LE PROGRAMME CULTUREL DE SARKOZY
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LE PROGRAMME CULTUREL DE SARKOZY
Votre abonnement annuel pour 19 €/mois pendant 12 mois numéro 123 / mercredi 4 avril 2012 / www.lequotidiendelart.com / 2 euros Le programme culturel de Sarkozy Franck Riester, député de seine-et-marne Nous poursuivons le tour des programmes culturels des candidats à l’élection présidentielle THEavec ARTleDAILY avec un entretien député NEWS Franck Riester, qui représente le candidat Nicolas Sarkozy pour ces questions. que culturelle, il faudra prévoir de façon systématique des ateliers logements et des résidences d’artistes. De ce point de vue, la « Tour Médicis » de Clichy-Montfermeil est une sorte de prototype. Le troisième sujet est celui de la mise en valeur des artistes de la scène française. Ce sera l’une des principales missions assignées P. R. Quelles sont les priorités de Nicolas au Palais de Tokyo, qui ouvrira dans les Sarkozy pour les arts plastiques ? prochains jours et sera l’un des plus grands F. R. La question de la répartition des centres d’art d’Europe, si ce n’est du monde. compétences entre l’État et les collectivités Cet équipement était réclamé par les artistes territoriales est essentielle. Presque toutes aussi bien que les galeristes depuis vingt ans les politiques culturelles – pour les archives, et Nicolas Sarkozy en a fait un des projets le patrimoine, les musées, le cinéma, le culturels majeurs du Grand Paris. livre – se sont construites, parfois depuis P. R. Quels sont les axes de travail dans le la Libération, autour d’une grande loi Franck Riester. Photo : Martin Colombet. domaine du marché de l’art ? fondatrice qui a posé un cadre ou assigné à ses acteurs, publics ou privés, un rôle, des objectifs, des F. R. La loi du 20 juillet 2011 a mis notre régime juridique moyens. Il reste deux secteurs dans lesquels le Parlement ne des ventes aux enchères en conformité avec les standards s’est jamais prononcé, où la politique menée résulte d’une internationaux, après une décennie d’atermoiements. pratique administrative recensée dans un empilement de Désormais, nos maisons de ventes se trouvent dans une circulaires, de « chartes », de « contrats » : le spectacle vivant et situation comparable à celle de leurs concurrentes étrangères. les arts plastiques. Prenez l’exemple des Fonds régionaux d’art Cette perspective a contribué à faire de l’année écoulée celle contemporain (FRAC), qui sont des associations à but non du record historique des ventes aux enchères d’objets d’art. lucratif, dont le statut des collections n’a jamais donné lieu à Le marché se porte donc bien, même si notre premier objectif aucune disposition législative. Il en résulte qu’aujourd’hui, ces doit être de rapatrier en France les ventes d’objets issus du œuvres, achetées avec l’argent du contribuable, ne bénéficient patrimoine français qui sont réalisées à l’étranger. pas de la protection dont jouissent les collections publiques. Pour donner aux vendeurs l’envie de proposer leurs biens à Faut-il leur étendre cette protection ou ne pas le faire ? Quelle Paris, il faut que la place de Paris soit attractive, qu’elle rayonne que soit la solution retenue, il faut qu’elle le soit en toute grâce à la qualité et à la déontologie de ses professionnels, et connaissance de cause. Le moment est donc venu d’ouvrir un éviter les contraintes trop lourdes. débat public et de fixer clairement les rôles de chacun, leurs En la matière, une étape significative a été franchie pour la TVA à l’importation : Nicolas Sarkozy a ramené le taux applicable objectifs et les moyens alloués pour les atteindre. Le deuxième sujet est celui des ateliers : leur faible nombre est à l’Art déco, qui est un des points forts de la place de Paris, de la principale difficulté à laquelle se heurtent les plasticiens 19,6 % à 7 % français. Nicolas Sarkozy a annoncé un deuxième plan de Pour ce qui regarde le droit de suite, la distorsion qui existait rénovation urbaine (PNRU). Je pense que, dans le cadre de ce entre la place de Paris et celle de Londres – où les ayants droit PNRU 2, parce que cela contribue à la mixité aussi bien sociale des artistes décédés étaient privés du Suite du texte p. 2 spécial présidentielles Entretien avec Franck Riester le quotidien de l’art / numéro 123 / mercredi 4 avril 2012 page 02 bénéfice de cette rémunération – a pris fin le 31 décembre dernier. Le prochain sujet à traiter est donc celui de la non-application du droit de suite par les places extra-européennes. La France s’engagera pour que cette question soit rapidement évoquée entre l’Union européenne et les autres grands pays du marché de l’art. Il ne faut pas non plus oublier les modalités de délivrance des certificats d’exportation pour les biens culturels. Le décret qui fixe les seuils applicables aux différentes catégories de biens n’a pas été actualisé depuis 1993, ce qui est tout à fait anormal. Le sujet est délicat. Il faut concilier de façon proportionnée deux impératifs contradictoires : lutter contre le trafic illicite, d’une part, éviter d’entraver inutilement le fonctionnement du marché, d’autre part. À la demande du président de la République, le ministère de la Culture a mené au cours des derniers mois un travail préparatoire approfondi en vue de la révision des seuils. L’intention de Nicolas Sarkozy est de signer rapidement le nouveau décret. Enfin, et ce point est capital, Nicolas Sarkozy a souligné avec force sa volonté de « sanctuariser » le régime fiscal des objets d’art dans notre pays. P. R. L’entretien du patrimoine nécessite des moyens considérables. Quelles solutions Nicolas Sarkozy proposet-il ? F. R. Le président de la République a mobilisé des moyens inédits pour la restauration des monuments historiques, avec un budget de 400 millions d’euros par an depuis le début de son quinquennat, en hausse de 33 % par rapport au niveau antérieur. Il s’est engagé en 2008 à poursuivre cet effort pendant dix ans. Je pense cependant qu’il faut aller plus loin, car le patrimoine est un véritable investissement d’avenir. Le candidat Nicolas Sarkozy ne s’est pas encore exprimé sur ce point, mais l’UMP a fait des propositions innovantes sur l’entretien du patrimoine. Ainsi l’hôtellerie de luxe, qui bénéficie directement de la présence sur notre sol d’un patrimoine visitable et en bon état, pourrait ajouter au prix de chaque nuitée une contribution de quelques euros. À raison de 25 millions de nuitées annuelles dans les hôtels de quatre étoiles et plus, cette ressource pourrait représenter environ 100 millions d’euros. La Fondation du patrimoine, qui prend en charge le petit patrimoine rural non classé, auquel les Français sont très attachés car il incarne fortement l’identité locale, pourrait être affectataire de ces sommes. Il faut également envisager, comme en Grande-Bretagne, de faire contribuer le secteur des jeux. Deux modalités sont possibles : créer un jeu « spécial patrimoine », décliné sur le territoire en fonction du patrimoine régional, ou consacrer au patrimoine le produit d’un tirage annuel de la loterie nationale. Il faut aussi donner un nouveau souffle au mécénat, en s’appuyant sur l’attachement des PME au patrimoine local. Mon collègue Michel Herbillon vient de rendre un remarquable Suite du texte de Une rapport sur ce point. Il met en évidence le fait que dans le cadre juridique actuel, le seuil de 0,5 % du chiffre d’affaires bride l’engagement des PME. Beaucoup d’entre elles mettraient volontiers la main à la poche pour restaurer le lavoir, le colombier ou la maison médiévale qui incarne l’histoire de leur commune et la dépense fiscale pour l’État demeurerait modeste. Il faut donc envisager, pour les entreprises dont le chiffre d’affaires est inférieur à 50 millions d’euros, de porter à 1 % le seuil de déductibilité. Enfin, je crois qu’il serait légitime de consacrer chaque année à l’entretien du patrimoine historique une fraction – 5 ou 10 % – du produit des cessions immobilières de l’État. P. R. Nicolas Sarkozy va-t-il reprendre à son compte la proposition de L’UMP de créer un musée d’art contemporain dans la région parisienne ? F. R. Nous avons au Centre Pompidou un musée national d’art moderne dont les collections sans presque sans équivalent dans le monde et qui manque de place pour exposer ces richesses au public. Je crois qu’il faut méditer l’expérience du Centre Pompidou mobile. Ne pourrait-on concevoir des « modules » de la collection du Centre qui seraient accueillis dans des lieux déjà existants dédiés à l’art moderne, notamment dans le périmètre du Grand Paris. Ce serait le prolongement logique de l’action de Nicolas Sarkozy au cours de son premier mandat, puisque le président de la République a veillé à localiser hors de Paris intra-muros la quasi-totalité de ses grands projets culturels : le MuCEM, le Centre Pompidou mobile, le LouvreLens ou encore les Archives Nationales de Pierrefitte-sur-Seine qui sont le plus gros investissement de son quinquennat (300 millions d’euros). P. R. Et la maison de l’histoire de France ? F. R. Elle se porte à merveille. La nomination de Maryvonne de Saint Pulgent, qui jouit d’une grande légitimité dans ce domaine, à sa présidence, a été bien accueillie. Elle pourra s’appuyer sur un Comité d’orientation scientifique de très haut niveau, présidé par le professeur Jean-Pierre Rioux. Plus personne ne peut désormais soutenir de bonne foi que Nicolas Sarkozy veut réécrire l’histoire. La première exposition horsles-murs de la maison de l’histoire de France [« la France en relief »] a été un franc succès puisqu’elle a accueilli 140 000 visiteurs en un mois : c’est la preuve que le pari de créer une institution d’un type nouveau, qui fait le lien entre les découvertes de la recherche historique et le grand public, peut être gagné. Il ne reste qu’à organiser la cohabitation la plus harmonieuse possible entre les Archives Nationales, pour leur partie antérieure à 1790, et la maison de l’histoire de France, au sein du Quadrilatère Rohan-Soubise. Je suis certain que nous parviendrons à une solution consensuelle pour la répartition des espaces. Tout le monde sera gagnant, y compris les Archives Nationales qui disposeront de magasins de meilleure qualité du fait du redéploiement de leurs collections. Quant au public, il s’est d’ores et déjà approprié le magnifique jardin de plus d’un hectare, rouvert à l’été dernier, dont il avait été exclu depuis vingt ans. ❚ Propos recueillis par Philippe Régnier