La responsabilité des dirigeants et administrateurs en droit
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La responsabilité des dirigeants et administrateurs en droit
La responsabilité des dirigeants et administrateurs en droit québécois et l’utilisation de polices d’assurances pour en diminuer l’impact Par Me Martin F. Sheehan 1 INTRODUCTION Être administrateur ou dirigeant de société n’a jamais été aussi risqué. Les scandales financiers des dernières années ont eu pour conséquence de diminuer la tolérance du public face aux compagnies et à leurs dirigeants. De plus en plus de poursuites en responsabilité civile reprochent à des administrateurs d’avoir causé un préjudice à la compagnie, aux actionnaires ou même à des tiers (par exemple des créanciers de la société). Au surplus, afin de rassurer la population et garantir le respect de certains objectifs d’intérêt public, le législateur impose de plus en plus de responsabilités statutaires aux administrateurs. Dans un tel contexte, les administrateurs d’une compagnie ont tout avantage à chercher à réduire leurs risques. Ainsi, plusieurs compagnies proposent à leurs administrateurs un régime d’indemnisation en cas de poursuite. Toutefois, lorsqu’une compagnie est insolvable ou en faillite, un tel régime s’avère insuffisant pour protéger les administrateurs. Voilà pourquoi les sociétés font appel à la protection supplémentaire d’une assurance-responsabilité conçue spécialement pour les administrateurs et dirigeants (Directors & Officers liability insurance). Le but de notre texte est de présenter brièvement les risques auxquels font face les administrateurs de sociétés et d’identifier les moyens à leur disposition pour réduire ce 1 Présenté dans le cadre du colloque intitulé « Litiges d’assurances » de l’Institut Canadien tenu à Montréal les 24 et 25 novembre 2005. L’auteur tient à remercier M. Philippe Giguère pour sa participation à la rédaction de la présente conférence. risque. En particulier, nous discuterons de l’indemnisation des administrateurs par leur société et des polices d’assurances disponibles sur le marché. Finalement, nous nous pencherons sur le cas particulier de la responsabilité des administrateurs et dirigeants dans un contexte où une compagnie est insolvable et demande au tribunal la protection de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) 2 . 1. LA RESPONSABILITÉ DES ADMINISTRATEURS ET DIRIGEANTS 1.1 Régime général de responsabilité administrateurs et dirigeants civile s’appliquant aux La multiplication des responsabilités statutaires imposées aux administrateurs et dirigeants au cours des dernières années a parfois fait ombrage aux obligations plus fondamentales qui s’attachent à la fonction. Néanmoins, les obligations premières d’un administrateur nous viennent du droit commun. D’abord, l’administrateur doit agir avec intégrité et bonne foi dans le meilleur intérêt de la société (communément appelée l’obligation de fiduciaire ou le devoir de loyauté – duty of loyalty). Deuxièmement, il doit apporter le soin, la diligence et la compétence dont ferait preuve, en pareilles circonstances, une personne prudente, dans la gestion et la surveillance de la gestion des affaires de la société (l’obligation de diligence – duty of care). Ces deux obligations, qui remontent à la common law britannique, 3 sont aujourd’hui reprises par la majorité des lois qui traitent des sociétés par action. La Cour Suprême du Canada en a récemment fait une analyse détaillée dans l’arrêt Magasins à rayons Peoples inc. (Syndic de) c. Wise. 4 1.1.1 2 3 4 L’obligation fiduciaire – duty of loyalty Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, L.R.C. (1985), ch. C-36 Voir entre autres : In re : City Equitable Fire Insurance Company Ltd. [1925] Ch. 407; In re : Faure Electric Accumulator Company (1988) 40 Ch. 141; In re : New Mashonaland Explorator Co., (1892) 3 Ch 577, p. 582 [2004] 3 R.C.S. 461, 2004 CSC 68 Comme un fiduciaire, l’administrateur se voit confier la gestion du bien d’autrui. En effet, au nom des actionnaires, il gère les activités commerciales et les affaires internes de la société ou en surveille la gestion. 5 Quant aux dirigeants, ils exercent les pouvoirs qui leurs sont délégués par le conseil d’administration. 6 Dès lors, les tribunaux ont rapidement imposé aux administrateurs de société les mêmes obligations qu’ils attachent à d’autres fiduciaires soit l’obligation d’agir avec honnêteté, loyauté et dans le meilleur intérêt de leurs principaux. Pour l’administrateur d’une société par actions, cela se traduit par l’obligation d’agir dans le meilleur intérêt de la compagnie. 7 « En vertu de l’obligation fiduciaire prévue par la loi, les administrateurs et les dirigeants doivent agir avec intégrité et de bonne foi au mieux des intérêts de la société. Ils doivent respecter la confiance qui leur a été accordée et gérer les actifs qui leur sont confiés de manière à réaliser les objectifs de la société. Ils doivent éviter les conflits d’intérêts avec la société. Ils ne doivent pas profiter du poste qu’ils occupent pour tirer un avantage personnel. Ils doivent préserver la confidentialité des renseignements auxquels leurs fonctions leur donnent accès. Les administrateurs et les dirigeants doivent servir la société de manière désintéressée et avec loyauté et intégrité : voir K. P. McGuinness, The Law and Practice of Canadian Business Corporations (1999), p. 715. » 8 À noter que l’expression « au mieux des intérêts de la société » est plus large que l’expression « aux mieux des intérêts des actionnaires ». En effet, bien que l’intérêt de la société coïncide souvent avec l’intérêt des actionnaires, ce ne sera pas toujours le cas et les tribunaux reconnaissent que les administrateurs doivent tenir compte de plusieurs facteurs (à titre d’exemple, les intérêts des différentes classes d’actionnaires, des employés, des fournisseurs, des créanciers, des consommateurs, des gouvernements et de 5 6 7 8 Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.R.C. (1985), ch. C-44 (« LCSA ») art. 102; Loi sur les compagnies L.R.Q., c. C-38 (« LC ») art. 83, 123.72 LCSA, art. 121 LCSA, art. 122(1)a); Code civil du Québec (« CcQ »), art. 322 Peoples, supra, par. 35; voir aussi Canadian Aero Service Ltd. c. O’Malley, [1974] R.C.S. 592; Bergeron c. Ringuet [1958] B.R. 222 l’environnement) pour déterminer ce qui constitue une gestion au mieux des intérêts de la société. 9 Ce devoir n’oblige pas un administrateur à refuser tout avantage relié à sa gestion de la société. La Cour Suprême reconnaît que dans bien des cas, les intérêts des administrateurs coïncident légitimement avec ceux de la société. 10 Par exemple, lorsque qu’un administrateur est actionnaire, il profitera automatiquement de l’amélioration de la situation financière de la société. S’il est raisonnable, cet avantage ne constituera pas pour autant une violation de son obligation de fiduciaire envers la société. L’obligation fiduciaire ne se rapporte pas tant à la qualité de la gestion mais plutôt à la motivation et aux objectifs visés par les décisions prises. « The test is whether the directors honestly believed that they were acting in the best interests of the company, and whether there were reasonable grounds for their belief […] Their actions must be viewed in the context of the circumstances that then existed or were thought by them to exist. » 11 Afin de se conformer à cette obligation, il suffira aux administrateurs de démonter qu’il existait une problématique réelle et que les gestes posés visaient à rendre la société meilleure. En revanche, le plaignant devra prouver que les motifs donnés par les administrateurs sont fictifs et qu’ils agissaient plutôt dans leur propre intérêt. Lorsque le plaignant n’arrive pas à prouver la fraude ou la malhonnêteté de l’administrateur, la cour ne devrait pas conclure à une violation de l’obligation fiduciaire. 12 1.1.2 9 10 11 12 L’obligation de diligence – duty of care Peoples, supra, par. 42; Teck Corp. c. Millar (1972), 33 D.L.R. (3d) 288 (C.S.C.-B.); Re Olympia & York Enterprises Ltd. and Hiram Walker Resources Ltd. (1986), 59 O.R. (2d) 254 (C. div.)); R.A. BOOTH, «Stockholders, Stakeholders, and Bagholders (or How Investor Diversification Affects Fiduciary Duty)», (1997-98) 53 Bus. L. 429, 434 et 477-8 Peoples, supra, par. 39. Olson v. Phoenix Industruial Supply Ltd. (1984) 9 D.L.R. (4th) 451 at 455; voir aussi Teck Corporation Ltd. v. Millar, (1972) 33 D.L.R. (3d) 288 at pp. 315-6 Peoples, supra, par. 40 La common law oblige depuis longtemps les administrateurs à agir avec prudence et diligence. 13 Comme l’obligation fiduciaire, cette obligation est maintenant enchâssée dans la loi. L’article 122 (1) b) de la LCSA se lit en effet comme suit : « Devoir des administrateurs et dirigeants. 122. (1) Les administrateurs et les dirigeants doivent, dans l'exercice de leurs fonctions, agir : […] b) avec le soin, la diligence et la compétence dont ferait preuve, en pareilles circonstances, une personne prudente. » ( nous soulignons) 14 Même si la norme demeure objective (i.e. : de la personne prudente et raisonnable), le législateur y introduit un élément contextuel. Autrement dit, pour mesurer l’obligation de diligence, les éléments factuels du contexte dans lequel agit l’administrateur sont importants, et ce, contrairement aux motifs subjectifs de ces derniers, qui sont l’objet essentiel de l’obligation fiduciaire. 15 Les tribunaux canadiens, tout comme ceux des États-Unis, du Royaume-Uni, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, reconnaissent que de nombreuses décisions, dans le cours des activités d’une entreprise, sont prises dans un contexte ou les renseignements peuvent être incomplets, les enjeux sont élevés et la situation est pressante. En conséquence, une décision peut très bien être raisonnable et justifiable au moment où elle est prise, même si elle conduit éventuellement à un échec. Les tribunaux retiennent donc la défense américaine du « business judgement rule ». Dès que la décision conserve un caractère raisonnable, le tribunal ne substituera pas son avis à celui du conseil, même si les événements ultérieurs viennent jeter un doute sur la décision. « On ne considérera pas que les administrateurs et les dirigeants ont manqué à l’obligation de diligence énoncée à l’al. 122(1)b) de la LCSA 13 14 15 Dovey c. Cory, [1901] A.C. 477 (H.L.); In re Brazilian Rubber Plantations and Estates, Ltd., [1911] 1 Ch. 425; In re City Equitable Fire Insurance Co., [1925] 1 Ch. 407 (C.A.) cf aussi 322 C.c.Q. Blair, supra, par. 63 s’ils ont agi avec prudence et en s’appuyant sur les renseignements dont ils disposaient. Les décisions prises doivent constituer des décisions d’affaires raisonnables compte tenu de ce qu’ils savaient ou auraient dû savoir. Lorsqu’il s’agit de déterminer si les administrateurs ont manqué à leur obligation de diligence, il convient de répéter que l’on n’exige pas d’eux la perfection. Les tribunaux ne doivent pas substituer leur opinion à celle des administrateurs qui ont utilisé leur expertise commerciale pour évaluer les considérations qui entrent dans la prise de décisions des sociétés. Ils sont toutefois en mesure d’établir, à partir des faits de chaque cas, si l’on a exercé le degré de prudence et de diligence nécessaire pour en arriver à ce qu’on prétend être une décision d’affaires raisonnable au moment où elle a été prise. » 16 Une règle à l’effet contraire ne serait pas dans l’intérêt des actionnaires puisqu’elle pourrait inciter les administrateurs à éviter des investissements risqués généralement à plus haut rendement. Comme l’explique la Cour suprême du Delaware dans Gagliardi v. Trifoods International : 17 “[I]t is in [the shareholders’] economic interest for the corporation to accept in rank order all positive net present value investment projects available to the corporation, starting with the highest risk adjusted rate of return first. Shareholders don’t want (or shouldn’t rationally want) directors to be risk adverse. Shareholders’ investment interests, across the full range of their diversifiable equity investments, will be maximized if corporate directors and managers honestly assess risk and reward and accept for the corporation the highest risk adjusted returns available that are above the firm’s cost of capital. But directors will tend to deviate from this rational acceptance of corporate risk if in authorizing the corporation to undertake a risky investment, the directors must assume some degree of personal risk relating to ex post facto claims of derivative liability for any resulting corporate loss.” 18 L’analyse du tribunal ne se fondera pas tant sur les résultats de la décision ni sur l’opinion d’experts qui connaissent a posteriori ce résultat, mais bien sur le processus décisionnel suivi par le conseil. Celui-ci devra démontrer qu’il a apporté à l’exercice les 16 17 18 Peoples, supra, par. 67; voir aussi Maple Leaf Foods Inc. c. Schneider Corp. (1998), 42 O.R. (3d) 177; Alcar Holdings Inc. c. Naimer, REJB 2000-20406 (C.A.); In Re The Walt Disney Company Derivative Litigation Consolidated, 2005 Del. Ch. 825 A.2d 275, LEXIS 1B 683 A. 2d 1049, 1996 Del. Ch. LEXIS 87 cf aussi Re Caremark International Inc. Derivative Legislation 1996 Del. Ch. LEXIS 125 soins et la diligence dont aurait fait preuve, en pareilles circonstances, une personne prudente. Selon Edmund Kwaw 19 , les administrateurs s’aideront s’ils : a) s’informent de l’historique de toute décision importante qu’ils ont à prendre; b) prennent connaissance de toute information matérielle qui leur est raisonnablement disponible; c) s’assurent qu’ils sont avisés à l’avance de toute question significative; d) sollicitent des conseils indépendants d’experts lorsque nécessaire; 20 et e) révisent et vérifient les décisions de ceux à qui ils ont délégués des tâches; Par exemple, dans UPM-Kymmene Corp. c. UPM-Kymmene Miramichi Inc. 21 M. Berg, chef de la direction de l’entreprise, s’était fait préparer un contrat généreux assorti d’un octroi d’options d’achat. Un premier conseil a refusé d’approuver le contrat et a fait appel à un conseiller indépendant. Un deuxième conseil a par la suite approuvé le contrat sans qu’ils soient informés des réticences du premier conseil et de son comité de rémunération. Annulant la décision du deuxième conseil, le tribunal a refusé d’appliquer la business judgement rule puisque celui-ci ne s’était pas suffisamment informé de l’historique. 22 1.1.3 19 20 21 22 Les bénéficiaires administrateurs des obligations de droit commun des KWAW, Edmund M.A., The Law od Corporate Finance in Canada, Toronto, Butterworths, 1997, p. 21 LC, art. 123.84; LCSA, art. 123(4) et (5); cf O’Connor v. Winchester Oil & Gas Inc. [1986] 2 W.W.R. 727 (B.C.S.C.); Raffo c. Tecknor Ordinateurs Industriels inc. REJB 2000-17421; Blair c. Consolidated Enfield Corp., [1995] 4 R.C.S. 5 à 36 2002 O.J. No. 2412 (QL) et 2002 O.J. No. 4137 (QL) cf aussi Smith v. Van Gorkom 488 A. 2d 858 (Del. Supr. 1985); Aronson v. Lewis, 423 A. 2d 805 (Del. Supr. 1984) Essentiellement, s’ils violent leur obligation de droit commun, les administrateurs encourent une responsabilité civile qui les enjoint de réparer le préjudice causé à autrui. Cette responsabilité existe envers la compagnie elle-même, les actionnaires et même des tiers (a) Responsabilité à l’égard de la compagnie ou des actionnaires En droit québécois, les administrateurs d’une compagnie sont considérés comme étant ses mandataires. 23 pouvoirs. 24 Ils doivent donc agir personnellement et dans les limites de leurs Comme nous l’avons mentionné, ils doivent aussi agir avec prudence, diligence et compétence et agir avec honnêteté et loyauté. Le manquement à un ou l’autre de ces devoirs généraux constitue une faute envers la compagnie. Dans les cas où cette faute entraîne un préjudice, l’administrateur peut être tenu d’indemniser la compagnie pour le dommage subi en vertu du régime général de responsabilité civile prévu au Code Civil. 25 Par exemple, en vertu du devoir d’agir personnellement et dans les limites de leurs pouvoirs, les administrateurs sont susceptibles d’être trouvés fautifs s’ils n’exercent pas eux-mêmes le mandat qui leur a été confié ou s’ils exercent leurs pouvoirs de façon à ce que la compagnie agisse de façon illégale ou en contravention de sa propre constitution et de ses statuts. Dans l’arrêt Sefter c. Litvack, 26 les administrateurs avaient vendu un immeuble à un prix réellement inférieur à sa valeur marchande sans obtenir l’autorisation d’une majorité d’actionnaires tel que requis par les lettres patentes de la compagnie. Le tribunal a condamné les administrateurs à payer à la compagnie une somme représentant le dommage subi par cette dernière et résultant de leur faute d’agir sans mandat apparent. 23 Art. 321 C.c.Q.; LC, art. 123.83 Puisque l’administrateur est assimilé à un mandataire de la compagnie en vertu de l’art. 321 du C.c.Q. il ne peut substituer une autre personne à sa place pour effectuer ce mandat, voir art. 2140 C.c.Q. Par contre, comme nous l’avons dit plus haut, il peut déléguer certaines tâches à un comité exécutif ou à des dirigeants. Ils ont par contre, intérêt à bien choisir les personnes et bien surveiller leur travail. 25 Art. 1457, 1458 C.c.Q. 26 Sefter c. Litvack, J.E. 98-144 (C.S.) 24 Un administrateur qui agirait de façon irresponsable en agissant pour la compagnie avec un risque démesuré ou en omettant d’agir alors qu’il le devrait, mettant ainsi la compagnie en péril, serait aussi sujet à un recours de la part de la compagnie pour violation au devoir de prudence et de diligence requis du mandataire d’une personne morale. Pour les mêmes raisons, un administrateur pourrait être poursuivi s’il n’assiste pas aux réunions, s’il fait défaut agir ou de se renseigner ou encore s’il commet une grave faute de gestion. L’administrateur qui en dépit de son devoir d’honnêteté et de loyauté détournerait à son propre bénéfice des biens ou une opportunité d’affaire qui aurait dû normalement être au bénéfice de la compagnie, pourrait engager sa responsabilité envers la compagnie. 27 Pareillement, celui qui se met en situation de conflits d’intérêt, 28 qui ne respecte pas la confidentialité des informations obtenues en tant qu’administrateur ou qui ne divulgue pas son intérêt a la personne morale, 29 est susceptible d’être poursuivi pour manquement au devoir d’honnêteté et de loyauté. En général, le droit civil ne reconnaît pas de devoir fiduciaire entre l’administrateur et l’actionnaire. Les actionnaires n’ont pas de recours direct contre les administrateurs mais ils peuvent exercer leur recours obliquement via la compagnie. L’administrateur peut aussi être tenu envers les actionnaires du faute extra contractuelle s’il commet un dol ou viole son devoir général d’agir de bonne foi. 30 (b) Responsabilité à l’égard des tiers La LCSA n’offre pas de recours spécifique aux tiers qui veulent poursuivre les administrateurs pour manquement à leurs obligations. La Cour Suprême dans Peoples 27 Art. 323 C.c.Q.; cf In Re Enterprises Rock Ltée [1986] R.J.Q. 2671 (C.S.) Art. 324 C.c.Q. 29 Art. 325, 326 C.c.Q 30 Morest c. Marier J.E. 875-363 (C.S.); Biotech Electronics Ltd. c. Baxter J.E. 98-363 (C.A.); Archambault c. Lévesque J.E. 98-1438 (C.A.); Allard c. Ultra Glow Cosmetics Ltd. J.E. 93-913 (C.A.) 28 rejette d’ailleurs l’existence d’une obligation de loyauté envers les créanciers de la compagnie. L’obligation de loyauté appartient à la compagnie. 31 Par ailleurs, les administrateurs demeurent quand même responsables envers les tiers de leurs obligations contractuelles ou extracontractuelles. Par exemple, un administrateur peut contracter une obligation personnelle indépendante de la compagnie avec le tiers. Ce sera le cas si l’administrateur garantit personnellement une obligation contractuelle de la société. De plus, sa responsabilité peut aussi être retenue lorsque l’administrateur agit personnellement de manière à engager sa responsabilité extracontractuelle. 32 En effet, l’art. 1457 C.c.Q. stipule : «1457. Toute personne a le devoir de respecter les règles de conduite qui, suivant les circonstances, les usages ou la loi, s’imposent à elle, de manière à ne pas causer de préjudice à autrui. Elle est, lorsqu’elle est douée de raison et qu’elle manque à ce devoir, responsable du préjudice qu’elle cause par cette faute à autrui et tenue de réparer ce préjudice, qu’il soit corporel, moral ou matériel. (…) » Dans Peoples, la Cour Suprême a confirmé qu’en référant à la règle de conduite qui s’applique à elle, l’article 1457 C.c.Q. incorpore l’obligation de diligence de l’art. 122(1)b) de la LCSA. De plus, elle souligne que l’art. 1457 doit recevoir une interprétation large et que le mot « autrui » inclut les créanciers de la compagnie.33 Dans la mesure ou un créancier subit des dommages en raison d’un manque de diligence des administrateurs, il pourra obtenir compensation. La faute extra contractuelle de la compagnie à l’endroit des tiers peut aussi donner ouverture à un recours des tiers contre les administrateurs qui ont également commis une 31 32 33 Peoples, supra, par. 43 Voir P. Martel, « Le “voile corporatif” — l’attitude des tribunaux face à l’article 317 du Code civil du Québec » (1998), 58 R. du B. 95, p. 135-136; Brasserie Labatt ltée c. Lanoue, [1999] J.Q. no 1108 (QL) (C.A.); Cxafo Ltd. c. Harper [1968] C.S. 235; Cloutier c. Dion [1954] B.R. 595; Aksenova c. Monitus Digital Communications Corp. [2001] R.J.Q. 981 (C.S.) Peoples, supra, par. 57 faute extracontractuelle envers le tiers. 34 Par exemple, dans Chiasson c. Filion, 35 la cour condamne GENEX, propriétaire de la station CHOI-FM, et son administrateur, Patrice Demers, conjointement et solidairement, à indemniser Mme Chiasson pour les dommages causés par son employé, l’animateur Jeff Filion. La cour conclut que M. Demers a fait défaut de poser des gestes concrets afin d’empêcher l’acharnement de son animateur envers la demanderesse. 36 Finalement, le « recours pour oppression » prévu à la LCSA constitue une autre exception qui rend les administrateurs responsables à l’égard des tiers. 37 Ce recours permet à tout tiers de demander au tribunal de rendre certaines ordonnances afin de faire cesser des abus manifestes de la compagnie. Comme le recours basé sur l’obligation fiduciaire, le recours pour oppression exige que las administrateurs aient agi de mauvaise foi ou qu’ils aient personnellement bénéficié des décisions prises. 38 1.2 Les responsabilités statutaires civiles des administrateurs et dirigeants En plus du régime de responsabilité civile s’appliquant de façon générale aux administrateurs, le législateur fédéral et le législateur provincial ont prévu une série de responsabilités particulières à même la loi et qui s’appliquent aux administrateurs de compagnie. Certaines de ses dispositions prévoient une responsabilité civile alors que d’autres prévoient une responsabilité pénale. 1.2.1 34 Responsabilités à l’égard des employés et retraités Kepic c. Tecumseh Road Builders (1985) 29 B.L.R. 85 (Ont. S.C.) conf. par (1987) 18 C.C.E.I. 218 (Ont. C.A.) 35 2005 IIJCan 10511 (C.S.) 36 voir au même effet Proulx c. Entreprises de Radiodiffusion de la Capitale Inc. J.E. 96-1180 (C.S.); Johnson c. Arcand J.E. 2001-1844 37 Loi canadienne sur les sociétés par actions, L.R.C. (1985), ch. C-44, art. 241 38 Leon Van Neck and son ltd. V. McGorman, (1998) Carswell Ont. 4509 (confirmée en appel: 2000 Carswell Ont. 2401); Stoody c. Kennedy (2003-11-05) ONSC C-591/02; USF Red Star Inc. c. 12103 Canada Ltée (2201) 13 B.C.R. (3d) 195 (Ont. Sup. Ct.); Winstar Global Products Inc. c. Distribution Pasadena International Inc., J.E. 99-1749 (C.S.) La rémunération due aux employés est sujette à un recours des employés d’une compagnie fédérale 39 ou provinciale 40 envers les administrateurs. En vertu de ce recours, les administrateurs de la compagnie peuvent encourir une responsabilité pour un montant maximal équivalent à 6 mois de salaires impayés au provincial et à 6 mois de dettes liés au service de la compagnie au fédéral. La rémunération sujette à être incluse dans un tel recours a été interprétée de façon très large par les tribunaux et comprends en plus des salaires, les commissions, remboursement de dépenses, bonis, vacances, congés mobiles, heures supplémentaires, bénéfices marginaux, primes d’absentéismes, primes de productivité et les cotisations syndicales. 41 La Loi sur les régimes complémentaires de retraite 42 impose aussi aux membres du comité de retraite une obligation de fiduciaire et de diligence à l’endroit des bénéficiaires du régime. 43 1.2.2 Responsabilités quant au respect des tests comptables Autant la LCQ que la LCSA exigent que les administrateurs s’assurent du respect de différents tests comptables afin de rendre légales certaines actions qu’une compagnie pourraient entreprendre. Ces tests comptables visent essentiellement à déterminer la solvabilité de la compagnie et s’avèrent positifs lorsque, en dépit de la transaction, l’actif ou la valeur de réalisation de l’actif est plus grand que le passif et le capital déclaré de la compagnie. Dans le but d’assurer le respect de ces tests comptables, le législateur impose une responsabilité aux administrateurs. Il y a essentiellement 4 transactions qui nécessitent le respect d’un test comptable préalable : l’aide financière accordée aux actionnaires, le paiement de dividende autorisé, la réduction de capital émis et finalement le paiement des actions acquises par la compagnie. 39 LCSA, art. 119(1) LC, art. 96(1) 41 Martel 24-10 42 L.R.Q., c. R.15.1 (LRCR), art. 150-1, 156 43 voir les allégations dans Réjean Coutu c. Denis Roy et al. 450-06-000002-042; René Langlois c. Denis Roy et al. 450-06-000001-044 40 (a) Aide financière aux actionnaires Contrairement à l’interdiction totale qui avait lieu sous la Partie I de la LC, l’aide financière aux actionnaires est permise sous la partie IA et ce tant et aussi longtemps qu’elle respecte le test comptable. 44 En d’autres termes, en autant que l’aide accordée n’excède par le surplus de la compagnie ou la « valeur de réalisation » de l’actif, les administrateurs n’encourront aucune responsabilité. L’aide financière accordée par une compagnie dont l’activité normale consiste précisément à accorder de l’aide financière fait évidemment exception à cette règle et peux dans le cadre normal de ses activités prêter à un actionnaire comme elle peut prêter à tout emprunteur. De même, l’aide financière à titre d’avance sur les dépenses engagées pour un compte ainsi que les prêts accordés dans le cadre d’un programme d’acquisition d’actions à un employé, ne sont pas sujet à la responsabilité découlant du non-respect du test comptable. 45 Dans la loi fédérale, la responsabilité prévue pour l’aide aux actionnaires en cas de nonrespect des tests comptables a été abolie en 2001. Le législateur fédéral s’en remet donc essentiellement au rôle et à la responsabilité générale de fiduciaire des administrateurs de la compagnie pour assurer que l’aide financière accordée n’affecte pas l’intégrité du capital-actions de la compagnie. (b) Paiement de dividendes Les sociétés fédérales et les sociétés constitués en vertu de la partie IA de la LC ne peuvent pas déclarer de dividende s’il existe des motifs raisonnables de croire qu’à la suite du versement de ses dividendes la société deviendra incapable d’acquitter son passif à échéance ou que la valeur de réalisation nette de l’actif sera inférieure au passif et au capital déclaré. 46 Au fédéral la responsabilité n’est pas encourue lorsqu’il s’agit d’un dividende en actions.47 En plus de ces responsabilités il faut ajouter celles de la Loi sur la faillite et l’insolvabilité qui prévoie que le syndic pourra obtenir un jugement contre les 44 45 46 47 LC, art. 95, 123.66 et 123.69 LC, art. 123.67 LCSA, art. 42; LC 79(1), 94, 123.70, 123.71 LCSA, art. 43(1) administrateurs lorsque le dividende est payé au moment où la compagnie était insolvable ou a pour effet de rendre la compagnie insolvable et que la compagnie déclare faillite moins d’un an après. 48 (c) Réduction du capital Pour les compagnies provinciales, le capital actions ne peut-être réduit s’il y a des motifs raisonnables de croire que la compagnie ne pourra acquitter son passif à échéance ou que la valeur comptable de son actif sera inférieure au passif additionné du capital actions. 49 Dans la loi fédérale, la responsabilité de s’assurer du respect du test comptable lors de la réduction du capital de la compagnie va plutôt aux actionnaires de la compagnie. 50 (d) Paiement d’actions acquises par la compagnie Lorsque la compagnie désire faire l’acquisition de ses propres actions par la compagnie, les administrateurs des compagnies fédérales et provinciales (IA) doivent avoir des motifs raisonnables de croire que les tests comptables seront rencontrés. 51 La Loi sur la faillite et l’insolvabilité ajoute également une responsabilité statutaire en exigeant de la compagnie qu’elle soit solvable. 52 1.2.3 Responsabilité quant à la gestion de l’information et de la confidentialité Une troisième catégorie de responsabilité civile et statutaire concerne la gestion et la divulgation de l’information relative à la compagnie. Il existe deux catégories de responsabilités en matière de gestion de l’information : celles qui rendent l’administrateur responsable d’informer le public et de divulguer certaines informations avec exactitude et celles qui au contraire, exigent la confidentialité de l’administrateur au sujet de certaines informations ciblées et stratégiques de la compagnie. 48 49 50 51 52 LFI, art. 101 LC, art. 123.63 et 123.167 LCSA, art. 38(4) LC, art. 123.58; LCSA 118(2) LFI, art. 101(2) Les sociétés publiques qui font des appels publics à l’épargne et dont le nombre d’actionnaire n’est pas limité ont de ce fait plusieurs responsabilités visant à assurer la transparence et le partage de l’information à tous les actionnaires. Les administrateurs visés par la Loi sur les valeurs mobilières sont donc également tenus de produire un prospectus lorsqu’ils effectuent des placements de valeurs. 53 De même, l’offre publique d’achat doit se faire par une note d’information. 54 Il va de soi que l’information diffusée dans les prospectus ou dans la note d’information d’une offre publique d’achat ne doit pas contenir d’informations fausses ou trompeuses, sans quoi, les administrateurs encourront également une responsabilité prévue à la Loi sur les valeurs mobilières. 55 Mentionnons finalement, que les administrateurs des compagnies provinciales peuvent aussi être tenus responsables pour les pertes encourues par suite d’avoir refusé de montrer les livres ou par suite de fausses entrées dans ceux-ci. 56 Le projet de Loi 198 adopté par l’assemblée législative de l’Ontario créera un nouveau régime de responsabilité portant sur les obligations d’information des émetteurs sur le marché secondaire des valeurs mobilières. Par exemple, un investisseur pourra poursuivre un émetteur si une déclaration publique d’un émetteur contient de l’information trompeuse ou si l’émetteur omet de divulguer sans délai un changement important. 57 1.2.4 Responsabilités fiscales En vertu de la Loi fédérale de l’impôt sur le revenu, les administrateurs sont solidairement responsables pour les retenues à la source effectuée sur les salaires des employés, de même que pour l’impôt payable par les sociétés, les retenues de cotisation 53 54 55 56 57 Loi sur les valeurs mobilières, L.R.Q., c. V-1.1, art. 214 Loi sur les valeurs mobilières, L.R.Q., c. V-1.1, art. 215 Loi sur les valeurs mobilières, L.R.Q., c. V-1.1, art. 217 et 223 LC, art. 108(1) Budget Measures Act Chapter 22, Statutes of Ontario, 2002; cf aussi .H. Garfield Emerson, Q.C. and Geoff A. Clarke « Bill 198 and Ontario’s Securities Act: Giving Investors and the OSC Added Muscle » au Régime de pension du Canada et celles pour le Régime d’assurance emploi. 58 Les pénalités et les intérêts encourus suite à l’omission de remise de ces montants aux autorités entraînent également une responsabilité solidaire des administrateurs. De même, les administrateurs sont responsables pour les sommes de TPS non versée par la compagnie ainsi que les intérêts et pénalités qui en découlent. 59 Au niveau provincial, la Loi sur le ministère du Revenu prévoit une responsabilité globale lorsqu’une compagnie a omis de remettre, de déduire, de retenir ou de percevoir un montant qu’elle devait déduire, retenir ou percevoir à titre d’employeur 60 ou en vue du paiement de l’impôt provincial de la société ou de la taxe de vente (TVQ). Cette responsabilité établie de que les administrateurs deviennent solidairement responsables pour ces montants. 61 Ces responsabilités découlant des lois fiscales ne se matérialisent toutefois que dans le cas où la compagnie fait l’objet d’une liquidation, dissolution ou d’une faillite ou lorsque la compagnie ne s’est pas conformée à une condamnation prononcée par le tribunal. 62 1.2.5 Autres responsabilités civiles statutaires (a) Transfert d’actions Pour les compagnies créées en vertu de la loi provinciale il est possible de transférer des actions alors qu’elles n’ont pas été complètement payées. Cependant, en procédant de la sorte, une compagnie ajoute une responsabilité supplémentaire aux administrateurs. 58 59 60 61 62 Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch.1 (5ème supplément), art. 227.1 ; Loi sur l’assuranceemploi, L.C. (1996), ch. 23, art.83(1) ; Loi sur le Régime de pensions du Canada, L.R.C. (1985), ch. C8, par. 21.1 (1) Loi sur la taxe d’accise, L.R.C. (1985), c.15 (1er suppl.), art. 323 incluant la Loi sur les régimes des rentes du Québec, la Loi favorisant le développement de la maind’œuvre, la Loi sur la régie de l’assurance-maladie et la Loi sur l’assurance parentale Loi sur le ministère du Revenu, L.R.Q. (1985), ch. M-31, art 24.0.1 Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch.1 (5ème supplément), art. 159, 227.1 (2), Loi sur le ministère du Revenu, L.R.Q. (1985), ch. M-31, art 14, 24.01; Loi sur la taxe de vente du Québec, L.R.Q. c. T-0.1, art. 24.01.1; Ceux-ci peuvent en effet être tenu de payer à la compagnie la valeur des actions qui n’a pas été acquitté par l’actionnaire. 63 À l’opposé des administrateurs des compagnies provinciales, les administrateurs d’une compagnie fédérale ne sont pas sujets à encourir une responsabilité semblable à la responsabilité provinciale puisqu’il est carrément illégal de transférer des actions qui n’ont pas été entièrement acquittées. Toutefois, une responsabilité supplémentaire repose sur les administrateurs quant à la véritable valeur des actions transférées et la juste valeur des biens et ou des services qui ont été reçu en contrepartie. 64 (b) Dissolution compagnie La dissolution d’une compagnie provinciale est possible si et seulement si cette dernière n’a ni dette ni obligations ou que le paiement de ceux-ci a été assuré. Dans le cas contraire, les administrateurs sont solidairement et conjointement responsables des dettes non acquittés de la compagnie envers les créanciers.65 Au fédéral, plutôt que de rendre les administrateurs responsables, les actionnaires sont tenus responsables en cas de dissolution de la compagnie. 66 (c) Commissions Les administrateurs d’une compagnie fédérale qui ont autorisé la société à verser des commissions non raisonnables lors de l’émission ou de la vente d’actions sont responsables de restituer la partie illégale de ces commissions. 67 (d) Dépôt dans un compte en fiducie Lorsqu’un commerçant reçoit des sommes d’argent en vertu d’un contrat conclu par un commerçant itinérant ou pour un service à être rendu dans plus de 2 mois, les sommes doivent être remises dans un compte en fiducie. Suivant cette règle, les administrateurs 63 64 65 66 67 LC, art. 72 LCSA, art. 118(1) LC, art. 28, 29, 123.84 LCSA, art. 226(4) LCSA, art 118(2) (b) sont responsables de toutes les sommes qui auraient dû être placées dans un compte en fiducie. 68 1.3 Responsabilités statutaires pénales des administrateurs et dirigeants 1.3.1 Responsabilité pénale générale La Loi sur les compagnies du Québec édicte une responsabilité pénale générale pour les administrateurs qui commettent une infraction ou qui omettent de se conformer à quelque disposition de la loi que ce soit. L’amende maximale ainsi fixée à un administrateur est de 200$. 69 1.3.2 Responsabilités quant à la gestion information Au fédéral les administrateurs qui ne prennent pas les précautions raisonnables pour prévenir la perte, la destruction ou la falsification des livres et registres sont passibles d’une amende n’excédant pas 5000$ ou d’un emprisonnement de 6 mois maximum. 70 Les mêmes conséquences pourraient s’appliquer à l’administrateur de la société fédérale qui ne rapporte pas une erreur contenue dans des états financés révisés ou qui soumet un document que la loi impose d’établir et qui contient un énoncé inexact sur un fait important. 71 Les conséquences sont toutefois plus lourdes pour l’administrateur initié (trouvé coupable d’usage ou de communication d’informations privilégiées) d’une compagnie publique qui peut quant à lui écoper d’une amende allant du montant le plus élevé entre : (1) 68 69 70 71 un minimum de 5000$ et un maximum de un million de dollars et Loi sur la protection du consommateur, L.R.Q., c. P-40.1, art. 260 LC, art. 123 LCSA, art. 22(3) LCSA, art. 171(9) (2) un minimum de deux fois le bénéfice éventuellement réalisé par la transaction d’initié et un maximum représentant l’équivalent de quatre fois le bénéfice réalisé. 72 Les administrateurs d’une compagnie fédérale sont aussi, en vertu de la LCSA, passible d’une amende allant jusqu’à un million de dollars ou six mois d’emprisonnement pour toutes transactions d’initiés réalisées. 73 1.3.3 Responsabilités criminelles Les administrateurs peuvent également être trouvés responsable d’actes criminels prévu au Code Criminel. Ainsi en sera-t-il de l’administrateur qui se rend coupable de vol ou de fraude 74 , qui falsifie les livres ou les documents de la compagnie 75 , qui fait, par écrit, une fausse déclaration sur la situation financière de la compagnie 76 ou qui vend des produits défectueux à Sa Majesté 77 1.3.4 Responsabilité quant à la publicité de la compagnie Au Québec, autant les compagnies fédérales et provinciales doivent présenter une déclaration d’immatriculation initiale, annuelle ou modificative en accord avec la Loi sur la publicité légale. Si la déclaration d’immatriculation a été omise ou si on y a présenté des informations fausses ou trompeuses, les administrateurs peuvent écoper d’une amende allant de 200 à 2000$. 78 Une amende de cette même nature est aussi applicable aux administrateurs d’une compagnie qui utiliserait un nom illégal au sens où l’entends la Loi sur la publicité légale. 79 72 73 74 75 76 77 78 79 Loi sur les valeurs mobilières, L.R.Q., c. V-1.1, art. 195.2, 196 et 204 LCSA, art. 130 Art. 328 C.Cr. Art. 397 C.Cr. Art. 362 C.Cr. Art. 418(2) C.Cr. Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales, L.R.Q., c. P-45, art. 101, 102 et 109 Loi sur la publicité légale des entreprises individuelles, des sociétés et des personnes morales, L.R.Q., c. P-45, art. 106 et 109 1.3.5 Responsabilité en matière de faillite En vertu de l’article 204 LFI, les administrateurs d’une compagnie qui ont ordonné, autorisé, consenti ou participé à l’infraction d’une personne morale en vertu de la LFI sont considérés comme les co-auteurs de l’infraction et peuvent encourir la même peine. 1.3.6 Autres responsabilités pénales Les administrateurs d’une compagnie qui est assujettie à la Loi sur la protection du consommateur peuvent être passibles d’une amende s’ils ont eu connaissance d’une infraction commise par la compagnie. 80 En matière fiscale, chaque administrateur qui a prescrit ou autorisé une infraction est personnellement passible de la peine prévue pour cette infraction. 81 En matière environnementale, les administrateurs sont sujets à la même peine que celle que doit subir la compagnie pollueuse s’ils ont autorisé ou participé à une infraction. Cette peine est limitée à une amende de un million dollars ou à une période allant de 3 à 5 ans d’emprisonnement. 82 En plus, une deuxième responsabilité environnementale découlant de la loi provinciale s’ajoute aux administrateurs québécois. En effet, si par un ordre, une autorisation, un conseil ou un encouragement, les administrateurs de la compagnie ont fait commettre à celle-ci une infraction consistant à polluer l’environnement ou à omettre de se plier à une ordonnance émanant du Ministre, ils sont passibles d’amendes allant de 2000$ à 20000$ pour la première infraction et de 4000$ à 40000$ ou à l’emprisonnement pour un an pour les infractions subséquentes. 83 1.4 Exonération de responsabilité En général, l’administrateur pourra s’exonérer s’il réfute la présomption à l’effet qu’il a participé à l’acte illégal (par exemple, s’il a pris soin de faire inscrire sa dissidence 84 ). 80 81 82 83 84 Loi sur la protection du consommateur, L.R.Q., c. P-40.1, art. 282 Loi de l’impôt sur le revenu, L.R.C. (1985), ch.1 (5ème supplément), art. 242, Loi sur le ministère du Revenu, L.R.Q. (1985), ch. M-31, art 68 Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), L.C. 1999 c.33, art. 272 et 273 Loi sur la qualité de l’environnement, L.R.Q., c. Q-2, art. 109.3 LC 123.85, LCSA 123(1) L’administrateur pourra également exonérer sa responsabilité dans certains cas s’il démontre qu’il a agit avec « le soin, la diligence et la compétence dont ferait preuve, en pareille circonstance, une personne prudente ». Par exemple, l’administrateur pourra éviter d’être trouvé responsable s’il s’appuie sur un expert indépendant. 85 Finalement, les administrateurs pourront s’exonérer lorsqu’une convention unanime des actionnaires restreint leur pouvoir. 86 2. LES MOYENS À LA DISPOSITION DES ADMINISTRATEURS POUR LIMITER LEURS RISQUES 2.1 L’indemnisation des administrateurs La loi canadienne permet l’indemnisation des administrateurs et dirigeants qui ont agi au nom de la société et qui doivent de ce fait encourir des dépenses et des frais relatifs à un procès, à l’exécution d’un jugement, la tenue d’une enquête ou de poursuites civiles, pénales ou administratives. 87 La loi impose toutefois certaines limites. Ainsi, la société ne peut indemniser un administrateur que si : (1) la personne a été constituée partie au litige en raison de son poste d'administrateur ou de dirigeant de la société, (2) les frais engagés sont raisonnables, et (3) la personne a agi avec intégrité et bonne foi au mieux des intérêts de la société. 88 La loi fédérale oblige la compagnie à indemniser si l’administrateur a agi avec intégrité et le tribunal conclut que l’administrateur n’a pas manqué à ses devoirs. 89 85 86 87 88 LCSA, art. 118(6), 123(4)(b), 123(5); LC 123.84; LFI 118, 119, 122(2) LCSA 122(3), 146(5); LC 123.92 LCSA, art. 124(1) et (3) Balesteri c. Robert [1985] C.S.1038 conf. par J.E. 92-533 (C.A.); Fuhr c. Batteford’s Urban Native Housing Corp. [1994] W.W.R. 492 (Sask. Q.B.); Prime Ressources Group Inc. v. Pezim (1991) 1 Au Québec, le Code Civil prévoit que les administrateurs provinciaux doivent obligatoirement être indemnisés pour la défense et les dommages-intérêts qui résultent d’une poursuite à l’endroit de cet administrateur pour un acte posé dans le cadre de ses fonctions. 90 Cette obligation ne s’applique toutefois pas lorsque l’acte reproché à l’administrateur constitue une faute lourde ou lorsqu’il s’agit d’une poursuite pénale ou criminelle. Dans ce dernier cas, la compagnie n’est tenue d’assumer le paiement des dépenses de son mandataire que si elle avait des motifs raisonnables de croire que la conduite de l’administrateur était conforme à la loi. 91 Lorsque la compagnie entreprend elle-même un recours contre son administrateur, elle peut, lorsque le tribunal l’approuve, avancer les dépenses reliées aux frais de participation judiciaire de l’administrateur. 92 Elle doit le faire lorsque l’administrateur a gain de cause. 93 La majorité des lois corporatives prévoient la responsabilité solidaire des administrateurs qui votent ou consentent à une indemnité qui est contraire aux lois ou à la politique de la compagnie. 94 À noter que l’indemnisation par la compagnie de l’administrateur poursuivi constitue pour lui un revenu imposable 95 et que par ailleurs, elle n’est pas déductible pour la compagnie. 96 89 90 91 92 93 94 95 96 B.L.R. (2d) 140 (B.C.S.C.); Amirault v. Westminster Canada Ltd. (1993) 120 N.S.R. (2d) 91 varied (1994) 127 N.S.R. (2d) 241 (NS.C.A.) leave refused (1994) 137 N.S.R. (2d) 320n (S.C.C.) LCSA, art. 124(5) Arts. 2150, 2151 et 2154 C.c.Q. LCSA 124 (1), (3) et (5); LC 123.87; Denton v. Equus Petroleum Corp. (1986) 33 B.L.R. 314 (B.C.S.C.) LCSA 124 (4); LC art. 123.88 LCSA 124 (5); LC 123.88 LCSA 118(2)(e) Clemiss c. M.N.R., (1987) 87 D.T.C. 569 [1987] 2 C.T.C. 2275; Pellizari c. M.N.R. (1987) 87 D.T.C. 56; C. HANSELL, Directors and Officers in Canada : Law and Practice, Carswell (looseleaf), at p. 1430 Border Chemical Company Limited v. R. 87 D.T.C. 5391 [1987] 2 C.T.C. 183 La Cour Suprême du Canada s’est penchée sur l’indemnisation des administrateurs dans Blair c. Consolidated Enfield Corporation. 97 Blair, actionnaire et président de Consolidated Enfield Corporation (« Consolidated »), se querellait avec un autre actionnaire (« Canadian Express »). Après s’être fait déloger de son poste de président lors de l’assemblée annuelle, Blair, sur la foi de l’opinion des conseillers juridiques de Consolidated, a annulé le vote et se réinstaura dans ses fonctions. Canadian Express s’est opposé avec succès à l’annulation du vote. Après que la cour eut donné raison à Canadian Express, Blair s’est adressé à la cour pour que les frais juridiques engagés pour défendre les actes qu'il avait accomplis à titre de président de la société lui soient remboursés. La Cour conclut que Blair doit être remboursé. En effet, elle remarque que Blair a pris sa décision de bonne foi en se fiant aux conseils de ses conseillers juridiques externes. Il ne suffit donc pas d'affirmer rétroactivement que Blair «aurait dû» agir différemment ou qu'il n'a pas fait exactement ce qu'il devait faire, pour lui refuser l'indemnisation. La compagnie doit démontrer l'existence réelle de mauvaise foi de manière à établir que l'administrateur n'a pas agi au mieux des intérêts de la société. Le juge Iacobucci ajoute : « Permettre à Blair d'être indemnisé est conforme aux objectifs de principe généraux qui sous-tendent les dispositions en matière d'indemnisation; celles-ci permettent le remboursement dans les cas de conduite raisonnable et de bonne foi, décourageant ainsi l'application après coup de normes de perfection. L'indemnisation vise à encourager la conduite responsable, mais laisse tout de même assez de latitude pour attirer des candidats solides aux postes d'administrateurs, et favorise donc l'esprit d'entreprise. C'est pour cette raison que l'indemnisation ne devrait être refusée que dans les cas de mauvaise foi. » 98 Même lorsque la société se dote d’une politique d’indemnisation, des administrateurs, ces derniers continuent de supporter des risques importants. Par exemple, la compagnie peut décider de ne pas indemniser l’administrateur parce qu’il s’agit à son avis d’un acte non 97 98 [1995] 4 R.C.S. 5, ci-après « Blair ». Bien que la décision portait sur la Loi sur les sociétés par actions de l'Ontario, L.R.O. 1990, ch. B.16, la loi ontarienne est au même effet que la LCSA. Corporations Act de Terre-Neuve, R.S.N. 1990, ch. C-36, art. 205; Loi sur les corporations du Manitoba, L.R.M. 1987, ch. C225, art. 119; voir aussi The Business Corporations Act de la Saskatchewan, R.S.S. 1978, ch. B10, art. 119; Business Corporations Act de l'Alberta, S.A. 1981, ch. B-15, art. 119; Company Act de la Colombie-Britannique, R.S.B.C. 1979, ch. 59, art. 152. Blair, supra, par. 74 couvert par la politique d’indemnisation des administrateurs. Des considérations d’ordre public, des dispositions statutaires ou une ordonnance du tribunal 99 peuvent empêcher la société d’intervenir. Parfois, la compagnie n’a tout simplement pas la capacité financière d’indemniser l’administrateur. Pour ces motifs, certains auteurs suggèrent l’utilisation d’une lettre de crédit bancaire ou même d’une fiducie pour garantir l’indemnisation. 100 2.2 L’assurance des administrateurs et dirigeants 101 2.2.1 La couverture La Loi prévoit aussi la possibilité pour la société de souscrire une police d’assurance responsabilité au bénéfice de ses administrateurs et dirigeants (assurance-responsabilité A&D). 102 En général, une police A&D protège les administrateurs et dirigeants contre les « sinistres » (« loss ») qui peuvent leur être imputées dans l’exercice de leurs fonctions de gestionnaires de l’entreprise. Le terme « sinistre » est habituellement défini comme tout montant qu’une personne assurée devient légalement obligée de payer à la suite d’une « réclamation » (« claim ») contre elle en sa qualité d’assuré. Un sinistre comprend les dommages-intérêts qu’ils fassent suite à un jugement ou un règlement, les frais de défense et les autres coûts liés à la poursuite. Il ne comprend pas normalement les amendes, peines imposées par la loi, les dommages punitifs ou exemplaires et les frais reliés à l’évaluation ou à l’enquête d’une réclamation potentielle. Par « réclamation » on inclut toute demande écrite qui réclame des dommages monétaires que ce soit par le biais d’une poursuite civile, d’une poursuite pénale ou d’une procédure formelle administrative ou réglementaire. La réclamation doit par contre découler d’un 99 100 101 102 cf R. v. Bata Industries Ltd. (1992) 7 C.E.L.R. (N.S.) 245 varied (1993) 14 O.R. (3d) 354 varied (1995) 25 O.R. (3d) 321 (Ont. C.A.) où la cour de première instance avait initialement interdit à la compagnie d’indemniser les administrateurs pour des amendes environnementales. C. HANSELL, Directors and Officers in Canada : Law and Practice, Carswell (looseleaf), at p. 14-29; B. BOUCHER, Responsabilités des Administrateurs dans un contexte d’insolvabilité : évolution et tendances, Conférence donnée à Montréal pour l’Institut Canadien les 19 et 20 octobre 2005 à la p. 31 G.B. MAUGHAN, « Directors’ and officers’ insurance demystified » dans Corporations at the Crossroads – Meredith Memorial Lectures 1994-1995, Les Éditions Yvon Blais Inc., 1996, p. 299 LCSA 124(6) « acte préjudiciable » (« wrongful act ») terme par lequel on entend toute erreur, fausse représentation, déclaration trompeuse ou erronée, omission, négligence ou manquement à un devoir, ou tout autre acte commis par l’assurée en sa qualité de personne assurée. Les assurances-responsabilités A&D comportent habituellement deux volets. Un premier volet (Side B coverage) prévoit une couverture spécifique pour assurer la compagnie pour les sommes qu’elle pourrait avoir à payer à titre d’indemnisation aux A&D. Les assurances qui ne contiennent que ce premier volet, comporte deux dangers pour les administrateurs. D’une part, dans le cas des sociétés fédérales, ils sont à la merci de la politique interne d’indemnisation suivant les règlements de la société. Ainsi, si la société ne prévoit pas l’indemnisation de l’administrateur, l’assurance pourra nier la couverture et l’administrateur ne sera pas protégé. D’autre part, dans un cas de faillite, même si la compagnie prévoit l’indemnisation et qu’elle reçoive effectivement le produit de l’assurance, celui-ci pourra faire partie de la masse des biens saisissables par le syndic. Au bout du compte, l’administrateur en tant que simple créancier ordinaire, pourrait ne jamais toucher l’argent résultant de l’indemnité qui lui est dû. Heureusement, afin de remédier à ses difficultés, un deuxième volet est souvent prévu à l’assurance-responsabilité A&D. Ce volet consiste à assurer directement les A&D lorsque la compagnie ne les indemnise pas (Side A coverage). Par contre, l’administrateur devra veiller à ce que la prime soit entièrement acquittée, même (et surtout) lorsque la compagnie est insolvable. Finalement, il se peut que la police d’assurance couvre également la responsabilité engagée par la compagnie elle-même (Side C coverage). Dans une telle éventualité il peut arriver que le plafond de la couverture soit partagé entre les A&D et la compagnie. Si tel est le cas, le montant de la couverture peut être épuisé par les réclamations contre la compagnie. De plus, en cas de faillite de la compagnie, le syndic peut prétendre que les produits de l’assurance doivent aller en priorité à la compagnie plutôt qu’aux A&D comme ils l’ont fait par exemple dans le cas d’Enron. L’administrateur a donc intérêt à obtenir une couverture excédentaire séparée ou à spécifier que les plafonds de couverture s’appliquent séparément à la compagnie et aux administrateurs. 103 2.2.2 Les assurés La police couvre habituellement toute personne qui agit présentement, a agi dans le passé ou pourrait agir dans le futur comme administrateur dûment élu ou dirigeant nommé de la société lorsqu’ils agissent en leur qualité d’assurés. C’est-à-dire que la police ne couvrira pas un administrateur poursuivit en raison de ses activités personnelles ou professionnelles. Les employés de la société ainsi que les conjoints des administrateurs et dirigeants peuvent aussi être assurés par avenant s’ils sont poursuivis à titre de co-défendeurs. 2.2.3 Les exclusions L’assurance responsabilité A&D est considérée comme un marché spécialisé. Dès lors, le texte des polices varie grandement. C’est pourquoi l’administrateur a intérêt à être bien conseillé. Parmi les exclusions fréquentes, il faut mentionner les réclamations visant : - la responsabilité encourue suite à la commission d’actes malhonnêtes et frauduleux 104 103 104 - les responsabilités pénales et criminelles - la responsabilité pour blessures corporelles - la responsabilité pour libelle diffamatoire, - la responsabilité pour accidents environnementaux - les responsabilités relatives aux transactions d’initiés Pour une discussion sur l’allocation des dommages entre les assureurs de la compagnie et des administrateurs voir W.E. KNEPPER and D.A. BAILEY, Liability of Corporate Officers and Directors 5th ed. Vol. 2 at 21-6; Coronation Insiurance Co. v. Clearly Canadian Beverage Corp [1999] 6 W.W.R. 189 (B.C.C.A.) Art. 2464 C.c.Q. - le profit réalisé en violation du devoir de fiduciaire - la violation des obligations imposées par les lois régissant les régimes de retraite et d’avantages sociaux - d’un assuré à l’encontre d’un autre assuré de la même police d’assurance Dans ce dernier cas, l’administrateur devrait s’assurer que l’exclusion ne s’applique pas i) à une action dérivée en vertu de laquelle un actionnaire ou un créancier poursuit l’administrateur au nom de la compagnie; ii) à une action intentée par un syndic suite à la faillite de la compagnie ou iii) à une action en garantie présentée par un administrateur contre les autres pour obtenir compensation pour les dommages auxquels il pourrait être condamné dans une action principale. Ces exclusions peuvent s’appliquer individuellement à chaque assuré si la police contient un clause de divisibilité (« severability clause ») ce qui est avantageux pour les administrateurs innocents poursuivis solidairement en raison des gestes d’un autre administrateur. Certaines exclusions sont moins évidentes. Par exemple, l’assurance A&D exclut ou réduit parfois la couverture pour les réclamations i) pour des dommages physiques, matériels ou préjudice personnels; ii) pour violation de contrat; iii) pour violation de droit d’auteur, de brevets ou de marques de commerce; iv) reliées aux valeurs mobilières ou à un appel public à l’épargne; v) aux réclamations reliés au droit de l’emploi (salaires impayés, congédiement, discrimination, harcèlement, etc). Compte tenu de l’importance de ce genre de réclamation, les administrateurs devraient insister pour que ces risques ne soient pas exclus. 2.2.4 La période d’assurance Les assurances A&D sont souvent émises sur la base de réclamation présentée (« Claims made »), c’est-à-dire qu’elles couvrent seulement les réclamations présentées contre les assurés à l’intérieur de la période de couverture sans égard au moment où l’acte répréhensible allégué a été commis. Il est donc important pour un administrateur de s’assurer que la couverture demeure même lorsque son mandat est terminé. En effet, certaines réclamations peuvent survenir longtemps après que les gestes prétendument fautifs aient été posés. Certaines polices prévoient la possibilité d’étendre la période de couverture (« Tail coverage » « Extended Reporting period » or « Discovery period »). Ce droit est important et l’assuré aura intérêt à négocier la possibilité de se procurer une extension dès l’émission de la police. De plus, les polices couvrent habituellement les réclamations qui découlent de gestes posés après une certaine date (« Retroactive date »). Un changement d’assureur peut modifier cette date ce qui peut causer des trous importants dans la couverture. Les sociétés seraient donc avisées de ne pas changer d’assureur sans obtenir des conseils sur l’impact d’une telle modification. 2.2.5 Obligations de l’assuré dans le cadre assurance A&D Parmi les obligations standards d’une police d’assurance responsabilité A&D, une des plus importantes est celle qui oblige l’assuré d’agir de bonne foi 105 et notamment de communiquer à l’assureur les risques potentiels et les changements au risque. D’une part, au moment de la souscription, l’assuré a l’obligation d’aviser l’assureur de tout fait de nature à influencer un assureur raisonnable dans la décision d’accepter le risque. Ce devoir de l’assuré est d’ailleurs codifié en droit québécois par l’article 2408 du Code Civil : 105 Sharma c. Victoria (La), compagnie d'assurances [1997] R.R.A. 46 C.A.; Angelillo c. La Prévoyance Cie d'assurances , (1983) C.A. 305 « 2408. Le preneur, de même que l’assuré si l’assureur le demande, est tenu de déclarer toutes les circonstances connues de lui qui sont de nature à influencer de façon importante un assureur dans l’établissement de la prime, l’appréciation du risque ou la décision de l’accepter, mais il n’est pas tenu de déclarer les circonstances que l’assureur connaît ou est présumé connaître en raison de leur notoriété, sauf en réponse aux questions posées. » Le défaut de respecter cette obligation expose l’assuré à une négation de couverture. 106 De plus, la police exclut normalement toute réclamation basée sur des faits connus de l’assuré au moment de la mise en place de la couverture. Par ailleurs, lorsque l’assuré devient conscient d’un acte fautif potentiel, actuel ou allégué qui pourrait éventuellement donner lieu à une réclamation, il doit en aviser aussitôt que possible l’assureur. Cet avis doit habituellement contenir : une description du fait actuel ou allégué; l’identification de la personne qui a commis ou prétendument commis l’acte ainsi qu’une description des faits matériels ou des circonstances qui ont donné lieu à cet acte. Encore une fois, le défaut d’aviser peut faire perdre des droits à l’assuré si l’assureur en subit préjudice. 107 De plus, les polices d’assurances responsabilités A&D contiennent souvent une clause requerrant de l’assuré qu’il avise son assureur de tout changement qui pourrait se produire de nature à modifier le risque couvert. Ce devoir de l’assuré est d’ailleurs codifié en droit québécois par l’article 2466 du Code Civil. L’assuré à également l’obligation, une fois qu’une réclamation est présentée, de coopérer avec l’assureur à la défense et de ne pas poser de gestes qui pourraient porter préjudice à l’assureur. Par exemple, la police prévoit que l’assuré ne doit pas admettre sa responsabilité, conclure un arrangement ou engager des coûts de défense sans le consentement de l’assureur. 108 106 Art. 2410 C.c.Q.; Banque Nationale de Grèce (Canada) c . Katsikonouris [1990] 2 R.C.S. 1029 , 1065 Art. 2470 C.c.Q. 108 Art. 2474 C.c.Q. 107 2.2.6 Obligations de l’assureur dans le cadre d’une assurance A&D L’assureur a deux obligations principales : celle de défendre et celle d’indemniser. En plus d’être une obligation contractuelle, l’obligation de l’assureur responsabilité d’assumer la défense de son assuré est, au Québec, une obligation légale codifiée par le Code civil. En effet, l’article 2503 C.C.Q. prévoit : « 2503. L’assureur est tenu de prendre fait et cause pour toute personne qui a droit au bénéfice de l’assurance et d’assumer sa défense dans toute action dirigée contre elle. Les frais et dépens qui résultent des actions contre l’assuré, y compris ceux de la défense, ainsi que les intérêts sur le montant de l’assurance, sont à la charge de l’assureur, en plus du montant d’assurance. » Cette obligation légale de l’assureur est d’ordre public relatif. 109 Le Code civil du Québec ne permet pas à l’assureur d’y déroger contractuellement, à moins que cette dérogation ait pour effet d’accorder davantage de droits à l’assuré. « 2414. Toute clause d’un contrat d’assurance terrestre qui accorde au preneur, à l’assuré, à l’adhérent, au bénéficiaire ou au titulaire du contrat moins de droits que les dispositions du présent chapitre est nulle. » La conjonction de ces articles confirme que l’obligation d’un assureur-responsabilité d’assumer la défense de son assuré est une obligation légale d’ordre public. Dès lors, il n’est pas permis d’y déroger contractuellement à moins que cette dérogation ait pour effet d’avantager les droits de l’assuré. À notre avis, il n’est donc pas possible d’avoir au Québec des polices dites d’indemnisation seulement ou des polices qui prévoient que les frais de défense diminuent le montant de couverture disponible ou sont sujets à une franchise. 110 L’obligation de défendre a été définie par la Cour d’appel du Québec comme suit : 109 Voir Bionaire Inc. c. Calvert Insurance Co., [1994] R.J.Q. 1290 (C.S.) conf. REJB 1998-06605 (C.A).; Leclerc c. Société de Transport de la Rive-Sud de Montréal, J.E. 95-1922 (C.S.); voir aussi Boréal Assurances c. Réno-Dépôt [1996] R.J.Q. 46 (C.A.) à 60 110 Bionaire Inc. c. Calvert Insurance Co., [1994] R.J.Q. 1290 (C.S.) conf. REJB 1998-06605 (C.A) «L'obligation de défendre impose à l'assureur la prise en charge, en temps opportun, de la défense de la personne assurée. Il s'agit pour l'assureur de comparaître pour cette personne et d'assumer les frais et les coûts afférents à sa défense. Les avocats de l'assureur agissent alors pour le compte de la personne assurée et en son nom, dans son seul intérêt et en toute loyauté.» 111 Dans le même jugement, la Cour définit ainsi l’obligation d’indemniser : «De son côté, l'obligation d'indemniser doit s'exécuter lorsque la personne assurée, poursuivie en responsabilité par un tiers, doit payer des dommages, soit à la suite d'un jugement ayant force de chose jugée, soit à la suite d'une transaction opposable à l'assureur.» 112 Il est maintenant reconnu que ses deux obligations, bien que reliées, s’évaluent différemment et à des moments différents dans le processus de réclamation. La première est déclenchée par la réclamation et s’apprécie normalement avant le dépôt de la preuve. La deuxième s’évalue après le jugement, c’est-à-dire une fois que la preuve a été déposée et analysée. Dès lors, l’on remarque souvent que l’obligation de défendre est plus large que l’obligation d’indemniser. 113 « À cet égard, l'intimé prétend également que l'obligation de défendre a une portée plus large que l'obligation d'indemniser et qu'elle est indépendante de celle-ci. C'est vrai en ce sens qu'il n'y a obligation de défendre que si on allègue des actes ou des omissions auxquels s'applique 111 Boréal c. Réno-dépôt [1996] R.J.Q. 46 (C.A.) à 61 Boréal c. Réno-dépôt [1996] R.J.Q. 46 (C.A.) à 61 113 Boréal c. Réno-dépôt [1996] R.J.Q. 46 (C.A.) à 61: «Ces deux obligations n'existent qu'en cas d'applicabilité du contrat d'assurance. L'appréciation de cette condition varie, cependant, selon qu'il s'agit de l'obligation de défendre ou de celle d'indemniser. La première obligation est beaucoup plus large que la deuxième; elle en est distincte. Dans un arrêt majoritaire, rendu le 9 décembre 1959, le juge Bissonnette reconnaissait la différence entre les deux obligations: Et ceci m'amène à considérer la deuxième stipulation de cette clause: l'obligation de défendre à toute action intentée contre l'assuré. Avant d'apprécier la conduite de la défenderesse en garantie, je désire souligner que les diverses obligations prises par elle sont conjonctives et cumulatives et non disjonctives ou alternatives, de plus, que l'engagement de contester toute demande n'est pas conditionnel ou facultatif, mais bien impératif. […] L'obligation de défendre et celle d'indemniser ne se concrétisent pas à la même époque et, à cause de cela, leurs conditions de naissance, bien que reliées toutes deux à l'applicabilité du contrat d'assurance, s'apprécient différemment.» 112 la police, alors qu'il y a obligation d'indemniser seulement si ces allégations sont prouvées à l'audience. » 114 « En même temps, il n'est pas nécessaire d'établir qu'il y aura effectivement obligation d'indemniser pour déclencher l'obligation de défendre. La seule possibilité qu'une réclamation relevant de la police puisse être accueillie suffit. En ce sens, comme je l'ai déjà souligné, l'obligation de défendre a une portée plus large que l'obligation d'indemniser. » 115 À ce sujet, le Juge Lebel a été suffisamment clair dans l’arrêt Associations des hôpitaux du Québec c. Fondation pour le cancer de la prostate : « [L]’existence de l’obligation de défense s’apprécie par rapport aux allégations des procédures. Elle peut-être exécutoire durant le procès sans que nécessairement, au terme de ce dernier, un jugement conclue que la garantie d’indemnisation était applicable. » Par ailleurs, les tribunaux ont reconnu à de maintes reprises qu’il n’existe pas d’obligation de défendre si les allégations ne peuvent donner lieu à une réclamation couverte par la police. 116 « La très grande majorité des arrêts canadiens confirment l'opinion qu'en temps normal l'obligation de défendre n'intervient qu'à l'égard des réclamations qui, si elles sont prouvées, relèveraient de la couverture de la police: voir Dobish v. Garies (1985), 15 C.C.L.I. 69 (B.R. Alb.); Thames Steel Construction Ltd. v. Northern Assurance Co., [1989] I.L.R. 1-2399 (C.A. Ont.); Vancouver General Hospital v. Scottish & York Insurance Company (1987), 15 B.C.L.R. (2d) 178 (C.S.C.-B.) » 117 Faisant une révision des principes applicables, l’honorable juge Rochon dans Parizeau c. Fonds d'assurance responsabilité du Barreau du Québec 118 remarquait : 114 Nichols v. American Home Assurance Company, [1990] 1 R.C.S. 801 à 807 Nichols v. American Home Assurance Company, [1990] 1 R.C.S. 801 à 808 116 C. Brown et al., Insurance Law in Canada, Vol. 2, Toronto, Carswell, 2001, ch. 18, p. 18-12, 18-13: “[…] even if the claim is substantiated, if the allegations against the insured are clearly outside the terms of coverage, there will be no duty to defend.”; G. Hilliker, Liability Insurance Law in Canada, 3rd ed. (Toronto and Vancouver: Butterworths, 2001), p. 68: “The insurer is not obliged to defend claims which fall wholly outside of the coverage provided by the policy.”; Boréal v. Réno-dépôt [1996] R.J.Q. 46 (C.A.) p. 61 : “il n’y a pas obligation de défendre s’il ressort clairement des procédures que la réclamation ne tombe pas sous la protection de la police en raison d’une clause d’exclusion.” 117 Nichols v. American Home Assurance Company, [1990] 1 R.C.S. 801 à 810 118 [1997] R.J.Q. 2184, p.2187 115 « Les principes juridiques régissant les droits et obligations des parties ont été clairement établis dans les arrêts Nichols c. American Home Assurance Co. et Boréal Assurances inc. c. Réno-Dépôt inc. Les principes dégagés dans ces arrêts peuvent sommairement être décrits comme suit : 1. L'obligation pour un assureur de défendre son assuré est distincte de l'obligation de l'indemniser; 2. L'obligation de défendre a une portée plus large que l'obligation d'indemniser, en ce sens que la première repose sur des allégations tandis que la seconde doit s'appuyer sur des faits prouvés; 3. L'obligation de défendre s'analyse à partir des allégués de la poursuite; 4. Il faut, pour nier l'existence de l'obligation de défendre eu égard aux principes généraux d'interprétation des contrats d'assurance, qu'il ressorte clairement des actes de procédure que la poursuite ne relève pas de la couverture d'assurance; 5. La seule possibilité qu'une réclamation puisse faire l'objet d'une couverture d'assurance suffit à enclencher l'obligation de défendre. Ceci oblige l'assureur à prendre en charge la défense de son assuré même si certains postes de dommages réclamés ne font pas l'objet de la couverture d'assurance; » La Cour Suprême du Canada s’est penchée à nouveau sur l’obligation de défendre en 2000 dans Non-Marine Underwriters, Lloyd's of London c. Scalera 119 . Dans cette affaire, la Cour a observé qu’on ne pouvait pas laisser aux avocats du demandeur le soin de décider de la couverture d’assurance. En ce sens, la Cour a raffiné la portée de la règle voulant que seules les allégations de la procédure déclenchent l’obligation de défendre. « [50] Trois étapes doivent être franchies pour déterminer si une demande en justice est susceptible d'entraîner l'indemnisation. Premièrement, le tribunal doit établir lesquelles des allégations juridiques de la partie demanderesse sont adéquatement formulées. Pour ce faire, il n'est pas lié par la terminologie juridique qu'emploie cette dernière. Un délit intentionnel ne peut devenir un délit de négligence, et vice versa, du seul fait des mots employés par la partie demanderesse. Pour confirmer l'étendue de l'obligation de défendre, le tribunal doit donc aller au-delà de la terminologie choisie et tenir compte de la substance des allégations contenues dans les actes de procédure. Il ne s'agit pas de se prononcer sur 119 [2000] 1 R.C.S. 551 le bien-fondé des allégations, mais seulement d'en déterminer la nature véritable sur la base des actes de procédure. [51] Dans un deuxième temps, après avoir précisé quelles allégations sont adéquatement formulées, le tribunal doit vérifier si certaines d'entre elles sont entièrement de nature dérivée. Il ne saurait y avoir d'obligation de défendre simplement parce que l'allégation peut être formulée en fonction à la fois du délit de négligence et du délit intentionnel. Si la prétendue négligence découle des mêmes actes préjudiciables que le délit intentionnel, elle ne permettra pas à l'assuré d'éviter l'application de la clause d'exclusion du préjudice intentionnel. [52] Enfin, à la troisième étape, le tribunal doit déterminer si les allégations non dérivées qui sont adéquatement formulées sont susceptibles d'entraîner l'obligation de défendre de l'assureur. » Par ailleurs, dans l'affaire Monenco Ltée c. Commonwealth Insurance Co. 120 , après avoir posé la question à savoir si une cour peut aller au-delà des actes de procédure et prendre en considération des éléments de preuve extrinsèque à la police d'assurance pour déterminer le contenu et la nature véritable d'une réclamation, le juge Iacobucci concluait en ces termes: « […] j’estime qu'il est possible de tenir compte de la preuve extrinsèque mentionnée explicitement dans les actes de procédure pour déterminer le contenu et la nature véritable des allégations et, ainsi, apprécier la nature et l'étendue de l'obligation de défendre d'un assureur. […] » Récemment, dans CGU c. Fédération des médecins spécialistes du Québec (FMSQ) 121 , l’Honorable Clément Gascon, résumait ainsi, l’état du droit applicable : « [22] À la lumière des enseignements tirés de la Cour suprême dans les arrêts Scalera et Monenco, de la Cour d'appel dans l'arrêt Axa Boréal et de la Cour supérieure dans les affaires Université Concordia et Raymond Chabot inc., il y a lieu de retenir, d'une part, que : a) Pour déterminer s'il y a une obligation de défendre des Assureurs, il faut analyser les allégations essentielles des réclamations telles que formulées; 120 121 [2001] 2 R.C.S. 699 à 717 2003 IIJCan 894 b) En procédant à cette analyse, il faut donner à ces allégations la portée la plus large possible; c) En donnant aux allégations essentielles leur portée la plus large, il faut déterminer le contenu et la nature véritable des réclamations. [23] D'autre part, conformément à ce qu'ont rappelé la Cour suprême dans l'arrêt Nichols, la Cour d'appel dans les arrêts Université Laval et RénoDépôt et la Cour supérieure dans les affaires Université Concordia et Parizeau, les principes qui doivent guider le Tribunal dans ce processus d'analyse peuvent se résumer comme suit : d) À la lumière des allégations des réclamations telles qu'analysées selon les paramètres précédents, il faut, pour nier l'existence de l'obligation de défendre, qu'il ressorte clairement que les réclamations ne sont pas couvertes par la police applicable; e) Une simple possibilité que les réclamations, à la face même des allégations qui les sous-tendent, puissent être couvertes par la police d'assurance est suffisante pour enclencher l'obligation de défendre. [24] Pour reprendre les propos du juge Wery dans l'affaire Université Concordia : [52] La question est donc de voir s'il existe une « possibilité » que la « nature véritable » des faits reprochés [...] dans la procédure [...] soient couverts par la police [...] ou, autrement dit, il faut qu'il ressorte « clairement » des procédures que la réclamation ne tombe pas sous la protection de la police. » Évidemment, le défaut pour l’assureur de respecter son obligation de défense, l’expose à une condamnation pour les frais raisonnablement encourus par l’assuré pour assumer sa propre défense. 122 3. CAS PARTICULIER D’UNE COMPAGNIE INSOLVABLE Comme le souligne la Cour Suprême dans Peoples, 123 les intérêts des actionnaires, des créanciers et de la société concordent habituellement lorsque l’entreprise est rentable. La situation est par contre très différente lorsque la société vit des difficultés financières. 124 122 123 Bionaire Inc. c. Calvert Insurance Co., [1994] R.J.Q. 1290 (C.S.) conf. REJB 1998-06605 (C.A) Peoples, supra, par. 43 et suivants Ceci étant, la solvabilité d’une compagnie n’a aucune incidence sur le contenu de l’obligation fiduciaire énoncée à l’al. 122(1)a) de la LCSA. Les administrateurs conservent en tout temps leur obligation fiduciaire envers la société et l’intérêt de la société ne doit pas se confondre avec ceux des actionnaires, avec ceux des créanciers ni avec ceux de toute autre partie intéressée. 125 “Acting in the best interests of the corporation could, in some circumstances, require that a director or officer act other than in the best interests of one of the groups protected under s. 234. To impose upon directors and officers a fiduciary duty to the corporation as well as to individual groups of shareholders of the corporation could place directors in a position of irreconcilable conflict, particularly in situations where the corporation is faced with adverse economic conditions.” 126 Toutefois, plus la société s’approche de l’insolvabilité, plus les droits des actionnaires s’épuisent. Les droits des actionnaires perdent d’ailleurs toute valeur si une société déclare faillite. À ce moment, les administrateurs cèdent le contrôle à un syndic qui gère les actifs de la société au profit des créanciers. Au bord de l’insolvabilité, les actionnaires préféreront que les administrateurs adoptent des solutions à risque et à potentiel de rendement très élevé afin de maximiser leurs droits éventuels. De l’autre côté, les créanciers souhaiteront que les administrateurs adoptent une stratégie plus prudente afin de maximiser la valeur de leurs créances. 124 125 126 Sur la responsabilité des administrateurs en temps de difficultés financières voir : B. BOUCHER, Responsabilités des Administrateurs dans un contexte d’insolvabilité : évolution et tendances, Conférence donnée à Montréal pour l’Institut Canadien les 19 et 20 octobre 2005 à la p. 31; W. D. GRAY, « Peoples v. Wise and Dylex : Identifying Stakeholder Interests upon or near Corporate Insolvency — Stasis or Pragmatism? » (2003), 39 Rev. can. dr. comm. 242; BARBEAU, Marc B., « La restructuration de l'entreprise : observations sur certaines questions relatives à son financement », Développements récents en droit bancaire (2003), Service de la formation permanente du Barreau du Québec, 2003 EYB2003DEV550; J. SARRA, «Taking the Corporation Past the «Plimsoll Line» Director and Officer Liability when the Corporation Founders», (2001) Int. Ins. Rev. 229; P. MARTEL, «L'insolvabilité de la compagnie et la responsabilité des administrateurs: l'émergence d'un «insolvent trading» judiciaire?», dans Développements récents en droit commercial (1998) , p. 61; et P. MARTEL, «Le «voile corporatif» - l'attitude des tribunaux face à l' article 317 du Code civil du Québec », (1998) 58 R. du B. 95; J. ZIEGEL, «Creditors as Corporate Stakeholders: The Quiet Revolution - an Anglo Canadian Perspective», (1993) 43 U.T.L.J. 511. Peoples, par. 43 Brant Investments Ltd. v. KeepRite Inc. (1991) 3 O.R. (3d) 289, p. 301 Dans l’évaluation des mesures prises par les administrateurs, toute tentative faite avec intégrité et de bonne foi pour redresser la situation financière de la société ne pourra être assimilée à une violation des obligations des administrateurs même en cas d’échec. 127 3.1 L’ordonnance rendue en vertu de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) La Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies (LACC) vise à faciliter la restructuration des compagnies en situation d’insolvabilité. La compagnie qui veut obtenir la protection de cette loi doit tenter de conclure un plan d’arrangement avec ses créanciers. Si le plan d’arrangement est accepté par les 2/3 en valeur des créanciers, le tribunal pourra l’homologuer afin de lier tous les créanciers. 128 La LACC permet à une compagnie débitrice d’ajouter dans un arrangement potentiel avec ses créanciers une disposition relativement à une transaction sur les réclamations contre les administrateurs qui sont antérieures aux procédures intentées sous le régime de la loi. 129 Une telle disposition peut viser la responsabilité des administrateurs pour les salaires impayés ou pour des déductions fiscales. Par contre, elle ne peut pas porter sur des droits contractuels (un cautionnement par exemple) ou une conduite frauduleuse ou abusive. 130 De plus, le tribunal se réserve le droit d’exclure une réclamation de la transaction s’il est convaincu que ce serait ni juste ni équitable dans les circonstances.131 La LFI prévoit un régime semblable. 132 Afin d’entamer la procédure permettant de conclure un tel plan d’arrangement avec les créanciers, la compagnie doit demander au tribunal de suspendre pour une période 127 W. D. Gray, « Peoples v. Wise and Dylex : Identifying Stakeholder Interests upon or near Corporate Insolvency — Stasis or Pragmatism? » (2003), 39 Rev. can. dr. comm. 242, p. 257; E. M. Iacobucci et K. E. Davis, « Reconciling Derivative Claims and the Oppression Remedy » (2000), 12 S.C.L.R. (2d) 87, p. 114 128 Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies, L.R.C. (1985), ch. C-36, art. 6 129 LACC 5.1(1); Coopération forestière Laterrière (Arrangement relatif à) J.E. 2004-1181; Royal Penfield inc. (Syndic de) [2003] R.J.Q. 2157 130 LACC 5.1(2); Re Canadian Airlines Corp. [2000] A.J. No 771 (Q.B.); Plan d’arrangement de Papiers Gaspésia inc., EYB 2005-92620 131 LACC 5.1(3); Re Blue Star Battery Systems International Corp. (2000) 25 C.B.R. (4th) 216 (Ont. S.C. 132 LFI 50(13) et ss.; Planchers Bois-Franc (Trois-Rivières) (Proposition de) [2003] R.J.Q. 157 (C.S.) maximale de 30 jours tous les recours et toutes les procédures des créanciers. Cette demande est faite en vertu de l’article 11 de la LACC et est aussi connu comme étant « l’ordonnance initiale C-36 ». L’article 11 de la LACC donne beaucoup de latitude au tribunal. En effet, ce dernier peut ordonner toutes les mesures qui peuvent s’avérer utile afin de maintenir le statut quo nécessaire à la conclusion d’une entente avec les créanciers. En janvier 2005, le Comité de liaison du Barreau de Montréal avec la chambre commerciale de la Cour Supérieure a suggéré une formule abrégée d’ordonnance pouvant être rendue aux termes de la LACC. 133 Cette ordonnance standard inclut des dispositions qui ont des conséquences directes quant à l’indemnisation des administrateurs par la compagnie ainsi que sur l’assurance-responsabilité pour A&D. Le tribunal reconnaît ainsi le rôle primordial des administrateurs dans le cadre d’une restructuration et vise à les protéger afin d’éviter que ceux-ci ne démissionne au moment où la société a le plus besoin de leurs conseils. 3.1.1 Ordonnance de suspension des procédures (par. 12-13) Lorsque qu’une compagnie débitrice entreprend un processus de restructuration, la Loi sur la Faillite ou l’Ordonnance C-36 accorde aux administrateurs actuels, anciens ou futurs une suspension de toute réclamation ou procédures qui sont antérieures aux dépôt de l’avis d’intention. 134 Cette suspension est normalement en vigueur tant que le plan n’aura pas été rejeté par les créanciers. Par ailleurs, le tribunal conserve la discrétion de lever la suspension. Dans Plan d’arrangement de Papiers Gaspésia inc., 135 des créanciers qui détenaient des hypothèques légales de la construction sur l’usine ont demandé et obtenu la levée de l’interdiction de poursuivre les administrateurs. Soulignant que la suspension avait comme objectif premier de favoriser la relance des activités, l’honorable juge Chaput a 133 134 135 http://www.barreau.qc.ca/montreal/loads/Version-Abrégée-Finale-21-01-05.doc LFI 69.31(1); LACC 11.5(1) J.E. 2005-882 jugé qu’elle n’était pas nécessaire dans le cas présent puisque le contrôleur avait déjà lancé un appel d’offre pour liquider les actifs. 3.1.2 Ordonnance d’indemniser (par. 21) En vertu du paragraphe 21 de l’ordonnance type C-36, il est proposé au tribunal d’ordonner que tous les frais, charges, dépenses, réclamations, responsabilités et obligations occasionnées aux administrateurs à la date de l’ordonnance ou après celle-ci soit indemnisés par la compagnie. Toutefois, et toujours en vertu de cette ordonnance, l’administrateur devra avoir agi en sa qualité d’administrateur avec intégrité et bonne foi pour avoir droit à cette indemnisation. De plus, s’il s’agit d’une instance administrative ou pénale, l’administrateur ne sera indemnisé pour l’amende que dans le cas où la compagnie aurait de bonnes raisons de croire que sa conduite était conforme à la loi. 3.1.3 Ordonnance de création d’une Charge pour les A&D (par. 22) Complémentairement à l’ordonnance du paragraphe 21, l’ordonnance standard C-36 propose au tribunal d’ordonner la création d’une Charge, c’est-à-dire la création d’une garantie sous forme d’hypothèque et de sûreté en faveur des administrateurs pour garantir le paiement de l’indemnisation pour toutes les obligations et dépenses contractées durant le processus de restructuration. Dans Jetsgo Corporation (Arrangement relatif à), 136 le tribunal avait initialement mis en place une Charge qui couvrait non seulement les indemnités dues aux administrateurs en regard des gestes posés lors de la restructuration mais également les indemnités qui pourraient être dues avant l’ordonnance initiale. Après contestation de certains créanciers, le tribunal a réduit la portée de la charge aux obligations nées après l’ordonnance initiale. L’Ordonnance type prévoit que la Charge vient en second lieu de toute assurance applicable. En effet, elle ne relève pas l’assureur de ses obligations et ce « malgré toute stipulation contraire d’une police d’assurance applicable ». De plus, la Charge ne 136 J.E. 2005-881 s’applique pas si les administrateurs bénéficient d’une assurance A&D, à moins, que ces derniers « ne reçoivent pas dans les 21 jours suivant la livraison de l’avis de la Réclamation A&D à l’assureur visé une confirmation de la part de cet assureur attestant qu’il couvrira et indemnisera les Administrateurs intimés ». Une fois que la Charge est utilisée, la société débitrice est subrogée aux droits des administrateurs contre l’assureur. Cette disposition crée des problèmes pratiques puisqu’en vertu de son contrat d’assurance, l’assureur n’a pas à prendre position sur des réclamations futures. En effet, ce n’est qu’une fois la réclamation présentée à l’administrateur que l’assureur prendra position sur son obligation de défendre et une fois jugement rendu qu’il prendra position sur l’obligation d’indemniser. Dès lors, l’assureur ne confirmera jamais dans les 21 jours de la réception de la réclamation qu’il « indemnisera les administrateurs ». 3.1.4 Ordonnance quant aux priorités entre les différentes Charges (par. 30-31) Au paragraphe 30 de l’ordonnance C-36 il est demandé au tribunal d’ordonner que la « Charge d’administration » (i.e. : celle qui couvre les frais « du Contrôleur, du procureur du Contrôleur, du procureur de la Requérante et des autres conseillers juridiques ») reçoive priorité sur la « Charge A&D » qui elle reçoit est prioritaire à toutes les autres charges (« hypothèques, gages, sûretés, priorités, contrats de vente conditionnelle ou de location-acquisition, charges ou garanties de quelque nature que ce soit »). 3.1.5 Ordonnance quant à la modification, la résiliation et le renouvellement de l’assurance-responsabilité A&D Il peut arriver que l’assureur mis au courant de la situation précaire de son assuré désire modifier ou même mettre un terme à la couverture afin de s’ajuster au risque grandissant que couvre la police. Afin de prévenir ce genre de situation qui aurait un effet néfaste sur la motivation des administrateurs à demeurer en poste, le tribunal ordonne souvent aux assureurs (ainsi qu’à tout autre contractant de la débitrice) de ne pas modifier ses obligations : « 8. ORDONNE, sans restreindre ce qui précède, pendant la Période de suspension, à toutes les personnes qui ont conclu des ententes, contrats ou arrangements, verbaux ou écrits, avec la Requérante ou à l’égard de l’un des Biens, pour quelque objet ou fin : […] b) de ne pas modifier, suspendre ou autrement entraver la fourniture de biens, de services ou autres avantages par cette Personne ou à elle aux termes de ces ententes, contrats ou arrangements (notamment l’assurance des administrateurs et dirigeants, l’emploi d’un numéro de téléphone ou d’une forme quelconque de service de télécommunications, de fourniture de mazout, de gaz, d’électricité ou de quelque autre service public); et […] » 137 Dans certains cas, le tribunal rend une Ordonnance spécifique à l’égard des assureurs. Dans l’Affaire du plan de réarrangement des Boutiques San Francisco Incorporées 138 , l’assureur avait présenté des offres pour le renouvellement de l’assurance de BSF les 10 et 11 décembre 2003. Le 17 décembre 2003, l’assureur apprend par l’entremise des médias que le groupe BSF a présenté une requête pour obtenir une ordonnance en vertu de la LACC. Le 18 décembre 2003, après l’émission de l’ordonnance initiale, le groupe BSF accepte les termes de l’offre du 10 et 11 décembre 2003. L’assureur voulait retirer son offre au motif que le dépôt de la requête constituait un nouveau risque dont il n’avait pas tenu compte au moment de l’offre de renouvellement. La Cour Supérieure conclut que l’assureur était effectivement lié par son offre : (1) parce qu’il ressortait de la preuve prépondérante qu’elle avait une connaissance approfondie de la précarité de la situation financière du groupe BSF, (2) que malgré une baisse de la couverture, les primes demandées dans une l’offre subséquente à l’ordonnance et daté du 18 décembre 2003 étaient cinq fois plus importante que l’assurance antérieure, (3) que les obligations statutaires étaient exclues de la couverture de l’offre du 10 et 11 décembre alors que ce sont elles qui étaient préoccupantes dans la situation précaire du groupe BSF. Le tribunal souligne: « La LACC est une loi qui vise à faciliter les restructurations corporatives pour permettre à des compagnies en difficulté financière de se remettre sur 137 http://www.barreau.qc.ca/montreal/loads/Version-Abrégée-Finale-21-01-05.doc, Requête pour Ordonnance Initiale standard, par. 8b) 138 Boutiques San Francisco Incorporées (Arrangement de), REJB 2004-54293 pied. Dans cette perspective, elle doit recevoir une interprétation large et généreuse qui favorise la réalisation de ses objectifs. Pour atteindre ces objectifs, on favorise notamment le maintien d’un certain statu quo afin d’empêcher que la restructuration d’une compagnie ne soit entravée à cause de sa situation financière délicate, que ce soit par le biais de l’institution de procédures ou par la modification à des contrats ou engagements en vigueur. Les tribunaux ont déjà reconnu que la suspension des procédures dont parle la LACC à son article 11 comprend aussi la suspension des mesures visant à annuler ou mettre fin à des contrats ou engagements avec la débitrice. En définitive, ce que St. Paul demande ici, postérieurement à la prise d'effet de l'ordonnance initiale, c'est de modifier les conditions de son offre de renouvellement du 10 décembre à cause de la démarche entreprise par le Groupe BSF en vertu de la LACC. Le Tribunal considère que lui permettre de le faire serait contraire aux objectifs mêmes de cette loi. L'ordonnance initiale et l'ordonnance initiale amendée visent à mettre en place les protections et moyens nécessaires pour permettre au Groupe BSF de soumettre à ses créanciers un plan d'arrangement qui soit préférable à des solutions autres comme, par exemple, la faillite pure et simple. L'un des buts de ces ordonnances est de permettre la continuité des opérations du Groupe BSF et le maintien d'un équilibre certes précaire, mais important dans l'intervalle. Le respect des contrats en vigueur malgré la situation financière délicate du Groupe BSF est l'un des éléments importants de cet équilibre et la couverture d'assurance en fait partie.» 139 Les faits particuliers de chaque cas peuvent grandement influencer le résultat. En effet, dans Coopérative Forestière Laterrière (Avis d'intention) 140 , la Cour en était venue à la conclusion inverse : « [46] Donc, la règle générale en matière d'assurance est à l'effet que tant l'assuré que l'assureur ont strictement le droit de résilier unilatéralement tout contrat d'assurance, sans motif, en autant que ce ne soit pas fait de mauvaise foi ou dans le but de nuire à la partie adverse. 139 140 Boutiques San Francisco Incorporées (Arrangement de), REJB 2004-54293, par. 56 à 59 REJB 2003-45276 [47] Pour sa part, l'exception, en matière de faillite, précise que, à partir du moment où un avis d'intention ou une proposition est déposée, à l'égard d'une personne insolvable, il n'est plus permis à un assureur de résilier, ou même de modifier le contrat d'assurance pour le seul motif que l'assuré est insolvable ou a déposé un avis d'intention ou une proposition. [48] Si l'assureur résilie la police d'assurance pour un autre motif, elle le fait en toute légalité. » Considérant que le comportement du président n’était pas de bonne foi, la cour a permis à AXA de résilier le contrat d’assurance responsabilité A&D. S’il faut choisir, nous sommes d’avis que dans le cadre d’une restructuration faite en vertu de la LACC, les tribunaux québécois ne devraient pas permettre aux assureurs de modifier les conditions et les termes de l’assurance-responsabilité A&D. En effet, obliger un administrateur à contacter son assureur s’il anticipe des difficultés financières pour la société et permettre à l’assureur de diminuer la couverture le cas échéant aurait comme effet de réduire à néant la couverture pour toutes les réclamations reliées à l’insolvabilité de la société. De plus, une telle interprétation du contrat irait à l’encontre des attentes raisonnables de l’assuré et permettrait à l’assureur de toucher une prime sans risque. 141 CONCLUSION Nous avons tenté dans ce texte de dresser la liste impressionnante des responsabilités de nature civiles, statutaires et même pénales qui incombent aux administrateurs et aux dirigeants de compagnie. Nous avons aussi identifié différentes options qui s’offrent aux A&D afin de se protéger face à ces risques. Bien sûr, la meilleure protection de l’administrateur consiste à remplir ses devoirs principaux, soit le devoir d’agir dans les limites du pouvoir et du mandat, le devoir de prudence et diligence ainsi que le devoir d’agir avec honnêteté et loyauté. Toutefois dans la pratique, le respect de ces devoirs, s’avère insuffisant pour éliminer le risque de poursuites. L’administrateur prudent s’assurera donc de vérifier l’existence, obligatoire pour la compagnie provinciale et facultative pour la compagnie fédérale, d’un régime d’indemnisation. L’administrateur prudent cherchera également la protection supplémentaire d’une police d’assuranceresponsabilité pour A&D. Il devra toutefois être conscient des limites et des exclusions de la couverture d’une telle assurance. Ainsi, malgré des primes qui peuvent s’avérer de plus en plus coûteuse, la couverture de ces assurances est quant à elle de plus en plus restreinte. Comme la conclusion de ce type de contrat d’assurance n’est pas standard, l’administrateur et la compagnie auront aussi tout avantage à magasiner et à rester attentifs aux différentes clauses des polices d’assurance responsabilité A&D. Finalement, nous pouvons rassurer les A&D qui entreprennent le réarrangement d’une compagnie en vertu de la LACC. À la lumière de la jurisprudence récente et de l’ordonnance standard proposée par le Barreau du Québec et la Cour Supérieure du Québec, les administrateurs et dirigeants en poste en période de restructuration, doivent non seulement être indemnisé par la compagnie s’ils encourent une responsabilité, mais en plus, s’ils bénéficiaient d’une assurance-responsabilité A&D, celle-ci ne pourra être résiliée ou modifiée au moment de la restructuration. 141 Non-marine insurers c. Scalera [2000] 1 R.C.S. 551 à 591; Consolidated-Bathurst Export Ltd. c. Mutual Boiler and Machinery Insurance Co. [1980] 1 R.C.S. 888