Avignon OFF 2016 : « L`Amant », l`adultère manque de piquant

Transcription

Avignon OFF 2016 : « L`Amant », l`adultère manque de piquant
Avignon OFF 2016 : « L’Amant
»,
l’adultère
manque
de
piquant
Photo :
Cresson
Marie-Aline
Lorsqu’Harold Pinter écrit L’Amant en 1962, il s’affirme comme
porteur des angoisses contemporaines du couple. La pièce en un
acte raconte l’histoire de Sarah et Richard, mariés depuis
près de dix ans, croyant avoir tous deux trouvé leur équilibre
dans l’infidélité. Si le discours tenu par les personnages est
marqué par une franchise désinvolte et empreint d’une
sexualité débridée, l’adaptation qu’en propose Marie-Aline
Cresson peine à restituer ces ingrédients chers à Pinter.
Dans un cadre réduit à un canapé et des panneaux de carton
rappelant l’esthétique de Sempé, Laure Portier et Sébastien
Rajon incarnent le duo des mariés sans cesse coupés par des
noirs musicaux, bonds temporels dans les journées des
personnages. Si la première entrée en scène laisse présager un
jeu monocorde mais néanmoins marqué par des échanges comiques
en raison de l’attitude flegmatique des comédiens et de la
voix de Richard, le spectacle ne décolle pas. Dans cet
intérieur s’enchainent de manière brouillée les scènes de
retrouvailles du couple et leurs moments passés avec leur
amant respectif. Là encore, le jeu des acteurs n’évolue pas
d’une scène à une autre, si bien que l’on comprend qui incarne
qui seulement arrivés au bout d’une scène.
Pour les amateurs de Pinter toutefois, le texte est là et
l’orgueil des personnages au regard de leur soit disant
détachement vis-à-vis de l’adultère est bien présent. Mais
alors que tout le drame tourne autour de la jalousie et de la
sexualité, on regrette que les personnages ne soient pas
érotisés et restent englués dans un jeu plat qui n’explore pas
davantage les parts sombres de chacun. L’âme de la pièce, qui
pourrait être résumée par cette célèbre phrase de Proust sur
la jalousie qui n’est autre que cette « angoisse qu’il y a à
sentir l’être qu’on aime dans un lieu de plaisir où l’on n’est
pas », réside seulement dans les scènes où Sarah et Richard se
retrouvent assis sur le canapé à feuilleter des magazines
cherchant à savoir s’ils pensent l’un à l’autre lorsqu’ils
sont avec leur amant. Ces scènes, bien que cantonnées aux
mots, ont tout à voir de cette angoisse.
En somme, si les ingrédients sont là, la mise en scène de
Marie-Aline Cresson manque de chien, les acteurs ne dégagent
rien de sexuel, l’œuvre de Pinter reste, à regrets, cantonnée
à des mots quand le public attendrait des actes, car
l’adultère n’est-il pas d’abord un acte avant d’être un
discours, un mensonge ou un aveu ?
L’Amant, de Harold Pinter, mise en scène de Marie-Aline
Cresson, avec Laure Portier et Sébastien Rajon
Festival d’Avignon, Théâtre L’Albatros, 29, rue des
Teinturiers, 84000 Avignon, 04 90 86 11 33, jusqu’au 30
juillet, 20h30, durée 1h15.