Fiche synthèse culture - Apprendre à philosopher
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Fiche synthèse culture - Apprendre à philosopher
Fiche synthèse sur la culture SENS DU MOT CULTURE (≠ NATURE/IGNORANCE) La culture désigne d’une manière générale ce qui a été développé par l’homme, en opposition avec la nature. On peut distinguer 3 sens : 1) la culture de la terre : mettre en valeur artificiellement ce que la nature nous donne (terre cultivée ≠ sauvage) ; 2) le processus par lequel l’homme développe ses facultés, le savoir (homme cultivé ≠ ignorant) ; 3) les traditions, les manières de vivre et de penser propres à un peuple ou un groupe (ex. : culture française, japonaise, etc.) : on peut alors relever ce qui relève de la nature humaine (inné) et ce qui relève de la culture (appris). DEUX PROBLEMATIQUES 1) Existe-t-il une nature humaine ? Peut-on distinguer ce qui relève de la nature (= de l’inné ou de l’instinct) et ce qui relève de la culture (= appris) chez l’homme ? 2) Peut-on comprendre (ou juger objectivement) une autre culture ? 1) EXISTE-T-IL UNE NATURE HUMAINE ? ENJEU : La culture est intériorisée depuis l’enfance, si bien qu’elle devient comme « une seconde nature », comme le dit B. PASCAL. Or si l’on croit qu’une manière de vivre correspond à celle dictée par la nature, alors on en fait soit une norme universelle (et toutes les autres manières de vivre seront considérées comme contre-nature ou animales) soit une fatalité. QU’EST-CE QU’UN HOMME A L’ETAT DE NATURE ? Les philosophes politiques du XVII et XVIIIe comme Hobbes, Locke et Rousseau ont pensé la société comme résultant d’un contrat social entre des individus. Mais pour penser les termes de ces contrats, il faut penser ce qui a poussé les hommes à former un tel contrat : ils ont donc essayé de se représenter l’homme à l’état de nature, avant la formation de la société. Cet homme à l’état de nature est une fiction, une hypothèse (et non une enquête historique) pour pouvoir penser ce que nous a apporté la société. HOBBES ≠ ROUSSEAU : Selon Thomas HOBBES dans le Léviathan, « l’homme est un loup pour l’homme » et l’état de nature, (comme il n’y a pas de lois) est un état de guerre de tous contre tous. C’est la raison pour laquelle l’homme a fondé la société : afin de sortir de l’état d’insécurité lié à l’état de nature. Au contraire, pour J.-J. ROUSSEAU, c’est la société qui pervertit l’homme, qui développe la concurrence, l’envie, l’avidité, la jalousie, le vice chez l’homme, car à l’état de nature l’homme était vivait simplement et ignorer. Rousseau appelle la perfectibilité la caractéristique de l’homme de n’être pas déterminé par la nature mais d’avoir la capacité d’apprendre. Cette perfectibilité fait la noblesse de l’homme car elle fait de lui un être libre ; mais aussi son malheur, car l’homme peut alors mal agir, développer des vices, etc. A l’état de nature, l’homme n’était ni bon ni méchant, car il est seul et a peu de besoins ; c’est avec le développement de la société et du luxe qu’apparaissent les vices et les maux. ENFANT SAUVAGE. Il n’y a pas de sauvages dans le sens où toute société a développé une culture. Mais certains enfants ont grandi à l’écart de la culture. L’observation des enfants sauvages, comme Victor de l’Aveyron, semble nous montrer d’après Jean Itard ou Lucien Malson, que l’homme ne peut devenir pleinement humain (développer la parole, la raison, etc.) qu’à travers une éducation, c’est-à-dire une culture. Cf. LIBERTE et NATURE. On peut opposer le déterminisme biologique (l’homme est déterminé par sa nature à agir d’une certaine manière) au déterminisme social (la manière dont vit l’homme est déterminé par l’histoire, la société – thèse défendue par Karl Marx) et au librearbitre (l’homme décide librement qui il est, rien dans les gênes ou son histoire ne peuvent déterminer ce qu’il sera – thèse défendue par J.-P. Sartre). Fiche synthèse sur la culture L’homme n’a pas de nature La culture prolonge la nature Le mythe de Prométhée dans le Protagoras de Platon : l’homme a été oublié dans la distribution des qualités naturelles par Epiméthée : il est un être nu. C’est pourquoi Prométhée a volé le feu et le savoir-faire technique à Héphaïstos pour le donner aux hommes afin de compenser cette faiblesse. -> Tandis que l’homme ne sait rien faire naturellement, il possède la capacité d’apprendre et de développer la technique. Lucien Malson, Les enfants sauvages. L’observation des enfants sauvages, comme Victor de l’Aveyron, montre que l’homme n’a pas d’un instinct. Son comportement est entièrement façonné par une culture qu’il a intériorisée. L’homme, avant l’éducation « n’est qu’une espérance ». L’hérédité biologique ne suffit pas à faire un homme, elle n’est qu’un ensemble de possibilités ; il faut aussi un héritage culturel. J.-P. Sartre. L’homme n’a pas été conçu à la manière d’un coupepapier selon un schéma préexistant : il s’invente lui-même par ses actes. En affirmant, dans L'existentialisme est un humanisme, « qu’il y a au moins un être chez qui l’existence précède l’essence, un être qui existe avant de pouvoir être défini […] cet être c’est l’homme », Sartre s’oppose à la fois au racisme et au sexisme. Le racisme et le sexisme reposent, en effet, sur l’illusion qu’il existe une essence de la femme, de l’Arabe, du Chinois, du Juif qui précéderait leur existence et les détermineraient à être comme ceci ou comme cela. Par exemple, comme s’il était dans la "nature" de la femme d’avoir des enfants, de rester au foyer, d’être intuitive plutôt qu’intellectuelle, etc. ; comme il serait, selon les clichés, dans la nature "du" Noir (comme s’ils étaient tous identiques) d’avoir le rythme dans le sang, de "l’"Arabe d’être fourbe, "du" Juif d’aimer l’argent, et autres idées stupides. L’homme au contraire se fait lui-même. « L'homme est condamné à être libre » affirme Jean-Paul Sartre dans L'existentialisme est un humanisme. Certes l’humain est toujours en situation, mais cette situation ne le détermine pas absolument à agir de telle ou telle manière. Il peut, dans une certaine mesure, s’abstraire de cette situation. « L’important, ce n’est pas ce qu’on a fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu’on a fait de nous. » Sartre, Saint Genet, comédien et martyr. Cependant, s’il n’existe pas de nature humaine, il existe une condition humaine universelle : tous les hommes sont confrontés à la mort, à la nécessité du travail, etc. C’est parce que cette condition humaine est universelle que tous les hommes sont capables de se comprendre, malgré les différences culturelles. J.-J. Rousseau, Émile ou De l’éducation (1762). L’enfant est encore proche de l’état de nature, car il n’est pas encore perverti par civilisation. L’éducation doit accompagner et encourage la curiosité naturelle de l’enfant. L’homme est un être libre et perfectible, c’est-à-dire non déterminé par sa nature et capable d’apprendre, ce qui fait sa noblesse, mais c’est aussi ce qui fait son malheur car il peut décider de mal agir ou cultiver des vices et des excès. Aristote, Les Politiques. D’après Aristote, l’homme est un animal politique, c’est-à-dire un être par nature sociable, qui ne peut devenir pleinement humain qu’en relation avec ses semblables. Il a par ailleurs naturellement le désir de savoir. C’est en accomplissant sa nature qu’il peut trouver le bonheur. C’est la vocation de l’homme de développer sa raison et de vivre en société. Karl Marx. Selon Karl Marx, dans Les thèses sur Feuerbach, « l’homme, c’est l’ensemble des rapports sociaux ». Cela signifie qu’il n’y a pas de nature universelle et anhistorique de l’homme : l’homme est un produit de l’histoire, de son époque et de sa société. Il ne vivra pas, il ne pensera pas de la même manière selon les époques, du fait que l’organisation sociale sera différente. C’est pourquoi Marx affirme dans L’idéologie allemande : « ce n’est pas la conscience qui détermine leur existence sociale ; c’est au contraire leur existence sociale qui détermine leur conscience. » L’homme n’est pas un être libre (car sa conscience est déterminée par sa vie sociale) et n’a pas de nature éternelle (car il est un produit de l’histoire). La culture refoule la nature Freud, Malaise dans la culture. La nature, selon Freud, est du côté des pulsions et des passions animales au sein de l’homme. Ces passions étant potentiellement dangereuses, il s’agit de les dompter. La civilisation repose sur la domestication de ces instincts. Elle est, d’une certaine manière, contre nature. Civiliser l’homme, ce n’est pas accompagner le développement de la nature humaine, comme le pense Aristote, mais au contraire inhiber et réprimer la nature. L’esprit doit apprendre à dominer le corps. Les pulsions sexuelles sont refoulées par la culture. T. Hobbes, Le Léviathan. Les hommes poursuivent naturellement leur intérêt. C’est pourquoi nous avons besoin de lois pour vivre ensemble et d’un Etat dont le pouvoir est incontesté. La société est une nécessité et non une vocation naturelle de l’homme : elle est le résultat d’un contrat artificiel entre des hommes potentiellement ennemis. Fiche synthèse sur la culture 2) PEUT-ON JUGER OBJECTIVEMENT UNE AUTRE CULTURE ? PROBLEME : D’un côté, l’ethnologie, pour comprendre objectivement, scientifiquement, les autres cultures, doit mettre de côté les jugements de valeurs. D’un autre côté, si l’on s’abstient de tout jugement, ne tombons-nous pas dans le « relativisme culturel » selon lequel tout se vaut, ce qui nous amènerait à tolérer des atrocités sans les dénoncer ? La raison est elle universelle ou cette prétention n’est-elle qu’un alibi derrière justifiant l’impérialisme occidental ? Mais inversement, si elle n’est pas universelle, ne sommes-nous pas condamnés au relativisme et à l’impossibilité de critiquer la moindre injustice ? RELATIVISME CULTUREL. C’est l’argument des communautaristes, selon lesquels les valeurs de la raison seraient des valeurs occidentales, non des valeurs universalisables. Si l’on refuse d’admettre l’universalité de la raison, cela signifie que l’on admet que les différents peuples sont condamnés à ne pas se comprendre. Les diverses cultures sont alors condamnées au mieux à se tolérer au pire à se combattre, comme le soutient Samuel Huntington dans le Choc des civilisations. En tous cas, il devient difficile d’envisager la possibilité d’un état multiculturel. Et la ghettoïsation devient un destin. ETHNOCENTRISME, COLONIALISME. Au contraire, le risque de prôner des valeurs universelles est d’imposer un style de vie à l’homme, sous prétexte que ce style de vie serait supérieur, comme le prétendait le colonialisme. Dans Race et Histoire (1952), Lévi-Strauss critique l’ethnocentrisme, c’est-à-dire l’attitude consistant à juger une autre culture à partir des valeurs de la sienne. Les hommes ont tendance à confondre la manière de vivre et de pensée propre à leur culture avec une supposée nature humaine : ils établissent ainsi leurs valeurs culturelles en normes universelles et rejettent les autres manières de vivre hors de l’humanité, les traitant de « sauvages » ou de « barbares ». Or toute culture, montre Lévi-Strauss, possède des règles de vie complexes, séparant l’homme de la nature : en ce sens, il n’y a pas de sauvages. Toute culture est critiquable, aucune n’est parfaite : critiquer l’élément d’une culture, ce n’est pas condamner une culture dans son ensemble. Les cultures ne forment pas une unité immuable : l’unité est une fabrication politique et mythique plutôt que réelle. Il y a des souscultures ou même des contre-cultures. Pendant un temps, on étudiait les cultures comme un tout formant un système et constituant une « vision du monde » propre. Cependant, les cultures se transforment en permanence selon les circonstances et les interactions du moment. LIBERALISME. Le libéralisme politique de J. S. MILL permet de penser l’instauration de règles de justice neutres d’un point de vue moral (chacun peut vivre comme il l’entend du moment qu’il ne nuit pas à autrui) maximisant la liberté individuelle et permettant la coexistence au sein d’une même société de différentes conceptions du monde. La justice ne devrait pas alors être fondée sur des valeurs morales et culturelles de bien et de mal, mais être le résultat d’une forme de contrat rationnel entre individus. Cependant la droite conservatrice et l’extrême gauche critiquent l’individualisme engendré par le libéralisme. ACCULTURATION ou CREOLISATION. Si la raison n’est pas universelle, si aucun accord n’est possible, alors les cultures ne peuvent pas se comprendre ni vivre ensemble. Or l’histoire de l’humanité, de fait, est constituée de rencontres, de partages et d’échanges à tous les niveaux. Les cultures n’ont jamais cessé de dialoguer entre elles. Toutes les grandes cultures se sont constituées d’emprunt à d’autres cultures (le Japon a emprunté les idéogrammes et le zen à la Chine, la France de la culture grecque et latine, etc.). Plutôt d’acculturation, pour parler de la rencontre entre les cultures, nous pouvons parler de « créolisation du monde », selon une expression d’Edouard glissant, poète antillais : la rencontre créative d’éléments hétérogènes. Le jazz en est un exemple. Edouard Glissant défend le concept d’une « identité-relation » ou une « identité-rhizome », constituée par la reconnaissance d’influences multiples à la source de la construction de cette identité, contre la conception d’une « identité-racine ».