Atelier internet mai 2015 Le dialogue – en commençant par : « Tu

Transcription

Atelier internet mai 2015 Le dialogue – en commençant par : « Tu
Atelier internet mai 2015
Le dialogue – en commençant par :
« Tu viens boire un café ? »
Une balade à vélo
- « Tu viens boire un café ? »
J'attendais cette proposition depuis un bon moment et j'éprouve un grand soulagement. Cela fait trois
heures que je pédale dans le haut Beaujolais avec mon complice J.F. Les bosses ont été éprouvantes et une
courte pause n'est pas faite pour me déplaire.
Nous nous installons sur la terrasse au bar du col des Écharmeaux et, fier de mon savoir, je dis à mon
ami :
- « Tu sais que ce col a été le premier à être gravi par le premier Tour de France en 1903 ? C'était lors de
la première étape Paris – Lyon. Tu parles d'un kilométrage, sur quelles routes et sans assistance ! C'est bien
fini tout ça. »
Devant nos tasses de café copieusement sucrées nous sentons nos cuisses se décontracter pendant que nos
petites reines prennent du repos à l'ombre.
Non loin, sur le carrefour, se dresse la statue de Napoléon, regard dirigé vers la Corse.
J.F., très dubitatif, me dit :
- « Elle est vraiment laide cette statue. Son auteur, Jean Molette, n'était qu'un amateur puisqu'il exerçait le
métier de sabotier dans ce même village. Il a aussi réalisé d'autres œuvres de même facture. Pas terrible tout
ça !
- Oui, et il a subi nombre de critiques concernant sa représentation naïve de l'empereur. Que veux-tu,
c'était un autodidacte.
- Mais Jean Molette était un inconditionnel de Napoléon 1er, ce qui l'a amené tout naturellement à réaliser
cette statue ; et il faut reconnaître que pour le village c'était formidable.
Mon copain tend le doigt vers la statue et poursuit :
- « As-tu remarqué que c'est la main gauche qui est portée au gilet de l'empereur contrairement à ce qui
est représenté habituellement ?
- Bien sûr ! Et notre Molette ne s'est jamais remis de ce qu'il a considéré comme une erreur. On dit même
qu'il se serait suicidé à cause de ça.
- Oh ! Tu sais, on affirme parfois la même chose de Soufflot, l'architecte du Panthéon à Paris et de bien
d'autres monuments. As-tu observé que lorsque tu te trouves face au Panthéon, tu croirais que les colonnes
de la façade convergent vers un point situé très en hauteur ? Une illusion d'optique produite par l'effet de
perspective et ses fameuses lignes de fuite. »
Pour montrer que moi aussi j'en connais un rayon, je lui réplique :
- « Soufflot aurait dû demander conseil aux Grecs anciens. À cette époque les bâtisseurs connaissaient ce
phénomène et ils savaient y remédier. Les bases et les architraves des temples étaient légèrement incurvées
afin de paraître rectilignes pour l'observateur. Et les colonnes bénéficiaient, elles aussi, de petites
déformations savamment étudiées, dans le même but. Ce serait par dépit que Soufflot se serait tué.
- Si tous les gens qui commettent des erreurs refusaient de continuer à vivre, il n'y aurait plus grand
monde sur cette terre. Et plus personne pour nous gouverner. Tu ne crois pas ?
- Mais tu sembles oublier le destin funeste de Vatel le fameux cuisinier sous le règne de Louis XIV. Alors
qu'il préparait une réception pour Fouquet, dans son château de Vaux le Vicomte je crois, la marée tardait à
être livrée, ce qui a complètement désorganisé le banquet. Le déshonneur l'a poussé à se suicider pendant le
repas.
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- Tu parles d'un trouble-fête ! me répond mon copain, goguenard.
- Mais au lieu de discuter, nous pourrions peut-être finir nos cafés et penser à rentrer, tu ne crois pas ?
- Oui, la route est longue et nous commençons nous aussi à nous refroidir », me lance J.F. avec un certain
à-propos.
Nous enfourchons nos bécanes et nous nous lançons dans la descente du retour.
Alain Lecourt
Napoléon au col des Écharmeaux
A propos de ce texte, les ateliécourriélistes ont dit :
Texte tout simple et très agréable, merci, dont le thème principal est « comment gérer une erreur commise et
rendue publique ? »
Le café, un moment convivial, mais comment le meubler pour ne pas paraître insignifiant ou malpoli ?
A travers les textes, je découvre les passions des uns et des autres. Pour toi, je pense que tu aimes le vélo et
l’architecture.
C'est ainsi que nous apprenons le tragique destin de trois artistes,
La tête et les jambes pour cette sortie vélo et cette pause-café culturelle où la joute des mollets laisse place
au concours culturel.
Mais tes petites discussions entre amis ressemblent diablement à de mini cours d’histoire - ce dont je ne suis
guère friande. Toutefois tu es tout pardonné, car elles m’ont renvoyée d’une part au film de Roland Joffé
(Vatel, 2000), où j’ai trouvé que Depardieu était taillé pour le rôle, et parce que tu parles de Napoléon.
Du point de vue de la construction du dialogue, je me demande s’il était nécessaire d’introduire les répliques
de chacun par ce type de phrase : « il me dit… » « Je lui réponds… » tu les as d’ailleurs abandonnées vers la
fin du récit et le dialogue se suffit à lui-même.
Conteurs ou professeurs ? Le vélo ça muscle les jambes et ça ouvre les esprits !
Donc, même les plus grands ne sont pas exempts d’erreurs. Ce qui vérifie le proverbe que l’erreur est
humaine. Ouf ! ça rassure !
Ça ressemble aux routiers mélomanes de Jean Yanne et Paul Mercey.
Un jour, je vais sûrement aller me planter devant le Panthéon pour y observer ces « fameuses lignes »
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