Des citoyens à part entière, ou entièrement à part ?

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Des citoyens à part entière, ou entièrement à part ?
Des citoyens à part entière,
ou entièrement à part ?
Au vu de leur situation politique, culturelle et sociale dans l’Hexagone, force est
de constater qu’il y a du vrai dans le mot d’Aimé Césaire : “citoyens à part
entière”, les Antillais sont aussi et malheureusement des “citoyens entièrement
à part”. En effet, dans l’inconscient de bon nombre de métropolitains, les immigrés – au sens précis du terme – en provenance des Dom-Tom ne sont “pas-toutà-fait-français”. On pourrait dire d’eux qu’ils sont dans la société métropolitaine
non pas des “étranges étrangers” – personne ne leur conteste sérieusement leur
qualité de français – mais à tout le moins des “étranges Français”. Et cette confusion concerne aussi leurs enfants nés dans les
brumes franciliennes, qui ne sont par conséquent ni étrangers ni même “immigrés”. C’est
cette particularité qui rend la quête d’identité
des Antillais de métropole si paradoxale : chacun
à sa manière, Claude-Valentin Marie, Michel
Giraud et Dolorès Pourette soulignent dans ce
dossier à quel point il est difficile d’être “antillais
en dehors des Antilles”.
L’assimilation
inconsciente entre immigrés et
À ceux qui penseraient
que la possession ou
l’obtention de la nationalité
est l’alpha et l’omega de l’intégration,
l’exemple des Antillais, citoyens
français et victimes de discriminations,
montre qu’il n’en est rien.
étrangers se retrouve également dans les discriminations dont souffrent les uns et les autres. Leurs conditions de vie dans nos
banlieues, leur accès – ou plus souvent leur non-accès – au marché du travail,
ainsi que le regard que porte sur eux la société globale, font que les enfants
d’Antillais nés dans l’Hexagone, les Français d’origine étrangère et les étrangers
sont bel et bien dans la même galère…
Pourtant, ce sort partagé n’est pas si souvent synonyme de solidarités effectives :
les Antillais ne veulent pas être confondus avec les Africains et ils ont souvent à
cœur de se distinguer de tous les “autres” immigrés, de leurs revendications et
de leurs aspirations. Mais le racisme “au front bas”, lui, ne fait pas la différence
entre la carte d’identité et le permis de séjour, et les stigmatisations, la “racialisation” des minorités, les préjugés et les discriminations de toutes sortes se conjuguent pour laisser des populations entières à la porte de l’eldorado. La démonstration est d’autant plus parlante qu’elle vaut aussi, mutatis mutandis, pour les
citoyens américains que sont les Portoricains des États-Unis ou pour les Black British outre-Manche.
Philippe Dewitte
Diasporas caribéennes
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