1.2 – COMMENT S`ORGANISE LA COMPETITION POLITIQUE EN
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1.2 – COMMENT S`ORGANISE LA COMPETITION POLITIQUE EN
1.2 – COMMENT S’ORGANISE LA COMPETITION POLITIQUE EN DEMOCRATIE ? A – Quelle est l’influence des modes de scrutin sur le choix des représentants ? a) – Pluralisme politique et compétition électorale 1. Le multipartisme est la caractéristique d'un régime politique qui admet, du fait de la liberté d'association, l'existence de plus de deux partis dans la vie politique et parlementaire. La multiplicité des partis permet la représentation de toutes les sensibilités politiques qui vont de l’extrême gauche à l’extrême droite. Offrant aux électeurs la possibilité de voter pour les candidats dont les idées sont les plus proches de leurs convictions, le multipartisme est l'un des fondements de la démocratie car il permet la critique du pouvoir en place et la diversité de l’offre politique, c’est-à-dire de politiques différentes pour résoudre un même problème. Il s'oppose au monopartisme en place dans les régimes autoritaires et se distingue du bipartisme où seuls deux partis politiques sont, de par la Constitution, de par le mode de scrutin ou de fait, en mesure d'être représentés dans l'assemblée législative. Le multipartisme est souvent favorisé par le mode de scrutin proportionnel qui permet une représentation plus équitable du peuple dans les assemblées. 2. Le pluralisme politique est un système d'organisation qui reconnaît et accepte la diversité des courants d'opinion, de leurs représentants et des partis politiques. Il va au-delà du multipartisme car il suppose la liberté d’opinion, la liberté d’expression et le respect des opinions des autres. Le pluralisme politique implique le droit des minorités à être représentées et pose le problème de la représentativité des élus au regard de la diversité des opinions qui s’expriment. 3. Le multipartisme et le pluralisme politique obligent l’Etat de droit à garantir un certain nombre de droits : Tout d’abord, l’Etat doit garantir la liberté d’opinion et la liberté d’expression. Ceci pose le problème de l’égalité d’accès aux médias pendant la campagne électorale. Ainsi, en France, le Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) tout au long de chaque campagne électorale à des examens réguliers des temps de parole et d’antenne afin de s'assurer de l'équité et, - s'agissant de l'élection du président de la République, de l'égalité - en ce qui concerne l'accès et la présentation des candidats et de leurs soutiens sur les antennes. Le principe d’équité implique que les services de télévision allouent aux candidats (ou aux partis politiques) et à leurs soutiens des temps de parole ou d’antenne en tenant compte de leur représentativité et de leur implication effective dans la campagne. Le principe d’égalité constitue une spécificité de la campagne présidentielle. Il résulte directement des textes législatifs et réglementaires relatifs à l’élection du Président de la République qui prévoient une égalité entre les candidats à compter du début de la campagne officielle. Cela pose également le problème des limites de la liberté d’expression. La liberté d'expression connaît certaines restrictions qui sont fixées par la loi et qui sont jugées nécessaires au respect des droits et de la réputation d'autrui. Ainsi, en France, l'insulte publique et de la diffamation sont réprimées. La loi lutte contre les discriminations raciales et le négationnisme (Loi Gayssot de 1990). Le concept de « propos discriminatoires », introduit par la loi Halde de décembre 2004, est diversement apprécié par les juges… Ensuite, l’Etat doit s’assurer que tous les partis, toutes les expressions politiques, aient les moyens financiers pour se faire entendre et puissent concourir de manière équitable à la campagne électorale. En France, la loi du 15 janvier 1990 sur le financement des partis étend le plafonnement des dépenses électorales à tous les types d'élections et ouvre le financement public aux formations politiques non représentées au Parlement. Elle permet aux partis de bénéficier de financements privés, dans la limite de plafonds. Une même personne morale ne peut cependant verser annuellement plus de 74 626 euros aux partis politiques. Une commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques est créée pour veiller à l'application de la loi. Cette loi sera ensuite modifiée en 1995 et 2003 pour rendre le financement encore plus équitable. De plus, l’Etat doit offrir un statut et des protections à l’opposition. On désigne par opposition, les partis politiques ou les mouvements n’appartenant pas à la majorité parlementaire et donc s’y opposant. L’opposition a, dans les démocraties, plusieurs fonctions : Tout d’abord, l’opposition constitue un contre-pouvoir : elle permet d’éviter que la majorité, une fois parvenue au pouvoir, n’ait la tentation de mener une politique portant atteinte aux droits et libertés. Pour cela, l’opposition dispose en France de différents moyens : la mise en cause de la responsabilité gouvernementale devant l’Assemblée nationale par la motion de censure, la saisine du Conseil constitutionnel, les questions posées au gouvernement… Ensuite, l’opposition représente aussi la possibilité d’une alternance politique : elle participe à l’existence du pluralisme politique, qui est une des bases de la démocratie. Ce pluralisme permet de choisir ses gouvernants. Or, il n’y a de choix véritable que si l’électeur peut se prononcer entre plusieurs possibilités. Ainsi, l’opposition, en proposant un nouveau cours à la politique nationale, permet aux citoyens éventuellement mécontents de disposer d’un recours. Enfin, l’opposition permet aussi de renouveler le personnel politique : lorsque la majorité perd le pouvoir, une nouvelle génération d’hommes politiques peut trouver une place de choix dans l’opposition et se préparer ainsi à assumer des fonctions importantes à l’occasion d’une victoire à venir. Le rôle de l’opposition est donc essentiel en démocratie. C’est pourquoi certains pays lui ont organisé un véritable statut. Ainsi, la Grande Bretagne a érigé la fonction de chef de l’opposition en fonction officielle (« chef de l’opposition à Sa Majesté »). En France, depuis la réforme constitutionnelle de 2008, la Constitution prévoit que les groupes parlementaires d’opposition, ainsi que les groupes minoritaires, bénéficient de « droits spécifiques » (art. 51-1). Ainsi, un jour de séance par mois est réservé à un ordre du jour fixé à l’initiative des groupes d’opposition et minoritaires. Des postes de rapporteurs ou de présidents reviennent à l’opposition dans les organes parlementaires d’évaluation et de contrôle (commissions d’enquête, Comité d’évaluation et de contrôle...). L’opposition bénéficie d’une égalité de temps de parole lors des questions au Gouvernement notamment. En pratique, depuis 2007, la présidence de la commission des Finances de l’Assemblée nationale est confiée à un parlementaire de l’opposition. C’est également le cas au Sénat depuis 2011. Enfin, l’Etat doit s’assurer que toutes les expressions politiques soient représentées dans les assemblées élues. Les élus doivent être le plus représentatifs possible de la diversité des opinions des citoyens. Ceci pose le problème du choix du mode de scrutin. b) – Compétition électorale et mode de scrutin 1. Les consultations électorales consistent à interroger la population par voie de scrutin. Le système électoral, mode de scrutin ou régime électoral, désigne tout type de processus permettant la désignation de représentants par un corps électoral donné, souvent dans le cadre d’une élection (on peut aussi choisir les représentants par tirage au sort) où des candidats sont élus pour exercer un mandat public. Le mode de scrutin permet le passage du décompte des voix à la désignation des élus. 2. Les citoyens sont consultés et donnent leur suffrage, c'est-à-dire expriment un choix lors d'un vote entre des candidats (élections), ou sur une question précise (référendum). En France, le suffrage est universel, c'est-àdire ouvert à tous les citoyens français âgés d'au moins 18 ans, inscrits sur les listes électorales et qui disposent de leur droit civils et politiques. On distingue : Le suffrage universel direct où les citoyens choisissent directement leurs élus comme dans les Présidentielles françaises ou les législatives ; Le suffrage universel indirect où les élus choisissent au nom du peuple d'autres élus comme c’est le cas à l’occasion des élections sénatoriales en France ou Présidentielle aux Etats-Unis. Ainsi, L’élection présidentielle américaine est un scrutin indirect permettant l'élection du collège électoral qui choisit le président des États-Unis et le vice-président ; ce processus est régi par des règles inscrites dans la Constitution. Ce collège est constitué des grands électeurs élus au suffrage universel dans chaque État. Leur nombre est égal au nombre de ses Représentants et Sénateurs soit un total de 538 (100 au titre du Sénat, 435 au titre de la Chambre des représentants, 3 pour le District fédéral de Columbia). L’État le plus peuplé, la Californie, dispose de 55 votes, alors que les huit États les moins peuplés n’en ont que 3 chacun. Les partis politiques nomment leurs listes de grands électeurs lors des conventions politiques d'États. Un grand électeur ne peut faire partie du Congrès ou être membre d'un bureau fédéral. Donner le nom du président avant la réunion des grands électeurs est possible grâce à la traditionnelle loyauté des grands électeurs : entre 1788 et 2000, sur les 17 000 grands électeurs successifs, 156 seulement n'ont pas respecté le mandat confié par les électeurs de leur État et ont voté pour un autre candidat, ce qui n'est pas interdit par la Constitution. Nombre de grands électeurs obtenus par le Président Obama en 2008 et en 2012 Les élections des sénateurs en France au suffrage indirect 3. Le mode de scrutin apparaît comme un savant mélange où interviennent notamment l’histoire politique nationale, les besoins de représentativité, l’opinion des partis. Les modes de scrutin peuvent aussi varier dans le temps. Depuis 1871, la France a ainsi connu une dizaine de changements importants de mode de scrutin législatif, alors que le Royaume-Uni utilise le même depuis le XVIIIe siècle. On peut distinguer le type de scrutin et le mode d’attribution des sièges : Pour les types de scrutin, on oppose le plus souvent le scrutin uninominal et le scrutin de liste : La catégorie des scrutins uninominaux regroupe tout mode de scrutin où une seule personne est élue pour un territoire donné (un pays ou une circonscription). Ces systèmes impliquent en général que seul le candidat ayant rassemblé une majorité absolue ou relative de suffrages exprimés soit élu. Ils peuvent être utilisés autant pour des élections législatives que présidentielles. Ainsi, aux Etats-Unis, les électeurs se prononcent pour un des deux candidats principaux dans chaque Etat. De même, en France, le choix du Président ou des députés se fait selon le scrutin uninominal. La catégorie des scrutins plurinominaux ou de liste sont utilisés pour l'élection de plusieurs personnes en même temps. Les listes peuvent être « bloquées » (on ne peut pas les changer) comme dans le cas des élections européennes en France ou bien laisser aux électeurs la possibilité de « panacher » les candidats de différentes listes comme dans les municipales de moins de 3 500 habitants en France ou d’exprimer un « vote préférentiel », par exemple en modifiant l’ordre des candidats d’une liste ou en affichant son soutien pour un ou plusieurs candidats de la liste (en France l’élection des conseillers municipaux dans les communes de moins de 2 500 habitants laisse cette marge de choix aux électeurs mais cela est pratiqué au niveau national dans différents pays comme l’Italie, les Pays-Bas, la Belgique, etc.). Pour le mode d’attribution des sièges, on distingue trois types de scrutin : Dans le scrutin majoritaire, à un tour comme au Royaume-Uni ou à deux tours comme en France, est élu la personne ou la liste ayant obtenu le plus grand nombre de voix. En France pour les élections législatives, pour être élu dès le premier tour, il faut obtenir la majorité absolue. Pour être élu au second tour, la majorité relative suffit. Ainsi, aux Etats-Unis, dans tous les États sauf deux, le Maine et le Nebraska, le système électoral, selon le principe du vote majoritaire à un tour, donne toutes les voix (selon « the winner-takes-all system » : « le système donne tout au-vainqueur ») de l’État au candidat arrivé le premier. C’est ce qui explique la disparité entre les résultats populaires, qui, dans les dernières élections, étaient voisins entre Républicains et Démocrates, et les résultats des grands électeurs qui donnent une majorité souvent écrasante à l’un des candidats. À titre d’exemple, on peut citer l’élection présidentielle de 1972 où le candidat républicain Richard Nixon a été élu avec plus de 95 % des voix des grands électeurs alors qu’il n’avait emporté que 60 % des voix populaires. Les deux scrutins majoritaires L’exemple du scrutin majoritaire à deux tours aux législatives en France er 1 tour CANDIDAT A CANDIDAT B CANDIDAT C CANDIDAT D Total 72 000 voix 60 000 voix 34 000 voix 24 000 voix 190 000 suffrages exprimés. En % 37,9 31,6 17,9 12,6 100,0 ème 2 tour 87 400 93 400 En % 48,3 51,7 180 800 100,0 Est élu le candidat ou la liste qui obtient la majorité absolue des voix au premier tour (50 % + une voix) ou la majorité relative au second tour (Ici le candidat B). Au second tour seuls peuvent se présenter les candidats qui ont obtenu plus de X % des voix au premier tour. Certains candidats du premier tour peuvent se désister au second tour en faveur d'un candidat mieux placé. Dans le scrutin majoritaire à un tour, le candidat A aurait été elu. Dans le scrutin proportionnel on répartit les sièges en fonction du nombre de voix obtenues par les différentes listes de candidats en présence. Pour éviter une trop forte dispersion de la représentation politique, ce système peut s’accompagner de « seuils minimum » : par exemple, pour les élections au Parlement européen, seules les listes ayant obtenu plus de 5% des suffrages exprimés peuvent disposer d'élus. Le scrutin proportionnel intégral Avec la méthode des plus forts restes, on utilise le quotient simple (Nombre de voix obtenues/Nombre de sièges), puis on attribue les sièges non pourvus suivant la règle des plus forts restes : les listes disposant des plus importants restes de voix obtiennent les sièges restants, à savoir ceux non-attribués au quotient. Cette méthode est favorable aux petits partis. Ici le quotient électoral est de 118 000/8 = 14 750. Le parti A a obtenu 49 000 voix, soit 49 000/14 750 = 3,322033898. Il a trois sièges. Son reste est 0,322033898 x 14 750 = 4 750 voix. Exemple de la méthode de répartition des plus forts restes (8 sièges à pourvoir) Partis Suffrages exprimés Sièges au quotient Restes de voix Sièges aux restes Total Parti A 49 000 3 4 750 0 3 Parti B 38 000 2 8 500 1 3 Parti C 22 000 1 7 250 0 1 Parti D 9 000 0 9 000 1 1 118 000 Q = 14 750 A la plus forte moyenne, proposée par le mathématicien Victor D'Hondt, on applique le quotient simple dans un premier temps, mais dans un second temps, chaque siège restant est affecté successivement à chaque liste en plus de ceux déjà acquis. Cette seconde répartition s'opère sur la base de la plus forte moyenne de voix par siège (On ajoute un siège et on calcule la moyenne). Cette méthode favorise nettement les grands partis, phénomène qui a tendance à être amplifié par le nombre de sièges à pourvoir au sein de l'espace électoral dans lequel il est appliqué : moins il y a de sièges à pourvoir, plus les grands partis sont favorisés. Exemple de la méthode à la plus forte moyenne (8 sièges à pourvoir) Parti A Parti B Parti C Parti D Score 49 000 38 000 22 000 09 000 Quotient électoral 14 750 14 750 14 750 14 750 3 2 1 0 Sièges directs Première moyenne (Score/Sièges +1) 12 250 (49 000/4) 12 666 (38 000/3) 11 000 (22 000/2) 9 000 (9 000/1) Premier siège supplémentaire 0 1 0 0 Deuxième moyenne (Score/Sièges +1) 12 250 (49 000/4) 09 500 (38 000/4) 11 000 (22 000/2) 9 000 (9 000/1) Deuxième siège supplémentaire 1 0 0 0 Total 4 3 1 0 Dans le scrutin mixte, on combine une dose de proportionnelle et de majoritaire. L'Allemagne utilise un système de ce type depuis 1949 pour l'élection des membres du Bundestag. Lors des élections fédérales, la moitié des députés est élue au scrutin majoritaire uninominal à un tour, et l’autre moitié à la proportionnelle par compensation. Les électeurs ont en fait deux voix : une pour choisir le candidat à élire au scrutin majoritaire, et l’autre pour choisir une liste de parti. La répartition proportionnelle s’opère à l’échelle des Länder. Le rapport Jospin sur la rénovation de la vie publique remis au Président en novembre 2012 propose d’introduire une dose de proportionnelle pour 10% des députés, soit 58 députés. Pour ces élus à la proportionnelle, l'élection aurait lieu à un tour de scrutin, dans une circonscription nationale unique, sans exigence de seuil. Chaque électeur disposerait de deux voix, l'une pour le scrutin majoritaire, l'autre pour le scrutin proportionnel, les deux votes étant indépendants. Les différents modes de scrutin en France Durée du mandat Territoire de l’élection Type de Scrutin Mode d’attribution des sièges Suffrage Européennes 5 ans 8 circonscriptions régionales Plurinominal Proportionnelle Direct Présidentielles 5 ans France Uninominal Majoritaire à deux tours Direct Législatives 5 ans Uninominal Majoritaire à deux tours Direct Sénatoriales 6 ans Plurinominal Mixte Indirect Régionales 6 ans 26 régions Plurinominal Proportionnelle Direct Cantonales 4 ans 363 cantons Uninominal Majoritaire Direct Municipales 6 ans 36 000 communes Plurinominal Proportionnelle Direct Elections 577 circonscriptions 70 départements 39 départements c) – Les effets du mode de scrutin sur le choix des représentants 1. Le mode de scrutin majoritaire à un tour est un mode de scrutin reconnu pour sa grande simplicité. Le candidat ayant rassemblé le plus de voix sur un territoire donné est élu en toutes circonstances. Cela a l’avantage de la simplicité. Au plan global, il résulte souvent pour le parti arrivé en deuxième position une sous-représentation par rapport à son total de voix. Quant aux autres partis, ils n’obtiennent presque aucun élu. Le scrutin majoritaire à un tour favorise donc la bipolarisation de la vie politique voire le bipartisme avec des majorités stables et une alternance relativement régulière entre les deux partis majoritaires. On peut donner l’exemple du scrutin majoritaire à un tour au Royaume-Uni. En 2010, avec 36% des suffrages exprimés, le Parti conservateur obtient 47% des sièges alors que le Parti libéral-démocrate, avec 23% des voix n’obtient que 8,7% des sièges. L’écart de 13 points en voix s’est transformé en un écart de 39 points en sièges. Les petits partis ne sont donc pratiquement pas représentés à l’assemblée. Elections législatives au Royaume-Uni en 2010 Parties and coalitions Votes % +/- Sièges +/- Parti conservateur (Conservative) 10 726 614 36,1 +3,8 307 +97 Parti travailliste (Labour) 8 609 527 29,0 -6,2 258 -91 Démocrates libéraux (LibDems) 6 836 824 23,0 +1,0 57 -5 Parti unioniste démocrate (DUP) ¹ 168 216 0,6 -0,3 8 -1 Parti national écossais (SNP) ² 491 386 1,7 +0,1 6 - Sinn Féin ¹ 171 942 0,6 -0,1 5 - Parti du Pays de Galles (Plaid Cymru) ³ 165 394 0,6 -0,1 3 +1 Parti social-démocrate et travailliste (SDLP) ¹ 110 970 0,4 -0,1 3 - Parti vert de l'Angleterre et du pays de Galles (Green) 285 616 1,0 -0,1 1 +1 Parti pour l'indépendance du Royaume-Uni (UKIP) 919 546 3,1 +0,9 0 - Parti national britannique (BNP) 564 331 1,9 +1,2 0 - 2⁴ - Autres Total 100,00 Participation 29 691 380 650 65,1 % Il en est de même pour les Présidentielles américaines. Il suffit au vainqueur d’arriver en tête dans les Etats clés (Les « swing states ») pour avoir la majorité des grands électeurs. C’est donc une prime aux deux grands partis qui dominent la politique américaine : le Parti démocrate et le Parti républicain. 2. Le mode de scrutin majoritaire à deux tours a plusieurs avantages. D’une part, il permet aux électeurs de voter au premier tour pour des petits candidats sans avoir l’impression de perdre leur vote, ce système autorise une grande diversité des candidatures. Mais les scores de premier tour sont difficiles à interpréter car certains électeurs utilisent le premier tour pour faire passer une idée, quand d’autres l’utilisent pour qualifier un candidat pour le second tour. D’autre part, ce système favorise les alliances ou accords entre partis de sensibilité proche permettent cependant à de petits partis d'envoyer quelques députés siéger à la chambre basse, comme c'est le cas en France avec le Parti communiste français, qui jouit encore de ses alliances avec le Parti socialiste, et plus encore avec le Nouveau centre, qui ne doit la formation de son groupe parlementaire qu'à ses alliances avec l'UMP. Enfin, ce mode de scrutin permet de dégager une majorité parlementaire stable capable d'épauler l'action du pouvoir exécutif. En France, à l’exception des trois périodes de cohabitation des années 1986-1988, 1993-1995 et 1997-2002, l'action du chef de l'Etat est confortée par la majorité absolue qu’il détient à l’Assemblée. Mais, les systèmes majoritaires correspondent à des systèmes politiques valorisant la concurrence et l'affrontement. Résultats des élections législatives françaises des 10 et 17 juin 2012 Partis politiques Premier tour Second tour Élus Voix % Elus Voix % Sièges % Parti socialiste (PS) 7 618 326 29,35 22 9 420 889 40,91 280 48,53 Europe Écologie Les Verts (VEC) 1 418 264 5,46 1 829 036 3,60 17 2,95 Divers gauche (DVG) 881 555 3,40 1 709 395 3,08 22 3,81 Parti radical de gauche (PRG) 428 898 1,65 1 538 331 2,34 12 2,08 10 347 043 39,86 25 11 497 651 49,93 331 57,37 7 037 268 27,12 9 8 740 628 37,95 194 33,62 Divers droite (DVD) 910 034 3,51 1 417 940 1,82 15 2,60 Nouveau Centre (NCE) 569 897 2,20 1 568 319 2,47 12 2,08 Parti radical (PRV) 321 124 1,24 - 311 199 1,35 6 1,04 Alliance centriste (ALLI) 156 026 0,60 - 123 132 0,53 2 0,35 8 994 349 34,66 11 10 161 218 44,12 229 39,69 Front national (FN) 3 528 663 13,60 - 842 695 3,66 2 0,35 Front de gauche (FG) 1 793 192 6,91 - 249 498 1,08 10 1,73 Le Centre pour la France (CEN) 458 098 1,77 - 113 196 0,49 2 0,35 Extrême gauche (EXG) 253 386 0,98 - - - - - Écologistes (ECO) 249 068 0,96 - - - - - Régionalistes (REG) 145 809 0,56 - 135 312 0,59 2 0,35 Autres (AUT) 133 752 0,52 - - - - - Extrême droite (EXD) 49 499 0,19 - 29 738 0,13 1 0,17 Inscrits 46 082 104 100,00 43 233 648 100,00 Abstention 19 712 978 42,78 19 281 162 44,60 Votants 26 369 126 57,22 23 952 486 55,40 416 267 1,58 923 178 3,85 25 952 859 98,42 23 029 308 96,15 Majorité présidentielle Union pour un mouvement populaire (UMP) Droite parlementaire Blancs et nuls Exprimés 3. Cependant, le scrutin majoritaire a plusieurs inconvénients : Tout d’abord, la diversité des opinions politiques des électeurs est mal représentée. Certains électeurs qui pensent que leur candidat préféré n’a aucune chance renoncent à exprimer cette préférence et votent « utile. » Ce système peut entraîner une polarisation de la vie politique entre deux partis, et deux seulement, les électeurs renonçant à donner leur voix à un candidat qui n’a aucune chance de gagner l’élection. Ceci peut avoir pour conséquence d’appauvrir le débat politique. Ainsi, en France, la présidente du Front national, Marine Le Pen, a recueilli 17,9 % des suffrages le 22 avril ; huit semaines plus tard, son parti n'est parvenu à faire élire que deux députés. De même, François Bayrou a recueilli plus de 9 % des suffrages ; son parti, le Modem, n'a obtenu que deux députés. Mme Le Pen et M. Bayrou ont attiré les faveurs de plus d'un électeur sur quatre ; leurs idées ne seront représentées à l'Assemblée que par quatre députés sur 577...Dans le même temps, les écologistes qui ont obtenu un plus de 5% des voix au premier tour ont 17 députés. Il y a donc là une distorsion du système représentatif. Fréquemment, une majorité de la population est représentée par quelqu’un pour qui elle n’a pas voté. L’amplification de la victoire aux élections législatives britanniques de 2005 Graphique comparant la part des voix (en bas) à la part des sièges (en haut) obtenues par les différents partis politiques dans le cadre des élections générales britanniques de 2005 (scrutin majoritaire uninominal à un tour). Ensuite, le système majoritaire peut favoriser la montée de l’abstention. En effet, les électeurs qui ne sont pas satisfaits de ne pas être représentés, peuvent se réfugier dans l’abstention en considérant que leur voix ne sert à rien ce qui remet en cause le caractère démocratique de l’élection. Ainsi, près de la moitié des électeurs américains ne se déplacent pas aux élections présidentielles. De même, en France, en 2012, l’abstention a presque atteint les 50% aux législatives. C'est même une nette majorité des moins de 44 ans qui ont boudé les urnes, ainsi que les catégories populaires et les plus modestes (employés, ouvriers, revenus inférieurs à 1 200 euros par mois). La conséquence de cette défection, ou de cette indifférence électorale, est impressionnante. Au premier tour de scrutin, celui où chaque parti se compte, le Parti socialiste avait recueilli 29,2% des voix exprimées, soit 16,4% des électeurs inscrits. Au soir du second, il rassemble à lui seul presque la moitié des députés. Enfin, le système majoritaire à un tour permet à des partis ou à des candidats minoritaires d’accéder au pouvoir. Ce mode de scrutin déforme les résultats d'une élection en permettant une répartition des sièges entre les différents partis très différente de l'expression de la volonté du corps électoral. Il se peut même qu'un parti majoritaire en voix se retrouve minoritaire en sièges, comme cela s'est produit au Royaume-Uni lors des élections de 1951 : les travaillistes, avec 48,8% des suffrages exprimés, ont obtenu 295 sièges, contre 302 aux conservateurs qui n'avaient pourtant rassemblé que 44,3% des voix. Il suffit à un parti d’obtenir un peu plus d’un tiers des voix alors que les deux autres ont un peu moins d’un tiers pour l’emporter. En d’autre termes, dans ce cas de figure, les deux tiers des électeurs ne sont pas représentés au gouvernement. De même, aux Etats-Unis, le système du « Tout au vainqueur » peut provoquer des distorsions très importantes. À titre d’exemple, on peut citer l’élection présidentielle de 1972 où le candidat républicain Richard Nixon a été élu avec plus de 95% des voix des grands électeurs alors qu’il n’avait emporté que 60% des voix populaires. Théoriquement au moins, un candidat pourrait être élu avec moins de 30% du vote populaire. Lors de l'élection présidentielle de 2000, le candidat démocrate Al Gore obtint 550 000 voix de plus que son adversaire républicain George Bush au niveau national, mais les 550 voix d'avance que Bush a officiellement obtenues en Floride lui permirent d'obtenir tous les grands électeurs de cet État et de remporter l'élection au niveau fédéral. 4. Le scrutin proportionnel permet une représentation équitable de toutes les tendances du corps électoral, et tout particulièrement des minorités, s'opposant en cela de manière fondamentale aux modes de scrutin majoritaire. D’une part, la proportionnelle favorise la diversité de l’offre politique. Il s'agit en fait de répartir plusieurs mandats d'élus entre plusieurs formations politiques, proportionnellement à leur poids électoral. Cela suppose l'établissement de listes de candidats de la part de ces dernières, pour que les électeurs puissent les départager. D'autre part, la proportionnelle permet la formation de gouvernements de coalition, sur la base d'une majorité parlementaire pluri-partisane, plus modérée et plus consensuelles que des gouvernements mono-partisans. Les systèmes proportionnels correspondent plutôt à des systèmes politiques valorisant la coopération. Au début du siècle dernier, les partis conservateurs ou issus de milieux bourgeois, défendaient ardemment ce mode de scrutin, pensant que la représentation proportionnelle permettrait de freiner la montée du mouvement ouvrier qui pourrait obtenir, avec une majorité relative de suffrages, une majorité absolue de sièges dans le cadre d'élections au scrutin majoritaire58. L’extension du droit de vote dans de nombreux pays permettra la diffusion de ces idées, le mouvement proportionnaliste atteindra son apogée à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle. Résultats des élections législatives de 2009 en Israël Partis politiques Votes Sièges % % Kadima 758 032 22,47 28 23,3 Likoud 729 054 21,61 27 22,5 Israel Beytenou 394 577 11,70 15 12,5 Parti travailliste 334 900 09,93 13 10,8 Shass 286 300 08,49 11 9,2 Judaïsme unifié de la Torah 147 954 04,39 5 4,2 Liste arabe unie – Ta'al 113 954 03,38 4 3,3 Union nationale 112 570 03,34 4 3,3 Hadash 112 130 03,32 4 3,3 Énergie 99 611 02,95 3 2,5 La Maison juive 96 765 02,87 3 2,5 Balad 83 739 02,48 3 2,5 Gil 17 571 00,52 0 0,0 Autres 86 333 02,56 0 0,0 Ainsi, dans le cas israélien, on a une stricte proportionnalité entre le pourcentage des voix obtenues et le pourcentage des sièges obtenus. Dans le cas de la proportionnelle intégrale, aucune formation politique n'est surreprésentée ou sous-représentée. 5. Cependant, le scrutin proportionnel présente également des inconvénients. Ces systèmes, qui permettent même aux plus petits partis d'obtenir ne serait-ce qu'un élu, incitent forcément à l'émiettement des suffrages, voire à l'éclatement du paysage politique. En effet les électeurs ne sont aucunement incités à voter « utile » et les partis, totalement indépendants les uns des autres, peuvent présenter des candidats partout, pratiquement assurés qu'ils sont d'entrer au parlement même avec un score dérisoire. On peut limiter les effets négatifs de la proportionnelle intégrale en introduisant des « seuils minimum » (Seuls les partis qui auront obtenu x% des voix auront au moins un siège) ou en donnant une « prime majoritaire » à la liste qui arrive en tête comme dans les municipales (pour les villes de plus de 3 500 habitants) ou les régionales en France. Ce système a été aussi rendu responsable de l’instabilité gouvernementale. En effet, pour constituer une majorité, les partis sont obligés de former des coalitions qui peuvent se dissoudre à tout moment si un parti fait défaut pour soutenir le gouvernement sur un sujet précis. Cette mauvaise réputation lui a été attribuée à la suite de la chute de la République allemande de Weimar, puis de celle de la Quatrième République française, utilisant toutes deux des systèmes très proportionnels pour l'élection de leurs députés. Le Général de Gaulle parlait à ce propos d’un « régime des partis » dans lequel un parti minoritaire peut faire ou défaire l’Assemblée et le Gouvernement. On a donc une succession de gouvernements qui n’ont pas le temps de mettre en œuvre ème leur politique ce qui a conduit à la fin de la 4 République en France. La proportionnelle avec prime majoritaire 6. Cependant, ces critiques sont à nuancer. D’une part, le multipartisme ne dépend pas, ou tout du moins pas seulement, du mode de scrutin utilisé. Un système majoritaire n’empêche pas l’existence de plusieurs partis. D'autre part la représentation proportionnelle est tout à fait compatible avec un système bipartisan : c'est notamment le cas de l'Espagne, où deux grands partis, le Parti socialiste et le Parti populaire, détiennent à eux deux environ 90 % des sièges de la chambre basse, les autres étant occupés par de petits partis régionalistes à l'électorat fortement localisé. Le pluripartisme lui-même n'est pas forcément facteur d'instabilité ministérielle : les pays scandinaves (Suède, Norvège, Danemark) connaissent ainsi un très fort pluripartisme, mais qui est très nettement tempéré par une bipolarisation quasi-inébranlable du paysage politique, sur la base du clivage droite/gauche, et ce malgré le caractère très fortement proportionnel de leurs modes de scrutin. Il en résulte une stabilité gouvernementale régulière et solide, qui permet à des chefs de gouvernement de rester plus de dix ans au pouvoir sans interruption. De même, on peut observer qu’à la fin de la 3ème République française, l'instabilité ministérielle était devenue la règle, alors que les députés étaient tous élus au scrutin majoritaire uninominal à ème deux tours. La situation était en tout point comparable à celle de la 4 République qui lui succèdera, alors que les membres de l'Assemblée nationale étaient élus à la représentation proportionnelle. Le mode de scrutin n'a donc en aucun cas été un facteur déterminant de l'inefficacité de ces régimes. 7. Y-a-t-il un mode de scrutin meilleur qu’un autre ? En France, la théorie du vote et de la représentativité des modes de scrutin émerge au XVIIIe siècle avec les travaux du mathématicien et philosophe Condorcet. Ils mettent en évidence le fait qu’il n’y a pas un mode de scrutin meilleur qu’un autre pour au moins deux raisons : La non transitivité des préférences des électeurs : l'un des principaux résultats de Condorcet est que, dans une élection avec au moins trois candidats, il existe des configurations où il n’y a pas de vainqueur logique. C’est la situation du paradoxe de Condorcet, dans laquelle une majorité d'électeurs préfère A à B, une majorité préfère B à C et une majorité préfère C à A, d'où une contradiction. Les préférences des électeurs se résument en effet à A mieux que B mieux que C mieux que A. L’élection présidentielle de 2002 fournit une illustration concrète du paradoxe de Condorcet. Jacques Chirac a été préféré à Jean-Marie Le Pen qui, d'après le résultat du premier tour, a été préféré à Lionel Jospin, lequel Jospin aurait été préféré à Chirac au deuxième tour, du moins si l'on en croit les analystes politiques. Le résultat de cette non-transitivité des préférences des électeurs a été l'élimination de Lionel Jospin. Les travaux de Condorcet ont été prolongés au XXe siècle par les recherches de l’économiste américain Kenneth Arrow (né en 1921), l’un des fondateurs de la théorie du choix social, dont l’objet est d’étudier comment un ensemble d'individus peut effectuer un choix collectif à partir de préférences individuelles. Généralisant les résultats de Condorcet, Arrow a démontré qu'il n'existe pas de système permettant de garantir la cohérence du choix social à partir des préférences individuelles. Sauf dans un système dictatorial où l'on définit comme choix collectif la préférence d'un individu précis, le dictateur. Autrement dit, quel que soit le système de scrutin choisi, si ce n'est pas une dictature, il existera des configurations contenant des contradictions analogues au paradoxe de Condorcet. La différence entre vote sincère et vote utile : le principe du « vote utile » est totalement dépendant de l'organisation d'élections au scrutin majoritaire. Les électeurs sont incités à porter leurs voix sur un candidat affilié à la formation politique la moins éloignée de leurs opinions politiques personnelles. Le scrutin majoritaire, en particulier à un seul tour, incite donc l'électeur à se rabattre sur le candidat « le moins mauvais » de son point de vue, parmi ceux ayant le plus de chances d'être élus : il vote stratégiquement afin d'obtenir une représentation idéologique, même imparfaite, plutôt que pas de représentation du tout. En 2007, en France, de nombreux sondages donnaient Bayrou vainqueur de Sarkozy au deuxième tour. Par crainte d'un nouveau 21 avril 2002, la logique du vote utile a conduit de nombreux électeurs qui auraient pu voter Bayrou à se rallier à Ségolène Royal au premier tour. Ce qui a abouti à la victoire de Nicolas Sarkozy. La stratégie consistant, pour les électeurs de Royal, à se rallier à Bayrou, aurait été plus payante, dans la mesure où ces électeurs préféraient certainement Bayrou à Sarkozy. Il n'existe pas de mode de scrutin pour lequel la meilleure stratégie de chaque votant soit le vote sincère. On a pu tester des modes de scrutin différents : Le « vote alternatif », qui se pratique en Irlande, mais aussi en Australie et en Nouvelle-Zélande ; les électeurs classent les candidats par ordre de préférence ; si l’un d’entre eux obtient la majorité des premiers choix, il est élu ; sinon, un processus d’élimination progressive permet de déterminer le gagnant. Avec une certaine méthode de dépouillement, c'est le centriste François Bayrou qui l'emporte devant Nicolas Sarkozy en 2007. La raison est que cette technique retient les candidats les moins « rejetés » par les électeurs. Exemple de bulletin de vote pouvant être utilisé pour procéder à un vote alternatif Le « vote par approbation », dans lequel chaque électeur indique pour chacun des candidats s’il l’approuve ou non, le vainqueur étant celui qui obtient le plus d’approbations ; ce système n’est utilisé pour les élections présidentielles dans aucun pays, mais il sert par exemple à désigner le président de sociétés savantes telles que l’Association mathématique d’Amérique. En 2007, Le centriste François Bayrou a recueilli le plus d'approbations, suivi par le candidat de droite, Nicolas Sarkozy, et la socialiste Ségolène Royal, alors que dans ces bureaux, par le vote uninominal, Nicolas Sarkozy devançait Ségolène Royal et François Bayrou. L'écologiste Dominique Voynet ou le candidat d'extrême gauche Olivier Besancenot étaient plus approuvés que l'extrême droite, représentée par Jean-Marie Le Pen, nettement devant eux par la méthode classique. 8. Il faut enfin ajouter que l’élection concerne toujours un territoire donné (une circonscription électorale) et qu’en l’espèce le découpage électoral peut, au même titre que le mode de scrutin, jouer un rôle notable quant à l’issue du vote. Ce problème peut en outre être volontairement exploité pour biaiser les élections grâce à un découpage ad-hoc des circonscriptions : on parle de charcutage électoral ou de « gerrymandering ». Pour illustrer ceci, considérons un pays fictif constitué de 100 habitants devant être découpé en 10 circonscriptions de 10 habitants chacune. Supposons que deux partis, les Rouges et les Bleus, s'affrontent dans un scrutin majoritaire à un tour et que les intentions de vote des habitants soient connues à l'avance : 40 sont pro-Bleu tandis que 60 sont proRouge. Dans le cas idéal, 4 des 10 circonscriptions sont donc gagnées par les Bleus et 6 par les Rouges, de sorte à avoir parmi les représentants des circonscriptions le même rapport de force qu'au sein de tout l'électorat. Découpage idéal (contours verts) : les circonscriptions sont gagnées (à droite) selon les mêmes proportions que dans l'électorat (à gauche). Mais il se peut que les circonscriptions soient découpées de sorte à ce que les Rouges, majoritaires au sein de l'électorat, gagnent toutes les circonscriptions. Le parti Rouge sera donc sur-représenté. Découpage biaisé en faveur du parti Rouge, qui remporte toutes les circonscriptions. Inversement, il se peut que les circonscriptions soient découpées de sorte à ce que les Rouges gagnent très largement 4 circonscriptions (on parle parfois de fief) mais perdent de peu les 6 autres. Le parti Rouge sera donc sous-représenté. Découpage biaisé en faveur du parti Bleu, qui remporte plus de la moitié des circonscriptions bien qu'il soit minoritaire dans l'électorat. Des élections réelles ont été ainsi biaisées, que ce soit involontairement ou non (ce qui fait rarement consensus). On peut, par exemple, citer les cas suivants : L'élection du gouverneur du Massachusetts en 1811, Elbridge Gerry, qui fut accusé d’avoir « dessiné » une circonscription en forme de salamandre afin de favoriser son parti, ce qui fut désigné par le néologisme « gerrymandering » ; Les élections présidentielles américaines de 1876, 1888 et 2000, où les démocrates, bien que majoritaires dans l'électorat, furent battus à cause du découpage des Etats ; Le dernier découpage français, qui devrait entrer en vigueur en 2012, est accusé par la gauche de favoriser la droite sans que cela ait eu de l’influence sur les résultats globaux.