3 La fixation de l`affaire devant la Cour en matière civile

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3 La fixation de l`affaire devant la Cour en matière civile
Dossier
PROCÉDURES - REVUE MENSUELLE LEXISNEXIS JURISCLASSEUR - OCTOBRE 2013
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La fixation de l’affaire devant
la Cour en matière civile
Philippe GERBAY,
maître de conférences à la faculté de droit de Dijon,
avoué honoraire, codirecteur du Master 2 de Droit processuel
Malgré le décret Magendie, le délai pour obtenir un arrêt, ne cesse de s’allonger. Quel avenir réserver à la
procédure d’appel ? Les circuits accélérés, dont les contours tendent à se préciser, ne pourront remédier à
la situation actuelle.
1 - La célérité, un des piliers de réflexion des Rapports Magendie, se mesure indiscutablement à l’aune du délai écoulé entre
la déclaration d’appel et l’arrêt rendu. Si on défalque le temps du
délibéré, la fixation avec célérité de l’affaire au fond est essentielle. Selon le Rapport de 2008, dans l’hypothèse d’un appel
simple, sept mois devraient séparer l’acte introductif d’instance
de la fixation au fond de l’affaire 1. Mais le décret, à l’interprétation délicate, n’a pas tenu toutes ses promesses sous les effets
conjugués de la pénurie de magistrats devant les cours d’appel
et de l’absence de reprise dans les textes de l’obligation pour les
parties, et particulièrement l’appelant, de concentrer leurs
moyens lors du dépôt de leurs conclusions dans les délais
légaux. Il s’agissait pourtant d’un objectif du Rapport Magendie
II. La gestion du temps n’a pas été améliorée et le souhait de la
garde des Sceaux de l’époque, exprimé dans la lettre de mission
au président Magendie, à savoir rendre un arrêt dans un délai
raisonnable, n’a pas été exaucé.
La fixation rapide de l’affaire au fond dans le cadre du circuit
ordinaire est un leurre (1), le retour aux conclusions de dernière
heure, une réalité. La fixation accélérée du dossier relève de
textes particuliers auxquels les parties tenteront, sans doute de
plus en plus fréquemment, d’avoir recours (2).
1. La fixation ordinaire
2 - Le cadre actuel génère des problèmes (A). Il doit évoluer (B).
A. - Problématique
3 - Selon l’article 912 du Code de procédure civile, une des
clés de voûte du décret Magendie, « le conseiller de la mise en
état examine l’affaire dans les quinze jours suivant l’expiration des
délais pour conclure et communiquer les pièces. Il fixe la date de
la clôture et celle des plaidoiries ».
Hors délais de distance, l’expiration des délais pour conclure
varie de cinq à sept mois selon que l’intimé a formé ou non un
appel incident 2.
La lecture littérale des textes laisse penser qu’à cette époque
l’affaire est, en principe, en état d’être jugée au fond. En effet, s’il
en était autrement, comment imaginer que l’article 912 du Code
de procédure civile puisse se référer, d’emblée, à la date de la
Ndlr : Cette étude ne concerne que la matière civile lorsque la représentation est
obligatoire.
1. Le temps du prononcé de l’arrêt d’appel sera... à « observer de très près et
donnera la mesure du succès ou de l’échec de la réforme » (Y. Strickler, La
concentration des moyens et la nouvelle procédure d’appel : Dr. et proc.
2010, n° 7, p. 167).
2. Trois mois pour l’appelant (CPC, art. 908), auxquels il faut ajouter deux mois
pour l’intimé (CPC, art. 909) et deux mois supplémentaires en cas d’appel
incident (CPC, art. 910). Il est vrai que les délais peuvent être raccourcis par
décision du conseiller de la mise en état (CPC, art. 911).
clôture et celle des plaidoiries ? Le texte ne traduirait il donc pas,
in fine, le principe de la concentration des moyens, pierre angulaire du Rapport Magendie II qui s’inscrit dans la logique de
l’arrêt Cesareo ? Les parties, et plus particulièrement l’appelant,
seraient tenues de dévoiler, dans le délai réglementé, l’ensemble
des moyens de fait et de droit au soutien de leurs prétentions.
Par la suite, il serait tout au plus permis de répliquer à l’adversaire sans toucher à la rigueur de la construction antérieure, faute
de quoi les moyens nouveaux seraient déclarés irrecevables.
Cette concentration des moyens, outre qu’elle assure une
loyauté procédurale en évitant que ne soient distillés tardivement
au fil de conclusions ultérieures des éléments déterminants,
permet la fluidité de la procédure d’appel et la fixation rapide de
l’affaire au fond. Le conseiller de la mise en état peut fixer l’affaire
en connaissance de cause tout en exploitant les ressources du
Code de procédure civile. Il peut par exemple, dès l’expiration
du délai de l’article 912 du Code de procédure civile, réclamer
aux parties dont l’argumentation est laconique, incomplète,
contradictoire ou alambiquée, des explications de fait ou de
droit.
La concentration des moyens est bien au cœur de l’article 912
sans que l’on s’attache, pour lui faire dire le contraire, à sa formulation finale : « toutefois, si l’affaire nécessite de nouveaux
échanges de conclusions, il (le conseiller de la mise en état) en
fixe le calendrier après avoir recueilli l’avis des avocats ».
L’adverbe « toutefois » marque le caractère exceptionnel des
répliques.
À lire d’une traite l’article 912, le principe semble clair :
l’affaire doit normalement être en état à l’expiration des délais
légaux pour conclure. Seule la concentration des moyens permet
d’envisager une telle situation. N’était-elle pas contenue dans le
décret lui-même ? Cela pouvait tenir de la lecture dudit article 3,
voire de l’article 909 du Code de procédure civile qui impose
une concentration des demandes pour l’intimé dont l’appel incident, à peine d’irrecevabilité, doit être formé dans les deux mois
qui suivent la notification des écritures de l’appelant. Pourquoi
l’intimé serait-il moins bien traité que l’appelant auquel il ne
serait imposé aucune concentration des demandes et encore
moins des moyens ? D’ailleurs, ce qui démontre qu’il y avait bien
débat, la Cour de cassation, par le biais d’une demande d’avis,
a été interrogée en ces termes : « l’appelant peut-il, dans un
second jeu de conclusions signifiées et remises plus de trois mois
après la déclaration d’appel, articuler des moyens nouveaux... ».
L’interrogation, quoique n’incluant pas les prétentions nouvelles
autorisées par le code, était claire. La réponse, intervenue le
21 janvier 2013, l’a été tout autant : « dans la procédure ordi3. V. J. Pellerin, Gaz. Pal. 8-9 mars 2013, p. 27.
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naire avec représentation obligatoire en appel, les parties
peuvent, jusqu’à la clôture de l’instruction, invoquer de
nouveaux moyens » 4.
L’avis écarte la concentration des moyens, nonobstant les
articles 912 et 909 du Code de procédure civile.
Pouvait-il en être autrement dès lors que le décret du
9 décembre 2009 n’avait pas formulé expressément cette obligation dans le libellé des articles 908, 909 et 910, diserts sur les
délais et leurs sanctions mais muets sur le contenu des conclusions ? La Cour de cassation, plus de deux ans après l’entrée en
vigueur du décret, ne pouvait déstabiliser les affaires en cours en
dégageant un principe, certes conforme au Rapport Magendie II,
mais contenu implicitement seulement dans les textes. La technique des « petits cailloux » disséminés par le législateur, à
charge pour le juge d’en tirer un principe général, a pu s’appliquer pour certaines lois, notamment la loi de 1972 en matière
de filiation 5, mais était intransposable dans le présent décret. Ce
n’est pas une méthode plausible que de laisser à la Cour de
cassation le soin de dégager un principe virtuellement contenu
dans le texte.
B. - L’avenir ?
4 - Aujourd’hui, généralement, le conseiller de la mise en état
fixe l’affaire et la clôture quinze jours avant l’audience pour
permettre le respect des délais de remise du dossier à la cour
(CPC, art. 912).
Les conclusions de dernière heure, plaie du monde judiciaire,
n’ont pas disparu, bien au contraire, et entraînent parfois des
renvois de l’affaire... La cohérence du décret est mise à mal. Les
avocats souffrent souvent de mille maux pendant la première
phase tandis que l’affaire s’essouffle dans l’antichambre des
greffes en attendant bien souvent une reprise des « hostilités » à
l’approche de la clôture. À vrai dire, deux autres causes retardent
la fixation du dossier. D’une part, les magistrats sont débordés
par des saisines relatives à la caducité de la déclaration d’appel
ou l’irrecevabilité des conclusions, ce qui entraîne bien souvent
des déférés d’autant plus nombreux que les incertitudes sur la
portée des textes sont manifestes. D’autre part, la pénurie de
magistrats devant les cours s’accentue sous l’effet d’une gestion
des carrières insuffisamment préparée.
La fixation des dossiers devant la cour dans la procédure ordinaire ne cessera de s’allonger à court terme dans les mois
prochains. Une tentative récente pour accélérer la fixation de
l’affaire (?) s’est faite jour s’appuyant sur une partie d’un rapport
opportunément déposé. Il est proposé de renouveler la conception de l’appel pour substituer à l’appel-voie d’achèvement
l’appel-réformation 6. Il est suggéré, à partir de savants et théoriques propos, de limiter l’appel à une seule question : « quelle
est la part de l’office en première instance qui n’a pas été respectée ou a été détournée ? ». Cette conception de l’appel suppose
la création de pôles d’excellence devant les juges du premier
degré, voire la disparition de la procédure orale. Mais surtout,
cela modifierait la cohérence de l’appel fruit d’une réflexion
réfléchie et maîtrisée saluée par la quasi-unanimité des processualistes.
L’appel-voie d’achèvement a été adopté sans réticence en
1975. Pour le rapport Magendie II, « la suppression de l’appel4. Cass. avis, 21 janv. 2013, n° 01300005P : Jurisdata n° 2013-000900 ; Procédures 2013, comm. 64, R. Perrot ; JCP G 2013, act. 135.
5. Il s’agissait pour le doyen Carbonnier d’imposer le rôle de la possession d’état
en 1972 sans que le législateur ne retoque la proposition de loi (J. Carbonnier, Tendances actuelles de l’art législatif. Essai sur les lois : Defrénois 1978,
spéc. p. 250, note 13). Mais en l’espèce, s’agissant du décret Magendie, il
n’y avait aucune résistance de cette nature. L’erreur provient d’une rédaction inachevée.
6. Rapport de l’IHEJ (http://www.iehj.org/wp-content/uploads/2013/07/
rapport_office_du_juge_mai_2013.pdf).
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voie d’achèvement constituerait une entrave substantielle au
droit au juge » tandis que les avocats vivraient sans doute mal
cette nouvelle contrainte destinée à désengorger les cours
d’appel. Il est souvent prétendu que les avocats se serviraient de
la première instance comme un « tour de piste ». Cette affirmation resterait à démontrer (et si on rétablissait de véritables mises
en état devant le tribunal de grande instance ?). D’ailleurs,
l’exécution provisoire de plus en plus ordonnée, la radiation
faute d’exécution, le coût de la procédure d’appel sont de nature
à dissuader les auxiliaires de justice peu rigoureux de se livrer à
de telles pratiques. Prôner l’appel-réformation c’est interdire à
l’affaire de se développer. L’effet indirect sera l’allongement des
conclusions : les avocats multiplieront tous les moyens en
première instance pour échapper à un procès en responsabilité.
À vrai dire, la solution raisonnable est de réécrire le décret
Magendie et peut-être, de manière encadrée, d’imposer la
concentration des moyens. Cette dernière ne permettrait pas,
dans la plupart des cas, à l’avocat négligent de réparer en un
court laps de temps les errements d’une première instance délaissée, sauf à faire de la rédaction des conclusions d’appel une priorité. Tout est lié, la fixation de l’affaire doit être le résultat d’un
processus cohérent... Dans cette attente, la pratique se tourne
parfois vers la fixation accélérée de l’affaire.
2. La fixation accélérée
5 - Le décret Magendie réglemente la fixation à bref délai (A)
tandis que les règles sur le jour fixe (B), si elles sont restées
inchangées par le décret, ont été partiellement modifiées par la
jurisprudence récente.
A. - La fixation à bref délai
6 - L’article 905 du Code de procédure civile dispose que dans
certaines hypothèses, prévues par ledit article, l’affaire est fixée
à bref délai. La question, dont la réponse ne faisait guère de
doute, était celle de savoir si le recours au « circuit court »
excluait les « délais Magendie » et dispensait l’appelant de
conclure dans le délai de trois mois (CPC, art. 908) et l’intimé de
répondre dans le délai de deux mois (CPC, art. 909). L’application des articles 910 (réplique de l’appelant) et 911 (obligation
de signifier les conclusions à un intimé défaillant) était également
sur la sellette.
La Cour de cassation, dans un arrêt 7 puis dans un avis 8 plus
général, s’est exprimée sans ambiguïté. Cet avis est ainsi libellé :
« les dispositions des articles 908 à 911 du Code de procédure
civile ne sont pas applicables aux procédures fixées selon les
dispositions de l’article 905 du même code ». Cette réponse est
à l’abri de toute critique. L’article 905 du Code de procédure
civile ne fait aucune référence explicite ou implicite aux articles
908 à 911. Seul le conseiller de la mise en état est au demeurant
compétent, lorsqu’il est saisi, pour déclarer l’appel caduc ou les
conclusions irrecevables. Or le circuit abrégé exclut la désignation d’un conseiller de la mise en état. L’affaire est conduite par
le président de chambre. L’article 907 du Code de procédure
civile le rappelle en tant que de besoin : « à moins qu’il ne soit
fait application de l’article 905, l’affaire est instruite sous le
contrôle d’un magistrat de la chambre à laquelle elle est distribuée ».
7 - Pour autant, l’articulation entre le circuit court et le décret
Magendie engendre des difficultés. Que se passe-t-il si l’intimé
ne constitue pas avocat ? L’article 911, qui oblige l’appelant à
7. Cass. 2e civ., 16 mai 2013, n° 12-19.119 : JurisData n° 2013-009395 ;
Procédures 2013, comm. 207, R. Perrot.
8. Cass. avis, 3 juin 2013, n° 15011 : JurisData n° 2013-012430 ; JCP G 2013,
act. 758. L’avis postérieur à l’arrêt a été rendu possible car ledit arrêt ne visait
que l’article 908. L’avis a voulu éviter toute ambiguïté quant à la
non-application des articles 909 à 911 du Code de procédure civile.
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signifier ses conclusions dans un certain délai, est inapplicable.
Bien plus, l’article 902 du Code de procédure civile, qui prévoit
la signification de la déclaration d’appel lorsque l’intimé n’a pas
constitué avocat dans un délai d’un mois à compter de l’envoi
par le greffe de la lettre de notification (ou en cas de retour de la
lettre de notification), n’est, à notre sens, pas non plus applicable.
En effet, cette signification, à peine de nullité (V. CPC, art. 902,
al. 4) doit indiquer que « (...) faute de conclure dans le délai
mentionné à l’article 909, il (l’intimé) s’expose à ce que ses écritures soient d’office déclarées irrecevables ».
8 - Précisément, les dispositions de l’article 909 étant exclues
dans l’hypothèse d’un circuit court, cette notification n’est donc
pas envisageable en ces termes. On ne peut demander à un
appelant, sous la menace d’une caducité de la déclaration
d’appel, de rebâtir la formulation de l’article 902 pour s’adapter à la situation. C’est donc le néant : aucun texte issu du décret
Magendie n’oblige à « assigner l’intimé ». Mais l’intimé ne peut
être jugé sans avoir été appelé (CPC, art. 12). Il appartient donc
au président de chambre d’inviter l’appelant à faire le nécessaire 9.
9 - Le praticien se heurte bien souvent à une difficulté supplémentaire. Quand sait-il que le circuit court est mis en œuvre ?
Si l’affaire relève de droit de l’article 905 (ordonnance de référé,
certaines ordonnances du juge de la mise en état, en matière de
saisie immobilière : CPC ex., art. R. 311-7), la question ne se
pose pas : le président doit fixer l’affaire à bref délai. S’il ne le
faisait pas, les délais couperets ne pourraient logiquement pas
trouver à s’appliquer puisque le juge n’aurait pas lui-même
respecté la loi. Mais il y a des hypothèses où le recours au circuit
court est facultatif. Ainsi en est-il en cas « d’urgence » 10, notion
qui, par définition, échappe à tout contrôle, ou si l’affaire est en
état d’être jugée (ce qui n’a guère de sens puisque la déclaration
d’appel n’est pas motivée !). Il en est de même en matière de
procédure collective (C. com., art. R. 661-6, 3° dans sa dernière
rédaction) 11. Les plaideurs devraient, dans ce cas de figure, être
avertis ab initio de la fixation à bref délai et ce par souci de transparence et de sécurité. Cela aurait l’avantage supplémentaire
pour le greffe d’éviter d’avoir à mettre en œuvre l’article 902 du
Code de procédure civile.
10 - En l’absence d’indications du magistrat, et alors que le
recours à l’article 905 n’est pas obligatoire, on peut en déduire
que le droit commun s’applique 12. La plus grande prudence
s’impose aux avocats qui, pour éviter des surprises désagréables,
devront respecter les délais de la période préliminaire. D’ailleurs,
les délais pour conclure, à la discrétion du président de chambre,
devraient être logiquement, en la matière, plus courts que ceux
9. L’assignation devra comporter la dénonciation de l’acte d’appel, des conclusions déposées au soutien de l’appel et l’avertissement que faute de constituer dans un délai de quinze jours un arrêt pourra être rendu sur les seuls
éléments fournis par l’adversaire.
10. Un recours systématique à l’article 905 (toute affaire n’est-elle pas urgente ?)
peut être un moyen détourné de contourner les « délais Magendie » et faire
disparaître toute mise en état, laquelle est souvent malmenée, sauf à considérer que la mise en état se réduit à un échange de dates. Le procédé, intellectuellement discutable, ne serait que la traduction d’une défiance à l’égard
des textes.
11. D. 2012-1451, 24 déc. 2012 : JO 27 déc. 2012, p. 20504 modifiant l’article
R. 661-6, 3° du Code de commerce : le recours à l’article 905 est facultatif
12. Il a été jugé que « l’attribution de l’affaire au conseiller de la mise en état ne
nécessite pas la désignation expresse de ce magistrat par le président de
chambre, sa saisine étant la conséquence de la loi, dès lors qu’il n’a pas
recouru à la procédure d’urgence (CA Nîmes, 2 févr. 2012, n° 11/00391 et
n° 11/00415)
de la procédure normale. Si le péril menace, le plaideur dispose
traditionnellement d’une autre voie procédurale 13.
B. - La fixation à jour fixe
11 - La procédure à jour fixe permet à un plaideur dont les
droits sont en péril, qu’il soit appelant ou intimé, d’obtenir une
fixation prioritaire de son affaire. Le péril est une notion dont la
définition est délicate et diffère de l’urgence 14. La fixation à jour
fixe sera d’autant plus sollicitée que l’audiencement normal,
voire à bref délai, sera différé dans le temps. L’autorisation d’assigner à jour fixe relève de la compétence du premier président
saisi sur requête (sauf application de l’article 917, alinéa 2),
laquelle doit exposer la nature du péril et contenir les conclusions et pièces au fond (CPC, art. 918).
12 - L’ordonnance du premier président échappe-t-elle à tout
contrôle ? C’est ce qui est généralement enseigné : la décision
d’autorisation constituerait une mesure d’administration judiciaire. C’est d’ailleurs ce qui a été reconnu par la Cour de cassation 15. Mais le débat doit évoluer. En effet, il est des cas où le
recours à la procédure à jour fixe est obligatoire. Ainsi en est-il
de l’appel du jugement d’orientation en matière de saisie immobilière (CPC ex., art. 322-19) ou encore de l’appel des jugements
arrêtant ou rejetant le plan de cession (C. com., art. R. 661-6, 2°).
Le défaut de recours à la procédure à jour fixe affecte selon un
arrêt de principe, alors que la question était discutée, la recevabilité de l’appel qui doit être relevée d’office 16. Il ne s’agit pas
d’une simple modalité procédurale de l’appel mais d’une condition de sa recevabilité.
13 - Le premier président n’a pas alors le pouvoir d’apprécier
s’il y a péril : le jour fixe, de par la loi, est de droit. Il ne peut non
plus refuser la requête dès lors que celle-ci contient les conclusions au fond et les pièces justificatives, ni la rejeter sous prétexte
que l’appel serait irrecevable. Le premier président n’est pas, en
effet, juge de la recevabilité de l’appel. Le délai de huit jours pour
présenter la requête à compter de la déclaration d’appel (CPC,
art. 919) doit impérativement être respecté 17. L’ordonnance du
premier président n’échappe plus alors à tout contrôle si une
condition objective n’est pas remplie. La voie de recours en
rétractation serait envisageable fondée sur les articles 496,
alinéa 2, et 497 du Code de procédure civile. La Cour, quant à
elle, ne pourrait prononcer l’irrecevabilité de l’appel s’il était fait
droit à une requête tardive. L’arrêt du 25 février 2010, sur la
qualification de mesure d’administration judiciaire, doit à notre
sens être tempéré par l’arrêt du 22 février 2012 sur la nature du
jour fixe « de droit ». Dans ce dernier cas, le premier président
perd son pouvoir souverain d’appréciation dès lors que la
requête est formellement indiscutable. Le jour fixe, au demeurant, est un moyen d’imposer la concentration des moyens car
l’appelant ne peut que déposer des conclusions en réponse à
celles de l’intimé. La rapidité dans la fixation impose cette
concentration. Il y a là matière à réflexion dans le cadre de la
refonte du décret Magendie... Il faut à tout prix éviter l’appelréformation dont la justice civile ne se remettrait pas, surtout si
elle était imposée dans l’urgence sans concertation. ê
Mots-Clés : Appel - Fixation de l’affaire - Délai - Procédure à jour
fixe
13. Un avocat qui n’a pas respecté les délais des articles 908 ou 909 ne peut,
pour échapper à toute sanction, solliciter a posteriori du président l’application « rétroactive » de l’article 905.
14. À noter qu’en première instance, les textes se réfèrent à la notion d’urgence.
15. Cass. 2e civ., 25 févr. 2010, n° 09-10.403 : JurisData n° 2010-000762 ; Bull.
civ. 2010, II, n° 48.
16. Cass. 2e civ., 22 févr. 2012, n° 10-24.410 : JurisData n° 2012-002558 ;
Procédures 2012, comm. 146, R. Perrot ; Bull. civ. 2012, II, n° 37. Cette solution dégagée à propos de l’appel contre le jugement d’orientation doit, à
notre avis, être étendue par analogie à l’appel des décisions statuant sur un
plan de cession
17. La question ne se pose pas si la requête, ce qui est possible, est présentée
avant l’exercice du droit d’appel.
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