Ma maison fait son

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Ma maison fait son
BELGIQUE
SEPTIÈME ART
Prêter son lit à Emilie
Dequenne, sa baignoire à
Natacha Régnier ou son
logis à Benoît Poelvoorde?
Une aubaine pour les
particuliers et un marché
de plus en plus organisé en
Belgique pour les réalisateurs en recherche de
décors naturels
ttentif, le regard affûté et
connaisseur, Philippe
Groff, régisseur de nombreuses productions cinématographiques
belges, scrute la grande salle qui s’étale
sous ses yeux. Cette pièce conviendrat-elle pour l’une des scènes de Cages, le
premier long-métrage d’Olivier Masset-Depasse ? Il observe, prend des
photos pour faire parler les décors, ditil. «Le cinéma est illusion et allusion. Je
trouve un lieu idéal, puis je le fais aménager pour qu’il corresponde au maximum à l’univers du film. » En effet, le
temps où les tournages se faisaient
exclusivement en studio est révolu. Le
décor à la Hollywood fait place à des
lieux bien réels, le plus souvent privés.
Bon nombre de productions belges et
internationales font usage des habitations de particuliers. Il y a là un nouveau marché, et la Wallonie compte
bien y tailler sa place.
Le cinéma francophone, brillamment
représenté par des réalisateurs comme
les frères Luc et Jean-Pierre Dardenne,
Lucas Belvaux ou encore Benoît Mariage, est friand de décors extérieurs naturels. A l’image de ce qui se faisait déjà à
l’étranger depuis plus de quinze ans, la
Région wallonne mettait sur pied, voici
cinq ans, un Fonds d’investissement,
pour aider la production cinématographique. Le Fonds Wallimage/Sowalim
était né. « Le but recherché dans le
domaine du cinéma était d’attirer les
tournages sur notre territoire, en cofinançant les films, explique Philippe
Reynaert, directeur de Wallimage. Ce
que nous espérions est arrivé. Les réalisateurs étrangers sont de plus en plus
intéressés par la région.» Ainsi, Le Cou-
A
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peret, de Costa-Gavras, a été tourné en
grande partie à Liège. Le cinéaste d’origine grecque a d’ailleurs été ravi par
l’accueil. Des organismes se développent aussi pour aider les productions
qui recherchent un lieu de tournage :
maisons, châteaux, musées, paysages,
routes... La demande, à cet égard, est
forte et, ces derniers temps, des bureaux
d’accueil de tournages cinématographiques s’implantent un peu partout en
Belgique. Il en existe un à Anvers et la
Ville de Bruxelles mettra également en
place, dès septembre, un service de renseignements et une base de données
pour aider les producteurs. Côté wallon,
la province de Hainaut a été la première
à lancer son bureau (le BATC Hainaut), à
l’initiative de l’ASBL Hainaut Cinéma.
La base de données, mise en ligne sur le
site www.hainaut.be/culture/sitestournage, recense plus de 400 lieux de tournage. Le particulier peut y proposer son
habitation pour un tournage en remplissant une fiche signalétique et le producteur peut trouver là le lieu rêvé pour
son prochain film. La province de Liège
prépare, pour la rentrée, un bureau de
tournage, en concertation avec la
Région wallonne et les maisons de production liégeoises. En Brabant wallon,
la commune de Braine-l’Alleud a créé, il
y a six mois, le site www.wallonie-tournage.be, qui prêtera bientôt son nom à
un site régional unique (voir encadré
p. 27 ). Coup double pour les villes et
provinces : elles alimentent le moteur
économique qu’est l’industrie cinématographique, et bénéficient au passage
d’un formidable vecteur culturel pour
leur image. Les coûts moins élevés
poussent les cinéastes à tourner de plus
en plus souvent en décors naturels. Plus
question de construire une maison en
studio, le tout est de trouver la demeure
qui répond le mieux aux exigences du
scénario. En France, il existe des
agences immobilières spécialisées dans
l’offre et la demande de décors, répertoriés, entre autres, sur www.filmfrance.net et www.lieuxdetournages.com,
mais, en Belgique, ce genre d’agences,
d’initiative privée, est rarissime. Une
notable exception est le réseau en ligne
Locamundo, www.locamundo.com.
Cet outil, qui existe également en livre,
a été créé, chez nous, en 1998. A l’heure
actuelle, grâce aux 110 professionnels
du repérage de par le monde, il présente
PG
Ma maison fait son
plus de 32 000 choix de location, et
ce, dans 44 pays. «Locamundo est comparable à un department store, souligne Jo Van Hove, le responsable belge
du site. Les produits sont exposés et le
producteur, le photographe, le publicitaire n’ont plus qu’à choisir. Mais attention, il ne s’agit pas d’une industrie. Le
côté artistique prime!»
Home profiler
L’annuaire en ligne du cinéma belge,
www.clap.be, présente dans son répertoire une liste de «repéreurs». Quoique
cette liste soit longue, ils ne sont pourtant que quelques-uns en Belgique à
exercer ce métier de façon durable.
Beaucoup de jeunes sont tentés par l’expérience, mais ils abandonnent rapidement quand ils constatent la difficulté
du travail. De bonnes connaissances
cinématographiques (techniques de
tournage, habitudes du réalisateur...) et
un carnet d’adresses fourni sont des
atouts indispensables. Certains parviennent à vivre uniquement du métier de
« repéreur ». Dans ce cas, la diversification est nécessaire : recherche de lieux
pour des agences de photos ou de publi-
PG
cinéma
ce boulot, c’est de faire entrer les
caméras dans un lieu où on
n’aurait jamais pu l’imaginer. »
Philippe Groff se souvient avec
enthousiasme d’une scène de
Rosetta tournée dans l’usine Moi, à
Chênée, ou encore de longs passages de Stormy Weather filmés à
l’hôpital psychiatrique du Petit
Bourgogne, à Cointe (Liège).
PG
PG
Attention, action !
Lucas Belvaux
dans la région liégeoise
lors du tournage
de La Raison du plus faible
(sortie en 2006).
cités, des producteurs de cinéma ou
encore des couturiers, comme le fait la
société Loc8, un des fournisseurs de Locamundo, située à Bruxelles. D’autres
jonglent avec plusieurs casquettes, comme Philippe Groff, régisseur indépendant et repéreur à ses heures. Le travail
d’un home profiler requiert beaucoup
d’investissement: «Tout commence toujours par la lecture du scénario et une
discussion avec le réalisateur, pour
mieux connaître ses exigences, raconte
Philippe Groff. Ensuite vient le repérage
proprement dit. Parfois, je sais tout de
suite ce qui conviendra. Mais, la plupart
du temps, cela demande des jours de recherche. Sur place, je fais des photos et
j’élabore un plan des environs que je
soumets ensuite au réalisateur. Il sélectionne les endroits qui lui plaisent le
plus, et se rend ensuite, lui-même, sur
les lieux. Finalement, après les avoir visités, il fait son choix.» Si le travail du «repéreur » s’arrête ici, celui du régisseur
continue: gestion de l’équipe technique,
relations avec les propriétaires dont il
faut assurer le relogement pendant le
tournage... «Mais le plus magique dans
Pour en savoir plus
■ Sur la Toile : www.l2tc.com.
Pour les surfeurs intéressés, le site
répertorie les lieux de tournage de
4640 films dans le monde, par pays
et par région. Par exemple, pour la
Ville de Bruxelles, 27 films sont fichés. Un texte bref informe sur
l’équipe technique et renvoie à une
fiche descriptive du film, que ce
soient Alive, Carnages ou Nana. Si le
contenu informatif déçoit parfois,
l’internaute appréciera cependant
la vision internationale de ce moteur de recherches cinématographiques.
www.routard.com/mag_dossiers/id
_dm/24/les_lieux_de_tournage.htm
Pour les voyageurs, le site du Routard propose un dossier sur les lieux
de tournage cinématographiques.
Si le prochain long-métrage de Lucas
Belvaux, intitulé La Raison du plus
faible, ne sort que dans quelques
mois, le tournage, lui, n’est plus qu’un
lointain souvenir. Une part importante
des scènes ont été tournées dans
un quartier de Bressoux, repéré au
préalable par Philippe Groff. Retour sur
les lieux du film...
Dans une rue en pente, une petite
maison avec vue sur les tours de Droixhe. Sous ses apparences ordinaires, elle
a pourtant une histoire peu banale.
Pendant plus d’un mois, elle a vécu un
rêve « hollywoodien ». Elle a connu le
stress des répétitions et l’adrénaline
des «Silence, on tourne!»
Tout a commencé par un simple
message toutes-boîtes. « Tous les
propriétaires des maisons de ce côté de
la rue, avec vue sur les tours, ont été invités à une réunion avec Lucas Belvaux
et quelques membres de l’équipe
technique », raconte Christophe Cops,
propriétaire des lieux. Curieux mais
pas spécialement motivé à l’idée d’accueillir le tournage d’un film dans sa
demeure fraîchement rénovée, il s’est
quand même rendu à la réunion. « Ils
nous ont énuméré les désagréments
causés par un tournage. L’inévitable
déménagement du mobilier, le relogement à l’hôtel, les possibles dégâts...
Mais l’expérience avait l’air tellement
exceptionnelle que je me suis inscrit
sur la liste des personnes intéressées
par le projet. » Après la visite des ●●●
Une rubrique célébrant l’univers
des studios américains à découvrir
lors d’un voyage aux Etats-Unis. Ou
des lieux 100% naturels, depuis l’île
de James Bond dans L’Homme au
pistolet d’or, en Thaïlande, au
motel de Bagdad Café, à Newberry Springs, en Californie, en passant
par les quartiers parisiens du Fabuleux Destin d’Amélie Poulain.
■ Livres : pour ne pas manquer
les lieux incontournables du ciné-
ma français.
Bretagne et cinéma, par
Jean-Pierre Berthomé et Gaël
Naizet, Cinémathèque de Bretagne,
éditions Apogée, 1995.
Paris vu au cinéma par Marie-Christine Vincent et François de
Saint-Exupéry, éditions Movie
Planet, 2003.
Guide des lieux cultes du cinéma en France, par Marc Lemonier, éditions Horay, 2005. ● C.B.
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BELGIQUE
MÉDIAS
●●● différentes maisons, c’est finalement
celle de Christophe Cops qui est retenue. Commence alors, pour lui et sa famille, l’inoubliable aventure. Une
convention d’occupation temporaire
des lieux et d’autorisation de tournage
est signée entre le producteur et
les propriétaires. Une somme de 2 000
euros est versée à la famille pour la
location des lieux et le relogement.
La somme peut paraître dérisoire, mais
elle est tout à fait habituelle. Contrairement aux propriétaires français et
italiens, les Belges se montrent moins
exigeants. Parfois, aucun dédommagement n’est versé, le propriétaire
souhaitant simplement qu’on lui laisse
la décoration du film ou que son nom
figure au générique du film. Toute la
maison de Christophe Cops est vidée et
redécorée aux frais de la production.
Et, pour éviter tout problème, la société
Entre Chien et Loup-Agat films & Cie
souscrit à une police « tous risques
productions » avec une compagnie
d’assurances. « Ils ont même relevé les
compteurs d’eau et d’électricité en
arrivant pour être certain que tout
nous soit dû!» s’exclame l’heureux propriétaire. D’ailleurs, si c’était à refaire, il
signerait à nouveau, mais pas tout de
suite ! Bien que l’expérience se soit
déroulée sans aucun problème, le plus
difficile pour la famille Cops a été de
« quitter son chez-soi et ses animaux ».
Si le chat a pu rester sur les lieux
du tournage (il a même participé à une
scène du film), le chien a résidé
quelque temps dans un centre de
vacances animalier de grand confort,
choisi par Lucas Belvaux lui-même.
Au final restent d’inoubliables souvenirs de coulisses et de plateau. A
présent, la maisonnée attend impatiemment l’avant-première du film afin
de découvrir « la vie cachée de leur nid
douillet». ●
Coraline Burre
Répertoire
régional
Lors de l’ouverture du XXe Festival du film
francophone, le 23 septembre prochain, à
Namur, le ministre wallon de l’Economie
et de l’Emploi, Jean-Claude Marcourt (PS),
présentera un nouveau site Internet,
www.wallonie-tournage.be. Ce site gérera
un répertoire central des lieux de tournage wallons et orientera les demandes vers
les bureaux provinciaux concernés.
C.B.
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Reportages
sous la couette
Concurrence oblige (?), la
surenchère va bon train
dans la presse sur les
couples célèbres qui se
font et se défont
ui couche avec qui ? La
question alimente depuis
longtemps le fonds de
commerce de la presse people.
Mais cet été a été franchement
prolifique en reportages sous la
couette. Et ce n’est peut-être
pas l’effet d’une simple coïncidence.
En France, les déboires de
Cecilia Sarkozy et de son probable futur ex-mari de ministre ont repris de
plus belle. Paris-Match nous a ainsi appris, sur 6 pages, que « l’heure du
choix » avait sonné pour le couple. On
se console heureusement avec les
bonnes nouvelles de Jean-Pierre Pernaut, présentateur vedette du 13
Heures de TF1, et de sa compagne Nathalie Marquay, ancienne Miss France.
Non, celle-ci ne s’en va pas rejoindre
Daniel Ducruet. Tout cela n’était
qu’une rumeur qui a failli mal tourner.
Et où TF1 s’est retrouvée dans le rôle du
pyromane qui se brûle les doigts. Pour
pimenter son émission de télé-réalité
La Ferme célébrité, la chaîne privée et la
société de production ont construit
une idylle de pacotille entre la belle et
l’ex-mari de Steph’ de Monac’, participant tous deux à l’émission. Pernaut
s’est prêté au jeu (aux exigences?) de sa
chaîne et a déboulé dans La Ferme
pour des retrouvailles émouvantes.
Mais le mal était fait : Voici, Public, Ici
Paris, VSD, France-Soir et le dernier-né
de la presse française à scandale, Closer, avaient allègrement tartiné sur la
crise du couple. L’arrivée, sur le marché, début juillet, de Closer, tirant
d’emblée à 600 000 exemplaires, est
sans doute pour beaucoup dans cette
surenchère, amenant même Télé 7
jours (groupe Hachette) à s’y mettre, à
coups de photos « inédites » accompagnées de légendes indignes. Là, TF1 n’a
plus aimé. Ordre fut donc donné de ne
plus alimenter l’hebdo en photos et
scoops sur la chaîne. Pernaut, lui, envisage de déposer une salve de plaintes.
Q
La manchette de Het
Belang van Limburg du 25 août.
En attendant, il a refait les Unes sur la
«fin des rumeurs»...
La Belgique a eu droit, elle aussi, à
son histoire de cœur de l’été, entre le
ministre de l’Intérieur Patrick Dewael
et la journaliste de la VRT, Greet Op de
Beeck. Révélée par Knack le 24 août,
leur liaison était confirmée le soir même via un communiqué de presse du
ministre en personne. La presse flamande s’est jetée là-dessus avec de
pleines pages, en s’interrogeant notamment sur la déontologie de la belle
(déchargée, depuis, du traitement de
l’actualité) et le rôle des médias. Ce
n’est pourtant pas la première fois que
presse et politique s’unissent sous les
auspices de Cupidon et que l’enclos de
la vie privée est franchi publiquement.
L’annonce de l’union entre Johan Van
Hecke, alors président du CVP, et la
journaliste Els De Temmerman, rompait, en juin 1996, avec la traditionnelle
retenue des médias belges en ces matières. Depuis, et malgré une déontologie sans ambiguïté sur le respect absolu
de la vie privée, le mouvement s’est
poursuivi sous une triple pression: l’influence croissante de la presse anglosaxonne, la concurrence entre médias
de proximité, seuls ou presque à gagner
des lecteurs, et les élus eux-mêmes qui
invite de plus en plus les photographes
dans leur sphère privée. Quand cela
leur convient... ●
Jean-François Dumont,
avec Renaud Revel

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