maladie de parkinson idiopathique
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maladie de parkinson idiopathique
325-328-NE85_Dos-parkin 24/05/06 20:19 Page 325 Les troubles psychocomportementaux associés Les troubles psychocomportementaux de la maladie de Parkinson sont de connaissance relativement ancienne, puisque plusieurs publications datant des années 90 avaient déjà mis l’accent sur la fréquence des troubles dépressifs et l’existence de comportements addictifs. Néanmoins, ces dernières complications étaient considérées comme exceptionnelles, n’intéressant epuis ces dix dernières années, le suivi de cohortes de patients parkinsoniens a permis de mieux préciser la fréquence des symptômes appelés “non moteurs”. A côté des troubles dépressifs dont la fréquence a déjà été très étudiée, d’autres complications psychocomportementales associées à la maladie de Parkinson ont ainsi été mieux individualisées, comme l’apathie et les comportements addictifs. D Au cours de l’American Academy of Neurology2006, plusieurs communications orales et posters ont tenté de mieux définir certaines caractéristiques des troubles psychocomportementaux dans la maladie de Parkinson. qu’une population de patients jeunes recevant de fortes doses de médicaments antiparkinsoniens, essentiellement sous la forme d’agonistes dopaminergiques, comme l’apomorphine, et présentant pour la plupart des fluctuations motrices sévères et/ou des mouvements anormaux involontaires (1, 2). alors qu’un comportement sexuel pathologique était retrouvé dans 2,4 % des cas, et un achat compulsif anormal chez 6,7 % des patients. Le comportement pathologique d’hypersexualité ou de jeu n’était retrouvé que dans la population mâle. Tous les patients ayant un comportement addictif recevaient un agoniste dopaminergique seul ou en association avec la lévodopa, et ceci alors que la dose équivalente de lévodopa (4, 5) était identique chez les patients qui présentaient un comportement addictif par rapport à ceux n’en présentant pas. • Dans une étude (3) ayant inclus 397 patients parkinsoniens recrutés sur une durée de 3 mois à Toronto, la prévalence d’un comportement de jeu pathologique a été évaluée à 3,7 %, • Dans un autre travail (6) ayant recruté 462 patients contactés par courrier, la prévalence d’un comportement de jeu pathologique était de 7 %. De la même façon, tous les patients ayant ce trouble du comportement étaient traités par des agonistes dopaminergiques. Il s’agissait encore une fois de sujets de sexe masculin pour la plupart, et dont l’âge était significativement plus jeune que les patients n’ayant pas de troubles addictifs. * Hôpital G. Montpied, Clermont-Ferrand ** Hôpital Henri Mondor, Créteil • Il semble que la personnalité prémorbide joue un rôle important dans la sur- COMPORTEMENTS ADDICTIFS 325 Franck Durif*, Gilles Fénelon** venue de ces manifestations psychiatriques, puisque dans un travail effectué par l’équipe de Lille (7), deux patients présentaient, pour l’un, un long passé de jeu pathologique et de consommation d’alcool avant le début de la maladie de Parkinson, et pour l’autre, une personnalité obsessionnelle. • Un autre travail effectué à Calgary (8) s’est intéressé au devenir des comportements addictifs après chirurgie des noyaux sous-thalamiques. 5 % des patients opérés ont développé un comportement de jeu pathologique et parmi ceux-ci, tous étaient des joueurs avant l’intervention chirurgicale. Ces résultats semblent en contradiction avec ceux récemment rapportés par Witjas et al. (9) qui montrent, au contraire, une évolution favorable de troubles psychocomportementaux, dont des comportements addictifs, chez deux patients après stimulation cérébrale profonde des noyaux sous-thalamiques. Cette amélioration était considérée comme liée à une réduction très significative du traitement antiparkinsonien, même si un effet direct de la stimulation du noyau sous-thalamique pouvait être envisagé. Neurologies • Mai 2006 • Vol. 9 • n° 85 SPÉCIAL AAN MALADIE DE PARKINSON IDIOPATHIQUE DOSSIER MALADIE DE PARKINSON 325-328-NE85_Dos-parkin 24/05/06 20:19 Page 327 TROUBLES DE L’HUMEUR Plusieurs présentations se sont également intéressées aux troubles de l’humeur. • Ainsi, au cours d’une étude (10) évaluant la prévalence des troubles non moteurs dans la maladie de Parkinson, une équipe de Toronto a montré que, dans une population de 100 patients, dont l’âge moyen était de 67 ans, et la durée d’évolution de 6 ans, le symptôme le plus fréquemment rapporté était, outre les sensations d’asthénie et de trouble de la mémoire, une perte de motivation dans 65 % des cas et un syndrome dépressif dans 54 % des cas. La moitié des patients était par ailleurs anxieux, avec des troubles du sommeil, alors que 20 % des patients présentaient des attaques de panique. • Alors que des symptômes dépressifs émaillent fréquemment l’évolution de la maladie de Parkinson, le taux de suicide chez les patients apparaît équivalent ou inférieur à celui de la population générale dans les rares études consacrées à cette question. Or, plusieurs équipes ont rapporté un taux inhabituellement élevé de suicides ou de tentatives de suicides (TS) après la chirurgie fonctionnelle (par stimulation ou lésion) de la MP, avec des prévalences allant jusqu’à près de 3 % après stimulation sub-thalamique. Valerie Voon a rapporté les résultats d’une étude rétrospective, multicentrique et internationale (11). Cette étude, extrêmement intéressante, a évalué la fréquence du suicide dans une population de patients parkinsoniens ayant bénéficié d’une stimulation cérébrale profonde des noyaux sousthalamiques. 53 centres neurochirurgicaux répartis dans les pays occidentaux et au Japon ont été inclus, représentant un total de 5 255 patients opérés. 0,42 % des patients se sont suicidés en post-opératoire, soit 22 patients. La survenue des suicides a été observée dans les six premiers mois suivant l’intervention chirurgicale. 0,88 % des patients, soit 46 patients ont fait une tentative de suicide en postopératoire. Dans 38 % des cas, la tentative de suicide a eu lieu dans les trois premiers mois après l’intervention chirurgicale. Il a également été noté 3 suicides et 3 tentatives de suicide avant l’intervention. L’ensemble de ces patients a été comparé à 54 patients contrôle opérés. Les patients ayant fait une tentative de suicide étaient plus jeunes, avaient dans leurs antécédents des comportements addictifs et la notion de consommation de substances illicites. Ils étaient également plus apathiques, et avaient un syndrome dépressif post-opératoire plus fréquent. La prévalence des suicides ou TS dans cette grande étude s’élève donc à 1,30 %, ce qui est un taux élevé. Compte tenu du caractère international du recrutement, l’interprétation est toutefois difficile en raison d’importantes différences dans la prévalence du suicide selon les pays. D’autre part, il n’a pas été possible de faire une étude systématique sur le mode de suicide, du fait de données manquantes. Quoi qu’il en soit, ces données confortent le message que les patients atteints de MP opérés, et même sur la liste d’attente, 327 constituent une population vulnérable, a fortiori lorsque les facteurs de risque identifiés dans cette étude sont présents. APATHIE L’apathie est fréquemment observée au cours des maladies psychiatriques et neurologiques, dont la maladie de Parkinson idiopathique. Un comportement apathique a été décrit récemment chez les patients après stimulation cérébrale profonde des noyaux sous-thalamiques. Néanmoins, outre les mécanismes physiopathologiques de l’apathie qui restent encore très discutés, un des principaux problèmes à la reconnaissance de l’apathie est sa différenciation d’un syndrome dépressif. L’équipe de Lille (12) a développé une nouvelle échelle permettant d’identifier les différentes dimensions de l’apathie (initiation, émotion, curiosité intellectuelle, conscience de soi). Cette échelle a été testée chez 159 patients parkinsoniens et 58 contrôles. 29 % des patients parkinsoniens étaient considérés comme apathiques. Une relation significative était observée entre l’apathie et un déclin cognitif, alors qu’il n’y avait pas de relation entre la sévérité de la symptomatologie extrapyramidale et l’existence d’un syndrome dépressif. Cette étude montre que l’apathie est très fréquemment observée dans la maladie de Parkinson et que cet outil permet de bien différencier le comportement apathique d’un syndrome dépressif. CONCLUSION Ces différentes études montrent que les troubles psychocomportementaux dans la maladie de Parkinson sont très fréquents, et en particulier les comportements addictifs ainsi que les troubles de l’humeur. Mais les syndromes dépressifs étaient déjà connus Neurologies • Mai 2006 • Vol. 9 • n° 85 SPÉCIAL AAN Au total, de ces différents travaux, il apparaît que les comportements addictifs soient plus fréquents que ce qui était auparavant relaté dans la littérature, avec une fréquence moyenne estimée à 5 % pour le comportement de jeu pathologique et d’hypersexualité. Les principaux facteurs de risque associés sont les agonistes dopaminergiques et, dans une moindre mesure, l’âge jeune des patients, le sexe masculin et une personnalité “à risque”. D’autres études seront nécessaires afin de mieux préciser le rôle de la stimulation du noyau sous-thalamique quant à la survenue possible de troubles psychocomportementaux de type comportement addictif. DOSSIER MALADIE DE PARKINSON 325-328-NE85_Dos-parkin 24/05/06 20:19 Page 328 SPÉCIAL AAN DOSSIER MALADIE DE PARKINSON comme ayant une fréquence élevée dans la population parkinsonienne. Les mécanismes physiopathologiques responsables d’une fréquence anormalement élevée des comportements addictifs au sein des patients parkinsoniens sont mal connus, mais pourraient faire intervenir l’effet des ago- nistes dopaminergiques sur le système limbique, via l’activation de récepteurs D3 (13). Il est probable cependant que cette explication pharmacologique soit réductrice, devant en particulier tenir compte des troubles pré-existants de la personnalité avant la maladie de Parkinson. ■ MOTS-CLÉS : Maladie de Parkinson, Troubles psychocomportementaux, Comportements addictifs, Syndrome dépressif, Troubles de l’humeur, Apathie, Agonistes dopaminergiques Bibliographie 1. Courty E, Durif F, Zenut M et al. Psychiatric and sexual disorders induced by apomorphine in Parkinson’s disease. Clinical Neuropharmacology 1997 ; 20 : 140-7. 2.Giovannoni G, O’Sullivan JD, Turner K et al. Hedonistic homeostatic dysregulation in patients with Parkinson’s disease on dopamine replacement therapies. J Neurol Neurosurg Psychiatry 2000 ; 68 : 423-8. 3. Voon V, Hassan K, Zurowski M et al. The Prevalence of pathological gambling, Hypersexuality and compulsive shopping in Parkinson's disease: A prospective study. Neurology 2006 ; 66 (Suppl. 2) : B36 (session plénière). 4. 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