C.14.0114.N

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C.14.0114.N
5 SEPTEMBRE 2014
C.14.0114.N/1
Cour de cassation de Belgique
Arrêt
N° C.14.0114.N
IMMO VINCENT, s.p.r.l.,
Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
contre
ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances,
Me Willy Van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation.
I.
La procédure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 27 février 2013
par la cour d’appel d’Anvers.
Le président de section Eric Dirix a fait rapport.
L'avocat général Christian Vandewal a conclu.
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II.
C.14.0114.N/2
Le moyen de cassation
La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants :
Dispositions légales violées
- articles 28sexies, 35, 35bis, 42, 61quater et 89 du Code d’instruction
criminelle ;
- article 4 de la loi du 17 avril 1878 contenant le titre préliminaire du
Code de procédure pénale.
Décisions et motifs critiqués
Les juges d’appel ont rejeté la défense de la demanderesse qui
invoquait en substance que, eu égard à la saisie pénale préalable, une saisie
exécutoire civile serait impossible et que, dès lors, le conservateur des
hypothèques aurait dû refuser l’inscription de la saisie exécution pratiquée à
la demande du fisc. Il est ainsi soutenu, en substance, qu’une saisie
immobilière exécutoire civile serait impossible après l’inscription d’une saisie
pénale.
Les juges d’appel ont rejeté cette défense sur la base de la motivation
suivante :
« Il ressort en outre des pièces produites et des explications données
que le 14 janvier 2010 le fisc a bien fait inscrire son hypothèque légale sur le
bien immeuble précité du chef de la dette d’impôt susdite et qu’ensuite la saisie
pénale conservatoire pratiquée sur ce bien a été signifiée par exploit d’huissier
du 23 janvier 2010 (en réalité du 23 mars 2010) en application de l’article
35bis du Code d’instruction criminelle à la requête du procureur du Roi à
Anvers.
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C.14.0114.N/3
Cette saisie pénale conservatoire a été pratiquée en exécution d’une
ordonnance rendue le 15 décembre 2009 par le juge d’instruction P. Van
Santvliet du tribunal de première instance d’Anvers dans le cadre d’une
instruction judiciaire à charge de P.A. et consorts du chef de « faux en
écritures, blanchiment, organisation criminelle, détournements d’actifs,
infractions à la législation sur les faillites », en vue d’une confiscation
éventuelle de ce bien immeuble du fait qu’il existe des indices suivant lesquels
ce bien a été acquis en tout ou en partie au moyen de sommes provenant de
délits.
Ni l’arrêté royal n° 260 du 24 mars 1936 invoqué par la demanderesse,
ni l’article 4 du titre préliminaire du Code de procédure pénale – qui n’est pas
même applicable dans des litiges relatifs à l’exécution de titres exécutoires –,
ni la finalité de la saisie pénale conservatoire n’empêchent qu’en l’espèce, sur
les poursuites introduites par le créancier hypothécaire inscrit avant cette
saisie pénale, qui est en l’espèce le fisc, la procédure de saisie exécution
immobilière (en paiement de la dette fiscale existante) soit pratiquée et
poursuivie sur ce même bien immeuble et que celui-ci puisse être mis aux
enchères par un notaire désigné à cette fin.
C’est à tort et sans aucun motif légal – l’adage invoqué ‘le criminel
tient le civil en état’ n’est pas applicable en l’espèce – que la demanderesse
soutient qu’à défaut de levée de cette saisie pénale conservatoire demandée au
juge d’instruction, la saisie immobilière exécutoire civile ne serait pas
possible.
Le ministère public, tout comme le fisc et d’autres créanciers, pourra
simplement faire valoir devant le notaire instrumentant ses droits prétendus
sur le produit résultant de la vente publique.
La saisie exécutoire immobilière pratiquée par le fisc a donc été
transcrite, à juste titre, par le conservateur des hypothèques dès lors que la
saisie pénale ne constitue pas une saisie exécutoire mais une saisie
conservatoire et que seule une saisie immobilière exécutoire déjà transcrite
peut faire obstacle à une nouvelle transcription d’une saisie immobilière
exécutoire sur le même bien immeuble.
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C.14.0114.N/4
C’est à tort que la demanderesse soutient, en outre pour la première
fois en degré d’appel et en-dehors des limites de l’objet de l’opposition qu’elle
a formée, que le notaire devrait refuser son ministère en application de
l’article 3, 2°, du code de déontologie des notaires ».
Griefs
En vertu de l’article 35 du Code d’instruction criminelle, le procureur
du Roi se saisira de tout ce qui paraîtra constituer une des choses visées aux
articles 42 et 43quater du Code pénal et qui peut être confisqué.
Conformément à l’article 35bis du Code d’instruction criminelle, lorsque les
choses paraissant constituer un avantage patrimonial tiré d’une infraction sont
des biens immeubles, la saisie immobilière conservatoire sera faite par exploit
d’huissier signifié au propriétaire et contenant, à peine de nullité, une copie du
réquisitoire du procureur du Roi ainsi que les différentes mentions visées aux
articles 1432 et 1568 du Code judiciaire et le texte du troisième alinéa de
l’article 35bis du Code d’instruction criminelle. L’exploit de saisie devra être
présenté à la transcription, le jour même de la signification, au bureau des
hypothèques de la situation des biens. La saisie immobilière conservatoire est
valable pendant cinq années prenant cours à la date de sa transcription, sauf
renouvellement pour le même terme sur présentation au conservateur, avant
l’expiration du délai de validité de la transcription, d’une requête établie en
double exemplaire par le procureur ou le juge d’instruction compétent. La
saisie est maintenue pour le passé par la mention succincte en marge de sa
transcription pendant le délai de validité de celle-ci de la décision judiciaire
définitive ordonnant la confiscation du bien immobilier. La radiation de la
saisie immobilière conservatoire peut être accordée par le procureur ou le
juge d’instruction susvisés ou, le cas échéant, par le bénéficiaire de la
confiscation, ou peut aussi être ordonnée par décision judiciaire.
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C.14.0114.N/5
Aux termes de l’article 89 du Code d’instruction criminelle, les
dispositions des articles 35, 35bis, 35ter, 36, 37, 38, 39 et 39bis concernant la
saisie des objets dont la perquisition peut être faite par le procureur du Roi,
dans le cas de flagrant délit, sont communes au juge d’instruction.
Aux termes de l’article 28sexies, § 1er, du Code d’instruction criminelle,
toute personne lésée par un acte d’information relatif à ses biens peut en
demander la levée au procureur du Roi
Aux termes du paragraphe 3 de ce même article, le procureur du Roi
peut rejeter la requête s’il estime que les nécessités de l’information le
requièrent, lorsque la levée de l’acte compromet la sauvegarde des droits des
parties ou des tiers, lorsque la levée de l’acte présente un danger pour les
personnes ou les biens, ou dans les cas où la loi prévoit la restitution ou la
confiscation desdits biens. Il peut accorder une levée totale, partielle ou
assortie de conditions. Toute personne qui ne respecte pas les conditions fixées
est punie des peines prévues à l’article 507bis du Code pénal.
Aux termes du paragraphe 4 de ce même article, la chambre des mises
en accusation peut être saisie dans les quinze jours de la notification de la
décision au requérant. La chambre des mises en accusation statue dans les
quinze jours du dépôt de la déclaration.
Conformément à l’article 89, alinéa 3, du Code d’instruction
criminelle, le recours visé à l’article 61quater ne peut être intenté que dans le
mois suivant la saisie visée à l’alinéa 1er de ce même article.
Il ressort de la lecture conjointe des articles précités ainsi que de
l’article 4 du titre préliminaire du Code de procédure pénale qu’en cas de
saisie pénale aucune saisie exécutoire n’est plus possible jusqu’à la fin de la
procédure pénale ou jusqu’à ce que la saisie pénale ait été levée.
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C.14.0114.N/6
En décidant que rien n’empêche en l’espèce que, sur les poursuites du
créancier hypothécaire inscrit avant la saisie pénale, qui est en l’espèce le fisc,
la procédure de la saisie exécution immobilière (tendant au paiement de la
dette d’impôt existante) soit pratiquée et maintenue sur ce même bien
immeuble et que ce bien puisse être mis en vente publique par le notaire
désigné à cette fin, et que la saisie exécution immobilière pratiquée par le
défendeur a donc été transcrite à bon droit par le conservateur des
hypothèques, et en déclarant ainsi l’opposition de la demanderesse ainsi que
son appel non fondés, les juges d’appel n’ont pas légalement justifié leur
décision et ont violé l’ensemble des dispositions légales visées en tête du
moyen.
III.
La décision de la Cour
1. En vertu de l’article 35 du Code d’instruction criminelle, le procureur
du Roi se saisira de tous les avantages patrimoniaux tirés de l’infraction. Cette
saisie tend à garantir la possibilité d’une éventuelle confiscation de ces choses.
2. Conformément à l’article 35 du même code, la saisie pénale sur les
biens immeubles sera faite par exploit d’huissier signifié au propriétaire et
présenté à la transcription le jour même de la signification au bureau des
hypothèques de la situation des biens. La transcription prendra date au jour de
la remise de cet exploit.
3. Ni une telle saisie pratiquée sur un bien immeuble ni la confiscation
ne peuvent, en principe, déroger aux droits des créanciers dont l’hypothèque a
été transcrite au bureau des hypothèques avant la date de la transcription de la
saisie. Ces créanciers peuvent, dès lors, nonobstant la saisie pénale, exercer
leurs titres exécutoires sur le bien immeuble.
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C.14.0114.N/7
4. Les juges d’appel ont constaté que :
- le 14 janvier 2010, l’État belge, défendeur, a fait inscrire une
hypothèque légale sur le bien immeuble au raison de dettes fiscales ;
- par exploit du 23 janvier 2010, le procureur du Roi a, conformément à
l’article 35bis du Code d’instruction criminelle, fait une saisie pénale sur ce
bien immeuble ;
- par exploit du 15 octobre 2010, le receveur a pratiqué une saisieexécution sur ce bien.
5. Les juges d’appel ont légalement justifié leur décision que la saisie
pénale ne fait pas obstacle à la saisie-exécution du défendeur.
Le moyen ne peut être accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux dépens.
Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où
siégeaient le président de section Eric Dirix, président, les conseillers Beatrijs
Deconinck, Alain Smetryns, Bart Wylleman et Koenraad Moens, et prononcé
en audience publique du cinq septembre deux mille quatorze par le président de
section Eric Dirix, en présence de l’avocat général Christian Vandewal, avec
l’assistance du greffier Kristel Vanden Bossche.
5 SEPTEMBRE 2014
Traduction
établie
C.14.0114.N/8
sous
le
contrôle
du
président de section Christian Storck et
transcrite avec l’assistance du greffier Patricia
De Wadripont.
Le greffier,
Le président de section,