Un outil informatisé d`évaluation à la sécurité

Transcription

Un outil informatisé d`évaluation à la sécurité
entreprise BTP
Travail temporaire
Un outil informatisé
d’évaluation à la sécurité
A
ssis dans un coin du
bureau d’accueil de
l’agence Adia de SaintBrieuc spécialisée dans le
recrutement d’intérimaires
pour le BTP, Ugo Le Maout est
concentré sur l’écran d’un ordinateur. Écouteurs vissés sur les
oreilles, ce jeune homme de
20 ans, étudiant à l’IUP génie
civil de Saint-Nazaire, semble
intéressé, pour le moment, par
ce qui semble n’être qu’un jeu :
il fait défiler des photos sur
l’écran de l’ordinateur et coche
celle qu’il juge être la bonne
réponse à la question posée.
Vingt minutes plus tard, il
se redresse, débranche les
écouteurs et se retourne vers
une jeune femme, Marine
Goudigan, pour lui signifier
qu’il a terminé. Conseillère en
recrutement à l’agence, celle-ci
s’installe alors à ses côtés, tape
sur le clavier et fait apparaître un résultat. Plutôt positif.
La synthèse du test sécurité
auquel s’est livré Ugo, car c’est
bien de cela qu’il s’est agi, affiPendant une vingtaine de minutes,
face à l’ordinateur, le candidat
à une mission d’intérim teste
ses connaissances en matière
de sécurité dans le BTP.
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che la couleur verte. Pour lui
qui souhaite être embauché
comme intérimaire, c’est plutôt
bon signe. Mais le but n’est pas
seulement de faire passer une
sorte d’examen. C’est surtout
l’occasion de valoriser les bonnes pratiques mises en lumière
par l’intéressé. Ainsi, à la question « Est-ce que la formation à
la sécurité est obligatoire pour
un intérimaire avant sa pre-
mière prise de poste ? », Ugo a
répondu : « Toujours. » Marine
l’a alors aussitôt félicité, en
insistant sur le fait que cette
pratique est incontour­nable.
Et ce, quelles que soient les
circonstances particulières du
chantier sur lequel l’intéri­maire
peut être appelé à travailler.
De même, dans l’hypothèse
où, s’étant foulé la cheville
au football le dimanche et ne
pouvant pour cela enfiler des
chaus­sures le lendemain, il lui
avait été demandé s’il pouvait
se présenter au travail en baskets. La réponse était « non »,
bien sûr. Car pas question de se
dispenser de porter des chaussures de sécurité. L’occasion
était une nouvelle fois excellente pour que Marine rappelle
à Ugo que la première démar-
che consiste à prévenir l’agence
d’intérim et l’entreprise utilisatrice qui emploie l’intérimaire.
En conclusion de cette analyse commentée qui dure une
quinzaine de minutes, Marine
sort de la machine une autre
synthèse des réponses du
candidat, cette fois présentée
© Gaël Kerbaol pour l’INRS
Les intérimaires, surtout dans le BTP, sont plus
souvent victimes d’accidents que les autres salariés.
Aussi, pour évaluer leur sensibilisation
à la sécurité et affiner ainsi son recrutement,
la société de travail temporaire Adia vient
de lancer un test sur ordinateur auquel tous
les candidats doivent désormais se soumettre.
© Gaël Kerbaol pour l’INRS
encore, son adaptation à des
besoins spécifiques exprimés
par telle ou telle grande entreprise cliente. Sans compter l’intégration de vidéos et non plus
seulement de photos.
selon trois critères : technique
sécurité, autrement dit les
connais­sances par ce candidat
des règles de sécurité ; analyse du risque, c’est-à-dire la
perception qu’il a des risques
encourus sur un chantier ;
comportement sécurité, enfin,
qui, comme son expression
l’indique, évalue ses capacités
de réaction face à un risque.
L’importance
du « débriefing »
Pour chacun des critères,
un curseur se place sur une
­échelle qui va du vert au rouge
en passant par l’orange. Car, si
dans le cas présent, le candidat
s’est positionné dans le vert,
il n’en va pas de même pour
tous. Dans ce cas, Marine s’efforce de leur faire comprendre
leurs erreurs, comme celle qui
consiste à utiliser un escabeau
pour effectuer une petite réparation en hauteur alors que
cet outil est rigoureusement
proscrit des chantiers… bien
qu’il y soit encore trop souvent
présent. « Ce qui est également
important, c’est d’évaluer la
Une fois le test effectué, la conseillère en recrutement de l’agence
d’intérim discute avec le candidat et analyse les réponses. L’occasion
pour elle d’évaluer également la mentalité de celui-ci.
mentalité du candidat, par le
dialogue qui s’instaure au cours
du “débriefing”, explique Hervé
Cazin, le directeur de l’agence.
Si la personne écoute et réfléchit à ce que ma collègue lui
dit, il y a de grandes chances
qu’un tel compor­tement, positif, se reproduise sur le chantier.
Dans le cas inverse, on refusera
sa candidature. »
Un outil
systématisé
Cette agence bretonne fait
partie des 75 agences d’Adia
France spécialisées dans le BTP,
qui, depuis février 2007, ont
été formées à cet outil d’évaluation de la sécurité auprès
des candidats à l’intérim. Le
premier qui soit informatisé.
Baptisé S@ve Competence,
il a été élaboré par le groupe
Apave qui se définit comme le
spécialiste de l’ingénierie en
maîtrise des risques. « Nous
voulions sortir du sentiment de
frustration que peut éprouver
un candidat quand il subit les
tests classiques à partir de dessins sur papier avec leurs systèmes infantilisants de notes,
explique Alain Janvier, consultant manager qui travaille avec
Adia sur le projet depuis deux
ans. Nous voulions également
mettre en place un outil qui
implique à la fois les salariés
d’Adia – ceux qui recrutent – les
entreprises utilisatrices et, bien
entendu, les intérimaires. »
Aujourd’hui, l’outil comprend
quatre niveaux différents – un
pour les chefs d’équipe, un
fa­cile, un moyen et un difficile
pour les opérationnels. Il comporte un volant de 180 questions parmi lesquelles un lot
d’une vingtaine est retenu
pour chaque test. Bien que son
évaluation ne soit pas encore
achevée, d’autres dévelop­
pements sont d’ores et déjà à
l’étude, n particulier, toujours
dans le secteur du BTP, son
extension au second œuvre. Ou
Une méthode
appréciée
Déjà, dans sa forme actuelle,
les candidats s’en montrent
satisfaits. « C’est une bonne
méthode. On y retrouve ce
qu’on voit sur les chantiers
et la sécurité qu’on se doit de
respecter », souligne Ugo Le
Maout, qui a déjà travaillé pendant ses vacances comme aide
au coffrage. Ludovic Borras,
27 ans, est un professionnel
déjà confirmé. Électricien dans
les travaux publics, il travaille
notamment, pour l’éclairage
public, en nacelle. Lui aussi
approuve la méthode : « C’est
très important pour ceux qui
ne connaissent pas encore bien
la sécurité. Le test est très complet : il présente tous les risques
que l’on peut rencontrer dans la
réalité. »
Ce test, en tout cas, vise à
contribuer à réduire les accidents qui surviennent à la fois
dans le BTP et chez les intérimaires. Il faut savoir, en effet,
que, si le taux de fréquence de
ces accidents est multiplié par
un chiffre compris entre 1,5
et 2 chez les sous-traitants, il
l’est par 4 chez les travailleurs
temporaires.
Guy Schwartz
Photos : Gaël Kerbaol
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