L`homme idéal
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L`homme idéal
L’homme idéal De toutes les aventures que je vais vous raconter, celle-ci fut la plus inattendue. Je ne pourrais mettre de mot, sur ce qui m’était arrivé. J’avais 21 ans, et j’étais la fille la plus seule au monde. J’ai conscience de ne pas être la plus belle, mais je n’étais pas la plus laide. Je n’attire pas vraiment les garçons de mon âge. J’ignore pourquoi, je fais peut-être trop juvénile. Je ne peux pas vraiment expliquer pourquoi à leurs yeux je suis si invisible. En terminale, par exemple, il eut une fête de fin d’année, tout le monde fut invité, même Bernadette, une fille qui bave, qui boitte et qui a des lunettes en cul-de-bouteille, sauf moi. Après le lycée, je suis rentrée à la faculté. Je m’étais dit, que peut-être les garçons s’intéresseraient à moi, je ne serais pas pour eux une « mignonne petite sœur », que l’on se fait un plaisir d’ignorer. Mais en vain. J’ai tenté les fêtes, les cercles d’amis communs…Rien à faire, je ne trouvais personne. Dans la rue des pauvres types, franchement laids, qui ont un langage et un QI limités me draguaient, mais là c’était au dessus de mes forces. J’étais une célibataire endurcie, mais pas désespérée. J’avais eux quelques flirts bien sûr, mais au fond décevants. Je m’étais donc résolue à rester seule. Une après-midi, j’étais allée à la bibliothèque. Ce jour là, j’y restais plus longtemps que prévu. D’ailleurs, ce fut le bibliothécaire, qui me pria de sortir. Dehors la nuit était tombée depuis longtemps. Comme toujours, je ratais mon bus. Je devais donc remonté toute la ville à pied. Alors que je commençais ma marche, une pluie torrentielle s’abattit sur moi. Je ressemblais à une serpillère. Je traversais une sombre ruelle, c’est alors qu’une main osseuse surgit de l’ombre et me saisit le bras. Je sursautais d’effrois. Dans la pénombre, j’aperçu un visage ridé et ratatiné me sourire : « _ Du calme mon enfant, s’écria la vieille femme. L’inconnu m’adressait un sourire sans dent, ce qui ne me rassurait pas du tout. Autour de son visage rabougri, pendaient mollement des cheveux filandreux et blancs. Je voulus m’extirper de son étreinte, mais ses doigts glacés se resserrèrent autour de mon bras, comme un étau. _ Tu ne vas pas laisser une vieille femme sous la pluie n’est-ce pas ? J’hochais de la tête pour dire non. _ C’est bien, ricana la vieille femme, maintenant tu vas m’aider à traverser cette rue… Je continuais de marcher, sentant sa main osseuse sur mon bras. La vieille femme continuait de sourire. Je priais intérieurement pour qu’elle me lâche. Elle ne faisait pas plus d’un mètre cinquante, mais elle me faisait si peur. Nous suivîmes un chemin sombre, nous arrivâmes à l’entrée d’un cimetière. Sa main se crispa violement. Je sentis ses doigts s’enfoncer dans ma peau. _ On s’arrête ici ! s’écria l’inconnue. Mais ne pars pas tout de suite ! Je voudrais te remercier. _ Ce n’est pas nécessaire, bafouillai-je. _ J’insiste. Elle sortit de son sac en lambeau, une sorte livre à la couverture en cuire. Elle me le tendit. _ Tiens, sourit la vieille femme. _ Merci, bredouillai-je. Je le feuilletais tentant de voir quelque chose à la lueur d’un lampadaire. Ses pages étaient jaunis mais il n’y avait pas une seule ligne d’écrite. _ C’est un cahier, expliqua la vieille femme. Quand tu écris quelque chose dessus, il se matérialise et prends forme ou vie. Si tu l’efface ou arrache la feuille ça disparaît ! J’observais mon interlocutrice amusée. En plus de faire peur, elle était folle. _ Géniale, répondis-je, j’en ferais bon usage ! Au revoir ! » Je remontai la rue en courant. Je m’enfermais dans mon appartement à double tours, puis je jetais négligemment ce « fameux » livre sur mon bureau. La magie ne faisait pas partie de mes croyances. La nuit qui suivie, je dormis d’un sommeil agitée. Je me réveillai plusieurs fois en sueur et j’eux un mal fou à me rendormir. Je n’avais pas arrêté de penser à ce maudit cahier. Quelque chose me poussait vers lui, ouvrant mes paupières en plein sommeil. Au matin, je n’avalais qu’un grand café noir, épuisée par ma nuit blanche. Mon regard se posa irrémédiablement sur la couverture de cuire. Ce cahier qui avait l’allure d’un vieux grimoire semblait me guetter, prêt à recevoir quelque mot sur ses pages jaunis. Je m’approchais de mon bureau, pris un stylo et l’ouvris. Les pages qui empestaient l’humidité étaient toutes vides. Je ne savais pas trop quoi écrire. Puis je me mis à penser, à ce qu’avais dit la vieille femme, la veille. Et je sus ce que je voulais: « Il est brun, les yeux sombres, grand, musclé, le teint doré par le soleil et il a d’adorables fossettes sur les joues. Il est sportif et n’a pas plus de vingt-deux ans. Il est cultivé, généreux et est amoureux seulement de Diane. Diane c’est moi. Et cet homme parfait s’appelle Fabien. » Quand j’écrivis enfin ma dernière phrase, je restais en alerte, prête à voir apparaître ce prince charmant. J’attendais un éclair de lumière surgissant du plafond, ou de la fumée, mais rien. Dépitée, je filais à la salle de bain pour me préparer à aller en cours. Je me rendis à la faculté à bout de nerf. Comment avais-je pu croire les boniments d’une vieille femme sénile ? Mais lorsque je rentrais chez moi, j’aperçu un homme debout dans mon salon. Il me sourit et se jeta sur moi. Il me serra dans ses bras gigantesque. Je lui demandais qui il était. Il me répondit qu’il était Fabien, puis il ajouta qu’il m’aimait. Je l’inspectais quelque minute : il était brun, avait les yeux sombres, sa silhouette était sportive, il avait un sourire adorable et sur ses joues se formaient d’adorables fossettes. Je mis plusieurs minutes avant de réaliser ce qu’il m’arrivait. J’avais enfin le garçon que j’attendais ! Celui qui me draguerait pas pour séduire ma meilleurs amie, ni celui qui a autant de profondeur qu’un rince doigts. Non il était celui qui était là pour moi et rien que pour moi ! Les semaines qui suivirent, je l’emmenais partout avec moi. Nous organisâmes des balades romantiques dans le parc, on allait au restaurant, on allait au cinéma. Il était charmant, il parlait six langues différentes, il connaissait tellement de choses ! Même mes amis étaient impressionnés. Les autres filles me regardaient avec envie car j’étais accroché au bras de l’homme le plus beau qui puisse exister. Il me faisait des déclarations si belles. Je n’avais jamais entendu de si beaux mots et des phrases si bien tournées. Les choses changèrent au bout d’un mois, Fabien devenait de plus en plus possessif. Il me suivait partout. J’allais en cours, je le trouvais à la sortie me souriant avec un bouquet de fleur. Je travaillais le soir dans un magasin pour payer mes études. Je le trouvais sur le parking m’attendant. Je lui demandais de rester à la maison, ou bien de sortir, pour aller à la salle de sport ou bien chercher du travail. Mais il répondait qu’il m’aimait et qu’il ne pouvait se résoudre à rester loin de moi. Une après-midi, je profitais qu’il faisait les courses pour m’enfuir et aller à la bibliothèque. Je lisais et plaisantait avec Romain, un jeune bibliothécaire. Fabien entra en trombe. Il se jeta sur le bibliothécaire en lui ordonnant de me lâcher. Il le secouait et en fit tomber ses lunettes. « Fabien arrête ! », avais-je hurlé. Brusquement, son regard s’adoucit et il lâcha Romain, qui reprenait son souffle le visage écarlate. Je rentrais à la maison hors de moi. Fabien me suivait comme une âme en peine, me demandant ce qu’il m’arrivait. Je finis par éclater et lui dit d’arrêter de me suivre sans cesse et de ne pas agresser les garçons qui pourrait m’adresser la parole. « Tu es à moi Diane, dit-il, je t’aime et personne s’approchera de toi ! ». Les jours qui suivirent empirèrent : il commençait à parler à mes amis de fac, les mettant en garde de ne plus m’approcher. Il fouillait dans mon téléphone portable, à la recherche de messages d’un éventuel rival. Je me sentais constamment épiée. Je finis par le détester. Les garçons qui me connaissaient n’osaient plus me parler. Même le voisin un quinquagénaire avait peur de me dire bonjour. Bientôt je trouvais dans le salon, des magasines sur le mariage. Il eut même une photo d’une robe de marié, ma tête collé dessus. Fabien me faisait peur, je n’osais le contrarié, car il piquait des colères terribles. Je devais arrêter tout ça. Je décidais de déchirer la page du cahier, où j’avais écrit et créer Fabien. Je le cherchai à travers tout l’appartement, mais il n’était nulle part. J’avais regardé sous le lit, les meubles, mais rien…Il s’était comme volatilisé. Brusquement je sentie ma tête tourner. Je m’effondrais sur le sol de la cuisine. Mes bras et mes jambes étaient paralysés. « C’est ça que tu cherche ? ». Je levais la tête et aperçu Fabien tenant le cahier dans les mains. Son visage avait changé, il était sombre, plein de haine. Il m’adressa un rictus sadique, puis il me montra une des pages qui étaient remplis. Ce n’était pas mon écriture : « Diane ne m’aime pas assez, alors elle va mourir ». Il s’assit à côté de moi, me regardant agoniser. « Je t’aime Diane, dit-il, et si tu ne peux pas m’aimer, tu n’aimeras personne d’autre. » Je respirais de plus en plus difficilement. Mes yeux se voilèrent. J’allais mourir. Atour de moi tout devint sombre, j’avais si peur. Alors je m’évanouis dans les ténèbres.