dossier diffusion-cahin caha copie

Transcription

dossier diffusion-cahin caha copie
Spectale disponible en tournée au printemps 2014
Le T. d’Or (théâtre)
Compagnie David Géry
« Quand Jean Larriaga m'a proposé d'écrire une pièce de moins de 45 minutes que j'allais
lire en public, j'ai demandé si cela pouvait être un monologue et il m'a répondu que non.
Donc il fallait qu'il y ait des personnages, avec leurs noms.
Comme, quand j'assiste à une lecture, je suis toujours un peu gêné par la scansion de ces
noms qui reviennent pour indiquer le changement de personnage qui parle, j'ai voulu
contourner le problème. J'ai écrit un monologue à deux voix.
Il y a bien deux voix, mais il y a une seule personne. En fait on reconnaît le changement de
voix au changement de ton.
Au départ c'était donc une seule personne qui se parlait à elle-même, et puis,
chemin faisant, et comme par jeu, ils ont trouvé chacun leur identité
L'un s'appelle Cahin et l'autre Caha. Ils avancent, ils n'en finissent pas d'avancer en
s'interrogeant. Comme chacun de nous quand nous sommes seuls! Et comme il y a un
nombre impair de répliques, à la fin cela peut recommencer au début en inversant les
personnages, Cahin devient Caha et inversement. Et comme en plus ça peut encore
recommencer une troisième fois et une quatrième et indéfiniment, je me suis rendu compte
que j'avais écrit une pièce infinie. »
Serge Valletti
Dans Cahin-Caha, Serge Valletti met en scène le dialogue intérieur entre l’écrivain et l’acteur
qui cohabite en lui. Il nous montre à voir son processus de l’écriture. Nous le voyons
chercher, raturer, s’énerver, jeter, recommencer, jeter de nouveau, saisir quelques
fulgurances d’écriture, s’enthousiasmer… avant que, tout d’un coup, il tombe dans le vide, le
rien, l’angoisse, celle de la page blanche, et de recommencer à nouveau.
Comment le théâtre s’empare de cette question, comment traduire cela sur une scène.
Comment faire pour que ce spectacle commence enfin….
David Géry
Une lecture/mise en espace de Cahin-Caha a été présentée à Marsanne, petit village
de la Drôme en juillet 2011, à l’initiative d’Alain Choquard, directeur du festival Acte en
Drôme.
Création le 3 octobre au Théâtre Lucernaire - Paris
« Comment faire pour que ce spectacle commence enfin… » dit David Géry qui s’interroge sur
l’avenir du spectacle qu’il souhaite mettre en production ; il a donc invité quelques personnes à en
voir les vingt premières minutes. Une manière de faire avancer le projet, de trouver des relais, voire
des points de chute.
C’est une stratégie que doivent adopter nombre de compagnies en quête de producteurs, multipliant
lectures scéniques, maquettes, bandes-annonces. Le sort du projet dépend alors de la qualité de ces
avant-premières. Vingt minutes d’un spectacle en cours de fabrication pourraient frustrer le
spectateur, voire le démobiliser. Mais cette maquette avec Olivier Cruvellier et Christian Drillaud n’est
pas un brouillon mais un séduisant début, un tissage de haute précision. Hors-d’œuvre qui met en
appétit et qui donne envie d’en goûter davantage.
La trame est simple : un comédien et son auteur dialoguent sur la difficulté d’écrire quand il ne reste
plus rien à dire … L’écrivain cherche, rature, s’énerve, recommence, s’enthousiasme d’une trouvaille
pour mieux retomber dans le vide, et ainsi de suite. Alter ego, frères ennemis, les deux compères
s’opposent pour mieux se réconcilier et inversement. « J’ai écrit un monologue à deux voix, explique
Serge Valletti. Au départ, c’était donc une seule personne qui se parlait à elle-même, et puis, chemin
faisant, et comme par jeu, ils ont trouvé chacun leur identité. L’un s’appelle Cahin et l’autre Caha. Ils
avancent, ils n’en finissent pas d’avancer en s’interrogeant. Comme chacun de nous, quand nous
sommes seuls! » On retrouve dans Cahin Caha la verve de l’auteur, son sens de la répartie, une
facilité d’écriture que les deux comédiens savent contenir pour faire valoir les silences et les
hésitations devant la page blanche que devient le plateau nu. Pour faire sonner l’angoisse du néant
qui se cache derrière le verbe haut des personnages. ..
Cette pièce infinie, qui n’en finit pas de commencer, permet aux acteurs d’explorer les nuances du jeu,
de traduire entre les mots les variations d’humeur, des plus sourdes aux plus violentes. On souhaite
qu’elle puisse bientôt voir le jour sur de nombreux plateaux : une aventure à suivre..
Théâtroblog - Mireille Davidovici
l'émission du vendredi 2 novembre 2012
Le coup de coeur de monsieur Guy
On les croirait de passage, ils pourraient être des spectateurs levés de leurs sièges pour en
découdre. Ils sont sur scène, mais est-ce vraiment une scène? La question ne sera pas de
savoir pour qui ou pour quoi ils sont là mais plutôt comment ils sont arrivés là?
" Comment on commence ? " s'inquiète Caha. Entre l'insolite et l'absurde, nous voilà baladé
dans un quiproquo où le moins que l'on puisse dire est qu'il n'a ni queue ni tête. Face à
l'imaginaire débridé de Cahin, Caha oppose un " j'aimerais mieux pas" à la Bartleby. Et à
partir de cette dynamique nos deux comparses nous entrainent dans d'incroyables facéties
où déraison et raison se disputent l'avantage.
Si, bien sûr, dans ce dialogue on peut percevoir l'imaginaire en marche (celui de l'écrivain,
du metteur en scène ou du spectateur), Serge Valletti, par son écriture au scalpel, nous
transporte dans une tornade de mots où l'important n'est pas de savoir ce que ça raconte,
mais ce que ça dit et que l'on entend par delà les mots. Dans leur vaine tentative de vouloir
maîtriser la situation, Cahin et Caha nous révèlent leur incomplétude en nous renvoyant à la
nôtre.
Par sa mise en scène, en déstabilisant le rapport scène-salle, David Géry fragilise dans un
même temps la place du spectateur, lui offrant aussi la possibilité d'une bienveillante écoute.
Car si nous rions beaucoup, ce sera autant au dépens de nos comparses qu'au nôtre.
Le jeu d'Olivier Cruveiller et Christian Drillaud est d'une grande justesse. Evitant l'écueil
de la caricature, il donne corps et chairs à ces deux âmes en errance.
Allons voir Cahin-Caha pour rire bien sûr, mais aussi pour voir et entendre dans un même
temps la partie de cache-cache que se livrent le vrai et le faux dans le souci constant de
s'approcher du juste. Le théâtre en quelque sorte.
Guy Flattot
Gilles Costaz
Cahin-Caha de Serge Valletti
Dialogue fratricide
Cahin et Caha ne montent pas dans un bateau mais avancent en duo dans un no
man’s land. Ils discutent ferme, jusqu’à faire monter le ton, jusqu’à se menacer.
Mais qui sont-ils ? Pour le metteur en scène David Gery, qui dévoile le pot aux
roses dans le programme, ils sont en fait les deux faces de l’auteur Serge
Valletti : l’acteur qui sommeille en lui (et il sommeille peu face aux abondants
textes qui sortent de la plume de son double) et l’écrivain qui produit son théâtre
à coups d’inspirations, de contradictions et de pannes. Du coup, on pourrait
inverser les personnages et faire tourner ce dialogue fratricide, comme « une
pièce infinie », dit Valletti.
Cet absurde entretien est irracontable mais, dans la mise en scène musclée et
malicieusement hagarde de Géry, il est tout à fait bien raconté. Christian Drillaud
est le plus sage, le plus songeur, le plus solide de ces deux boxeurs du dialogue.
Claude Guyonnet – car c’est lui que nous avons vu dans un rôle également joué,
en alternance, par Olivier Cruveiller – est le plus fou, le plus cogneur. Ce grand
moment de loufoquerie moderne, fait pour des clowns rétifs aux clowneries, nous
rappelle – pour ceux qui ne le sauraient pas ou l’auraient oublié – que Valletti est
l’un de nos plus grands auteurs mais parfois déclassé au baromètre des agents
de change littéraire parce qu’il fait rire comme personne.
ALLEGRO THÉÂTRE
DIMANCHE 28 OCTOBRE 2012
PUBLIÉ PAR JOSHKA SCHIDLOW
Cahin-Caha de Serge Valletti
On ne compte plus les metteurs en scène qui se sont mesurés au théâtre de Serge Valetti.
Mais seule à ma connaissance Chantal Morel sut, il y a belle lurette, en montant, "Le jour se
lève Léopold", mettre en valeur l'absurde savoureux de cet auteur dont la faconde rappelle,
par instants, celle de Roland Dubillard, David Géry s'attaque, lui, à une pièce écrite par
Valletti pour France Culture et qui n'a, pour autant qu'on le sache, jamais été jouée. Son faste
verbal étourdissant a, à l'évidence, foutu la trouille à ceux qui auraient voulu s'en emparer.
Mais pas à Olivier Cruveiller ( en alternance avec Claude Guyonnet) et à Christian Drillaud
qui interprètent deux personnages lesquels s'appellent l'un Cahin, l'autre Caha.
Se posant comme tout un chacun quand il est seul, des questions aussi démentes que
"Comment communiquait- on avant l'invention du langage?" ils en arrivent, emportés par
leur verve, à associer des raisonnements de plus en plus hasardeux. Cahin ne se remet pas
d'avoir été plaqué par une fille. Caha lui fait remarquer qu'il n'a connu l'objet de son
obsession que cinq minutes il y a quinze ans et l'autre de lui répondre "tu ne connais rien au
coup de foudre". Et si, plutôt que de se laisser submerger par les mots qui bruissent dans
leurs têtes, ils se mettaient à écrire et, pourquoi pas, à se transformer en dramaturge? Ce
qui a, sans doute aucun, été le cas pour le sieur Valletti.
Le plus frappant dans ce spectacle jubilatoire qui tourne en boucle est que les deux
comédiens n'ont jamais l'air de jouer mais semblent eux- même entraînés dans un feu roulant
de questions et de réponses on ne peut plus saugrenues.Difficile de ne pas admirer la sagacité
avec laquelle David Géry a dirigé cette opération à haut risque.
CAHIN
Olivier CRUVEILLER
Formé au Conservatoire National supérieur d’Art Dramatique, il a joué récemment au
théâtre dans La Tempête et le Songe d’une nuit d’été de Shakespeare, mis en scène
par Georges Lavaudant et La Passion selon Jean mis en scène par Jean -Yves Ruf.
Il a travaillé sous la direction de nombreux metteurs en scène tels que Josanne
Rousseau, Gilberte Tsaï, Stuart Seide, Bernard Sobel, Denis Podalydes, Christophe
Perton, Stephane Braunschweig, Gildas Bourdet, Jean-Pierre Vincent, Antoine Vitez,
Aurélien Recoing, François Rancillac, Jean Jourdheuil, Ewa Lewinson, Philippe
Adrien, Eric da Silva….
Il met en scène en 2008 Bar de Spire Scimone au Centre dramatique de Nancy et
La forme d’une ville change plus vite, hélas, que le cœur des humains de Jacques
Roubaud au Théâtre de la Commune d'Aubervilliers en 2007
Sur les écran il était récemment dans Carlos d’ Olivier Assayas, Drift-away de Daniel
Sicard, Lol de Lisa Azuelos, Il y a longtemps que je t’aime de Philippe Claudel. Il a
tourné aussi entre autres pour Olivier Dahan Emmanuelle Cuau Jacques Rivette
Nicole Garcia Philippe Lioret Liria Begeja, Hervé Leroux, Frank Nicotra, Sophie
Fillières, Bertrand Tavernier Claude Lelouch, Jean-Louis Bertuccelli, , Edouard
Niermans, Joelle Goron
CAHA
Christian DRILLAUD
Acteur et réalisateur, formé à l’École du T.N.S, nous avons pu le voir récemment au
théâtre de l’Odéon dans Le jeu de l’amour et du hasard de Marivaux mis en scène
par Michel Raskine. Il a joué sous la direction de Patrick Simon, Michel Didym, Joël
Jouanneau, Jacques Ozinski, René Loyon, Jacques Ozinski, Alain Milianti, Charles
Tordjman, Michel Dubois, Matthias Langhoff, Jean-Paul Wenzel, Gildas Bourdet,
Laurence Février, Pierre Ascaride, Claude Yersin, Robert Gironès, Jacques Lassalle,
Jean-Pierre Vincent, P.E.Heymann …
Sur les écrans, il a tourné pour René Feret, Benoit Jacquot, Olivier Assayas, JeanPaul Rappeneau, Munz et Bitton, Guillaume Nicloux, Mohamed Ismaïl, Alain Tasma,
José Pinheiro, Stéphane Kurc,Vincent Giovanni, Fabrice Cazeneuve, Pascal
Chaumeil…
CAHIN
(en alternance)
Claude GUYONNET
Sorti du Conservatoire National Supérieur d’Art Dramatique de Paris en 1984,
travaille régulièrement sur des textes aussi bien classiques que contemporains avec
de nombreux metteurs en scène parmi lesquels : Claude Regy, Daniel Mesguich,
Dominique Pitoiset, Laurent Pelly, Jean-Pierre Miquel, Stuart Seide, Michel Soutter,
Dietrich Sagert, Carlos Wittig, Francois Rancillac, Jean Lacornerie, Gilles Bouillon,
Claude Yersin, Claire Lasne-Darcueil, Anne Monfort et surtout Bernard Sobel
(dernière collaboration : « L'HOMME INUTILE OU LA CONSPIRATION DES
SENTIMENTS » de Youri Olesha à La Colline, 2011)
En 2012, il joue « NOUS TROIS » de Racine Musset Brecht Duras – mise en scène
de C.Lasne-Darcueil à La maison du comédien Maria Casares-Alloue et « QUICHOTTE
Y PANZA » de Cervantes – mise en scène de Richard Sammut au Pot au NoirRivoiranche.
David Géry
Metteur en scène, acteur, formateur et peintre,
Il fonde en 1996, le T. d'Or (théâtre) et crée le premier spectacle de sa compagnie,
Britannicus de Jean Racine, suite à un long travail effectué dans le cadre des
ateliers ouverts par Brigitte Jaques et François Regnault au Théâtre de la Commune
d'Aubervilliers. Britannicus fut repris au Théâtre de Vanves en 1997, puis en tournée
en 1998.
Depuis il a mis en scène avec sa compagnie :
Une envie de tuer sur le bout de la langue de Xavier Durringer au Théâtre de la
Commune d’Aubervilliers - Mars 1998. Reprise au Théâtre de la Tempête -jan1999
Murder in Mind au Théâtre de la MaMa E.T.C. New York - déc 1999
William Pig, le cochon qui avait lu Shakespeare de Christine Blondel à La
Comédie de Picardie Janvier 2001 :
La Nuit à l'envers de Xavier Durringer au Manège.mons (Belgique) - Oct 2002
Avoir 20 ans dans les tranchées au Phénix - Scène nationale de Valenciennes.
Mars 2003
Bartleby : Le spectacle a été créé à Épinay-sur-Seine et présenté au Théâtre de la
Tempête en mars 2004. Le spectacle est repris au Théâtre de la Commune
d’Aubervilliers en décembre 2005 puis en tournée en 2006 en France et Belgique.
L’Orestie d’Eschyle : Théâtre de la Commune d’Aubervilliers - déc 2007
Rêve d’automne de Jon Fosse à l’Athénée -Théâtre Louis Jouvet - Sept 2008
Le Legs et les Acteurs de bonne foi de Marivaux à l’Espace des Arts de Chalonsur-Saône - janv 2010
Don Quichotte de J. Massenet dans le Cloître Saint Nazaire de Béziers - juil 2010
Fahrenheit 451 de Ray Bradbury. Création le 16 janvier 2013 au Théâtre de la
Commune d’Aubervilliers.
Serge Valletti
Marseille : une « immense Ville-Théâtre », selon Valletti. C’est là que l’auteur du récit
Pourquoi j’ai jeté ma grand-mère dans le Vieux-Port - l’un de ses rares textes
autobiographiques, où il conte, riant sous cape, comment il a jeté à la mer les
cendres de son aïeule - est né. C’est là qu’il a puisé son inspiration, là qu’il a situé
beaucoup de ses pièces (quand il les situe, ce qui est rare, mais la ville est souvent
papable, reconnaissable et dominante), là qu’il a créé son langage de théâtre en
donnant son propre rythme et sa propre syntaxe à la tchatche méridionale, là qu’il a
fait ses premiers pas de musicien, d’acteur et d’auteur, là qu’il casse les règles du jeu
dramatique pour écrire loin des moules traditionnels de la comédie. Valletti est
marseillais, avec tout ce que cela implique : le sens de la galéjade, la parole toujours
en expansion et dans le jeu de la contradiction, un sens de la vie, embelli par l’infini
des rivages et aussi corrodé par un certain mal de mer, l’affiliation innée à une
culture méditerranéenne où les fureurs d’Aristophane sont aussi actuelles que les
révoltes de la rue et des marchés phocéens d’aujourd’hui…Les premières pièces de
Valletti sont introuvables, l’auteur semblant avoir préféré ne donner aux lecteurs que
les œuvres qu’il jugeait abouties. Mais l’écrivain s’est trouvé tout de suite, à lire les
titres et les résumés qu’on peut lire dans les études qui lui sont consacrées. Sa
première comédie, Les Brosses (Valletti a 18 ans ; la création a lieu au théâtre
Massalia, à Marseille), met en scène les clients d’une clinique douteuse, tous
candidats au suicide et tous invités à acheter des brosses avant de mourir ! Il y a
déjà la captation de l’absurde contemporain, transposé dans un cadre
méditerranéen, et cette gravité sans laquelle. il n’y a pour Valletti ni comique ni
hilarité. Car, avec lui, on rira toujours à gorge déployée ou serrée, mais à mille lieues
de la facile rigolade méridionale. Le jeune auteur est déjà un contemporain de
Beckett qui, au lieu d’aller vers le silence comme les tenants de l’avant-garde, joue
avec toutes les possibilités de la palabre. Son art poétique, il l’exprimera plus tard
quand il fera dire à l’un de ses personnages, dans Au bout du comptoir, la
mer ! : « Je me laisse entraîner par des histoires qui me rentrent dans le cerveau et
qui ont de la peine à en sortir, il en reste toujours des bribes, des fragments, des
débuts, des fins, parfois un type qui parle tout seul. » On l’a souvent comparé à
Pagnol. Le rapprochement n’est pas infondé. Il descend de l’auteur de Marius par les
fenêtres brisées des Demoiselles d’Avignon de Picasso !
Valletti ne raconte pas tout. Il se masque lui-même quand il conte sa vie – son récit
Et puis, quand le jour s’est levé, je me suis endormie, puise beaucoup dans ses
souvenirs de jeune acteur arrivant à Paris dans la troupe de Daniel Mesguich mais
les transpose dans la vie d’une comédienne imaginaire. Ses histoires sont traversées
de brèches, appuyées sur des mystères que les mots cachent autant qu’il les
dévoile. Ainsi écrit-il lorsqu’il parvient à ne plus jouer seulement à Marseille mais à
Avignon, dans le festival off, et à Paris. Ses duos, qu’il interprète avec Jacqueline
Darrigade, puis ses solos sont d’étranges bouffonneries qui jonglent avec des
mythes d’hier (Hamlet) ou d’aujourd’hui (Kennedy). Ce sont, comme La Conférence
de Brooklyn sur les galaxies, des démonstrations inversées : elles démontent plus
qu’elles n’éclairent ou n’expliquent ! Les vérités fuient, comme emportées par la
marée. Il ne reste que la solitude des hommes continuant à jouer avec des notions
qui leur échappent.
A partir de Le jour se lève, Léopold !, que Chantal Morel monte en 1988, l’œuvre de
Valletti accède à une nouvelle dimension, moins liée à la figure d’un double de luimême et multipliant les personnages : elle peut être détachée de l’image du
comédien Valletti (même ses solos peuvent être interprétés par d’autres acteurs, le
monde du théâtre s’en apercevra peu à peu) ; elle exprime, à travers l’errance et les
conflits de personnages sortis de nulle part (c’est-à-dire du peuple, jamais des
classes favorisées), tout un univers où l’étrangeté des êtres se heurte à la folie de la
vie. Le jour se lève, Léopold ! est une traversée hallucinée d’une ville par des êtres
hagards qui finissent dans la nuit leur mariage, leur recherche d’alcool, leurs petits
trafics, allant de quartier en quartier et finissant sur la jetée. Il y a là tout un bric à
brac d’humanité, paumés, fauchés, vantards, artistes inconnus, petits malfrats, tous
dérisoires et tous bouleversants.
Ces petites gens, minables mais grandis par la fantaisie, on les retrouve dans les
nombreuses pièces qu’écrit ensuite Valletti : Carton plein, où deux individus discutent
sans fin d’un colis à ouvrir, Domaine Ventre, la quête de deux hommes traquant en
vain un homme et de l’argent, L’Argent, librement inspiré d’Aristophane, où un
quincaillier a le malheur de recueillir chez lui le dieu de l’Argent. Pœub, l’une des
pièces les plus fabuleuses du répertoire, avec ses 64 personnages (ce qui
n’empêcha pas Michel Didym de la mettre en scène en 2006), mérite une place à
part : le patron d’un « pœub », impliqué malgré lui dans une conflagration mondiale,
revient des années après dans son établissement, puisqu’il y a une place
d’ « ambianceur » à prendre. Toute une autre guerre humaine se déchaîne, au terme
de laquelle il devient un autre : un clown.
A l’intérieur de cette humanité banale et dotée d’un indéfinissable génie Valletti place
parfois des personnages appartenant au milieu du spectacle. Dans Saint Elvis, Elvis
Presley est distordu au point qu’on ne sait s’il ne s’agit du vrai chanteur ou d’un fan
se prenant pour son idole. Les protagonistes de Tentative d’opérette en Dingo-Chine
sont des chanteurs répétant Le Pays du sourire dans une ville du Sud-Ouest. Dans
Au bout du comptoir, la mer ! , l’une des pièces de Valletti pour un seul acteur les
plus jouées en France, un comique de casino se raconte à sa sortie de scène. Le
cirque de l’auteur aime à jouer avec les références d’un cirque personnel qui passe
par le music-hall mais accueille d’autres références très aimées, comme les
polichinelles repérés dans un dessin de Tiepolo (ils lui inspirent sa seule pièce écrite
en duo, avec Jean-Christophe Bailly, Villeggiatura), le peintre Cézanne autour duquel
il compose un monologue, Je suis l’ami du neveu de la fille de l’ami intime du fils du
voisin de Paul Cézanne, le footballeur brésilien Garrincha - que la pièce Monsieur
Armand dit Garrincha salue dans une action toute parallèle à la carrière du sportif ou
le grand ancêtre Aristophane dont il rêve d’adapter d’autres pièces que L’Argent.
C’est dire que l’écrivain sait, d’une œuvre à l’autre, rendre hommage à son panthéon
personnel et ouvrir – ou entrouvrir – les tiroirs secrets de ses plaisirs et de ses
passions. Il sait aussi, quand il en éprouve le besoin, mordre dans l’actualité : Papa
installe un sosie, un double de Jean-Marie Le Pen dans un hôpital
psychiatrique ; dans Si vous êtes des hommes ! , des déshérités se révoltent et
tentent de s’emparer d’un lieu au nom hautement symbolique, le Musée de l’Homme.
Mais, majoritairement, l’œuvre se déroule dans la compagnie des inconnus de
Marseille et d’ailleurs, des anonymes simultanément issus de la rue et du cerveau
imaginatif de l’auteur : ce « monde de causeurs » de Domaine Ventre, tous les
passants qui défilent et parlent dans les soliloques écrits pour le comédien Christian
Mazzuchini (Gens d’ici et autres histoires, Les Autres Gens d’ici, Encore plus de
gens d’ici)… L’une des émotions les plus violentes qu’éprouva Serge Valletti se
déclencha le jour où il aperçut et emporta un carton jeté dans une poubelle
parisienne ; des agendas, des lettres, des photos permettaient de reconstituer les
étapes de la vie d’une femme qui venait de mourir. Valletti fut bouleversé par cette
découverte. Cette reconstitution d’une réalité par la fiction, il la fit en écrivant
L’Invention de Suzanne, pièce qu’il joua lui-même avec Ariane Ascaride pour FranceCulture, en 2007 et dont il dit : « Ainsi en une heure passe un siècle ». Mais tous les
textes de Valletti, quel que soit leur merveilleux délire d’esprit et de langue sudistes,
peuvent être reliés à ce choc créateur. Dans chacune de ses fantaisies, même au
plus fort des lazzi langagiers, le poète recrée l’infini labyrinthe des gens qu’on dit
simples.
Théâtre contemporain / Gilles Costaz
Le
T
. d’Or
(théâtre)
306 rue Henri Barbusse
94500 Champigny-sur-Marne
Tel. 01 49 83 04 81
Mob. 06 80 08 71 41
[email protected]

Documents pareils