maladie de parkinson idiopathique

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Les troubles psychocomportementaux associés
Les troubles psychocomportementaux de la
maladie de Parkinson sont de connaissance
relativement ancienne, puisque plusieurs
publications datant des années 90 avaient déjà
mis l’accent sur la fréquence des troubles dépressifs
et l’existence de comportements addictifs.
Néanmoins, ces dernières complications étaient
considérées comme exceptionnelles, n’intéressant
epuis ces dix dernières années,
le suivi de cohortes de patients
parkinsoniens a permis de
mieux préciser la fréquence des symptômes appelés “non moteurs”. A côté
des troubles dépressifs dont la fréquence a déjà été très étudiée, d’autres
complications psychocomportementales associées à la maladie de
Parkinson ont ainsi été mieux individualisées, comme l’apathie et les comportements addictifs.
D
Au cours de l’American Academy of Neurology2006, plusieurs communications
orales et posters ont tenté de mieux
définir certaines caractéristiques des
troubles psychocomportementaux
dans la maladie de Parkinson.
qu’une population de patients jeunes recevant de
fortes doses de médicaments antiparkinsoniens,
essentiellement sous la forme d’agonistes
dopaminergiques, comme l’apomorphine, et
présentant pour la plupart des fluctuations
motrices sévères et/ou des mouvements anormaux
involontaires (1, 2).
alors qu’un comportement sexuel
pathologique était retrouvé dans 2,4
% des cas, et un achat compulsif anormal chez 6,7 % des patients. Le comportement pathologique d’hypersexualité ou de jeu n’était retrouvé
que dans la population mâle. Tous
les patients ayant un comportement
addictif recevaient un agoniste dopaminergique seul ou en association
avec la lévodopa, et ceci alors que la
dose équivalente de lévodopa (4, 5) était
identique chez les patients qui présentaient un comportement addictif par
rapport à ceux n’en présentant pas.
• Dans une étude (3) ayant inclus
397 patients parkinsoniens recrutés
sur une durée de 3 mois à Toronto, la
prévalence d’un comportement de
jeu pathologique a été évaluée à 3,7 %,
• Dans un autre travail (6) ayant recruté
462 patients contactés par courrier, la
prévalence d’un comportement de
jeu pathologique était de 7 %. De la
même façon, tous les patients ayant
ce trouble du comportement étaient
traités par des agonistes dopaminergiques. Il s’agissait encore une fois
de sujets de sexe masculin pour la
plupart, et dont l’âge était significativement plus jeune que les patients
n’ayant pas de troubles addictifs.
* Hôpital G. Montpied, Clermont-Ferrand
** Hôpital Henri Mondor, Créteil
• Il semble que la personnalité prémorbide joue un rôle important dans la sur-
COMPORTEMENTS
ADDICTIFS
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Franck Durif*, Gilles Fénelon**
venue de ces manifestations psychiatriques, puisque dans un travail effectué par l’équipe de Lille (7), deux patients
présentaient, pour l’un, un long passé
de jeu pathologique et de consommation d’alcool avant le début de la maladie de Parkinson, et pour l’autre, une personnalité obsessionnelle.
• Un autre travail effectué à Calgary (8)
s’est intéressé au devenir des comportements addictifs après chirurgie
des noyaux sous-thalamiques. 5 %
des patients opérés ont développé un
comportement de jeu pathologique et
parmi ceux-ci, tous étaient des joueurs
avant l’intervention chirurgicale. Ces
résultats semblent en contradiction avec
ceux récemment rapportés par Witjas
et al. (9) qui montrent, au contraire, une
évolution favorable de troubles psychocomportementaux, dont des comportements addictifs, chez deux patients
après stimulation cérébrale profonde
des noyaux sous-thalamiques. Cette
amélioration était considérée comme
liée à une réduction très significative
du traitement antiparkinsonien, même
si un effet direct de la stimulation du
noyau sous-thalamique pouvait être
envisagé.
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TROUBLES DE L’HUMEUR
Plusieurs présentations se sont également intéressées aux troubles de
l’humeur.
• Ainsi, au cours d’une étude (10)
évaluant la prévalence des troubles
non moteurs dans la maladie de Parkinson, une équipe de Toronto a
montré que, dans une population
de 100 patients, dont l’âge moyen
était de 67 ans, et la durée d’évolution
de 6 ans, le symptôme le plus fréquemment rapporté était, outre les sensations d’asthénie et de trouble de la
mémoire, une perte de motivation
dans 65 % des cas et un syndrome
dépressif dans 54 % des cas. La moitié
des patients était par ailleurs anxieux,
avec des troubles du sommeil, alors
que 20 % des patients présentaient des
attaques de panique.
• Alors que des symptômes dépressifs
émaillent fréquemment l’évolution de
la maladie de Parkinson, le taux de suicide chez les patients apparaît équivalent ou inférieur à celui de la population générale dans les rares études
consacrées à cette question. Or, plusieurs équipes ont rapporté un taux
inhabituellement élevé de suicides
ou de tentatives de suicides (TS) après
la chirurgie fonctionnelle (par stimulation ou lésion) de la MP, avec des prévalences allant jusqu’à près de 3 %
après stimulation sub-thalamique.
Valerie Voon a rapporté les résultats
d’une étude rétrospective, multicentrique et internationale (11). Cette
étude, extrêmement intéressante, a évalué la fréquence du suicide dans une
population de patients parkinsoniens
ayant bénéficié d’une stimulation
cérébrale profonde des noyaux sousthalamiques. 53 centres neurochirurgicaux répartis dans les pays occidentaux et au Japon ont été inclus,
représentant un total de 5 255 patients
opérés. 0,42 % des patients se sont
suicidés en post-opératoire, soit
22 patients. La survenue des suicides
a été observée dans les six premiers
mois suivant l’intervention chirurgicale. 0,88 % des patients, soit 46 patients
ont fait une tentative de suicide en postopératoire. Dans 38 % des cas, la tentative de suicide a eu lieu dans les
trois premiers mois après l’intervention chirurgicale. Il a également été noté
3 suicides et 3 tentatives de suicide avant
l’intervention. L’ensemble de ces
patients a été comparé à 54 patients
contrôle opérés. Les patients ayant
fait une tentative de suicide étaient plus
jeunes, avaient dans leurs antécédents des comportements addictifs et
la notion de consommation de substances illicites. Ils étaient également
plus apathiques, et avaient un syndrome dépressif post-opératoire plus
fréquent.
La prévalence des suicides ou TS dans
cette grande étude s’élève donc à 1,30 %,
ce qui est un taux élevé. Compte tenu
du caractère international du recrutement, l’interprétation est toutefois
difficile en raison d’importantes différences dans la prévalence du suicide
selon les pays. D’autre part, il n’a pas
été possible de faire une étude systématique sur le mode de suicide, du fait
de données manquantes. Quoi qu’il
en soit, ces données confortent le
message que les patients atteints de
MP opérés, et même sur la liste d’attente,
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constituent une population vulnérable, a fortiori lorsque les facteurs de
risque identifiés dans cette étude sont
présents.
APATHIE
L’apathie est fréquemment observée
au cours des maladies psychiatriques
et neurologiques, dont la maladie de
Parkinson idiopathique.
Un comportement apathique a été
décrit récemment chez les patients
après stimulation cérébrale profonde
des noyaux sous-thalamiques. Néanmoins, outre les mécanismes physiopathologiques de l’apathie qui restent encore très discutés, un des
principaux problèmes à la reconnaissance de l’apathie est sa différenciation d’un syndrome dépressif.
L’équipe de Lille (12) a développé une
nouvelle échelle permettant d’identifier les différentes dimensions de
l’apathie (initiation, émotion, curiosité intellectuelle, conscience de soi).
Cette échelle a été testée chez 159 patients
parkinsoniens et 58 contrôles. 29 % des
patients parkinsoniens étaient considérés comme apathiques. Une relation significative était observée entre
l’apathie et un déclin cognitif, alors qu’il
n’y avait pas de relation entre la sévérité de la symptomatologie extrapyramidale et l’existence d’un syndrome
dépressif.
Cette étude montre que l’apathie est
très fréquemment observée dans la
maladie de Parkinson et que cet outil
permet de bien différencier le comportement apathique d’un syndrome
dépressif.
CONCLUSION
Ces différentes études montrent que
les troubles psychocomportementaux dans la maladie de Parkinson
sont très fréquents, et en particulier les
comportements addictifs ainsi que
les troubles de l’humeur. Mais les syndromes dépressifs étaient déjà connus
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Au total, de ces différents travaux, il
apparaît que les comportements
addictifs soient plus fréquents que
ce qui était auparavant relaté dans la
littérature, avec une fréquence
moyenne estimée à 5 % pour le comportement de jeu pathologique et
d’hypersexualité.
Les principaux facteurs de risque associés sont les agonistes dopaminergiques et, dans une moindre mesure,
l’âge jeune des patients, le sexe masculin et une personnalité “à risque”.
D’autres études seront nécessaires
afin de mieux préciser le rôle de la stimulation du noyau sous-thalamique
quant à la survenue possible de troubles
psychocomportementaux de type
comportement addictif.
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comme ayant une fréquence élevée
dans la population parkinsonienne.
Les mécanismes physiopathologiques
responsables d’une fréquence anormalement élevée des comportements
addictifs au sein des patients parkinsoniens sont mal connus, mais pourraient faire intervenir l’effet des ago-
nistes dopaminergiques sur le système limbique, via l’activation de
récepteurs D3 (13). Il est probable
cependant que cette explication pharmacologique soit réductrice, devant
en particulier tenir compte des troubles
pré-existants de la personnalité avant
la maladie de Parkinson.
■
MOTS-CLÉS :
Maladie de Parkinson,
Troubles
psychocomportementaux,
Comportements addictifs,
Syndrome dépressif, Troubles
de l’humeur, Apathie,
Agonistes dopaminergiques
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