Extrait du livre de Roger Allaire « Histoire de Bédarieux » Note F

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Extrait du livre de Roger Allaire « Histoire de Bédarieux » Note F
Extrait du livre de Roger Allaire « Histoire de Bédarieux » Note F -­ Sur l’Adjudant-­Général Louis-­Annibal Escalle. En trouvant dans les Archives communales le nom de l’Adjudant-­‐Général Escalle, un des lieutenants de Bonaparte pendant les immortelles campagnes d'Italie et d’Egypte, nous avons été fort surpris de constater combien était tombé dans l’oubli la mémoire de cet enfant de Bédarieux. Le rôle joué par Escalle aux côtés du futur empereur et sa mort glorieuse sous les murs de Saint-­‐Jean d’Acre méritaient moins d’ingratitude. Nous allons essayer de retracer en quelques lignes la vie de ce soldat dont la destinée aurait pu être brillante encore si les balles anglaises l’avaient respecté. Déjà chef de brigade en 1795, et très lié avec Bonaparte, Escalle aurait pu, en effet, parvenir plus tard aux hautes fonctions de l’empire comme tant d’autres de ses compagnons d’armes. Louis-­‐Annibal Escalle naquit à Bédarieux, rue de Fer1, le 17 novembre 1737. Issu d’une famille protestante notable, il reçut le baptême le 31 du même mois. Les renseignements nous manquent sur sa jeunesse. Fit-­‐il ses études à Bédarieux ? S’engagea-­‐t-­‐il très jeune dans la milice provinciale ? C’est ce qu’il n’a pas été possible d’élucider. Ses états de service, les seuls renseignements précis que nous ayons, ne nous donnent de détails que sur sa carrière militaire (M. Paul Escalle, capitaine à Nancy, a bien voulu nous communiquer les états de service de l’Adjudant Général, délivrés le 21 décembre 1888, par le Ministère de la Guerre. C’est de ce document que nous avons extrait la plupart des renseignements qui vont suivre). Escalle allait atteindre sa vingtième année, lorsque commença la guerre de sept ans. Revers en Allemagne, revers dans les colonies, la fortune des armes nous trahit sur tous les points du monde. Au mois de juin 1756, l’amiral La Galissonnière et le duc de Richelieu réussirent cependant à battre la flotte anglaise et à prendre d’assaut la ville de Port-­‐Mahon dans l’île de Minorque. Les milices du Languedoc furent convoquées vers la même époque, et deux ans après, quelques-­‐uns de leurs bataillons furent envoyés pour garder Port-­‐Mahon. Escalle qui était lieutenant des grenadiers du bataillon de Carcassonne depuis le 24 février 1758, partit pour Minorque la même année et ne revint qu’en 1761. Ce fut sa première campagne. La paix signée en 1762 rendit Port-­‐Mahon aux Anglais. Successivement, Escalle passa lieutenant des grenadiers royaux le 29 mai 1762, puis lieutenant au régiment provincial de Montpellier le 4 août 1771. Réformé avec les troupes provinciales le 15 septembre 1775, il abandonna pour trois ans la carrière des armes. Nommé de nouveau lieutenant de grenadiers au bataillon de garnison du Royal-­‐Roussillon le 10 mai 1778, il resta dans ce corps jusqu’à son licenciement le 20 mars 1791. A l’appel de la levée en masse de 1792, Louis Escalle répondit avec enthousiasme. Elu le 11 août lieutenant-­‐colonel en second du 2ème bataillon des volontaires nationaux de l’Hérault, il fut bientôt dirigé sur la Provence qui était à ce moment menacée à la fois par les Anglais et les Autrichiens. Son avancement fut rapide : passé chef de bataillon à la 129 ème demi-­‐brigade d’infanterie de ligne le 1er octobre 1793, il fut nommé adjudant général le 25 février 1794 par le Représentant du Peuple près l’armée d’Italie, peu après la prise de Toulon sur les Anglais. Quatre mois plus tard, il était confirmé dans ce grade. 1 Nota : selon Roger Allaire, cette rue se serait appelée rue d’Enfer au XVIIème siècle, baptisée ainsi par les catholiques à cause de la présence du temple protestant. Aujourd'hui, c’est la rue Louis Abbal. 1 A partir de 1794, Escalle, à la tête de la division du centre de l’armée d’Italie, parcourt la vallée du Po, des Apennins aux Alpes du Tyrol, assistant à la plupart des combats. En 1795, il entre dans la division Masséna et reçoit une première blessure, le 6 novembre de la même année, à l’attaque d’une île de la Brenta défendue par les troupes du général autrichien Alvinzi (mémoires du général Masséna par le général Koch). Le 11 avril 1796, la plus belle campagne qu’ait dirigé Bonaparte est ouverte par le combat de Montenotte. Les troupes françaises ignorant la défaite, courent, infatigables, d’un point à un autre de l’Italie du Nord, brisent tous les obstacles et remportent des victoires successives sur les nombreuses armées autrichiennes qui leur sont opposées. Montenotte, Dego, Millesimo, Mondovi, Ludi, Lonato, Castiglione, Roveredo, Trente, Primolano, Bassano, Rivoli, Mantoue, chaque étape est un succès. Escalle, qui a fait partout vaillamment son devoir, est déjà connu de Bonaparte lorsque la campagne prend fin aux Préliminaires de Leoben. On raconte qu’après l’occupation de Milan, Escalle, se promenant, un jour, avec le général Bonaparte sur la promenade de la ville, ne fut pas peu surpris d’apercevoir, dans un convoi de recrues qui arrivait à l’armée, plusieurs Bédariciens et parmi ceux-­‐ci trois Escalle, ses cousins. Il s’employa aussitôt à faire vêtir et restaurer ses parents et amis, très fatigués par les longues étapes qui séparent Bédarieux de la capitale de la Lombardie. Tout porte à croire que l’adjudant-­‐général devait être tenu en estime par Bonaparte, puisque ce dernier le choisit pour faire partie de l’expédition d’Egypte. Lorsqu’il fut désigné, le 12 janvier 1798, pour entrer dans l’armée d’Orient, Escalle avait déjà soixante-­‐et-­‐un ans et cependant, le futur empereur, qui n’avait que l’embarras du choix parmi tant d’officiers jeunes et brillants, l’inscrivit parmi les chefs de la division Kléber. Voici l’ordre général, n° 2706, rédigé par Bonaparte en rade de Toulon le 23 juin 1798 : « A bord de l’Orient, 5 messidor an IV. Division Kléber. Le général Dumas commande la 1ère légère. Le général Verdier la 25è et la 75è de ligne. L’adjudant-­‐général Escalle est chargé du détail de la division. » La flotte française est à peine embossée devant Alexandrie que le débarquement commence et l’attaque de la ville est brusquée. La division Kléber atteint les remparts, et tandis que les grenadiers tentent l’escalade, les balles ennemies font des victimes parmi les assaillants. Escalle est blessé un des premiers : un coup de feu lui casse le bras. Le lendemain, 6 juillet 1798, Bonaparte, écrivant au Directoire, ne manque pas, après avoir raconté le débarquement et la prise de la ville, de signaler les pertes : « Quartier général d’Alexandrie, 18 messidor an IV. …. Le citoyen Mas, chef de brigade en second de la 32 ème a été tué. L’adjudant-­‐général Escalle a été dangereusement blessé. » Escalle passa plusieurs mois à l’hôpital d’Alexandrie. Guéri de sa blessure, il reprit son poste assez tôt pour faire partie de l’expédition de Syrie. C’était le suprême effort de Bonaparte en Egypte et cet effort allait se briser contre les murs de Saint-­‐Jean d’Acre. Après quelques brillantes victoires, l’armée française arriva devant cette ville. Le siège dura soixante jours et quatorze assauts furent repoussés par la garnison qui était commandée par un officier anglais énergique, Sidney Smith. L’artillerie de siège, transportée par bateaux, étant tombée aux mains des Anglais, servit aux assiégés contre les assiégeants. 2 Le 28 mars 1799, Escalle commandait une des trois colonnes d’assaut ; les deux autres colonnes étaient sous les ordres de Lannes et de Rambaud. Les grenadiers firent des prodiges, mais la brèche n’étant pas suffisamment préparée, l’attaque fut infructueuse. Escalle resta au nombre des morts. Le 14 avril, Bonaparte écrivait au général Marmont : « Jusqu’à cette heure, ce siège nous coûte 60 hommes tués et 30 blessés. L’adjoint Mailly, les adjudants-­‐généraux Escalle et Laugier sont dans le nombre des premiers. » Le lendemain de cet assaut sans résultat, le général Berthier, le futur grand chef d’état-­‐major des armées impériales, écrivait à Marmont : « Nous avons perdu dans la tranchée les adjudants-­‐généraux Laugier et Escalle et l’adjoint Mailly. Ce sont de braves gens que nous regrettons. » Ces quelques mots, dans la bouche d’un chef tel que Berthier et dans un moment où le temps manquait pour s’apitoyer sur le sort des camarades disparus, constituent un éloge funèbre. Cet éloge, dans sa concision militaire, ne manque pas de grandeur. La ville ayant résisté à toutes les attaques, Bonaparte leva le siège de Saint-­‐Jean d’Acre après le dernier assaut, le 7 mai 1799. Escalle était mort à temps ; il ne vit pas la retraite. Trente ans de service militaire, douze années de campagnes à Minorque, en Italie et en Egypte, dont cinq avec le grade d’adjudant-­‐général, deux blessures reçues sur le champ de bataille, tué à l’ennemi, tels sont les brillants états de service de cet enfant de Bédarieux qui fut le camarade des Kléber, des Lannes, des Masséna et des Berthier. Son nom devait sortir de l’oubli. 3 

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