Sur la photo que j`avais vue, elle était triste, ses yeux reflétaient la

Transcription

Sur la photo que j`avais vue, elle était triste, ses yeux reflétaient la
Expression écrite avec l’inspiration du tableau : All is Vanity
— Oui Jonathan. Le manoir est très bien. Non, ne t’inquiète pas, il est parfait. Mais non il
n’y a pas de cafards ! Oui Mr Philips est charmant. Il a dit que sa maison était parfaite
pour votre mariage. Marie n’est pas trop stressée ? Bon, ne vous inquiétez pas. Tu as
une petite sœur qui s’occupe de tout. Oui je fais attention, bye !
Je descendis de ma chaise et posai mon portable. Ca faisait bien un quart d’heure que je
discutais avec mon frère, le bras en l’air, debout sur une chaise. Le manoir était vraiment idéal,
je me trouvai actuellement dans la chambre des futurs mariés. Il ne me restait plus qu’à visiter
ma chambre.
Mr Philips, mon hôte, m’avait dit qu’il y avait lui-même organisé son mariage, mais qu’il
s’était passé une terrible tragédie quelque temps après. Il n’a pas voulu me conter cette
histoire. Il frappa à ma porte.
— Le manoir vous convient ? demanda-t-il.
— Oui, il est parfait. Par contre il n’y a pas beaucoup de réseau, j’ai eu du mal à avoir
Jonathan.
— C’est votre fiancé ? Sans être indiscret.
— Non, c’est mon frère, c’est lui qui se marie. Moi j’organise le mariage avec la mariée.
— Vos affaires sont dans votre chambre. J’aimerais vous montrer quelque chose, vous
êtes d’accord ?
— Oui, j’arrive.
Il sortit. C’était un homme étrange ce Mr Philips. Dans les 60 ans, mais en forme pour son âge,
il portait des vêtements anciens. Il me fichait un peu la frousse, c’est ridicule mais il ne
m’inspirait que la crainte. Heureusement que j’étais une adulte et que je prenais sur moi pour
ne pas m’enfuir. L’important c’est la maison, je ne venais que pour ça.
Je mis mon téléphone dans ma poche et sortis de la chambre. Il m’attendait et nous montâmes
les escaliers. Il ouvrit la porte tout au fond du couloir. C’était un dressing. Une trentaine de
tenues poussiéreuses pendaient à des cintres. Contrairement au 1 er étage, le 2ème était sombre
et l’atmosphère était étouffante. Il saisit une magnifique robe couleur crème et me la tendit.
— La femme à qui appartenaient ces vêtements ne pourra plus jamais les porter
désormais. Mais vous lui ressemblez énormément, tenez si vous voulez, je vous les
donne.
— C’est extrêmement généreux, je ne sais pas comment vous remercier…
— Pourriez-vous porter cette robe ? Elle a un véritable sens pour moi et ça me ferait très
plaisir si je la revoyais encore sur une aussi belle jeune femme que vous.
— Euh…merci. Où est ma chambre ?
— C’est la porte en face.
Je pris la robe et attendis qu’il descende les marches.
J’ouvris la porte de ma chambre. Elle était propre, ouf. Pas très bien éclairée, mais il y avait
tout ce qu’il faut : une armoire dans le fond, un grand lit, une petite fenêtre à droite et en face
de la porte, une coiffeuse avec un miroir immense. Je me déshabillai et enfilai la robe. Elle
était vraiment belle et m’allait à ravir. A l’inverse des autres tenues, celle-ci ne sentait pas le
renfermé. Je m’assis devant le miroir et attrapai le premier peigne à ma portée. En
chantonnant, je coiffai quelques mèches de mes cheveux lisses.
Quand soudain, je remarquai une photo. La jeune femme sur le cliché me ressemblait
énormément. Je sursautai. Jusqu’à temps que je me rende compte de nos différences : ses
cheveux étaient bien plus longs et ondulés que les miens, j’avais une cicatrice sur le menton
(accident de moto à 16 ans), et elle ne l’avait pas. Par contre elle portait la même robe que
moi. Elle devait sûrement être la fiancée de Mr Philips. Je reposai doucement le peigne, mal à
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l’aise ; après tout il ne m’appartenait pas. Je quittai la coiffeuse pour aller chercher ma brosse
dans ma valise.
Lorsque je me retournai, je vis la chose la plus incroyable de toute ma vie. Je me regardai
dans le miroir, au début je pensais que c’était mon reflet, mais non. Ce n’était pas moi. Je me
penchai à droite puis à gauche, mon reflet lui ne bougeait pas. Je courus regarder derrière la
coiffeuse, mais ce n’était pas une supercherie, il n’y avait personne. Je reculai, face au miroir.
Mon pouls s’emballa, je respirai de plus en plus fort, mes mains tremblaient, je n’arrivais pas
à bouger. Elle ne bougeait pas non plus, j’avais l’impression qu’elle voulait me dire quelque
chose. Elle tendit sa main et la posa à plat sur le miroir, je regardai brusquement mes mains,
elles se trouvaient toujours le long de mes hanches. Mes jambes m’obéirent enfin, je sortis le
plus vite possible, claquai la porte derrière moi et m’écroulai contre elle. Mais qu’est ce que
c’était ? Quelque chose d’impossible, d’impensable ! Néanmoins, malgré la peur qui me
broyait l’estomac, j’avais le sentiment qu’il fallait que j’y retourne. Quelque chose m’attirait à
l’intérieur. Je me levai, pris en main mon courage et la poignée de la porte, et entrai.
Elle était toujours là, sa main posée contre le miroir. Je lui fis face, mon rythme cardiaque
reprenant peu à peu sa vitesse habituelle. Je m’avançai lentement, à pas lourds. Je n’étais plus
qu’à quelques centimètres de la glace. Doucement, je posai ma main contre la sienne.
Brusquement un flash envahit mon esprit. Je me voyais assise comme tout à l’heure devant la
coiffeuse, brossant mes cheveux. Non ce n’était pas moi. C’était cette fille. Ma perception des
couleurs avait quelque peu changé : tout était plus sombre, ce qui faisait ressortir la couleur
qui allait bientôt couvrir le sol, le pourpre.
Elle brossait ses cheveux dorés en chantonnant, sa robe était la même que sur la photo, la
même que celle que je portais. La porte s’entrebâilla. Au ralenti, je la vis se retourner, sourire
à l’homme qui entrait. Sa joie retomba et laissa place à la peur. Je vis l’homme sortir un
poignard, elle essaya de lui échapper mais il n’y avait qu’une seule issue à cette pièce. Je ne
pouvais rien faire, je ne pouvais même pas fermer les yeux pour ne pas le voir. J’étais
condamnée à assister à ce meurtre. Il lui attrapa le bras et lui planta son poignard dans
l’épaule, le retira et frappa encore dans son ventre. Elle essaya de lui donner un coup de pied,
ça le déstabilisa et il tomba en arrière. Elle tomba à genoux, se tenant le ventre, elle rampa
vers le couloir. Mais l’homme, à peine ébranlé, la rattrapa et la tira par les pieds. Il la frappa
encore dans le dos. Je voulais la défendre, le tuer, crier, pleurer, mais je ne pouvais rien faire,
c’était horrible ! Elle n’était pas encore tout à fait morte. Il lui saisit les épaules et la traîna
jusqu’au siège de cette maudite coiffeuse, et, lui tenant fermement les cheveux, lui trancha la
gorge.
Je tombais à terre, les yeux pleins de larmes. Une sensation me tordait l’estomac, de la haine.
Un rayon de lumière éclaira enfin le visage de l’assassin. Mr Philips, c’était lui, il l’avait tuée !
Il transporta le corps sans vie de la jeune femme jusqu’au lit. Il l’allongea comme on allonge
les morts dans un cercueil, les mains croisées sur la poitrine. Il déposa une rose entre ses
mains et sortit.
— Abominable, n’est ce pas ? me dit une voix dans ma tête.
— Qui parle ?
— Ni plus ni moins que la femme allongée devant toi.
— Quoi !?Mais vous êtes morte !
— Peut-être mais les miroirs sont les témoins de bien des choses, et les gardiens de
beaucoup de souvenirs. Je ne te veux aucun mal. Je veux juste que tu ressentes la
même haine que je ressens depuis des dizaines d’années. Peut-être qu’alors tu
comprendras ce que je vais faire et que tu me pardonneras.
— Pardonner quoi ? Vous ne m’avez rien fait !
— Pas encore…
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Soudain je m’évanouis. Lorsque je me réveillai, (quelques secondes plus tard avais-je
l’impression) le corps avait disparu, le sang aussi. J’essayai de sortir mais la porte était fermée.
Je remarquai quelque chose d’étrange, comme si tout était inversé. Le miroir ! J’étais de
l’autre côté du miroir ! Mais ce n’était pas possible, pourtant j’étais bel et bien coincée dans le
miroir. Et dans la réalité…il y avait cette fille ! Elle avait pris ma place ! Mais elle était morte,
elle ne pouvait pas prendre ma place, c’était complètement irrationnel ! Je me résolus à
observer ce qui se passait de l’autre côté.
Elle se cachait derrière la porte, lame tranchante en main. Sa respiration s’accélérait au fur et
à mesure que les pas dans l’escalier résonnaient. M. Philips ! La porte commença à s’ouvrir,
elle leva son couteau, frappa…et le manqua. Il ne s’y attendait pas mais retourna aussitôt la
situation à son avantage. Elle le frappait avec l’énergie du désespoir et de la vengeance, mais
il était bien plus fort et habile qu’elle. Il ne tarda pas à lui prendre son arme. Je tapai contre la
vitre de toutes mes forces, mais rien n’y faisait ! Il la bloqua, prêt à lui donner un coup mortel.
Brusquement, elle le renversa et prit le dessus. Il lui donna un coup de couteau dans la jambe,
un coup superficiel heureusement. Elle devenait de plus en plus forte, et en quelques secondes,
récupéra la lame et lui planta dans le cou. Le sang gicla sur sa robe. Elle se tourna vers moi,
qui étais toujours bloquée dans le miroir.
— Je vais pouvoir reposer en paix, je suis désolée de t’avoir utilisée comme ça, mais
j’avais besoin de toi. J’espère que tu me comprends…
Et ce fut le noir complet.
Je me réveillai pour la deuxième fois. Je regardai autour de moi, et eus une vision d’horreur.
Mr Philips était toujours sur le sol, le couteau dans le cou, le parquet baignant dans une mare
de sang. Mais il n’y avait que mon reflet dans le miroir. Et c’était ma robe qui était maculée
de sang, mon genou qui était blessé. J’empestais le sang. Il y en avait partout : dans mes
cheveux, sur mon visage, sur mes mains. Mes empreintes ensanglantées tachaient le mur. Je
courus jusqu’à la salle de bain, et me mis sous le jet d’eau.
C’était moi qui avais fait tout ça. Je m’étais imaginée toute une histoire. J’étais folle. Mes
larmes se mêlèrent à l’eau. J’abandonnai la robe qui avait fait de moi une meurtrière sur le sol
de la salle de bain.
Je ne mis pas longtemps à ranger mes affaires et à parcourir la cinquantaine de kilomètres qui
me séparait de la maison de mon frère. Une fois arrivée, je mentis à Jonathan en lui racontant
que Mr Philips ne voulait plus nous prêter son manoir, qu’il avait reçu un coup de fil et qu’il
m’avait immédiatement chassée. Il s’inquiéta pour mon genou mais je lui servis un autre
mensonge. Je ne pouvais pas lui dire la vérité, du moins ce que j’avais vu. Il m’aurait prise
pour une folle, déjà que moi, je me prenais pour une folle. J’avais décidé de consulter un
psychiatre le plus tôt possible, je ne voulais pas faire de mal à ma famille et à mes amis,
même involontairement.
Mais un évènement se produisit quelques jours plus tard, un évènement qui me troubla et me
fit renoncer au psychiatre.
C’était le matin. On prenait notre petit-déjeuner, mon frère et moi, sur sa terrasse. Il lisait le
journal quotidien, quand soudainement, il me demanda :
– Anna, Mr Philips, c’est pas le type chez qui t’es allée pour louer son manoir ?
Mon cœur s’accéléra, c’était fini, les flics avaient retrouvé mes empreintes et j’allais
terminer ma vie en prison ou dans un asile, je ne savais pas lequel des deux était le pire.
— Si, pourquoi ? répondis-je le plus normalement possible.
— Parce que figure-toi qu’il a été assassiné !
— Ah bon ?
— Attends je vais te lire l’article : Mr Philips, homme solitaire âgé de 63 ans, s’est fait
assassiner il y a cinq jours dans le salon de son manoir. Les enquêteurs n’ont retrouvé
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aucune empreinte, ils n’ont pas le moindre indice. L’agent Firth pense qu’ils vont
classer l’enquête d’ici la fin de la semaine. En effet, la victime possède un passé
douteux et n’ayant pas de famille pour réclamer justice, cette affaire ne sera sans doute
jamais résolue…
— Ils n’ont rien trouvé, absolument rien ? fis-je surprise.
— Juste une photo, tiens tu veux la voir ? La fille dessus te ressemble vachement
d’ailleurs !
Il me tendit le journal. Quelque chose ne collait pas. Je n’avais pas touché au corps, quand je
suis partie il se trouvait toujours dans la chambre du 2 ème étage. Alors que dans l’article, ils
certifiaient qu’on l’avait retrouvé au rez-de-chaussée, dans le salon. Et puis il n’y avait pas
d’empreintes non plus, alors que j’en avais mis presque partout dans la chambre, puis dans la
salle de bain. Et cette photo. Je l’avais déjà vue, dans ma chambre justement. Le cadre se
trouvait sur la coiffeuse devant le miroir, je n’y avais pas touché non plus. Mais le plus
étrange c’est qu’elle avait changé. La fille dessus était le fantôme que j’avais cru voir dans le
miroir. Sur l’ancienne photo, elle était triste, ses yeux reflétaient la haine et le chagrin. Mais
sur cette photo, qui était exactement la même j’en étais sûre, son visage semblait apaisé,
satisfait. Elle souriait et j’avais l’impression que ses yeux me disaient « merci ».
Sophie Simoné, classe de 4ème 3, juin 2011-08-30
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