CÔTE D`IVOIRE LE CONTROLE DES ACTES ADMINISTRATIFS

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CÔTE D`IVOIRE LE CONTROLE DES ACTES ADMINISTRATIFS
 CÔTE D’IVOIRE
LE CONTROLE DES ACTES ADMINISTRATIFS PAR LES COURS ET TRIBUNAUX ADMINISTRATIFS 1. Le domaine de compétence 1.1 Quels sont les types d’actes contrôlés (réglementaires/individuels) ? Aux termes de l’article 54 alinéa 2 de la loi sur la Cour Suprême, la Chambre Administrative « connaît en 1er et dernier ressort des recours en annulation pour excès de pouvoir contre les décisions émanant des autorités administratives ». Ce texte qui fonde la compétence de la Chambre Administrative de la Cour Suprême en matière de recours pour excès de pouvoir détermine, par ailleurs, la nature des actes contrôlés. Il s’agit de décisions ou d’actes émanant des autorités administratives. Aucune distinction n’est faite sur le caractère réglementaire ou individuel des décisions. Par conséquent, toutes les décisions, individuelles ou réglementaires, sont susceptibles de recours pour excès de pouvoir. 1.2 Quels sont les critères de la compétence du juge chargé de contrôler l’administration ? Y a‐t‐il des actes du pouvoir exécutif ou des autorités publiques qui, en raison de leur nature ou de leur objet, échappent à tout contrôle juridictionnel ? C’est le critère organique, c’est‐à‐dire l’organe, la personne auteur de l’acte : les autorités administratives (Président de la République, ministres, préfets, sous‐préfets, maires, présidents de conseil général…), qui détermine la compétence du juge. Ainsi seuls les actes des autorités administratives sont susceptibles de recours pour excès de pouvoir, à l’exclusion des actes émanant des personnes privées sauf celles investies de prérogatives de puissance publique et gérant un service public. Toutefois, le critère organique n’est pas absolu. Il se combine avec le critère matériel, c’est‐
à‐dire le contenu de l’acte. En effet, l’acte doit avoir un caractère décisoire. Il doit affecter l’ordonnancement juridique, avec ou sans modification des situations juridiques existantes et faire grief au destinataire. …/… 2/ En définitive, deux critères fondent la compétence du juge chargé de contrôler l’administration : le critère organico‐matériel et le critère matériel. Il existe des actes du pouvoir exécutif et des autorités publiques qui, en raison de leur nature ou objet, échappent à tout contrôle juridictionnel. Il s’agit : ‐
des actes juridictionnels, actes émanant de juridictions ou d’organismes administratifs faisant office de juridictions, tels les organismes disciplinaires, revêtent la nature de décisions juridictionnelles insusceptibles d’être déférées à la censure du juge de l’excès de pouvoir (28 avril 1976 François‐Xavier Santucci ; 30 juillet 2008, Boa Ehui c/ Ordre des Experts Comptables et des Comptables Agrées de Côte d’Ivoire (O.E.C.CA.C.I.)) ; ‐
des actes n’ayant pas un caractère décisoire ou exécutoire, c’est‐à‐dire les actes préparatoires (29 janvier 1992, Nado Koutoua c/ Ministre de l’Emploi et de la Fonction Publique ; 19 mars 2008 Société Protéin Kissè La c/ Ministère de la Construction et de l’Urbanisme), les actes confirmatifs ou interprétatifs (26 mars 1980 Comaran/africa line ; 22 juillet 1981 Akpa Akpro c/ Ministère de la Défense) ; les correspondances (31 janvier 2001, Boni Kacou Nathanaël c/ Ministère de la Fonction Publique ; 26 juillet 2006, Eglise et mission du Christ c/ Etat de Côte d’Ivoire) ; les actes d’information (22 juin 2001, Doumbia Koman). ‐
des actes de licenciement pris par une autorité administrative (11 décembre 1970, Kouamé Kouadio ; 27 novembre 1991, Soro Silué ; 15 février 2006, Yapo Arsène et autres) ‐
des actes de gouvernement, c’est‐à‐dire les actes concernant les rapports de l’exécutif avec le Parlement, et ceux qui se rattachent directement aux relations de la Côte d’Ivoire avec les puissances étrangères et les organismes internationaux. 2. La procédure 2.1 Présentation générale de la procédure Où trouve‐t‐on les règles de procédure, par quels textes sont‐elles définies ? La procédure est‐elle plutôt dirigée par les parties ou par le juge ? Quelles sont leurs responsabilités respectives ? Existe‐t‐il un parquet ? Quel est son rôle ? La procédure est‐elle écrite ou orale ? Le juge statue‐t‐il seul ou en formation collégiale ? …/… 3/ Les règles de procédure sont définies par deux textes : la loi n°72‐0833 du 21 décembre 1972 modifiée par les lois n°78‐663 du 5 août 1978, 93‐670 du 9 août 1993, 97‐516 et 97‐517 du 4 septembre 1997 portant code de procédure civile, commerciale et administrative et la loi 94‐440 du 16 août 1994 déterminant la composition, l’organisation, les attributions et le fonctionnement de la Cour Suprême modifiée par la loi 97‐243 du 25 avril 1997. La procédure n’est pas accusatoire, mais plutôt inquisitoriale, c’est‐à‐dire dirigée par le juge. Les responsabilités du juge en la matière se situent à un triple niveau. Premièrement, il doit transmettre et notifier la requête introductive d’instance au Procureur Général, à toutes les parties intéressées ou qui semblent telles, fixer le délai dans lequel les réquisitions et mémoires en défense, accompagnés de toutes les pièces utiles, doivent être déposés au secrétariat de la Chambre Administrative et, si cela est nécessaire, mettre en demeure les parties si celles‐ci ne respectent pas les délais fixés. Deuxièmement, il peut ordonner toutes les mesures qui lui paraissent nécessaires à l’instruction de l’affaire telles que les productions de pièces, la comparution personnelle des parties, les enquêtes, les expertises, la descente sur les lieux qui sont notifiées par voie administrative aux parties en cause. Enfin troisièmement, dès qu’il estime que l’affaire est en état d’être jugé, il dresse un rapport écrit qui relate les incidents de la procédure et l’accomplissement de formalités légales, qui expose les faits de la cause tels qu’ils paraissent établis par les pièces et éventuellement les mesures d’instruction ordonnées, et enfin qui analyse les moyens des parties qu’il transmet au ministère public et notifie aux parties. Il fixe la date de l’audience. Quant aux parties, elles sont tenues de respecter les délais fixés, de déposer les mémoires et d’obéir aux injonctions du juge. Il existe un parquet qui est chargé de prendre des réquisitions. Il formule des conclusions sur les circonstances de fait de l’espèce et les règles applicables ainsi que les solutions qu’appelle le litige soumis à la juridiction. La procédure est écrite, puisque c’est au vu des mémoires, pièces et observations écrites que le juge se prononce. D’ailleurs, l’affaire est jugée sur pièces. Toutefois, il n’est pas exclu que le Ministère public et les parties puissent s’exprimer lors du procès, puisqu’aux termes de l’article 72 alinéa 2 de la loi sur la Cour Suprême « le Ministère public et les parties ont un délai de (15) jours pour prendre leurs réquisitions et fournir leurs observations écrites et déclarer formellement qu’ils entendent présenter ou faire présenter par un avocat les observations orales ». La Chambre Administrative statue en formation collégiale. Cependant en matière de référé, le Président de la Chambre Administrative statue seul. …/… 4/ 2.2 Quelles sont les règles de recevabilité des requêtes ? Le demandeur doit‐il justifier de son intérêt pour agir ? Si oui, celui est‐il conçu de façon large ou stricte (citer des cas de jurisprudence) ? I/‐ REGLES DE RECEVABILITE La nature de l’acte attaqué : ce doit être une décision administrative c'est‐à‐dire émanant d’une autorité administrative. L’absence de recours parallèle : le requérant ne doit pas disposer du recours ordinaire de pleine juridiction. L’exigence du recours administratif préalable : avant de saisir la Chambre Administrative, le requérant doit présenter un recours administratif préalable, soit gracieux lorsqu’il est adressé à l’auteur de la décision entreprise, soit hiérarchique quand il est adressé au supérieur de l’auteur de la décision. Délais : le recours administratif préalable doit être formé par écrit dans le délai de deux mois à compter de la publication ou de la notification de la décision entreprise. 1°) 2°) 3°) 4°) La requête doit être introduite devant la Chambre Administrative dans le délai de deux mois à compter soit : 5°) ‐ de la notification du rejet explicite du recours administratif. ‐ du rejet implicite consécutif à une absence de réaction pendant 4 mois. La forme de la requête : La requête doit contenir un certain nombre d’informations et de précisions en l’absence desquelles elle peut être déclarée irrecevable notamment les nom, prénoms, profession et domicile du requérant, l’objet de la demande, l’exposé sommaire des moyens, la pièce justifiant le dépôt du recours administratif préalable. Intérêt pour agir Le requérant doit justifier son intérêt pour agir. …/… 5/ La Chambre Administrative a une conception plutôt restrictive de cet intérêt pour agir car elle exige que cet intérêt soit personnel. Aff : Mobio Aminlin Thomas : le requérant qui n’était pas destinataire de l’acte attaqué a été déclaré irrecevable. 2.3 Le justiciable a‐t‐il un accès direct au juge, ou bien cet accès est‐il subordonné au recours à un conseil ou au ministère d’un avocat ? Le Ministère d’un avocat devant la Chambre Administrative n’est pas obligatoire. Ce qui permet au justiciable d’avoir un accès direct au juge. Selon l’article 61, la signature de la requête par un avocat vaut constitution et élection de domicile en son étude. La partie non représentée par un avocat doit faire, le cas échéant, élection de domicile à Abidjan, ville où siège la Chambre Administrative. 2.4 Les requêtes peuvent‐elles être formulées en faisant usage des nouvelles technologies (Internet) ? Aucune disposition législative n’autorise pour l’instant l’utilisation des nouvelles technologies (internet) comme voie pour présenter une requête à la Chambre Administrative. Par conséquent, le requérant doit demeurer dans le cadre fixé par l’article 63 de la loi sur la Cour Suprême, c’est‐à‐dire qu’il doit déposer sa requête au secrétariat général de la Cour Suprême. 2.5 Existe‐t‐il un système public ou privé d’aide pour faciliter l’accès au juge pour les personnes ne pouvant avoir accès à un conseil juridique pour des motifs liés à l’insuffisance de leurs ressources ? Il existe un système public d’aide, appelé assistance judiciaire, en vue de faciliter l’accès à la justice pour les personnes ne disposant pas de ressources suffisantes. …/… 6/ L’assistance judiciaire, régie par les articles 27 à 31 du code de procédure civile, commerciale, administrative et fiscale et le décret 75‐319 du 9 mai 1975 fixant les modalités d’application de la loi 72‐833 du 21 décembre 1972 portant code de procédure civile, commerciale, administrative en ce qui concerne l’assistance judiciaire, est applicable à tous les litiges portés devant toutes les juridictions. Elle permet à la personne bénéficiaire d’avoir droit à l’assistance de tous officiers publics ou ministériels dont le concours lui est nécessaire, d’être exemptés des frais afférents aux instances et de disposer gratuitement des actes et expéditions. 2.6 Les recours suspendent‐ils l’exécution des décisions attaquées et, si oui, dans quelles conditions ? Les recours n’ont pas d’effet suspensif sur l’acte attaqué qui doit s’exécuter. Toutefois, le législateur a apporté un correctif au principe de l’effet non suspensif du recours par l’institution de la procédure de sursis à exécution à l’article 76 de la loi sur la Cour Suprême aux termes duquel « si une décision déférée à la Chambre administrative pour excès de pouvoir n’intéresse ni le maintien de l’ordre, ni la sécurité ou la tranquillité publiques, et si une requête expresse à fin de sursis lui est présentée, la Chambre administrative peut, après réquisitions du Ministère public, à titre exceptionnel, prescrire qu’il soit sursis à exécution » . Ainsi sur demande du requérant, la Chambre Administrative peut ordonner le sursis à l’exécution de la décision entreprise dans les conditions précisées par la loi et sa jurisprudence. 2.7 Quels sont les pouvoirs du juge dans la conduite de la procédure pour imposer à l’administration de produire des éléments dont l’autre partie n’a pas connaissance ? (citer la jurisprudence pertinente) Le juge dispose des pouvoirs, au cours de l’instruction, pour imposer à l’Administration de produire tous éléments de nature à établir les faits. Il peut notamment imposer la communication et la production des pièces, procéder à des enquêtes lui permettant d’examiner directement des documents, ordonner la comparution personnelle des parties pour audition, procéder à des expertises. Il peut utiliser la mise en demeure. …/… 7/ 2.8 Existe‐t‐il des procédures d’urgence ? Lesquelles ? Sont‐elles destinées uniquement à prendre des mesures provisoires et conservatoires ou peuvent‐elles régler un litige au fond ? La loi sur la Cour Suprême prévoit en ses articles 76 et 79 deux grandes procédures d’urgence : le sursis à exécution et le référé. Par le sursis à exécution la Chambre Administrative peut prescrire qu’il soit sursis à l’exécution d’une décision administrative, à la condition qu’elle lui soit déférée pour excès de pouvoir, qu’elle n’intéresse ni le maintien de l’ordre, ni la sécurité ou la tranquillité publiques et qu’une requête expresse lui soit présentée à cette fin. Par le référé le Président de la Chambre Administrative peut ordonner toutes mesures utiles, sans faire préjudice au principal ni obstacle à l’exécution d’aucune décision administrative. Ces deux procédures ne règlent pas le litige au fond. Le sursis à exécution permet de paralyser l’exécution d’une décision administrative ; le référé permet de prononcer toutes les mesures provisoires et conservatoires. 3. Les pouvoirs du juge administratif
3.1. Quelle est la hiérarchie des normes dont le juge administratif contrôle le respect (Constitution, traités internationaux, lois). Il y a d’abord la constitution, la norme suprême de l’Etat, qui créée et organise les pouvoirs publics. Ensuite, il y a les traités ou accords internationaux qui doivent être ratifiés par le Président de la République après autorisation de l’assemblée nationale. Ils ont aux termes de l’article 87 de la Constitution « dès leur publication, une autorité supérieure à celle des lois, sous réserve, pour chaque Traité ou accord, de son application par l’autre partie ». Puis vient la loi, acte élaboré par l’Assemblée Nationale, suivant une certaine procédure et promulguée par le Président de la République. On trouve enfin les règlements, c’est‐à‐dire les décrets, arrêtés ministériels, préfectoraux, départementaux, municipaux, décisions. Les principes généraux du droit n’ont pas été classés dans cette hiérarchie, car ils ont, selon leur contenu, valeur constitutionnelle, législative ou réglementaire. …/… 8/ 3.2. L’interprétation des lois donnée par l’administration (« circulaires ») peut‐elle être attaquée devant le juge ‐ et si oui, au regard de quelles règles et critères – ou s’impose‐t‐elle à lui ? N’ayant pas encore été saisie d’une telle question, la Chambre Administrative ne s’y est pas prononcée. Toutefois, la jurisprudence du Conseil d’Etat français du 29 janvier 1954, Institution Notre Dame du Kreisker qui a fait la distinction entre la circulaire interprétative et la circulaire réglementaire, seule susceptible de recours pour excès de pouvoir, est de nature à aider à résoudre éventuellement la question si elle venait à se poser. 3.3. L’interprétation des traités donnée par l’administration s’impose‐t‐elle également au juge ? N’ayant pas encore été saisie d’une telle question, la Chambre Administrative ne s’y est pas prononcée. 3.4. Caractériser, au regard de quelques exemples tirés de la jurisprudence, la portée et l’intensité du contrôle opéré par le juge : le juge de l’administration pratique‐t‐il un contrôle de proportionnalité entre les motifs d’une décision administrative et le contenu de cette décision ? On pourra notamment penser à des exemples retenus en matière de police ou de droit de l’urbanisme. Le niveau d’intensité du contrôle du juge de l’administration peut s’appréhender à travers trois cas de figure. ‐
Premier cas : contrôle de la matérialité des faits. Dans la grande majorité des cas, le juge vérifie si les faits sont établis ce qui conduit à l’annulation de la décision attaquée. Par contre, si les faits ne sont pas établis à la suite de son contrôle, la requête est rejetée (31 mai 2006 Goa Ohoussou Benjamin c/ Ministre de l’intérieur ; 26 juillet 2006, Eglise méthodiste unie c/ Ministre du Travail et de la Fonction Publique : annulation des décisions administratives pour faits matériellement inexacts ; 29 juin 2005 Koffi Kouassi c/ Ministre de la Fonction Publique : rejet de la requête ; les faits reprochés au requérant étant établis). …/… 9/ ‐
Deuxième cas : refus de contrôler les motifs des actes relatifs aux questions techniques ou de sécurité nationale, Le juge déclare généralement que les motifs de certaines décisions ne peuvent être discutés par la voie de l’excès de pouvoir (11 décembre 1970, Audran Claudie : refus d’apprécier les notes à un examen ; 20 mars 1968 Droh Kessé : refus d’apprécier la valeur d’épreuves ; 28 janvier 1998 Docteur Etté Elisabeth : refus d’apprécier la valeur d’attestations produites pour un concours ; 20 avril 1988, Fadoul El Achkar Zouhait Michel : refus d’apprécier les motifs d’un acte d’expulsion d’un étranger).Cet arrêt précise qu’en matière de police des étrangers, l’administration dispose d’une compétence discrétionnaire et qu’il n’appartient pas au juge de l’excès de pouvoir d’apprécier si la présence de l’étranger constitue une menace pour l’intérêt et la sécurité de l’Etat . ‐
Troisième cas : contrôle de l’opportunité des décisions prises. Dans ce dernier cas, le juge vérifie l’opportunité des décisions prises. Deux arrêts, Néa Gahou Maurice du 15 mars 1989 et Dembélé Boua du 22 octobre 1992 illustrent cette attitude du juge. Dans l’espèce Néa Gahou Maurice du 15 mars 1989, il a annulé la décision administrative en raison d’une part d’une erreur dans la qualification des faits, et d’autre part, de la disproportion entre la faute commise et la sanction. Pour lui « un retard de quelques jours mis par le fonctionnaire pour rejoindre son poste d’affectation ne peut être regardé comme le refus de rejoindre son poste » qui « s’il constituait une faute disciplinaire, celle‐ci ne pouvait justifier le licenciement du fonctionnaire ». Dans l’espèce Dembélé Boua, le juge a annulé l’arrêté du maire portant interdiction générale des danses ‘’Sempa’’ au motif que les faits ne pouvaient justifier une telle mesure, alors surtout que la présence des forces de l’ordre pouvait prévenir toutes atteintes à l’ordre public. Au total, le juge a tendance à exercer très souvent le contrôle minimum (compétence de l’auteur, exactitude des faits…), et de façon exceptionnelle un contrôle maximum, l’examen de l’opportunité de la décision. C’est ce qui ressort dans l’un des considérant de l’arrêt Touré Nebetien du 18 décembre 2002 : « …le choix que fait le Ministre du Travail, de la Fonction Publique et de la Réforme Administrative entre plusieurs sanctions prévues par la loi pour réprimer une faute commise par un fonctionnaire relève du pouvoir discrétionnaire de cette autorité et n’est pas susceptible d’être discutée devant le juge de l’excès de pouvoir, sauf si la sanction est excessive ; ce qui n’est pas le cas en l’espèce». …/… 10/ 3.5. Le choix offert au juge est‐il seulement d’annuler la décision administrative contestée ou de rejeter la requête ? Peut‐il en outre modifier ou réformer la décision ? La Chambre Administrative, aux termes de l’article 54 alinéa 2 de la loi sur la Cour Suprême, connaît «en premier et dernier ressort, des recours en annulation pour excès de pouvoir formés contre les décisions émanant des autorités administratives ». En conséquence, le juge ne peut que soit, annuler la décision administrative contestée, soit rejeter la requête ou la déclarer irrecevable. Il ne peut ni modifier, ni réformer un acte administratif qui lui est soumis, une telle compétence n’étant pas prévue par le législateur 3.6. Lorsqu’il annule la décision, le juge fait‐il toujours produire effet à cette annulation à la date à laquelle la décision a été prise. Peut‐il moduler dans le temps les effets de l’annulation ? L’annulation de l’acte administratif a un effet rétroactif. L’acte annulé est réputé n’être jamais intervenu. Le juge ne peut pas moduler dans le temps les effets de l’annulation de l’acte. 3.7. De quels moyens le juge dispose‐t‐il pour imposer à l’administration l’exécution d’une décision à laquelle elle ne se conformerait pas spontanément ? Le juge ne dispose d’aucun moyen propre pour imposer à l’administration l’exécution d’une décision à laquelle elle ne se conformerait pas spontanément. Il ne peut pas se substituer à l’administration en cause pour prendre les mesures qui s’imposent et ne peut lui adresser des injonctions.