITÉ .............................................................................2 2.1. La connectivité structurale................................................................4 2.1.1. Définition ..................................................................................4 2.1.2. Méthodes de mesure ..................................................................4 2.2. La connectivité fonctionnelle............................................................7 2.2.1. Définition ..................................................................................7 2.2.2. Méthodes de mesure ..................................................................7 3. CONNECTIVITE ET BIODIVERSITE ..................................................9 3.1. Rôle des corridors biologiques..........................................................9 3.2. Rôle de la matrice paysagère ..........................................................11 3.3. Rôle de la taille des patches ............................................................12 4. CONCLUSION.....................................................................................14 5. METHODOLOGIE...............................................................................14 6. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES ...............................................16 RESUME ..................................................................................................21 ABSTRACT .............................................................................................22 1. INTRODUCTION La transformation des environnements naturels par les activités humaines et son impact sur les organismes qui dépendent de ces habitats est une des thématiques centrales de l’écologie moderne. L’une des conséquences de ces modifications est la perte d’habitats et la fragmentation des paysages (Kindlmann et Burel, 2008). La perte d’habitats est une réduction de la quantité d’habitats disponibles pour une espèce et la fragmentation est un ensemble de changements de la configuration de ces habitats, comprenant l’augmentation de la densité des bords ou la réduction des surfaces des habitats et leur isolement (Smith et al, 2009). La structure spatiale des paysages, caractérisée entre autres aspects par la connectivité, est un facteur fondamental pour la persistance des populations sur ces aires (Retho et al, 2008). Les flux et les mouvements individuels entre les sous-populations, possibles grâce à cette connectivité, permettent le maintien de la diversité génétique, la préservation des populations et leur rétablissement (Hanski, 1998). Ainsi, dans le but de conserver la diversité biologique, il est nécessaire de comprendre le rôle de la connectivité ainsi que des effets négatifs de la fragmentation et de la perte d’habitats. Le terme connectivité, introduit par Merriam (1984), désigne le degré avec lequel un paysage facilite ou empêche le mouvement entre des différents patches de ressources, ou l’intégration de sous-populations dans une unité fonctionnelle (Horskins, 2006 ; Taylor et al, 2006). Ainsi, la configuration d’un paysage, en termes d’usage de terre, de types et de quantité d’éléments paysagers, a une influence sur le mouvement des organismes que l’on y trouve et par conséquent sur la dynamique des populations et structures de communautés (Taylor et al, 2006). Cette capacité de mouvement est essentielle pour la recolonisation de patches d’habitats au sein d’un paysage et, par conséquent, la connectivité du paysage est un facteur important pour la survie des espèces (Kindlmann et Burel, 2008). Pour ces raisons, il existe un fort intérêt à la connectivité et ses impacts sur les populations des paysages hétérogènes, ainsi qu’un développement d’une gamme de méthodes de mesure de la connectivité (Kadoya, 2009). La fragmentation des habitats est considérée comme l’une des plus sérieuses menaces sur la biodiversité et l’une des causes majeures des extinctions (Wilcox et Murphy, 1995). Elle est définie comme un processus où une grande aire d’habitat est transformée en un ensemble de plusieurs patches avec une surface totale inférieure, et isolés entre eux par une matrice paysagère, contrairement à l’habitat original (Fahrig, 2003). La fragmentation des habitats peut diminuer la connectivité, causer des effets de bord, ou être à l’origine d’un ensemble de 1 patches d’habitat dont la taille réduite représente une contrainte pour la survie des populations et des individus (Koper et al, 2007). Les espèces trouvées dans des paysages fragmentés forment souvent des métapopulations ; autrement dit, un ensemble de sous-populations habitant des patches d’habitat isolés spatialement mais connectés quant à la migration (Kindlmann et al, 2005). De la même manière, un ensemble de communautés locales connecté par la dispersion des individus (ou des espèces) représente une métacommunauté (Leibold et al, 2004). L’isolement des habitats résultant de la fragmentation peut réduire l’effectif total des populations et les niveaux de diversité génétique, augmenter la fréquence des croisements consanguins, défavoriser le potentiel d’adaptation et avoir une influence négative sur la persistance à long terme de ces populations (Horskins et al, 2006). Ces effets sont une conséquence d’une réduction ou de l’arrêt de la dispersion, ce qui diminue le flux génétique (Burgman et Lindemayer, 1998). La fragmentation peut également avoir un impact négatif sur la capacité d’ajustement spatial des espèces en réponse aux changements climatiques (Watts et Handley, 2010). 2. LA CONNECTIVITÉ La connectivité est un facteur lié à la distance entre les patches d’habitat et également à la taille de ces patches, les deux paramètres variant en fonction des altérations environnementales (Kindlmann et Burel, 2008). Cela est dû au fait qu’une distance plus importante entre patches serait plus difficile à traverser (Vos et Stumpel, 1996) et que des patches plus petits seraient plus difficilement trouvés (Mortelliti et Boitani, 2009). La composition de la matrice paysagère, autrement dit de la zone qui entoure les zones considérées comme des habitats, a également une influence sur la capacité de mouvement entre ces patches d’habitats (Kindlmann et Burel, 2008). Des études ont démontré que le flux entre patches dépend de la présence d’éléments comme les corridors biologiques et les « stepping stones » (des « îles » permettant la traversée de la matrice paysagère) ainsi que de l’hétérogénéité du paysage, et que la matrice paysagère peut influencer l’isolement des patches d’habitat (Kindlmann et al, 2005 ; Rickets, 2001). Par conséquent, l’aménagement de la matrice paysagère peut être une mesure efficace dans la conservation ou la restauration de la connectivité (Taylor et al, 2006). 2 Malgré l’importance de l’estimation de la connectivité pour la biologie de la conservation, elle n’a pas une définition précise et globalement acceptée (Kadoya, 2009). La connectivité est le résultat d'une combinaison de facteurs structuraux et fonctionnels (Taylor et al, 2006). Autrement dit, la configuration physique d'un paysage et les réponses comportementales des organismes à cette structure définissent la connectivité. Mais selon Taylor et al (2006), la connectivité tend à être considérée dans des nombreux travaux comme un paramètre directement proportionnel à la présence de certains éléments paysagers qui facilitent la dispersion, comme les corridors biologiques. Le concept de la connectivité en général est souvent réduit aux données concernant l’usage de la terre, étant mesuré à partir de l’analyse de la structure paysagère sans aucune référence au mouvement des organismes ou aux processus écologiques du paysage (Crooks et Sanjayan, 2006). D'après Taylor et al (2006), les mesures de connectivité les plus souvent utilisées ne prennent en compte que la taille des patches et les distances inter-patches, ignorant par conséquent la complexité des réponses des organismes à l'hétérogénéité environnementale, qui peut avoir une influence sur leurs capacités de colonisation et de dispersion. En revanche, pour qu’il y ait une estimation correcte de la connectivité au sein d’un paysage, il est également nécessaire de prendre en compte son aspect fonctionnel. Cet aspect fonctionnel comprend les éléments qui favorisent le déplacement pour chaque espèce en particulier ; par exemple, les haies représentent un élément paysager qui facilite la dispersion de coléoptères carabiques forestiers entre des patches de ressources (Retho et al, 2008), agissant comme des corridors biologiques pour des ces espèces dans des paysages agricoles (Aviron et al, 2005). Le calcul de l’aspect structural de la connectivité peut être intéressant et pratique du point de vue de l’aménagement et de l’analyse du paysage (Taylor et al, 2006), mais une compréhension précise des relations entre l’organisation spatiale des habitats et la biodiversité est encore en développement (Vogt et al, 2007). L’estimation de la connectivité dans un but de conservation de la biodiversité doit être faite avec une approche centrée sur les espèces, en considérant leurs réponses vis-à-vis de la structure paysagère. Ces réponses comprennent, entre autres, le mouvement entre des différents éléments paysagers, la capacité de dispersion et la mortalité liée à la dispersion (Taylor et al, 2006), paramètres dont les méthodes de quantification se développent avec l’emploi d’outils de tracking par satellite (Jonsen et al, 2003). Des méthodes génétiques sont également utilisées dans l’évaluation de la connectivité, en quantifiant les flux de gènes et les taux de croisements consanguins (Frankham, 2006 ; Angelone et Holderegger, 2009). Cette évolution méthodologique permettra des analyses plus globales concernant la connectivité. 3 2.1. La connectivité structurale 2.1.1. Définition La connectivité structurale est entièrement basée sur la structure du paysage, n’ayant pas un lien avec les réponses comportementales des organismes (Kindlmann et Burel, 2008). En ignorant ces réponses spécifiques des organismes, elle prend en compte seulement des relations physiques entre les patches d’habitat, comme les corridors biologiques ou les distances entre les patches (Kadoya, 2009). Malgré le fait que la connectivité structurale puisse être plus facilement estimée au moyen d’outils d’analyse spatiale de cartes ou de systèmes d’information géographiques (SIG), elle n’est pas une propriété générale d’un paysage (Taylor et al, 2006). Autrement dit, la connectivité d’un paysage peut être différente pour des espèces ou processus distincts. Un paysage structuralement connecté peut être fonctionnellement connecté pour quelques espèces et pas pour d’autres (Crooks et Sanjayan, 2006). L’aspect pratique de l’estimation de la connectivité structurale explique sa prévalence dans la littérature scientifique (Taylor et al, 2006). En revanche, une réduction de la connectivité générale à ce concept pourrait mener à des mauvaises stratégies de gestion paysagère, en occultant des problèmes-clé concernant la fragmentation (Taylor et al, 2006). Par exemple, des corridors établis comme des mesures contre la fragmentation au sein d’un paysage forestier peuvent en effet ne pas avoir un impact sur la capacité de mouvement chez certaines espèces, comme des oiseaux (Hannon et Schmiegelow, 2000) et l’écureuil volant Pteromys volans (Selonen et Hanski, 2003). Inversement, d’autres espèces peuvent profiter de corridors connectant des habitats auxquels elles s’adaptent ou des patches de ressources ; par exemple, l’étude réalisée par Varkonyi et al (2003) démontrant l’utilisation de corridors par les papillons noctuidés Xestia speciosa et X. fennica au sein d’un paysage forestier fragmenté. Dans cette étude, les auteurs ont vérifié une préférence chez ces espèces pour l’utilisation de corridors d’épicéas en détriment de la traversée de la matrice paysagère entre des patches d’habitats forestiers. 2.1.2. Méthodes de mesure Une méthode utilisée pour l’estimation de la connectivité structurale est la vérification de la présence ou de l’absence ainsi que de la configuration des corridors biologiques et des 4 zones permettant la traversée entre des patches d’habitat (Kindlmann et Burel, 2008). Cette approche peut prendre en compte la longueur, la largeur et la continuité des corridors biologiques, sans aucun rapport avec un organisme en particulier ; seulement le pourcentage de corridors entre patches sur un total de corridors possibles est considéré comme une mesure de connectivité (Kindlmann et Burel, 2008). Le flux des individus entre les sous-populations, qui est une conséquence de la connectivité, dépend de la taille des patches d’habitat de départ et d’arrivée ainsi que de la distance entre ces patches (Kindlmann et al, 2005). Un modèle (Kindlmann et al, 2005) estimant le flux de migration entre des patches i et j consiste à l’équation : Où Mij est le taux de migration, Ai et Aj sont les surfaces des deux patches, Dij représente la distance entre les deux patches et a et b sont des paramètres. La connectivité structurale est souvent calculée à partir de la moyenne des distances les plus courtes entre les patches, et cela peut se faire par l’intermédiaire de mesures simples comme la distance par rapport au patch le plus proche ou d’approches complexes qui prennent en compte tous les patches inclus dans un rayon correspondant à la distance de dispersion (Kindlmann et Burel, 2008). Pourtant, les caractéristiques de la matrice paysagère, ou de l’environnement entourant ces patches, ne sont pas considérées par ces approches - cela peut mener à une interprétation erronée, selon laquelle le mouvement des organismes dans cette matrice et dans les patches serait réalisé de façon équivalente (Kindlmann et Burel, 2008). La plupart des mesures de la connectivité structurale est basée sur la formule suivante (Kindlmann et Burel, 2008 ; Moilanen et Hanski, 2001) : Dans cette formule, Ai équivaut à la surface du patch i (qui représente le patch de destination du mouvement des organismes) et Aj à la surface de j (le patch d’origine de ce 5 mouvement) ; b et c sont des paramètres d’échelle spatiale ; D(dij, α) représente l’effet distance sur le taux migration, dij étant la distance entre i et j et α un vecteur dépendant de l’espèce et de sa capacité de dispersion. La théorie des graphes est parfois utilisée pour décrire la connectivité (Kindlmann et Burel, 2008). Un exemple de cette utilisation est le calcul du flux de dispersion pondéré en fonction des surfaces (Kindlmann et Burel, 2008) : Dans ce calcul, Si correspond à la surface du nœud i, θ > 0 est un coefficient d’extinction, et dij est la distance entre les patches i et j. Selon Kindlmann et Burel (2008), un autre moyen d’estimer la connectivité est le calcul de la « traversabilité », définie comme le diamètre moyen de la composante la plus grande du graphique généré à partir de la suppression d’un patch de façon aléatoire : T = d(G’), où G’ est la composante la plus grande de G (le chemin le plus grand possible entre deux nœuds du graphique, sachant que la longueur du chemin entre ces nœuds doit être la plus courte possible). Pour d’autres études, la surface d’éléments linéaires spécifiques dans une zone-tampon entourant le patch est calculée comme mesure de la connectivité (exemple : Vos et Chardon, 1998). Une autre mesure serait « la statistique de cercles » (ring statistic) (Kindlmann et Burel, 2008 ; Wiegand et al, 1999) ; ces cercles de rayon r seraient placés sur chaque cellule d’habitat d’un type déterminé et ensuite la densité moyenne d’un habitat d’un autre type dans ces cercles serait calculée, dans le but de décrire la structure spatiale en fonction de la perception des animaux par rapport aux types d’habitat présents dans une certaine distance comptée à partir de leur localisation. Finalement, des études utilisent une approche basée sur le concept de contagion ou de percolation (Kindlmann et Burel, 2008). Dans cette approche, la connectivité est estimée à partir de l’analyse d’une grille de cellules définies comme d’habitat ou de matrice paysagère. 6 2.2. La connectivité fonctionnelle 2.2.1. Définition L’aspect fonctionnel de la connectivité est basé sur les espèces ; par conséquent, un seul paysage peut avoir plusieurs mesures de connectivité en fonction des exigences d’habitat et des capacités de dispersion des espèces (Watts et Handley, 2010). Par ailleurs, les éléments qui apportent de la connectivité à un paysage peuvent être distincts en fonction des taxons qui diffèrent en capacité de dispersion, exigence par rapport à l’habitat, spécialisation alimentaire ou niveau trophique (Diekötter et al, 2008). La connectivité fonctionnelle augmente quand des changements au niveau de la structure paysagère (cela inclut mais ne se limite pas aux modifications de la connectivité structurale) provoquent un degré plus important de mouvement ou de flux des organismes dans le paysage (Taylor et al, 2006). L’approche fonctionnelle prend également en compte l’influence négative ou positive de la matrice paysagère sur les mouvements des espèces entre patches (Watts et Handley, 2010). Elle peut augmenter la fragmentation réelle en réduisant la surface des habitats par l’intermédiaire d’effets négatifs de bord dépendant du degré d’hostilité de cette matrice (Murcia, 1995). La matrice peut aussi provoquer un isolement plus important en diminuant la probabilité de mouvement entre patches en fonction de sa perméabilité (Ricketts, 2001). 2.2.2. Méthodes de mesure Puisque les méthodes de mesure de la connectivité fonctionnelle incluent les modèles prenant en compte l’effet de la matrice paysagère sur les flux entre patches (Watts et Handley, 2010), il est nécessaire de tester s’il existe une hétérogénéité au sein de cette matrice et de considérer les différentes réponses des organismes à cette hétérogénéité (Kadoya, 2009). Le modèle de Ricketts (2001) sur le flux de papillons entre patches de prairies entourés par une matrice paysagère hétérogène illustre cela : 7 Dans ce modèle, Tjk représente le nombre de papillons qui sont issus du site k en utilisant le chemin j ; Dm,jk, Dw,jk et Dc,jk représentent, respectivement, la distance du chemin j dans un contexte de patch de prairie (m = « meadow ») et dans deux physionomies différentes de la matrice paysagère (w = « willow thicket », ou bosquet de saules, et c = « conifer forest », forêt de conifères) ; rw et rc désignent la résistance des différents éléments de la matrice paysagère au mouvement des papillons, en comparaison avec la prairie ; et a et z sont des constantes fixées. Selon les données obtenues dans cette étude, les réponses comportementales des différents taxons de papillons a varié en fonction de la physionomie de la matrice (w ou c) ; pour 4 taxons sur 6 étudiés, la forêt de conifères a présenté une résistance supérieure. Cela montre que la matrice a des effets importants sur la connectivité entre patches et que ces effets peuvent varier même entre groupes taxonomiques proches (Kadoya, 2009). D’après Kindlmann et Burel (2008), la connectivité fonctionnelle peut également être estimée en fonction de la probabilité de mouvement entre patches, ou le succès d’émigration ou de dispersion. Cette probabilité peut être calculée à partir de la fraction (Kindlmann et Burel, 2008) : Np représente le nombre de patches au sein du paysage et pij est la probabilité de mouvement entre les patches i et j. La connectivité fonctionnelle peut aussi être calculée à partir du temps de recherche ; autrement dit, le comptage du nombre de pas nécessaires pour le mouvement entre tous les patches d’habitat d’un paysage, deux à deux (Tischendorf et Fahrig, 2000b). Dans d’autres études, cette connectivité a été estimée aussi par l’intermédiaire de la comparaison de la fréquence de mouvements au sein de différents points d’observation dans le paysage (Pither et Taylor, 1998) ou au moyen du calcul de la relation entre les distances entre les points d’observation de l’espèce en question et les taux des mouvements observés et de la mortalité dans différents types d’habitats (Tischendorf et Fahrig, 2000b ; Petit et Burel, 1998). 8 3. CONNECTIVITE ET BIODIVERSITE 3.1. Rôle des corridors biologiques Les corridors biologiques sont parmi les éléments pouvant augmenter la connectivité des paysages. Les corridors sont des zones linéaires du terrain (des bandes de terre ou de végétation) qui diffèrent de la matrice paysagère qui les entoure (Forman et Godron, 1986 ; Barett et Bohlen, 1991). Ces zones étroites et continues connectent structuralement deux patches d’habitats qui seraient autrement déconnectés (Kindlmann et Burel, 2008). Ces éléments sont souvent considérés comme utiles dans la dispersion des organismes dans les paysages (Inglis et Underwood, 1992), leur établissement pouvant représenter une mesure efficace contre la fragmentation. En effet, les corridors ont plusieurs fonctions, notamment les rôles de (1) zones refuges, habitats, puits de colonisation pour certains organismes, (2) conduit pour la dispersion, (3) barrières ou filtres délimitant différentes zones dans le paysage et (4) source d’éléments biotiques et abiotiques pour la matrice paysagère (Forman et Godron, 1986). En revanche, une gamme de méthodes d’identification et d’établissement d’éléments linéaires est mise en pratique sans prendre en compte les processus de sélection d’habitats et de mouvement des différents animaux (Chetkiewicz et Boyce, 2009). La mise en place de corridors biologiques efficaces pour la conservation d’espèces en particulier ou pour l’augmentation de la richesse spécifique exige, en revanche, une analyse approfondie de ces comportements de sélection d’habitats et de mouvement spécifiques. Certains paysages agricoles sont caractérisés par la présence d’éléments linéaires (comme les haies) et non-linéaires (champs, surfaces boisées). En général, il existe une tendance à mettre en évidence le rôle des éléments linéaires dans la conservation de ces paysages. Selon Tattersall et al (2002), il existe peu de données qui permettraient de juger si le renforcement de ces éléments serait une stratégie bénéfique pour la biodiversité, alors que d’autres études (Billeter et al, 2008) démontrent une augmentation de la biodiversité en fonction de la présence de ces éléments linéaires (« green veins »). Certains auteurs défendent la possibilité que les corridors puissent avoir des effets délétères sur les populations, comme l’augmentation du risque de la prédation au niveau des bords, de la transmission de maladies et de la probabilité de perturbations naturelles catastrophiques (Davies et Pullin, 2007), ainsi que la prolifération d’espèces envahissantes (Brown et al, 2006). 9 La construction ou la conservation d’un corridor biologique entre deux patches d’habitat qui autrement seraient isolés peut augmenter ou, au moins, préserver les niveaux de dispersion entre ces patches (Horskins et al, 2006). Cela représente un flux de gènes entre les populations habitant ces patches, ce qui peut avoir comme conséquence une augmentation de la diversité génétique au sein des populations, et une homogénéisation générale de la composition génétique de la métapopulation, évitant ainsi les effets négatifs de la fragmentation sur leur survie (Horskins et al, 2006), réduisant les fluctuations populationnelles et le risque d’extinction (Davies et Pullin, 2007). Concernant les éléments paysagers liés à l’aspect structurel de la connectivité, un nombre important d’études (Harvey et al, 2005) a été réalisé sur les haies dans les paysages agricoles en zone tempérée, illustrant le rôle des corridors biologiques au sein des paysages. Ce rôle de corridor biologique des haies est critique pour la permanence de certains organismes dans des paysages agricoles (Burel, 1996), ce qui démontre l’importance des haies dans le but de la conservation de la biodiversité ces paysages (Baudry et al, 2000). Les haies sont des éléments linéaires constitués par des arbres et / ou arbustes (Baudry et al, 2000) qui délimitent souvent les limites des différentes zones des paysages agricoles, formant des réseaux complexes au sein de ces paysages (Harvey, 2005). Les haies se trouvent en général dans des paysages hétérogènes en ce qui concerne le relief, le type de sol, les communautés, et l’usage de la terre (Harvey, 2005). Les flux physiques, chimiques et biologiques au sein de ces paysages sont influencés par la connectivité des réseaux de haies, qui contrôlent partiellement le mouvement des eaux, de particules du sol et du vent au niveau des paysages (Baudry et al, 2000). Les haies peuvent également représenter une augmentation de l’hétérogénéité spatiale des paysages agricoles, en fournissant des conditions variables de température et humidité (Baudry et al, 2000). En Europe, l’intensification des activités agricoles a changé profondément la configuration des paysages ruraux depuis les années 1950, notamment avec une réduction du nombre de haies, ce qui a eu un impact sur la biodiversité de ces paysages (Retho et al, 2008 ; Aviron et al, 2005 ; Diekötter et al, 2008). Dans des paysages urbains, les routes entourées par des arbres peuvent être considérées comme des corridors biologiques car elles sont des éléments linéaires végétaux qui connectent des parcs urbains (Fernández-Juricic, 2000). Selon Fernández-Juricic (2000), ces corridors peuvent faciliter les mouvements de l’avifaune, car ils sont des éléments intermédiaires utilisés par des espèces qui habitent des patches d’habitats forestiers isolés par une matrice paysagère urbaine, effectivement augmentant la connectivité du paysage. Des chiroptères peuvent également utiliser ces routes comme des corridors biologiques dans des paysages 10 urbains, sachant qu’une meilleure compréhension des effets de la fragmentation des zones urbaines sur ce groupe taxonomique à l’échelle du paysage serait envisageable (Oprea et al, 2009). 3.2. Rôle de la matrice paysagère Il existe de nombreuses études sur les effets de la composition de la matrice paysagère entourant les patches d’habitats sur les distributions et l’abondance des espèces (Haynes et Crist, 2009), et l’influence de cette matrice sur la connectivité joue un rôle sur ces aspects des populations. En effet, selon Taylor et al (2006), la matrice paysagère peut être considérée comme l’une des trois composantes de la connectivité (les autres étant (1) les éléments comportementaux des espèces concernant leurs mouvements et (2) la taille et l’organisation des patches de ressources). En plus, des différences au niveau la composition de la matrice peuvent déclencher des réponses phénotypiques différentes, comme illustré par les études de Taylor et Merriam (1995) et Pither et Taylor (2000) démontrant la plasticité de la morphologie des ailes chez le zygoptère Calopteryx maculata en fonction de la composition de la matrice paysagère. En raison de cette importance de la matrice paysagère, il est important de concevoir et d’appliquer des mesures d’aménagement de cette zone dans le but d’augmenter la connectivité et de préserver la biodiversité. Une mesure d’aménagement de la matrice paysagère dans le but d’augmenter la connectivité peut être l’établissement de « stepping-stones », autrement dit, des îles d’habitats intermédiaires dans la matrice paysagère qui connectent les patches d’habitats, en réduisant les distances à traverser par les organismes pour se déplacer entre ces patches. Cette stratégie s’est avérée efficace pour éviter le déclin de Hyla arborea au sein de deux paysages suisses où des « stepping-stones » ont été créés pour faciliter la dispersion de cette espèce (Angelone et Holderegger, 2009). Le fonctionnement des « stepping-stones » est illustré dans la Figure 1. 11 Figure 1. Représentation hypothétique de l’établissement de « stepping-stones » comme une mesure d’augmentation de la connectivité. Dans la situation B, la présence des « stepping-stones » permet la traversée de la matrice paysagère et le flux entre les deux patches d’habitat, contrairement à la situation A. 3.3. Rôle de la taille des patches La perte de connectivité peut causée par la fragmentation des habitats peut altérer la structure des populations, ce qui peut par conséquent réduire leur viabilité et leur diversité (Šálek et al, 2009). Or, certains auteurs considèrent la fragmentation une disruption de la connectivité d’un paysage (Fahrig, 2003) ; par conséquent, la connectivité est une propriété paysagère importante pour le maintien de la diversité biologique. Pour minimiser les effets de la fragmentation, la biologie de la conservation défend des mesures qui peuvent incrémenter la connectivité de manière à préserver et à augmenter la viabilité des populations (Hanski, 1994). Cependant, les études investiguant l’importance relative des paramètres biogéographiques qui concernent la connectivité (la taille et l’isolement des patches) et des caractéristiques de la physionomie végétale paysagère (exemple : composition spécifique des communautés végétales) sur la composition des communautés sont peu nombreuses (Holland et Bennet, 2009). La perte des habitats, une des causes de la diminution de la connectivité, a souvent des effets négatifs sur la richesse spécifique, l’abondance et la distribution des populations, la diversité génétique, ainsi que sur des mesures indirectes de biodiversité et des facteurs affectant la biodiversité (Fahrig, 2003). Cette perte peut réduire la taille des chaines trophiques, altérer les interactions interspécifiques, diminuer le nombre d’espèces de grande 12 taille corporelle et spécialistes, affecter négativement le succès de reproduction et de dispersion, les taux de prédation, et des aspects comportementaux concernant le succès d’approvisionnement, entre autres effets (Fahrig, 2003). L’isolement spatial des patches d’habitat peut aussi avoir un effet sur la composition spécifique des communautés, comme suggéré par l’étude de Baldissera et al (2008) sur une communauté d’araignées avec une composition variable au sein d’un paysage forestier, sachant que la distribution des espèces d’araignées dépend de la connectivité des patches (Bonte et al, 2004). La fragmentation des habitats est également un des facteurs à l’origine de la perte de biodiversité au sein les écosystèmes aquatiques, notamment en ce qui concerne les communautés de poissons, qui sont utilisés comme bioindicateurs dans l’évaluation de la connectivité des réseaux hydrographiques en raison de leur sensibilité aux altérations des habitats aquatiques (Bergerot et al, 2008). Par ailleurs, des aspects de la structure du paysage autres que la taille des patches et leur isolement spatial, comme la forme et la longueur des bords, la matrice paysagère et les perturbations au sein des patches d’habitat, peuvent influencer la réponse des espèces à la fragmentation (Cox et al, 2003). Les communautés d’insectes répondent en général de manière négative à la fragmentation des habitats (Gove et al, 2009). En revanche, il a été démontré que des patches de petite taille peuvent représenter des ressources importantes pour quelques espèces d’arthropodes ; en effet, la sensibilité aux effets de la fragmentation varie en fonction du groupe taxonomique (Gove et al, 2009). Pour des groupes taxonomiques d’invertébrés comme les coléoptères carabiques et les araignées, des études ont montré que ces animaux sont particulièrement sensibles à des effets de bord, de la taille des patches d’habitat et de l’isolement des patches dans des paysages urbains et agricoles, leur richesse spécifique diminuant avec la réduction des patches d’habitat (Pearce et al, 2005). L’étude de Holland et Bennett (2009) a montré une richesse spécifique plus importante d’une communauté de petits mammifères avec l’augmentation des patches d’habitat, ce qui confirme la relation espèce-surface de l’habitat analysée par d’autres études sur les communautés de ce groupe taxonomique. En effet, selon Cox et al (2003), des fragments plus grands sont en général caractérisés par un nombre plus important d’espèces et un taux plus faible d’extinction. Dans cette étude réalisée par Cox et al (2003), il a été observé une relation directe de la taille des patches d’habitat et richesse spécifique d’une communauté de mammifères, ainsi qu’une abondance plus importante associée aux patches les plus grands pour certaines espèces de rongeurs comme Rattus fuscipes et Melomys cervinipes. 13 4. CONCLUSION Malgré la définition des composantes structurales et fonctionnelles de la connectivité, l’estimation de la connectivité fonctionnelle reste un défi. En effet, la connectivité dépend d’une gamme de facteurs biotiques et abiotiques dont la quantification n’est pas toujours facile à réaliser. En plus, la difficulté de la séparation entre les effets de la connectivité et d’autres variables concernant la composition du paysage, sommée au fait que la connectivité fonctionnelle n’est pas unique pour un seul paysage, rend les études sur l’impact de cet aspect sur la biodiversité compliquées. C’est pourquoi il existe une discussion sur les façons les plus appropriées de mesurer la connectivité, avec l’apparition d’une variété de modèles qui prennent en compte plusieurs paramètres comme la taille et la densité des patches d’habitat, la composition de la matrice paysagère, les distance entre patches, les capacités de dispersion spécifiques, entre autres. Il est généralement accepté que la connectivité est un facteur prépondérant pour la persistance des populations au sein des paysages. Pour cette raison, dans le but de la conservation de la biodiversité, les éléments apportant de la connectivité aux paysages doivent être identifiés et préservés. La détermination des corridors biologiques et des seuils critiques de fragmentation est nécessaire à la conservation de la diversité biologique. Finalement, le développement des études mettant en évidence les effets de la connectivité sur des communautés d’une façon globale, en complément à celles sur des organismes en particulier ou sur l’aspect structural de la connectivité, permettra une approche consciente par rapport à l’aménagement des éléments paysagers. 5. METHODOLOGIE Pour la réalisation de ce mémoire bibliographique, le premier pas a été la lecture du livre Connectivitity Conservation (Crooks et Sanjayan, 2006), notamment les articles expliquant les concepts de la connectivité et ses composantes (Taylor et al, 2006). À partir de l’orientation de la part des tuteurs de stage (Alain Butet, Françoise Burel), j’ai identifié des articles-clé permettant une vision globale sur les axes de recherche, les problématiques et les principales publications dans le domaine de la connectivité (exemples : Kindlmann et Burel, 2008 ; Taylor et al, 1993 ; Tischendorf et Fahrig, 2000a). 14 Une recherche a été menée sur les bases de données disponibles sur BiblioVIE (http://bibliovie.inist.fr/). Les publications obtenues ont été choisies à partir des citations provenant des lectures précédentes ou de recherches par mot-clé ou nom d’auteur (les noms des principaux auteurs ont été observés au cours de la recherche bibliographique et également recommandés par les tuteurs de stage). D’autres sources électroniques utilisées incluent SCIELO (http://www.scielo.org) et Google Scholar (http://scholar.google.com). Quelques publications ont également été empruntées auprès des bases de données de l’UMR 6553 ECOBIO. 15 6. REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES Angelone, S et Holderegger, R. 2009. Population genetics suggests effectiveness of habitat connectivity measures for the European tree frog in Switzerland. Journal of Applied Ecology 46:879-887. Aviron, S, Burel, F, Baudry, J et Schermann, N. 2005. Carabid assemblages in agricultural landscapes : impacts of habitat features, landscape context at different spatial scales and farming intensity. Agriculture, Ecosystems and Environment 108:205-217. Baldissera, R, Ganade, G, Brescovit, A.D et Hartz, S.M. 2008. Landscape mosaic of Araucaria forest and forest monocultures influencing understorey spider assemblages in southern Brazil. Austral Ecology 33:45-54. Barett, G.W et Bohlen, P.J. 1991. Landscape Ecology. Dans: Hudson, W.E. Landscape linkages and biodiversity. Island Press, Washington, Etats-Unis. 149-161. Baudry, J, Bunce, R.G.H et Burel, F. 2000. Hedgerows : An international perspective on their origin, function and management. 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La connectivité a une composante structurale liée à la configuration physique du paysage et une composante fonctionnelle qui prend en compte les réponses comportementales des organismes à cette structure. Ainsi, la connectivité peut être mesurée à ces deux différents niveaux, à partir de variables comme les distances entre les patches et la taille des patches (connectivité structurale) ou capacité de dispersion spécifique et composition de la matrice paysagère (connectivité fonctionnelle). Cette évaluation de la connectivité des paysages est importante pour la conservation de la biodiversité, sachant que des éléments qui apportent de la connectivité comme les corridors biologiques et les îles d’habitats dans la matrice paysagère (« stepping-stones ») ont souvent des effets bénéfiques pour la richesse spécifique des communautés et l’abondance des populations. Des études montrent que la composition des communautés, leur richesse spécifique et leur stabilité sont affectées par des processus de réduction de la connectivité comme la perte et l’isolement spatial des patches d’habitat. Ainsi, dans un but de conserver la diversité biologique, il est essentiel de comprendre comment les organismes se déplacent au sein du paysage et d’identifier et préserver les éléments paysagers nécessaires à cette capacité de mouvement. Mots-clés : Connectivité ; Corridors biologiques ; Fragmentation ; Biodiversité. 21 ABSTRACT Influence of landscape connectivity on biodiversity Connectivity, which may be defined as the degree to which a landscape facilitates or impedes movement of organisms among resource patches, is a major dynamic property of landscape configurations. Habitat loss and fragmentation, two phenomena that are intensified by human activities, may hamper those inter-patch fluxes. That could have a negative impact on the survival of the species that are present in those habitats, thus representing an obstacle to the processes of recolonization and genetic flow, reducing sub-population abundances and increasing the rate of consanguinity. Connectivity has a structural component linked to the physical configuration of landscapes and a functional component which concerns behavioral responses of organisms to that structure. Therefore, connectivity may be measured in both levels, by taking into account variables such as inter-patch distances and patch areas (structural connectivity) or species-specific dispersing ability and landscape matrix composition (functional connectivity). Such evaluation of connectivity is important when it comes to biodiversity conservation, given that elements that bring connectivity to a landscape such as biological corridors and « stepping-stones » often have positive effects on the species richness of communities and populations’ abundances. Studies show that communities’ composition, species richness and stability are affected by processes that decrease connectivity such as habitat loss and patch isolation. Consequently, in order to conserve biological diversity, it is essential to understand how organisms move within landscapes and to identify and preserve landscape elements that are necessary for that movement to occur. Keywords: Connectivity; Biological corridors; Fragmentation; Biodiversity. 22