Interview Famille Chrétienne - Elisabeth Morin

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Interview Famille Chrétienne - Elisabeth Morin
« Au Parlement européen, le
pape François a écrit une
page d’histoire » Interview
Famille Chrétienne
Interview pour le magazine Famille Chrétienne
Député européen, la Française Élisabeth Morin-Chartier juge
historique la visite du pape François, le 25 novembre, au
Parlement européen à Strasbourg. Membre du Parti populaire
européen, elle estime que le pape a su s’adresser à tout
l’hémicycle avec une réelle hauteur de vue. Interrogée par
I.MEDIA, elle revient également sur le courage avec lequel ce
pape profondément européen à ses yeux s’est exprimé devant
l’assemblée.
Vingt-six ans après la visite de Jean-Paul II, le Parlement
européen a accueilli la visite d’un autre pontife. Comment
l’élue et la chrétienne que vous êtes a vécu ces quelques
heures ?
J’ai vécu cette matinée en ayant la profonde conscience d’être
dans un moment historique. Qu’un pape vienne ici pour la
deuxième fois est quelque chose d’exceptionnel. Comme député
et questeur, j’ai vécu un véritable événement et c’est à mes
yeux une page d’histoire qui s’est écrite.
Cela n’était pas gagné. Quelques-uns se sont vivement opposés
à cette visite… Ces gens-là ont fait beaucoup de bruit avant
et, finalement, chacun a été capté par la parole du pape, car
il a su s’adresser à tout le monde dans l’hémicycle.
Les
sujets
qu’il
a
abordés
touchaient
chacun,
individuellement, car il a eu ce regard humain et une entrée
anthropologique. Il avait aussi des analyses politiques qui
touchaient chaque groupe politique, sans pour autant que l’on
tombe dans ces discours faciles où l’on accumule des messages
racoleurs.
Salué par une ovation, son discours n’était pourtant pas
tendre avec les institutions européennes. L’avez-vous trouvé
trop pessimiste ?
Il a en effet énoncé certaines vérités qu’il nous fallait
entendre, y compris lorsqu’il a évoqué l’éloignement des
institutions par rapport à la population. Mais il a dit tout
cela avec une réelle hauteur de vue, sur la dignité et la
transcendance, nous appelant nous-mêmes à être dignes et à
nous transcender dans notre action politique.
C’était un discours de très haute philosophie, sur le ciel et
la terre, Platon et Aristote, L’École d’Athènes (de Raphaël,
ndlr), un discours absolument magnifique, à la fois très
théorique et tellement concret. Lorsqu’il a évoqué L’École
d’Athènes, nous avons tous vu devant nos yeux ce tableau et il
nous a ramenés à notre action politique dans ce monde, en la
resituant dans la globalité d’un contexte social et humaniste.
Le pape est profondément européen. Il n’est pas venu avec un
discours lénifiant.
Le retour aux valeurs des Pères fondateurs de l’Europe peut
éviter les extrémismes, a dit le pape. Ses propos, selon vous,
n’interviennent pas par hasard ?
Le langage était clair. Ce pape ne cède pas au populisme, au
dégoût et aux extrémismes. C’est un pape de l’ouverture et de
la mesure, et il est très important qu’il ait dit cela à cette
assemblée, issue des dernières élections.
Ce pape de l’hémisphère Sud est venu nous apporter une vision
mondiale de ce qu’est l’homme, et l’homme dans la société. Il
est profondément européen et n’est pas venu avec un discours
lénifiant. Si beaucoup de politiques avaient eu le courage de
dire ce que le pape a dit, nous n’en serions pas là
aujourd’hui avec les extrémismes.
Il n’a pas manqué de prononcer des mots en faveur de la
défense de la vie, mais sans jamais citer explicitement
l’avortement et l’euthanasie. Comment ont été reçus ces propos
dans l’enceinte du Parlement européen ?
Il a été très clair tout en n’utilisant pas des mots de
factions, devenus dans notre société aujourd’hui des mots qui
fracturent. C’est toute l’habileté du discours du pape qui,
parce qu’il a su sortir de ces mots clivant, de la
réappropriation des factions, qu’il a été applaudi par tous
les rangs de l’assemblée à la fin de son discours.
Voici sept ans que je siège ici, je n’ai jamais vu une telle
ovation ! J’ajouterai que le pape a fait, après son discours,
un petit signe extrêmement discret de bénédiction de
l’hémicycle. Nous avons été plusieurs à pleurer. Ce discret et
grand signe est pour nous un passage de témoin qui nous oblige
à agir.
Antoine-Marie Izoard, I.MEDIA