33ème DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE

Transcription

33ème DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
33ème DIMANCHE DU TEMPS ORDINAIRE
Année A 16/11/2014
Frères et sœurs,
Nous connaissons bien cette parabole ou au moins l’usage qui en découle d’appeler « talents » les qualité que
l’on possède et que l’on se doit d’utiliser pour le bien du prochain... talent artistique, littéraire, talent de
conteur ou que sais-je.
A l’origine le talent était une monnaie romaine de grande valeur et c'est justement à cause de la popularité de
cette parabole que celle-ci est devenue synonyme de talents personnels, que chacun est appelé à faire
fructifier.1
Dans l’esprit de notre Seigneur - et les Pères de l’Eglise l’ont confirmé - cet "homme, qui partait en voyage"
et qui "appela ses serviteurs et leur confia ses biens" n’est autre que lui-même le Christ qui ayant quitté cette
terre au jour de l’Ascension, reviendra dans la Gloire pour juger les vivants et le morts et rendre à chacun de
nous, j’allais dire ‘la monnaie de sa pièce’... mais ce n’est pas très correct.
Plus exactement il donnera à chacun de nous la juste rétribution pour ce que nous aurons fait de ses richesses
qu’il nous donne en gérance pour notre existence d’ici-bas.
Cette parabole nous parlait donc de trois serviteurs.
Commençons par considérer le troisième. Son sort, être jeté dehors dans les ténèbres, est tel qu’il nous faut
considérer attentivement ce qu’il a fait pour qu’il ne nous arrive pas une telle destinée !
Parmi les torts de ce serviteur, on peut relever celui d’avoir eu un regard faux sur son maître.
Il ne voit pas la confiance que son maître lui fait en lui donnant en gérance cette monnaie de grande valeur et
le bien qu’il peut en tirer.
L’attitude de ce troisième serviteur, nous explique notre Pape François2, c’est l’attitude du chrétien qui se
referme sur lui-même, qui cache tout ce que le Seigneur lui a donné, c’est un chrétien... ce n’est pas un
chrétien ! C’est un chrétien qui ne rend pas grâce à Dieu pour tout ce qu’il lui a donné !
Parce qu’il se renferme sur lui-même, il en vient à négliger ce don qu’il a reçu puis à accuser son maître pour
justifier la mauvaise gestion de son talent.
Comme l’explique saint Jérôme3, ce mauvais serviteur vérifie en lui ces paroles du Psalmiste: «Il cherche à
excuser ses péchés», et, au crime de la paresse et de la négligence, il joint celui d'un orgueil insolent. Au lieu
de confesser simplement sa fainéantise, comme il aurait dû le faire, et de prier le père de famille de lui
pardonner, il ose le calomnier...
Cela arrive par exemple, nous dit Benoit XVI4, à celui qui a reçu le Baptême, la Communion, la
Confirmation, mais ensevelit ensuite ces dons sous une couche de préjugés, sous une fausse image de Dieu
qui paralyse la foi et les œuvres. Ceci fait qu'il trahit les attentes du Seigneur.
Tout cela est bien triste et donne à réfléchir...
Seigneur accorde-nous un regard émerveillé sur les dons que tu nous fait et aide-nous à les faire fructifier !
Mais venons-en au deux autres serviteurs dont le maître fait la louange, car la parabole souligne davantage
les bons fruits portés par les disciples qui, heureux du don reçu, ne l'ont pas tenu caché jalousement et par
peur, mais l'ont fait fructifier en le partageant. Oui, ce que le Christ nous a donné se multiplie en le donnant!
C'est un trésor fait pour être dépensé, investi, partagé avec tous.5
Benoit XVI, Angélus du 13 novembre 2011.
Pape François, Audience du mercredi 24 avril 2013.
3 In St Thomas d’Aquin, Catena aurea n°5514
4 Benoit XVI, Angélus du 16 novembre 2008.
5 Benoit XVI, Angélus du 16 novembre 2008.
1
2
Quel est-il donc ce trésor que nous avons tous reçu, nous chrétiens, au delà des talents plus personnels que les
uns et les autres nous pouvons avoir ?
C’est la grâce du baptême avec entre autre les trois vertus théologales de la Foi, de l’Espérance et de la
Charité.
C’est ce trésor qui fait de nous des fils de la lumière, pour reprendre la belle expression de Saint Paul dans la
deuxième lecture.
Souvenez-vous : Lumen Fidei, la lumière de la foi, première encyclique de notre Pape actuel !
Spe salvi, sauvés dans l’Espérance ! Deus Caritas est, Dieu est Charité, les deux encycliques de Benoit XVI !
Ces dons qui rendent le chrétien lumineux font qu’en soi nous ne sommes pas destinés à être jetés dans les
ténèbres, mais bien à entrer un jour dans la joie de notre maître.
Quelle grâce nous a ainsi été donnée ! Ceci dit en passant, la valeur monétaire de 5 talents est bien peu
représentative de la valeur qu’ont la foi, l’Espérance et la Charité ! Mais peut-être le Seigneur n’a-t-il pas
voulu nous effrayer en nous montrant ce qu’il nous attendait de nous par ses dons, sachant combien nous
pourrions succomber à la tentation du troisième serviteur...
Fils de la lumière...
Mais qu’est-ce que vivre en fils de la lumière, en hommes et femmes habités par la foi dans le Christ,
stimulés par l’Espérance du Ciel, et animés par la Charité ?
Quelles sont donc – entre autre – les paroles des fils de la lumière ?
Telle est en tout cas la question posée par notre pape dans une homélie le mois dernier.6..
Voici sa réponse qu’il tire de St Paul:
'Faites-vous des imitateurs de Dieu, cheminez dans la charité, dans la bonté, dans la douceur. Soyez
miséricordieux, pardonnez-vous les uns les autres, comme Dieu vous a pardonnés dans le Christ. Voilà les
paroles d'un fils de la lumière […]
Et de préciser :
Il existe des chrétiens lumineux, pleins de lumière qui cherchent à servir le Seigneur dans cette lumière » et «
nous avons des chrétiens ténébreux » qui mènent « une vie de péché, une vie éloignée du Seigneur », et qui
utilisent ces manières de parler qui proviennent « du Malin ».
Et là il donne 4 façons de parler qui reflètent si l’on est des fils des ténèbres...
Comme diraient les jeunes, c’est du lourd !!!
1. Si l'on parle de manière hypocrite, « un peu ici, un peu là, pour être bien avec tous ».
2. Si l'on parle de manière vaine, sans substance.
3. Si l'on parle de manière vulgaire, triviale, mondaine.
4. Si l'on parle de manière obscène […]
Toutes ces manières de parler ne viennent pas de l'Esprit Saint, ne viennent pas de Jésus, ce ne sont pas des
paroles évangéliques […]
Bien...
Or le Pape ne s’arrête pas là ! Il ajoute :
« Mais nous avons aussi un troisième groupe de chrétiens » qui « ne sont « ni lumineux ni sombres […] Ce
sont les chrétiens 'gris', qui un jour pensent d'une manière, et le lendemain autrement.
Et on peut se demander à leur sujet : 'Mais ces gens, ils sont avec Dieu ou avec le diable ?'
Ils sont constamment dans la zone grise. Ce sont des tièdes.
Ils ne sont ni lumineux ni sombres. Et ces personnes, Dieu ne les aime pas.
Dans l'Apocalypse, le Seigneur, à ces chrétiens gris, déclare : 'Mais non, tu n'es ni chaud ni froid. Mais
parce que tu es tiède, - dans cette zone grise -, je suis sur le point de te vomir de ma bouche.'
6
Homélie à Sainte Marthe, le 27 octobre 2014.
'Mais moi je suis chrétien, mais sans exagérer !' disent-ils, et ils font tellement de mal, parce que leur
témoignage chrétien est un témoignage qui à la fin sème la confusion, sème un témoignage négatif […]
« Comportons-nous par contre comme des fils de la lumière. » concluait-il... « Il sera utile aujourd'hui que
nous pensions au langage que nous utilisons, et que nous nous demandions si nous « sommes des chrétiens
de la lumière ou de l'obscurité, ou encore des chrétiens gris. »
Bon... cela, c’est pour ce qui est du rayonnement du talent de notre foi par notre bouche...
Je laisserai de côté le talent de l’Espérance, non qu’il soit important mais le temps nous est compté...
J’évoquerai juste pour finir le talent de la Charité dont on ne peut faire l’impasse, puisque nous serons jugés
sur l’amour7...
D’ailleurs cette parabole se situe juste avant l’Evangile que nous entendions pour la Saint Martin où Jésus
rappelle que tout ce que l’on fait au plus petit d’entre nos frères c’est à lui qu’on le fait... et il parle de celui
qui donne à manger à celui qui a faim, à boire à celui qui a soif, qui habille celui qui est nu, etc...
Saint Grégoire le Grand, qui commenta aussi cet Evangile, concluait en disant 8: Aussi est-il nécessaire, mes
frères, que vous veilliez à garder la charité en tout ce que vous faites. Et la vraie charité, c’est d’aimer son
ami en Dieu, et son ennemi à cause de Dieu.
Et d’aimer avec générosité, largesse de cœur, comme un fils de la lumière se doit d’agir... comme les deux
bons serviteurs dont le rendement fut de 100% !
Frères et sœurs,
Le Cardinal Barbarin et bien d’autres autorités viennent de proposer une démarche de foi et de charité :
Celle qui consiste à faire une neuvaine de 9 mois pour la France.
C’est un acte de foi, car il suppose que l’on croit à la puissance de la prière persévérante et communautaire...
C’est aussi un acte de Charité parce qu’il inclut l’amour de notre pays, de ceux qui l’habitent, de ceux qui le
gouvernent, qui peuvent parfois être des ennemis de l’Eglise, de la famille, de la vie...
Bien évidemment une telle proposition fait appel à la liberté d’un chacun et l’on n’ira pas forcément en enfer
si l’on n’y répond pas !
Cependant, permettez-moi, au-delà de tout ce que nous avons médité avec cet Evangile de vous relayer ici
cette proposition...
Parmi les dons que nous avons reçus, il y a celui d’habiter dans ce si beau pays, riche d’une histoire
chrétienne sans pareil...
Peut-être qu’être fils de lumière et d’avoir pour mère et patrie la France entraîne quelques devoirs...
Je laisse cela à votre réflexion....
Quoi qu’il en soit, rendons grâce à Dieu pour la Foi, l’Espérance et la Charité et essayons, avec la grâce de
Dieu, d’en vivre de façon telle que nous puissions, tous et chacun, nous entendre dire un jour : très bien,
serviteur bon et fidèles... entre dans la joie de ton maître.
7
8
St Jean de la Croix: « Au soir de notre vie, c'est sur l'amour que nous serons jugés. » (Avis et Sentences spirituelles § 56).
Homélies sur les Evangiles, 9