ELLE BELgiquELancE TOucHE PaS a Ma POTE

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ELLE BELgiquELancE TOucHE PaS a Ma POTE
elleinfo
Contre le sexisme
ELLE Belgique lance TOUCHE PAS A MA POTE
ELLES ONT DIT OUI TOUT DE SUITE
Une campagne pour dire stop aux insultes et au harcèlement, d’où qu’ils viennent.
Pour marteler le droit de chacune à être respectée. Et pour mieux vivre ensemble.
Si vous n’avez pas entendu
parler de Sofie Peeters, c’est
que vous avez passé vos vacances sur
Mars. Conçu au départ comme un travail de fin d’études, son film « Femme
de la rue » a fait le tour des JT et attiré
sur son auteure les foudres du groupuscule islamiste Sharia4Belgium, dont le
site a ensuite été hacké. L’étudiante en
réalisation de l’école Rits, rue Dansaert,
s’est retrouvée malgré elle au cœur d’un
véritable feuilleton en forme de cyclone
médiatique. Grâce à une caméra cachée,
son film, qui révèle le harcèlement et
les insultes auxquelles la jeune néerlandophone de Bruxelles doit faire face
lorsqu’elle sort de chez elle et marche
Sofie Peeters. Son film
sur le boulevard Lemonnier, a libéré
« Femme de la rue »
la
paroles de milliers de femmes. De la
a libéré la parole de
bloggeuse féministe Maïa Mazaurette à
nombreuses femmes.
nos collègues de ELLE France, chacune
ou presque a son anecdote à raconter. Il y est question de gestes
obscènes, de paroles humiliantes. D’une forme de violence que
des femmes subissent avec résignation, pas seulement dans
le bas de la ville, à Bruxelles, mais aux quatre coins de la planète (sauf, paraît-il, à Stockholm ou à New York, ce qui est à
creuser…). Témoignages et analyses ont enflammé les réseaux
sociaux et la presse. De nombreux médias parlent désormais
d’Anneessens comme d’un haut lieu du sexisme. Une réaction
en chaîne depuis la diffusion, en juillet, du film sur la flamande
VTM et la mise en ligne sur Youtube.
Très vite, les racistes et les antiracistes ont tenté de récupérer le
débat, malgré les précautions prises par Sofie Peeters, consciente
que les hommes qui la traitaient de « chienne » ou de « salope »
étaient essentiellement d’origine allochtone, « mais pas, précisait-elle d’emblée, représentatifs de cette communauté ».
Et surtout, sans doute, vivant dans la précarité. Une ministre
– Joëlle Milquet – a parlé d’une loi contre le sexisme. Un échevin bruxellois – Philippe Close – annoncé la mise en œuvre
d’amendes administratives dès ce mois de septembre. La porteparole de la police a encouragé les victimes de cette inacceptable
Les 35 000 exemplaires
du Spécial Mode de
septembre de ELLE
Belgique portent un sticker.
10 000 de plus seront
distribués. Vous souhaitez
en recevoir d’autres ?
Ecrivez à [email protected].
En 1984, ils introduisaient SOS Racisme en Belgique et,
avec lui, la petite main « Touche pas à mon pote » qui a
inspiré cette campagne. Patrick Vastenaekels, Yanic Samzun
et Louis Grippa se réjouissent de ce détournement.
« À l’époque, notre message était humaniste : chacun a
droit au respect, personne ne peut être discriminé, insulté ou
victime de violence sur la base de sa couleur de peau ou
de son appartenance culturelle. Un message hélas
encore bien d’actualité. Ce vivre ensemble implique
automatiquement le droit pour les femmes de se déplacer
dans l’espace public sans être dérangées, et encore moins
harcelées ou insultées. Tolérance zéro pour le racisme,
tolérance zéro pour le sexisme ! C’est le même combat. »
Tolérance zéro pour le racisme, tolérance zéro
42 ELLE BELGIQUE septembre.12
Presse
RACISME, SEXISME :
MÊME COMBAT !
Elles étaient en vacances mais ont embrayé directement
sur l’idée : ces femmes sont les marraines de la campagne,
qu’elles ont notamment contribué à financer par le principe
du crow funding. Elles expliquent pourquoi.
_ Fadila Laanan, ministre de l’égalité des chances
de la Fédération Wallonie-Bruxelles, à l’initiative d’un projet
d’éducation à la vie relationnelle et sexuelle dans les écoles.
« Cette campagne ‘Touche pas à ma pote’ est importante
car ce sont toujours les femmes qui ont fait le mieux avancer la
cause des femmes, comme ce fut le cas pour l’avortement ou
le droit de vote. La banalisation des injures faites aux femmes
dans l’espace public est un vrai problème de société. Le fait
Fadila Laanan
d’être belle et de s’habiller comme on le souhaite peut-il être
vu comme une provocation par les hommes ? »
Isabella Lenarduzzi
_ Isabella Lenarduzzi, fondatrice du Forum Jump !
et impliquée dans la diffusion en Belgique de la campagne
« Touche pas à mon pote » dans les années 80.
« Si la Belgique est relativement exemplaire en matière de
lutte contre le racisme, notamment grâce à la loi Moureaux,
aucune loi contre le sexisme n’a encore vu le jour, malgré
l’engagement de notre gouvernement. Aucune loi n’interdit
de faire n’importe quoi avec les femmes, c’est inacceptable.
Je soutiens à fond cette campagne visant à garantir le respect
de chaque individu et rappeler nos valeurs fondamentales ! »
_ Vivivane Teitelbaum, Présidente du Conseil des
Femmes francophones et parlementaire bruxelloise (MR).
« Le 9 juillet 2006, durant la finale de foot Italie-France,
Zinedine Zidane assène un coup de boule à un joueur italien
pour défendre l’honneur de sa sœur insultée. Le Conseil des
Femmes ne donnera pas de coups mais s’entête : les insultes
sexistes sont l’expression d’un manque d’éducation,
de progrès et de modernité. Nous refusons de reculer encore !
Stop : touche pas à ma pote ! »
_ Céline Frémault, députée bruxelloise, présidente
des Femmes cdH.
« S’engager comme marraine aux côtés de ELLE Belgique,
c’est dénoncer sans tabous des comportements violents,
souvent obscènes, qui choquent, blessent et qui n’ont pas
lieu d’être au 21e siècle. C’est aussi clamer haut et fort que le
respect à l’égard de toute femme est non négociable.
C’est enfin défendre l’avenir de mes trois filles afin qu’elles
Vivivane Teitelbaum
n’aient jamais peur du regard ou de la parole d’un homme
dans la rue, au bureau ou chez elles, et dire à mon fils qu’il
n’est pas immunisé dans ce combat. Un monde sans
Céline Fremault
sexisme, c’est prioritairement un quotidien sécurisé, dénué
de stratégies d’évitement de certains lieux. Un monde sans
sexisme, c’est un quotidien où mes filles ou les vôtres peuvent
être ‘elles’ avec fierté et sans crainte de l’injure. »
pour le sexisme : c’est le même combat.
elleinfo
Béa Ercolini
En face du Palais de Justice
de Bruxelles, les Hollaback !
réclament une ville plus sûre.
Réagir au sexisme dans la rue
Faire face aux insultes ou au harcèlement, cela doit aussi devenir
une manière d’être. Sans se mettre en danger bien entendu.
- La réponse des Hollaback! Un mouvement international
né à New York et qui a gagné Bruxelles. Parmi les membres de
l’équipe, une féministe convaincue qui, en arrivant d’Allemagne,
a été choquée par le harcèlement dans nos rues.
Une diplômée de l’ULBqui tente de comprendre quelles sont
les causes, les conséquences et les moyens de lutter contre le
harcèlement. Une artiste américaine, «activiste née», qui dit n’avoir
jamais connu de comportements aussi agressifs et pervers que
chez nous. Une écrivaine qui, vivant à Bruxelles, a aussi des histoires
à raconter. Et puis des volontaires, filles comme garçons, qui veulent
faire changer les choses. La cellule bruxelloise a créé un site ou
les victimes de misogynie mais aussi d’homophobie sont invitées à
témoigner. Elle propose aussi des réactions au harcèlement :
«Ne me sifflez pas, c’est du harcèlement», «Arrêtez de me suivre»,
« Ne parlez pas comme ça aux femmes dans la rue, elles n’aiment
pas ça, c’est un manque de respect », «Vous, avec la chemise bleue,
arrêtez de me toucher». Mieux vaut, paraît-il, dire ce qui dérange
que de se mettre à insulter....
_ brussels.hollaback.org.
- La réponse de Garance L’asbl, active dans la prévention
des violences faites aux femmes, remettra le 25 septembre
une brochure de recommandations aux politiques impliqués
dans les décisions urbanistiques.
_ www.garance.be
Rien ne justifie
d’abandonner les
femmes, les jeunes filles,
qu’elles soient Belges
de souche ou
d’adoption, à cette
forme de violence.
44 ELLE BELGIQUE septembre.12
- Et, en guise de mot de la fin,
notre chroniqueuse Elisabeth Clauss
« Celui qui a dit ‘La meilleure défense c’est l’attaque’
n’avait pas en face de lui un tas de muscles
gonflé à la testostérone frelatée et les neurones
démissionnaires. Les filles le savent, neuf fois sur dix,
la surdité est la meilleure réaction aux insultes liées
au plus vieux métier du monde. Quand une menace
physique se joint aux injures, les mots peuvent servir de bouclier.
De même qu’à l’injonction ‘Donne ton fric’, il faut répondre ‘Chèque
ou carte de crédit ?’, à ‘Tu suces ?’, un petit ‘Seulement les jours impairs
et avec des baguettes chinoises’ créé la surprise qui laisse le temps
de prendre la tangente. On évite cependant les saillies du genre
‘Ah c’est marrant, je ne te voyais pas avec une femme’.
D’abord ça énerve deux fois plus. Ensuite, vu les termes qui vont
pleuvoir, ça va nous obliger à lancer dans la foulée une campagne
contre l’homophobie. Laissez-nous souffler pendant un ou deux
numéros, SVP ! Si on n’a vraiment plus d’autre choix, un bon coup dans
les roustons, ça fait toujours la blague. Veiller à mettre rapido sa tête
sur le côté pour éviter le coup de boule de l’agresseur promu soprano
qui va se plier en deux. L’homme qui invective dans la rue ne fait que
réagir primitivement à la peur que la féminité lui inspire.
C’est son problème. Que ça ne devienne pas le vôtre. »
Presse
misogynie à porter plainte… Bousculée par ces remous, la jeune
néerlandophone de Bruxelles a préféré quitter son quartier et
emménager dans une ville plus petite et plus calme.
Un sticker et des revendications À la rédaction comme
ailleurs, chacune a son histoire à raconter. Et son point de vue.
Oui, il est temps de faire sauter les tabous autour de l’attitude
relou de certains hommes. Non, ils ne sont pas tous d’origine
maghrébine. Oui, dans certains quartiers, l’insulte et la proposition indécente se sont généralisés, et ce sont surtout des
allochtones qu’on y croise. Non, cela ne doit pas nous mener
à l’islamophobie ou au racisme. Et non, non et non, ces grands
mots ne justifient pas d’abandonner les femmes, les jeunes filles,
qu’elles soient Belges de souche ou d’adoption, à une forme de
violence insidieuse. D’où l’idée d’une campagne sur un mode
sympa et non discriminant.
Les plus de 35 ans se souviennent de la petite main jaune de SOS
Racisme et de son slogan « Touche pas à mon pote ». Au milieu
des années 80, on a tous arboré le pin’s de cette campagne antiraciste qui, partie de France, essaima un peu partout en Europe. La
main jaune 2012 (redessinée par notre graphiste Valérie Prignot)
et son nouveau slogan s’imposent d’emblée : « Touche pas à ma
pote » sera le cri de ralliement de celles et ceux qui refusent le
sexisme autant que le racisme, et qui prônent la solidarité . Plus
question de laisser une fille se faire insulter sans intervenir ! Le
harcèlement, plus encore lorsqu’il a lieu dans la rue, est une
forme presque banale de violence basée sur le genre. Pourtant,
aucune loi ne le prend en compte. Tout le monde a le droit de se
sentir en sécurité. Personne ne doit être traité comme un objet.
Il est donc temps que les femmes qui font l’objet d’une attitude
sexiste soient entendues. Que leur plainte soit acceptée. Que les
autorités – communales et fédérales – mettent au point des mécanismes qui assurent le vivre ensemble, dans le respect de chacun.
Enfin, que les débats de l’été ne disparaissent pas avec la rentrée.
C’est tout cela qui rend cette campagne nécessaire et vitale.