Idempotents dans les C∗

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Idempotents dans les C∗
Idempotents dans les
C ∗-algèbres
de groupes
Nicolas Prudhon
École doctorale de mathématiques Genève-Neuchâtel
Semestre d'hiver 2004/2005
Introduction
Ces notes sont pour une large part la mise au propre de notes que j'avais prises lors d'un
cours donné par P. Julg à Strasbourg durant l'année académique 1998-1999. Elles ont également servi de support à un cours que j'ai donné en Novembre-Décembre 2004 dans le cadre de
l'école doctorale de mathématiques Genève-Neuchâtel. Le but ultime du cours strasbourgeois
était de montrer que le morphisme λ∗ induit en K -théorie par le morphisme d'algèbres
∗
∗
λ : Cmax
(F2 ) −→ Cred
(F2 )
était un isomorphisme, où F2 est le groupe libre sur deux générateurs. La diculté d'un tel
résultat réside dans le fait que le morphisme de C ∗ -algèbres λ n'est pas un isomorphisme.
Cela signie que la K -théorie, qui est néanmoins une théorie puissante, ne détecte pas la
diérence entre les C ∗ -algèbres maximale et réduite des groupes libres. Une des motivations
∗ (F ) ne possède
pour montrer ce résultat est que l'on en déduit facilement que l'algèbre Cred
2
pas d'idempotent non-trivial. Le cours donné par P. Julg a duré 56 heures (28 × 2heures),
si mes souvenirs sont exacts et sans compter les arrêts de jeu qui atteignaient souvent le
quart-d'heure. En fait, il existe une méthode plus courte (elle ne demande - presque ? - aucune
connaissance sur la théorie des C ∗ -modules par exemple) pour montrer ce résultat sur les
∗ (F ), dû à A. Connes, et que nous présentons ici, qui fait apparaître des
idempotents de Cred
2
idées de géométrie diérentielle. Je crois d'ailleurs que le but de P. Julg était surtout de faire
une introduction solide à la K -théorie des C ∗ -algèbres, voire secrétement à la KK -théorie
de Kasparov. Comme la méthode d'A. Connes est plus courte, elle a pu être présentée en 28
heures.
Soit X un espace topologique compact. Une des questions des plus simples que l'on puisse
poser concernant la topologie de X est de déterminer ses composantes connexes. Or cela est
équivalent à déterminer les idempotents de l'algèbre commutative C(X) (rappelons qu'un
idempotent e dans un anneau est un élément vériant e2 = e). Une question de topologie
plus avancée est celle de classier, à isomorphisme près, les brés vectoriels complexes sur
X . Or d'après le théorème de Serre-Swann, cela revient à déterminer les classes d'équivalence
d'idempotents dans les algèbres (non-commutatives) Mn (C(X)). Ceci conduit à la dénition
de la K -théorie d'un anneau unital quelconque, plus précisément à celle du groupe K0 . La
question des idempotents est donc du point de vue de la géoémtrie non-commutative, une des
questions de nature topologique des plus simples, et la K -théorie y apparaît comme outil de
compréhension important. La conjecture des idempotents de Kaplanski-Kadison propose une
réponse à ce problème dans le cas des groupes.
Conjecture 0.1.
∗ (Γ)
Cred
Soit Γ un groupe démonbrable sans torsion. Alors la C ∗ -algèbre réduite
de Γ ne possède pas d'autre idempotent que 0 et 1.
Cette conjecture est une conséquence d'une autre conjecture, la conjecture de BaumConnes, qui propose une méthode générale pour calculer la K -théorie de la C ∗ -algèbre réduite
d'un groupe (dénombrable) quelconque. Une notion utile à la dénition de ces conjectures et
à leur étude, et qui est de nature plus diérentielle que topologique, est celle de module de
Fredholm.
Un module de Fredholm (impair) sur une algèbre normée A est la donnée d'un couple
(H, F ), où H est un espace de Hilbert dans laquelle A est représentée, et F un opérateur
1
borné, vériant en outre les relations
F2 = 1,
aF − F a est un opérateur à trace (a ∈ A).
Donnons un exemple de module de Fredholm dans le cas commutatif. Ceci illustrera la nature
diérentiel de cette dénition. Soient H = L2 (S 1 ) l'espace des fonctions de carré intégrable
d
sur le cercle et D = −i dθ
. La décomposition polaire de D est D = F |D|, où F est l'opérateur
inθ
borné F (e ) = sgn n einθ . Alors (H, F ) est un module de Fredholm sur A = C ∞ (S 1 ). En
eet, les opérateurs [F, einθ ] sont de rang ni, et par conséquent, les opérateurs [F, a] où a est
un polynôme de Laurent sont aussi de rang ni. Par approximation, on montre alors que les
opérateurs [F, a] sont à trace pour toute fonction lisse a. Remarquons, que si l'on considére
les fonctions continues à la place des fonctions lisses, les opérateurs F a − aF sont compacts,
mais n'ont plus de raison d'être à trace.
Dénition 0.2.
Un opérateur T est dit de Fredholm lorsque ker T et ker T ∗ sont de dimension
nie. L'indice de T est alors l'entier
indice T = dim ker T − dim ker T ∗ .
Soit P = 1/2(F + 1). Alors pour toute fonction lisse partout non nulle u, l'opérateur P uP
est un opérateur de Fredholm de P H. En eet, remarquons tout d'abord que P n'est autre que
la projection orthogonale sur l2 (N) ⊂ l2 (Z) = L2 (S 1 ), ce qui permet par exemple de voir que
P uP = S n , où S est le Shift, lorsque u = einθ , (n ≥ 0). On montre alors la formule suivante.
−4 trace F [F, u][F, u
−1
1
] = indice P uP = −
2πi
Z
u−1 du .
S1
La seconde égalité est la formule d'indice classique dite formule de Cauchy, tandis que la
première résulte d'un calcul rapide dans le cas des générateurs. Ceci conduit à considérer la
dérivation d : a 7→ da = [F, a]. Ainsi, d conserve des propriétés importantes de D , sur le plan
algébrique comme topologique (indice). Pour cette raison, un module de Fredholm est un objet
de nature géométrique (diérentielle), qui contient des informations topologiques (indice), de
la même façon que le complexe de De Rham par exemple.
Ce cours est divisé en quatre chapitres. Dans les premiers, sont mis en place les notions
fondamentales pour l'étude des C ∗ -algèbres. Nous classions par exemple les C ∗ -algèbres commutatives, et donnons la structure des C ∗ -algèbres associées aux groupes abéliens (discrets).
Dans le troisième chapitre, nous introduisons la K -théorie, ainsi que ses propriétés fondamentales : exactitude, invariance par homotopie, périodicité de Bott, stabilité, et quelques autres
propriétés trés utiles comme l'utilisation du calcul fonctionnel holomorphe. Le quatriéme chaptitre est consacré aux opérateurs de Fredholm. Aprés avoir fait le lien avec la K -théorie, nous
étudions les modules de Fredholm proprement dits. Nous sommes alors en mesure de montrer
la conjecture des idempotents (conjecture 0.1) dans le cas du groupe libre F2 .
Nous ajoutons deux appendices. Le premier fait le lien entre la notion de moyennabilité, et
les C ∗ -algèbres de groupes. Le second est une introduction à des notions plus avancées, comme
les C ∗ -modules. Nous utilisons alors ces résultats pour montrer que λ∗ est un isomorphisme
pour F2 . Ce résultat permet aussi de montrer la conjecture 0.1 pour F2 , comme nous le faisons
remarquer à la n du troisième chapitre.
2
Table des matières
Introduction . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1 Algèbres de Banach
1.1
1.2
1.3
1.4
1.5
2
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4
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4
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7
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9
. 11
. 11
C ∗ -algèbres
12
2.1 C ∗ -algèbres de groupes . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 12
2.2 C ∗ -algèbres commutatives . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 13
2.3 Votre C ∗ -algèbre, avec ou sans unité ? . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 15
2.4
2.5
3
Exemples . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Spectre dans une algèbre de Banach unitale
Cas d'une algèbre commutative. . . . . . . .
Transformation de Gelfand . . . . . . . . .
Exexcices . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
1
Formes linéaires positives et représentations . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 18
Exercises . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 20
K -théorie
3.1
3.2
3.3
3.4
des C ∗ -algèbres
Dénitions et premières propriétés
Propriétés fondamentales . . . . . .
Sur la trace des idempotents . . . .
Exercices . . . . . . . . . . . . . .
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22
22
25
33
35
4 Modules de Fredholm
36
A Moyennabilité
43
B
46
4.1
4.2
4.3
Opérateurs de Fredholm . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 36
Modules de Fredholm et K -théorie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 38
∗ (F ) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 41
Idempotents de Cred
2
A.1 Dénitions de la moyennabilité . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 43
A.2 Non-moyennabilité du groupe libre . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 44
C ∗ -modules
B.1 Dénitions . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 46
B.2 Modules de Fredholm (bis) . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 49
B.3 Moyennabilité du groupe libre en K -théorie . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . 52
3
Chapitre 1
Algèbres de Banach
1.1 Exemples
Soit k un corps commutatif.
Dénition 1.1.
Une algèbre A sur k est la donnée sur l'ensemble A d'une structure d'anneau
et d'une structure d'espace vectoriel à gauche sur k telles que l'application produit
A×A→A
soit k -bilinéaire.
La structure d'anneau sous-jacente à une algèbre A ne possède pas nécessairement d'unité.
Si cela est le cas, l'algèbre est dite unitale.
Exemple 1.2. (Endomorphismes)
L'ensemble des matrices Mn (k) sur k est une algèbre sur k . Plus généralement, si V est un
espace vectoriel sur k , l'espace des endomorphismes End(V ) est une algèbre sur k . Le sousespace de Mn (k) formé des matrices triangulaires supérieures est une sous-algèbre.
Exemple 1.3. (Algèbres de fonctions)
Soit I un ensemble 1 . Les espaces suivants sont des algèbres pour la multiplication coordonnée
par coordonnée :
A = ⊕nj=1 k = {(xj )j=1,...,n ; xj ∈ k, j = 1, . . . , n} ,
A = ⊕i∈I k
= {(xi )i∈I ; xi ∈ Q
k, , xi = 0 pour tout i ∈ I sauf un nombre ni } ,
A = i∈I = {(xi )i∈I ; xi ∈ k, i ∈ I} .
(1.1)
Dans le deuxième de ces exemples, l'algèbre A est canoniquement isomorphe à l'algèbre des
fonctions à support ni sur I . L'espacePsous-jacent à cette algèbre est aussi noté k[I] et ces
éléments s'écrivent sous la forme a = i∈I ai ui où ui , i ∈ I , est la fonction caractéristique
de {i}. La famille (ui )i∈I est alors une base de k[I].
(Algèbres de fonctions continues)
Soit X un espace topologique localement compact et supposons que k est soit le corps des réels
1
ordonné ?
4
soit le corps des nombres complexes, munis de leur topologie habituelle. Les espaces suivants
sont des algèbres sur k :
Cc (X) ⊂ C0 (X) ⊂ Cb (X) .
(1.2)
L'image de chacune de ces inclusions est un idéal bilatére. Ces algèbres sont commutatives
et seule la dernière possède une unité, la fonction constante égale à 1. Ces inclusions sont
continues lorsque ces algèbres sont munies de la topologie uniforme, c'est-à-dire la topologie
donnée par la norme
kf k = supx∈X |f (x)| .
Si d'autre part l'espace topologique X est une variété alors Cc∞ (X) est une sous-algèbre dense
de Cc (X).
Exemple 1.4. (Algèbres de groupes)
Soit Γ un groupe. Soit
X
k[Γ] = {a =
aγ uγ ; aγ = 0 pour tout γ ∈ Γ sauf un nombre ni }
γ∈Γ
l'espace des fonctions à support ni sur Γ à valeurs dans k . Muni du produit induit par la
structure de groupe, i.e.
ug ug0 = ugg0 ,
cet espace devient une algèbre sur k .
Petit exercice. Écrire le produit pour des éléments quelconques.
Exemple 1.5.
Soit U le disque unité ouvert. L'espace A(U ) des fonctions holomorphes sur
U et continues sur U , muni de la multiplication point par point, est une algèbre.
Soit maintenant k = R ou k = C. Toutes les algèbres considérées sont alors des algèbres
sur k .
Dénition 1.6.
Une algèbre normée est une algèbre munie d'une norme vériant l'inégalité
kabk ≤ kak kbk
(a, b ∈ A) .
Une algèbre de Banach A est une algèbre normée complète.
Exemple 1.7.
Le corps k est une algèbre de Banach. Soit A une algèbre normée de norme
1
P
k·kA . On obtient une structure d'algèbre normée sur An (n ≥ 1) en posant k(ai )k = k a∗i ai kA2 .
Alors l'algèbre Mn (A), munie de la norme d'opérateurs
kM kop = supkxk=1 kM (x)k ,
est une algèbre normée. Soit H un espace de Hilbert. L'algèbre B(H) des opérateurs bornés sur
H est une algèbre normée pour la norme d'opérateurs.
Soit k = C.
5
Dénition 1.8.
Soit A une algèbre normée. Une application anti-linéaire ∗ : A → A est
appelée une involution lorsqu'elle est isométrique et qu'elle vérie, pour tous a, b ∈ A,
(a∗ )∗ = a et (ab)∗ = b∗ a∗ .
Une algèbre de Banach involutive est une C ∗ -algèbre lorsque, pour tout a ∈ A,
ka∗ ak ≥ kak2 .
(1.3)
L'autre inégalité étant toujours vraie, nous avons alors une égalité.
Remarque 1.9. Dans une algèbre normée involutive unitale, nous avons toujours k1k ≥ 1
car kxk = kx · 1k ≤ kxk k1k. On peut se ramener au cas où k1k = 1 au moyen la norme
équivalente dénie par kxk0 = supy, kyk≤1 kxyk.
Dans une C ∗ -algèbre on a automatiquement k1k = 1 car k1k2 = k1∗ 1k = k1k. D'ailleurs, on
verra par la suite (voir l'exercice 1.36) qu'il existe sur une algèbre de Banach involutive au
plus une norme qui en fait une C ∗ -algèbre. Ceci est dû au fait que LA norme d'une C ∗ -algèbre
contient des informations de nature uniquement algébrique. C'est toute la particularité des
C ∗ -algèbres parmi les algèbres de Banach.
Exemple 1.10.
posé
Les exemples 1.7 sont des C ∗ -algèbres. Pour M = (mij ) ∈ Mn (A) nous avons
(mij )∗ = m∗ji ,
et pour un opérateur borné T nous avons besoin de la proposition suivante.
Proposition 1.11.
Soit T un opérateur borné dans un espace de Hilbert H. Alors il existe un
unique opérateur borné T ∗ vériant
(T x|y) = (x|T ∗ y)
(x, y ∈ H) .
Cette proposition est une conséquence immédiate du théorème de représentation de Riesz
pour les formes linéaires continues sur un espace de Hilbert. En utilisant l'inégalité de CauchySchwarz, il vient alors pour tout x ∈ H,
kT xk2 = |(T x|T x)| = |(T ∗ T x|x)| ≤ kT ∗ T xkkxk ≤ kT ∗ T kkxk2 .
On en déduit immédiatement l'inégalité (1.3).
Exemple 1.12.
Si Γ est un groupe muni, de la mesure de dénombrement, l'algèbre
nX
o
X
l1 (Γ) =
aγ uγ ; la série
|aγ | converge.
γ∈Γ
est une algèbre de Banach involutive pour
X
∗ X
aγ uγ =
aγ uγ −1 ,
mais n'est pas une C ∗ -algèbre.
Exemple 1.13.
Les algèbres de fonctions dans les inclusions (1.2) sont des algèbres normées
involutives, avec f ∗ (x) = f (x). Celles qui sont complètes sont des C ∗ -algèbres.
Exemple 1.14.
L'algèbre A(U ) de l'exemple 1.5 n'est pas une sous-algèbre involutive (dire
pourquoi) de C(U ). Mais en prenant pour involution
f ∗ (z) = f (z) ,
nous obtenons une algèbre normée involutive (avec la topologie de la norme uniforme).
6
1.2 Spectre dans une algèbre de Banach unitale
Soit k = R ou k = C. Soit également A une algèbre de Banach unitale.
Proposition 1.15.
Si kxk < 1, alors 1 − x est inversible et (1 − x)−1 =
P n
En eet, la série
x est convergente et
(1 − x)
k
X
n
n≥0 x .
P
xn = 1 − xk+1 .
n=0
On conclut en passant à la limite.
Corollaire 1.16.
est continue.
L'ensemble des inversibles de A est ouvert dans A et l'application x 7→ x−1
Démonstration. Soit u inversible. Soit x tel que kxkku−1 k < 1. Tout d'abord u + x = u(1 +
u−1 x) est inversible d'après la proposition précédente. Ceci montre la première assertion. De
plus,
(u + x)−1 − u−1 = u−1
X
(−1)n (u−1 x)n .
n≥1
Donc,
k(u + x)−1 − u−1 k ≤ ku−1 k
1
−
1
.
1 − ku−1 xk
Nous en déduisons alors que
lim k(u + x)−1 − u−1 k = 0 .
x→0
Dénition 1.17.
Soit x ∈ A. Le spectre de x, noté 2 Sp x, est déni par
Sp x = {λ ∈ k ; x − λ n'est pas inversible} .
Remarquons tout d'abord que le spectre est fermé dans A d'après la proposition précédente.
Exemple 1.18.
Le spectre d'une matrice dans Mn (C) est l'ensemble de ses valeurs propres.
Théorème 1.19.
Soit x ∈ A. Le spectre de x est compact et la fonction
λ 7→ (x − λ)−1
est analytique sur k \ Sp x et tend vers 0 à l'inni. En particulier, Sp x est non-vide. De plus,
1
supλ∈Sp x |λ| = limn→∞ kxn k n .
La démonstration nécéssite le lemme suivant.
Lemme 1.20.
converge et
1
Soit (vn ) une suite de réels positifs telle que vn+m ≤ vn vm . Alors la suite (vnn )
1
1
lim vnn = inf∗ vnn
n→∞
2
n∈N
Lorsque cela est nécessaire ou aide à la clarté du texte, le spectre de x ∈ A sera aussi noté SpA x.
7
Démonstration. Fixons m et écrivons pour tout n ≥ m, n = p(n)m + q(n). Nous avons alors,
1
vnn
1
1
n
n
vq(n)
≤ vp(n)m
p(n)
1
n
≤ vmn vq(n)
Comme q(n) est borné et
p(n)
n
→n→∞ m, il vient
1
1
m
lim sup vnn ≤ vm
(∀m ≥ 1) .
La conculsion résulte alors de cette inégalité.
Démonstration. (Théorème 1.19) Si λ ∈ C est tel que |λ| > kxk, alors kx/λk < 1 et donc
1 − λx est inversible. Donc le spectre est borné. Soit λ0 ∈
/ Sp x et considérons un disque ouvert
de centre λ0 assez petit. Il faut montrer que dans tel disque (à déterminer), l'application
λ → (x − λ)−1 est une série entière en z = λ − λ0 . Nous avons alors
−1
(x − λ)−1 = (x − λ0 − z)−1 = (x − λ0 )−1 1 − (x − λ0 )z
.
−1
Choisissons alors λ tel que 1 − (x − λ0 )z
soit inversible, ce choix permettant alors d'ecrire
−1 X
1 − (x − λ0 )−1 z
=
(x − λ0 )−n z n .
n≥0
Nous avons donc montré l'analyticité. Comme il est évident que l'application λ 7→ (x − λ)−1
tend vers 0 à l'inni et n'est pas nulle, le spectre est nécessairement non-vide d'après le
théorème de Liouville.
Soient mainenant λ ∈ k et r > 0 tels que
1
1
|λ| > r ≥ lim kxn k n = inf kxn k n .
(1.4)
Montrons que x − λ est inversible. Comme x − λ = λ(x/λ − 1), il sut de montrer que la série
P
x/λ converge normalement. Or ceci est une conséquence de l'équation (1.4).
La démonstration sera terminée lorsque nous aurons démontré que
1
ρ(x) = sup |λ| ≥ lim kxn k n .
n→∞
λ∈Sp x
Soit λ > supλ∈Sp x |λ|. Comme le passage à l'inverse dans k est aussi analytique, l'application
µ0 =
1
7→ −µ0 (1 − µ0 x)−1 = (x − λ0 )−1
λ0
est analytique sur un voisinage de µ = λ1 . Nous en déduisons que pour µ < 1/ρ(x), la série
P
1
(µx)n converge. Par conséquent, k(µx)n k < 1, soit |µ|kxn k n < 1, pour tout µ < 1/ρ(x).
D'où,
1
lim kxn k n ≤ 1/|µ| (µ < 1/ρ(x)) .
n→∞
1
Il suit limn→∞ kxn k n ≤ ρ(x), ce qui achève la démonstration.
Corollaire 1.21.
Soit A une algèbre de Banach sur C. Si A est un corps, alors A = C.
Démonstration. Soit x 6= 0. Comme le spectre de x est non-vide, choisissons λ ∈ Sp x. Alors,
x − λ = 0 car A est un corps.
8
1.3 Cas d'une algèbre commutative.
Soit A une algèbre de Banach commutative et unitale.
Dénition 1.22.
Un caractère χ de A est un morphisme d'algèbres unitales
χ: A → C .
En particulier, χ(1A ) = 1. L'ensemble des caractères est noté X(A) et s'appelle le spectre de
A.
Exemple 1.23.
l'application
Soit A = C(X), où X est un espace topologique compact. Pour tout x ∈ X ,
χx : f 7→ f (x)
(f ∈ C(X)) ,
est un caractère.
Théorème 1.24.
Tout caractère χ de A est continu de norme kχk ≤ 1.
La démonstration repose sur la proposition suivante.
Proposition 1.25.
Soit x ∈ A. Les assertions suivantes sont équivalentes :
(i) x n'est pas inversible,
(ii) Il existe un caractère χ de A tel que χ(x) = 0.
Dans le sens (ii)⇒(i), c'est une conséquence facile de la dénition. Montrons (i)⇒(ii).
Considérons l'application
X(A) −→ {idéaux maximaux de A}
χ
7−→ ker χ .
Le lecteur vériera facilement que cette application est bien dénie et qu'elle est bijective
(exhiber la réciproque en utilisant le corollaire 1.21). D'autre part, remarquons qu'un idéal
maximal est fermé car son adhérence est un idéal distinct de A (les idéaux distincts de A
ne contiennent pas d'éléments inversibles et ceux-ci forment un ouvert). L'élément x n'est
pas inversible et est donc contenu dans un idéal maximal I = ker χ. La proposition est donc
démontrée.
Nous en déduisons le théorème comme ceci. Tout d'abord, pour tout caractère χ, χ(x −
χ(x)) = χ(x) − χ(x) = 0, donc χ(x) ∈ Sp x d'après la proposition précédente. Le théorème
1.19 implique alors |χ(x)| ≤ kxk. Ceci achève la démonstration du théorème 1.24.
Nous avons montré que le spectre de A était contenu dans la boule unité du dual topologique de A. Cette boule est compacte pour la topologie faible (donnée par la convergence
simple). Or le spectre est fermé dans cette boule pour cette topologie car, pour tous x, y ∈ A,
les applications
χ 7→ χ(xy) − χ(x)χ(y) ,
χ 7→ χ(1) ,
sont continues sur la boule. Nous avons donc montré que muni de cette topologie, l'espace
X(A) est compact.
Nous sommes maintenant prêts à identier les idéaux d'une algèbre de Banach commutative de la forme A = C(X) pour un espace compact X . Nous en déduisons que tous les
caractères de C(X) sont les caractères donnés dans l'exemple 1.23.
9
Théorème 1.26.
Il y a une bijection entre l'ensembles des idéaux fermés de A et les parties
fermées de X . Plus précisément les applications
F
J
7−→ I(F ) = {f ∈ A ; f |F = 0} et
7−→ Z(J) = {x ∈ X ; f (x) = 0 pour tout f ∈ J}
sont réciproques l'une de l'autre.
Démonstration. Remarquons tout d'abord que ces applications sont bien dénies. Nous devons
montrer d'une part que Z(I(F )) = F et que I(Z(J)) = J . Commençons par montrer la
premère égalité. Nous avons F ⊂ Z(I(F )) par dénition. Soit x ∈
/ F . D'après le lemme
d'Urysohn, il existe une fonction f nulle sur F telle que f (x) 6= 0. Donc x ∈
/ Z(I(F )) et la
première égalité est démontrée.
Le seconde égalité est plus délicate, mais par dénition nous avons déjà J ⊂ I(Z(J)).
Soit F = Z(I) et f ∈ I(F ) une fonction s'annulant sur F . Nous allons construire une suite
(fn ) ⊂ J de fonctions qui converge uniformément vers f . Nous pourrons alors en déduire que
f ∈ J.
Pour tout n ≥ 1, posons
Yn =
1
x ∈ X ; |f (x)| ≥
n
.
Alors Yn est une partie compacte de X qui n'intersecte pas F . Donc pour tout x ∈ Yn il existe
une fonction fx ∈ J non-nul en x. Sans perte de généralité on peut supposer que |fx (x)| > 1.
En particulier il existe un voisinage ouvert Vx de x sur lequel le module de f est strictement
supérieur à 1. On peut aussi supposer que f est à valeurs réelles positives, quitte à prendre
f f , et la propriété sur le module de f reste vraie. On extrait un sous-recourement
ni de
P
Yn = ∪Vx pour obtenir des fonctions f 1 , . . . , f kn . On pose alors gn = f k et
fn =
1
n
gn
·f.
+ gn
Les fonctions fn sont dans J par construction car J est un idéal. Il reste à montrer que la
convergence uniforme de la suite (fn ) vers f . Soit ε > 0. Sur Yn , on montre que
|f − fn | ≤
1/n
< ε,
1 + 1/n
(pour n assez grand) ,
tandis que sur le complémentaire de Yn , |f | ≤ 1/n < ε et donc |f − fn | < 2ε. En résumé, la
suite (fn ) ⊂ J converge uniformément vers f , et nalement f ∈ J . Ceci achève la preuve de
la deuxième égalité.
Corollaire 1.27.
Les idéaux maximaux de A = C(X) sont en bijection avec les points de X .
Nous avons vu que les idéaux maximaux de A était en bijection avec les caractères de A,
doù une bijection entre X et les caractères de A. Ces derniers espaces étant compacts, cette
bijection est un homéomorphisme si et seulement si elle est continue. Or si f est continue sur
X , l'application x 7→ χx (f ) est continue. Nous avons donc montré le théorème suivant.
Théorème 1.28.
Soit X un espace topologique compact. Soit A = C(X). L'application qui à
x ∈ X fait correspondre le caractère χx de A, déni par χx (f ) = f (x), est un diéomorhisme.
10
1.4 Transformation de Gelfand
Soit A une algèbre de Banach commutative unitale.
Dénition 1.29.
Soit x ∈ A. On appelle transformée de Gelfand x, la fonction x̂ sur l'espace
X(A) des caractères de A dénie par
x̂(χ) = χ(x) .
Proposition 1.30.
L'application
G : A −→ C X(A)
x 7−→ x̂ ,
est un morphisme d'algèbres de Banach de norme ≤ 1.
1.5 Exexcices
Exercice 1.31.
Soient B une algèbre de Banach avec unité, A une sous-algèbre de B contenant l'unité, et munie d'une norme qui en fait une algèbre de Banach, vériant en outre, pour
tout x ∈ A, kxkA ≥ kxkB . On dit que A est pleine dans B si pour tout x ∈ A, SpA x = SpB x.
Considérons l'hypothèse
(H)
Pour tout x ∈ A , ρA (x) = ρB (x) .
1. Montrer que si A est dense dans B et vérie (H), alors A est pleine dans B .
2. Supposons de plus que B est une C ∗ -algèbre et que A est une sous-algèbre involutive.
Montrer que si A vérie (H), alors A est pleine dans B . (On se ramènera au cas d'un
élément autoadjoint x puis on considérera le rayon spectral de (i + x)−1 ).
3. Si A est une sous-algèbre de B munie de la norme induite, montrer que A vérie (H).
Exercice 1.32.
Soit a ∈ Mn (A). Les assertions suivantes sont équivalentes.
(i) Pour tout z ∈ S 1 , 1 − a + za est inversible ;
(ii) Sp a ∩ {λ ∈ C , Re λ = 1/2} = ∅ .
Exercice 1.33. Soit A une algère de Banach. Démontrer que la boule unité du dual topologique
de A, munie de la topologie faible, est compacte.
Exercice 1.34.
Exercice 1.35.
Vérier la proposition 1.30.
Soient V un espace vectoriel complexe, T un endomorphisme de V et A la
sous-algèbre de End(V ) engendrée par T et Id.
1. Montrer que le spectre de A est l'ensemble des valeurs propres de T .
2. Montrer que le noyau de la transformation de Gelfand G est engendré par les projections
sur les blocs de Jordan de T .
Exercice 1.36.
Montrer que tout morphisme (involutif ) de C ∗ -algèbres est continue de norme
≤ 1. On pourra commencer par montrer que si x = x∗ est autoadjoint, alors ρ(x) = kxk.
Exercice 1.37.
Montrer que le spectre d'un élément unitaire (u∗ u = uu∗ = 1) est contenu
dans le cercle unité. En déduire que le spectre d'un élément autoadjoint x est contenu dans R.
On pourra poser u = exp ix, après avoir déni l'exponentielle.
11
Chapitre 2
C ∗-algèbres
Dans ce chapitre, nous montrons que dans le cadre des C ∗ -algèbres, la transformation
de Gelfand est un isomorphisme. Nous en protons alors pour étudier les groupes abéliens
localement compacts de ce point de vue, et nous décrivons les idemotents de la C ∗ -algèbre
maximale ou réduite du groupe Z. Dans le cas non-commutatif, les caractères ne susent plus
à décrire une C ∗ -algèbre et il faut introduire la notion de représentation. Nous parvenons alors
à représenter toute C ∗ -algèbre comme algèbre d'opérateurs dans un espace de Hilbert.
2.1 C ∗-algèbres de groupes
Un tel exemple fondamental pour la suite de ce cours, et que nous avons évoqué ci-avant,
est celui des C ∗ -algèbres associées à un groupe. Nous avons déjà construit pour tout groupe
discret Γ l'algèbre de Banach l1 (Γ) et nous avons remarqué que cette algèbre n'était pas une
C ∗ -algèbre en général. Nous pouvons aussi construire l'espace de Hilbert l2 (Γ) des fonctions de
carré intégrable sur Γ. Soit δx , (x ∈ Γ) la masse de Dirac en x ∈ Γ. Cette famille de fonctions
forme une base hilbertienne de l2 (Γ). Rappelons encore que U(H) désigne l'ensemble des
opérateurs unitaires de l'espace de Hilbert H. Le groupe Γ agit par translation à gauche sur
l'espace de Hilbert l2 (Γ) de la façon suivante.
λ
Γ −→ U(H) ,
λ(γ)δx = δγx .
Cette représentation de Γ s'appelle la représentation régulière gauche de Γ. Prolongeons par
linéarité cette représentation à l'algèbre CΓ. Nous obtenons alors un morphisme d'algèbres
involutives, encore noté λ,
λ : CΓ → B(H) .
Proposition 2.1.
Ce morphisme se prolonge à l1 (Γ) en un morphisme injectif d'algèbres de
Banach involutives.
Dénition 2.2.
L'adhérence de l'image de l1 (Γ) dans B(H) est une C ∗ -algèbre, appelée C ∗ ∗ (Γ).
algèbre réduite de Γ et noée Cred
Le but de ce cours est de montrer que lorsque Γ = F2 est un groupe libre sur deux
générateurs, cette C ∗ -algèbre ne possède pas d'idempotent (i.e. un élément vériant e2 = e)
autre que 0 et 1.
12
Une autre C ∗ -algèbre importante associée à un groupe Γ est la C ∗ -algèbre maximale (certains disent pleine ) de Γ. Il s'agit d'un cas particulier d'une construction qui à toute
algèbre de Banach involutive A associe de façon canonique une C ∗ -algèbre, dite C ∗ -algèbre
enveloppante de A.
Dénition 2.3.
Une C ∗ -semi-norme p sur une algèbre de Banach involutive A est une seminorme sous-multiplicative vériant en outre, pour tout x ∈ A,
p(x∗ x) = p(x)2 et
p(x∗ ) = p(x) .
Proposition 2.4.
La donnée d'une C ∗ -semi-norme sur A est équivalente à la donnée d'un
couple (B, ϕ), où B est une C ∗ -algèbre et ϕ : A → B est un morphisme d'algèbres de Banach
involutives.
Remarquons que l'ensemble S des C ∗ -semi-normes n'est pas vide car il contient 0. Nous
pouvons donc considérer la plus grande semi-norme p∗ (x) = supp∈S p(x). La C ∗ -algèbre obtenue à partir de cette semi-norme est la C ∗ -algèbre enveloppante C ∗ (A) de A. Il suit la
propriété universelle suivante : tout morphisme d'algèbres de Banach involutives A → B dans
une C ∗ -algèbre B se factorise en un morphisme de C ∗ -algèbres C ∗ (A) → B . Dans le cas de
l'algèbre l1 (Γ), nous appelons cette C ∗ -algèbre la C ∗ -algèbre maximale de Γ et nous écrivons
∗ (Γ) = C ∗ (Γ). Nous obtenons en particulier un morphisme surjectif
Cmax
∗
∗
(Γ) .
λ : Cmax
(Γ) −→ Cred
2.2 C ∗-algèbres commutatives
Rappelons que la transformation de Gelfand a été dénie page 11.
Théorème 2.5.
Soit A une algèbre de Banach involutive unitale et commutative.
1) La transformation de Gelfand est d'image dense.
2) Si A est une C ∗ -algèbre, tous les caractères de A sont hermitiens, i.e.
χ(x∗ ) = χ(x) ,
x ∈ A , χ ∈ X(A) .
3) Si A est une C ∗ -algèbre, la tranformation de Gelfand est une isométrie.
Corollaire 2.6.
(théorème de Gelfand)
Soit A une C ∗ -algèbre commutative avec élément unité. Alors la transformation de Gelfand
G : A −→ C(X(A))
est un isomorphisme.
Démonstration. (théorème 2.5)
1) Si x est autoadjoint, son spectre est réel et donc χ(x) est réel pour tout caractère. Par
conséquent, χ(x∗ ) = χ(x) = χ(x). Dans
on écrit x = a + ib où a et b sont deux
le cas gén'eral,
éléments autoadjoints : x = 12 x+x∗ + 2i ix∗ −ix . Il vient alors, χ(x∗ ) = χ(a)−iχ(b) = χ(x).
2) L'image G(A) de la transformation de Gelfand est une sous-algèbre stable par involution
d'après 1) de C(X(A)). De plus, cette sous-algèbre sépare les points. D'après le théorème
de Stone-Weierstrass, elle est dense.
13
3) Remarquons que kx̂k = supχ∈X(A) |χ(x)| = ρ(x), d'après la proposition 1.25. Par conséquent, en utilisant l'indication de l'exercice 1.36, il vient
kˆ(x)k2 = kxˆ∗ xk = ρ(x∗ x) = kx∗ xk = kxk2 .
Démonstration. (corollaire)
Si x̂n converge vers f ∈ C(X(A)), alors, comme par ailleurs nous avons kxn −xm k = kx̂n − x̂n k,
nous concluons que la suite xn converge vers x ∈ A.
Soit Γ un groupe (discret) abélien dénombrable. Soit U (1) le cercle unité, muni de sa
structure de groupe topologique.
Dénition 2.7.
Un caractère de Γ est un morphisme de groupes
χ : Γ → U (1) .
L'ensemble des caractères est noté Γ̂. Lorsqu'il est muni de la topologie de la convergence
simple, cet ensemble s'appelle le dual de Γ.
Par exemple, le lecteur vériera que le dual de Z est le cercle S 1 .
Théorème 2.8.
de
l1 (Γ)
L'application, qui à tout caractère χ de Γ fait correspondre le caractère ξχ
déni par
X
X
ξχ (f ) =
fγ χ(γ) , (f =
fγ uγ ) ,
γ∈Γ
est un homéomorphisme.
Démonstration. Pour la continuité, il sut d'appliquer le théorème de convergence dominée.
Remarquons que
ξχ (uγ f ) = χ(γ)ξχ (f ) .
(2.1)
Montrons l'injectivité. Soient deux caractères χ1 , χ2 tels que 0 6= ξχ1 = ξχ2 . Soit une fonction
f telle que ξχ1 (f ) 6= 0. D'après l'équation (2.1), nous avons pour tout γ ∈ Γ, χ(γ)ξχ1 (f ) =
ξχ1 (uγ f ) = ξχ2 (uγ f ) = χ(γ)ξχ2 (f ). En simpliant, il ressort que nous avons montré l'injectivité. Soit maintemant ξ un caractére de l1 (Γ) non nul. Soit f une fonction telle que χ(f ) 6= 0.
Alors,
χ(γ) =
ξ(uγ f )
,
ξ(f )
ne dépend pas de f et est un caractère de Γ. L'application ainsi obtenue est l'inverse recherché.
Il reste à remarquer que cet inverse est continu par dénition.
Nous obtenons ainsi un morphisme d'algèbres de Banach
l1 (Γ)
P
a = aγ uγ
−→ C(Γ̂)
P
7−→
F(a) : χ 7→
aγ χ(γ) .
Ce morphisme, ainsi que son extension à la C ∗ -algèbre maximale de Γ, est appelé transformation de Fourier.
14
Théorème 2.9.
∗ (Γ) → C(Γ̂) est un isomorphisme.
La transformation de Fourier F : Cmax
∗ (Γ)). Nous
Démonstration. Comme F = G , il faut montrer que Γ̂ est homéomorphe à X(Cmax
1
∗
1
savons déjà que Γ̂ est homéomorphe à X(l (Γ)), et que X(Cmax (Γ)) ⊂ X(l (Γ)) est constitué
de caractères hermitiens de l1 (Γ) et cette inclusion est continue. Or par densité tous les
∗ (Γ). De plus, les caractères de
caractères hermitiens de l1 (Γ) peuvent être prolongés à Cmax
l1 (Γ) sont tous hermitiens car ξ(u∗γ ) = χξ (γ −1 ) = χξ (γ) = ξ(uγ ). Cette bijection est donc une
bijection continue entre espaces compacts ; c'est un homéomorphisme.
Corollaire 2.10.
autre que 0 et 1.
∗ (Z) ne possède pas d'idempotent (e2 = e) non-trivial, i.e.
La C ∗ -algèbre Cred
En eet, comme les groupes abéliens sont moyennables, nous avons,d'après le théorème
A.4, des isomorphismes,
F
λ
∗
∗
Cred
(Z) ←− Cmax
(Z) −→ C(S 1 ) .
En outre, il est clair que C(S 1 ) ne possède pas d'idempotent non-trivial. Nous avons maintenant atteint notre objectif pour le groupe libre sur 1 générateur.
2.3 Votre C ∗-algèbre, avec ou sans unité ?
La plupart des résultats importants que nous avons obtenus jusqu'ici concernent les C ∗ algèbres avec unité. Pour traiter le cas des C ∗ -algèbres sans unité, nous allons disposer de
deux stratégies. La plus simple va simplement consister à ajouter une unité aux algèbres qui
n'en possèdent pas. Cette technique fera l'aaire pour les questions spectrales par exemple.
Une technique plus élaborée consistera á approximer une unité. Cela permettra par exemple
de donner une structure de C ∗ -algèbre sur un quotient. Cette notion est également utile pour
traiter des algèbres des groupes localement compacts non-discrets, par exemple pour démontrer
le théorème 2.8 dans ce cadre.
Proposition 2.11.
Soit A une algèbre sur un corps (commutatif ) k . Alors il existe une unique
k -algèbre unitale à telle que
A soit un idéal bilatère de à ;
l'on ait un isomorphisme Ã/A = k .
En eet, si à existe, alors tout élément s'écrit sous la forme λ · 1 + x. De plus cette écriture
est unique d'après la deuxième condition. Par conséquent, l'existence de à implique à = A⊕C
comme espace vectoriel. Les relations x · 1 = 1 · x = x doivent être également vériées, ce qui
impose une unique strucure de produit.
Si φ : A → B , alors il existe un unique morphisme d'algèbres unitales φ̃ : Ã → B̃ qui
prolonge φ. Lorsque k = C, alors une involution de A impose une unique involution sur Ã.
Elle est dénie par (λ + x)∗ = λ + x∗ . De même, si A est une algèbre de Banach, alors à est
une algèbre de Banach, par exemple pour la norme
kλ + xkà = |λ| + kxk .
Cependant, si A est une C ∗ -algèbre, cette norme ne fait pas de à une C ∗ -algèbre en général.
Proposition 2.12.
Soit A une C ∗ -algèbre. Alors à est une C ∗ -algèbre.
15
Pour montrer ce résultat, on dénit une norme (sous-multiplicative !) par
kλ + xkà =
sup
k(λ + x)yk .
y∈Akyk≤1
Il est alors aisé de vérier que cette norme fait de à une C ∗ -algèbre.
Nous pouvons maintenant nous intéresser aux spectres.
Dénition 2.13.
Sp0A x
Soient A une algèbre de Banach et x ∈ A. Si A n'a pas d'unité, on pose
= Spà x. Si A possède une unité, on pose Sp0A x = Spà x ∪ {0}.
Notons que 0 ∈ Sp0A x. Soit A une algèbre de Banach commutative. Soit X 0 (A) l'ensemble
des morphismes d'algèbres A → C. Remarquons que cet ensemble est en bijection avec X(Ã),
et le morphisme nul de A → C correspond à la projection canonique à → Ã/A = C. De
plus, si A possède une unité, alors X 0 (A) = X(A) ∪ {0}. Ceci nous conduit à poser, pour une
C ∗ -algèbre commutative A sans unité,
X(A) = X 0 (A) \ {0} .
Proposition 2.14.
L'espace X(A) est localement compact. Il est compact si et seulement si
A est unitale. Dans tous les cas, l'espace X 0 (A) est le compactié d'Alexandro de X(A). Nous pouvons résumer tout le travail eectué jusquà présent sur les C ∗ -algèbres commutatives
comme suit.
Théorème 2.15.
Soit A une C ∗ -algèbre commutative. Notons iA l'inclusion de A dans à et
considérons l'idéal de C(X 0 (A)) = C(X(Ã)) déni par C0 (X(A)) = {f ∈ C(X 0 (A)) ; f (0) =
0}. Alors la transformation de Gelfand G = G̃ ◦ iA est un isomorphisme de A sur C0 (X(A)).
Une façon d'énoncer ce théorème est de dire que la transformation de Gelfand établit une
équivalence de catégorie entre la catégorie des C ∗ -algèbres commutatives, munies des morphismes d'algèbres involutives, vers la catégorie des espaces topologiques localement compacts,
munie des applications continues propres. Ce foncteur contravariant A 7→ X(A) commute au
foncteur qui fait correspondre à la catégorie des C ∗ -algèbres avec unité, munies des morphismes
unitaux, la catégorie des espaces compacts, munis des applications continues, via le foncteur
d'adjonction d'une unité.
Nous avons vu en démontrant le théorème de Gelfand que les éléments de la forme x∗ x
jouaient un rôle important dans les C ∗ -algèbres commutatives. C'est grâce à un contrôle de la
norme de ces éléments, qui n'existe pas dans les algèbres de Banach involutives quelconques,
que nous avons pu montré que la transformation de Gelfand était isométrique. Il apparaît
donc important détudier ces éléments dans le cadre des C ∗ -algèbres quelconques.
Soit A une C ∗ -algèbre.
Dénition 2.16.
écrit x ≥ 0.
Un élément autoadjoint x ∈ A est dit positif lorsque Sp x ⊂ [0, +∞]. On
16
Lemme 2.17.
[Dix96, Ped79] L'ensemble A+ des éléments positifs est un demi-cône convexe
fermé saillant. Autrement dit,
(i) si λ ≥ 0 et x ∈ A+ , alors λx ∈ A+ ;
(ii) si x, y ∈ A+ , alors x + y ∈ A+ ;
(iii) A+ est fermé dans A ;
(iv) si x ∈ A+ et −x ∈ A+ , alors x = 0.
Théorème 2.18. Soit x ∈ A un élément autoadjoint. Les assertions suivantes sont équivalentes :
(i) x ≥ 0 ;
(ii) il existe un autoadjoint y tel que x = y 2 ;
(iii) il existe un autoadjoint y tel que x = y ∗ y .
Démonstration. (i) ⇔ (ii). Soit x ∈ A+ . Alors la C ∗ -algèbre engendrée par x dans A est
isomorphe à C(Sp x) et Sp x ⊂ R+ . Par conséquent, on peut donner un sens à l'expression
y = x1/2 . Alors x = y 2 .
(ii) ⇒ (iii). C'est évident.
(iii) ⇒ (i).
Soit x = y ∗ y . Montrons que x ≥ 0. Comme x est autoadjoint, on peut voir x comme une
fonction à valeurs réelles. Par conséquent, nous pouvons écrire x = x+ − x− , avec x± ≥ 0 et
1/2
x+ x− = 0. Il faut montrer que x− = 0. Soit z = yx− . Alors,
1/2
1/2
1/2
1/2
z ∗ z = x− y ∗ yx− = x− (x+ − x− )x− = −x− ≤ 0 .
(2.2)
Écrivons maintenant z = a + ib avec a, b autoadjoints. Alors, un calcul simple montre que
z ∗ z + zz ∗ = 2(a2 + b2 ) ∈ A+ ,
car A+ est un demi-cône. Donc, zz ∗ = (zz ∗ +z ∗ z)−z ∗ z ≥ 0. Cette équation et l'équation (2.2),
combinées avec le fait que Sp xy = Sp yx, impliquent que z ∗ z = zz ∗ = 0. D'où x− = 0.
Dénition 2.19.
Soit A une C ∗ -algèbre. Une approximation (dénombrable) de l'unité est une
famille un d'éléments positifs (cf. dénition 2.16) de A tels que
kun k ≤ 1 ;
si m ≤ n , alors um ≤ un ;
lim kun x − xk = lim kxun − xk = 0
(x ∈ A) .
Proposition 2.20.
Soient A une C ∗ -algèbre séparable et m un idéal bilatére dense de A. Alors
il existe une approximation de l'unité de A, composée d'éléments de m.
Grâce à cette notion, nous pouvons maintenant montrer que le quotient d'une C ∗ -algèbre
par un idéal fermé est une C ∗ -algèbre.
Théorème 2.21.
Soient A une C ∗ -algèbre et I un idéal bilatère fermé.
(i) I est autoadjoint ;
(ii) A/I est une C ∗ -algèbre.
17
Démonstration. Soit un une unité approchée de I . La première partie est aisée. En eet, nous
avons par exemple
kx∗ un − x∗ k = kxun − xk → 0 ,
Ceci implique que A/I est une algèbre involutive. La norme sur A/I est obtenue en posant
(comme d'habitude)
kxkA/I = inf kx + yk .
y∈I
Pour montrer que A/I est une
En eet,
C ∗ -algèbre
commen
ons par montrer que kxk = lim kx − xun k
lim sup kx − xun k = lim sup kx − xun + y − un yk
= lim sup k(x + y)(1 − un )k
≤ kx + yk ≤ kxk ,
(y ∈ I)
(dans Ã)
et, par conséquent,
kxk ≥ lim sup kx − xun k ≥ lim inf kx − xun k ≥ inf kx + yk = kxk .
y∈I
Maintenant,
kxk2 = lim kx − u2n xk = lim k((x − un x)∗ (x − un x))k =
lim kx∗ x + z − zun − x∗ un x − x∗ un x − un z + un zun + x∗ u2n xk =
lim kx∗ (1 − un )(1 − un )x + (1 − un )z(1 − un )k =
lim k(1 − un )(x∗ x + z)(1 − un )k ≤ kx∗ x + zk
2.4 Formes linéaires positives et représentations
Dénition 2.22.
Une forme linéaire positive ϕ sur A est une forme linéaire telle que, pour
tout x ≥ 0, on ait ϕ(x) ≥ 0.
Une forme linéaire positive est automatiquement continue (exercice 2.31). Soit ϕ une forme
linéaire positive sur une C ∗ -algèbre A. Alors l'application
( | )ϕ : A × A −→ C
(x, y) 7−→ (x|y)ϕ = ϕ(x∗ y) ,
est une forme hermitienne positive. D'après l'exercice 2.32, l'ensemble
C(ϕ) = {x ∈ A ; (x∗ |x)ϕ = 0}
est un sous-espace vectoriel fermé de A. Par passage au quotient, nous obtenons donc un
espace préhilbertien, dont le complété est noté Hϕ .
Appelons représentation un morphisme de C ∗ -algèbres A → B(H). Une représentation
est dite non-dégénérée s'il existe un vecteur ξ ∈ H tel que les vecteurs π(a)ξ , pour a ∈ A,
engendrent un sous-espace dense de H.
18
Proposition 2.23.
Pour tout a ∈ A, l'application
La : A/C(ϕ) −→ A/C(ϕ)
b 7−→ ab
est bien dénie, linéaire continue, et dérmine par prolongation une représentation de A dans
B(Hϕ ).
Cette construction est dûe à Gelfand, Naimark et Segal. On dit souvent la construction
GNS pour nommer cette construction qui associe une représentation à une forme linéaire
positive. Il sut de remarquer qu'une forme linéaire positive préserve le sens des inégalités, et
d'utiliser l'exercice 2.30, équation (2.3).
Soit ϕ une forme linéaire positive. Pour a ∈ A, notons a → ξa l'application canonique. Si
un est une approximation de l'unité dans A, alors (ξun ) converge vers un vecteur unitaire que
l'on note ξϕ . D'autre part, pour tout a ∈ A, πϕ (a)ξϕ = ξa , comme nous le voyons par passage
à la limite. Ceci montre que la représentation πϕ est non-dégénérée. D'autre part, nous avons
par dénition
ϕ(a) = π(a)ξϕ |ξϕ
ϕ
,
(a ∈ A) .
En résumé nous avons montré le théorème suivant.
Théorème 2.24.
La construction GNS établit une bijection entre l'ensemble des formes linéaires positives sur A, et l'ensemble des (classes d'isomorphisme de) triplets (H, π, ξ), où H
est un espace de Hilbert, π une représentation de A sur H, non-dégénérée, et ξ un vecteur
unitaire totalisateur (i.e. l'ensemble {π(a)ξ, a ∈ A} est dense dans H).
Nous avons vu que toute forme linéaire positive était continue. D'autre part, d'aprés l'inégalité de Cauchy-Schwarz (exercice 2.32), si A est unitale, |ϕ(x)|2 ≤ ϕ(1)2 ϕ(x∗ x) ≤ ϕ(1)2 kxk2 .
Par conséquent, kϕk ≤ ϕ(1) ≤ kϕkk1k = kϕk. Donc kϕk = ϕ(1). Montrons que ces deux
propriétés caractérisent les formes positives sur une C ∗ -algèbre unitale.
Proposition 2.25.
Soient A une C ∗ -algèbre unitale et ϕ une forme linéaire. Les assertions
suivantes sont équivalentes.
(i) ϕ est positive ;
(ii) ϕ est continue et kϕk = ϕ(1).
Démonstration. On peut supposer que ϕ est non-nulle, puis que ϕ(1) = 1. Montrons que ϕ
est une forme hermitienne. Soit x ∈ A un élément autoadjoint, tel que kxk ≤ 1. Alors,
kx + ink2 = k(x + in)∗ (x + in)k = kx∗ x + n2 k ≤ 1 + n2 ,
(n ∈ Z) .
Il vient donc,
1 + n2 ≥ |ϕ(x + in)|2 = ϕ(x)ϕ(x) + n2 − 2nImϕ(x) ,
Ceci implique ϕ(x) ∈ R. Supposons mainteant que x ≥ 0. Il vient,
ϕ(x) − kxk ≤ x − kxk ≤ kxk .
D'où, ϕ(x) ≥ 0.
Une forme linéaire ϕ est normalisée lorsque kϕk = 1.
19
(n ∈ Z) .
Théorème 2.26.
Soit A une C ∗ -algèbre et a ∈ A un élément autoadjoint. Alors il existe une
forme linéaire positive ϕa , normalisée, telle que |ϕa (a)| = kak.
Une forme linéaire positive normalisée est appelée un état. Nous notons S(A) l'ensemble
des états sur A.
Démonstration. Comme la restriction d'une forme linéaire positive à une sous-algèbre involutive est encore une forme linéaire positive, on peut supposer que A est unitale. Soient a ∈ A
un élément positif et B la sous-C ∗ -algèbre engendrée par a. Alors kak = supϕ∈S(B) |ϕ(a)|.
Comme S(B) est compact, ce supremum est atteint par un état χa . D'après le théorème de
Hahn-Banach, on peut prolonger χa en une forme linéaire continue ϕa sur A de même norme
que χa . D'après la proposition 2.25, la forme linéaire ϕ est un état tel que |ϕa (a)| = kak.
Corollaire 2.27.
Pour toute C ∗ -algèbre séparable A, il existe une représentation dèle de A
dans un espace de Hilbert séparable.
Démonstration. On peut supposer que A est unitale car A s'injecte dans Ã. Pour tout a ∈ A
autoadjoint, choisissons un état (une forme linéaire positive normalisée) ϕ, telle que ϕ(a∗ a) =
kak2 , comme le permet le théorème. Soit (Ha , πa ) la représentation obtenue par la construction
GNS. Alors,
kak = kakϕa = kπa (a) · 1kϕa ≤ kπa (a)k ≤ kak .
Par conséquent, kπa (a)k = kak. Soit an une suite dénombrable dense d'éléments de A. Considérons maintenant la représentation
(H = ⊕n Han , ⊕n πan ) .
Cette somme est une somme hilbertienne. La représentation ainsi obtenue convient.
2.5 Exercises
Exercice 2.28.
Soit X un espace topologique compact. Déterminer les idempotents de C(X).
Exercice 2.29.
Montrer qu'un morphisme injectif entre deux C ∗ -algèbre est une isométrie.
On pourra commencer par étudier la sous-C ∗ -algèbre engendrée par un élément hermitien
(x∗ x = xx∗ ).
Exercice 2.30.
Soit x, y ∈ A deux éléments autoadjoints. Montrer que −kxk ≤ x ≤ kxk.
Supposons que x ≤ y . Montrer que pour tout a ∈ A, on a axa∗ ≤ aya∗ . En déduire que
x∗ y ∗ yx ≤ kyk2 x∗ x .
(2.3)
Exercice 2.31. Montrer que toute forme linéaire positive ϕ sur une C ∗ -algèbre A est continue.
Si A est unitale, cela est facile. Dans le cas général, on pourra commencer par montrer que
pour toute suite (xn ) d'éléments positifs tels que kxn k ≤ 1,
n
X
2−k ϕ(xk ) ≤ ϕ
k=1
X
k≥1
20
2−k xk .
Exercice 2.32.
(Cauchy-Schwarz)
Soit ϕ une forme linéaire positive sur une C ∗ -algèbre A. Montrer que pour tous x, y ∈ A,
|ϕ(y ∗ x)|2 ≤ ϕ(x∗ x)ϕ(y ∗ y) .
En déduire que {x ∈ A ; ϕ(x∗ x) = 0} est un sous-espace vectoriel fermé de A.
Exercice 2.33.
(i) lien forme linéaire positive et fonctions de type positif sur un groupe
(ii) GNS et FTP => FTP*FTP=FTP
(iii) lien FTP à support compact et représentation régulière
21
Chapitre 3
K -théorie
des
C ∗-algèbres
3.1 Dénitions et premières propriétés
Soit A un anneau unital.
Dénition 3.1.
Un A-module E est dit projectif de type ni lorsqu'il existe un entier n ∈ N
et des morphismes de A-modules ϕ : E → An et ψ : An → E tels que IdE = ψ ◦ ϕ.
Proposition 3.2. Les assertions suivantes sont équivalentes.
(i) E est projectif de type ni.
(ii) Il existe un A-module F tel que E ⊕ F ' An .
(iii) Il existe un idempotent e ∈ Mn (A) tel que eAn ' E .
Les classes d'isomorphisme de A-modules projectifs de type ni forment un ensemble, noté
V (A). Nous notons également [E] la classe d'isomorphisme de E .
Exemple 3.3.
Soit k un corps. Alors V (k) = N. En eet, tout module projectif de type ni
est un espace vectoriel de dimension ni et est donc isomorphe à k n .
Posons
[E] + [F] = [E ⊕ F] .
Cette loi fait de V (A) un monoïde commutatif associatif, possédant [0] comme élément neutre.
Cependant, ce monoïde n'est pas un monoïde à simplication en général (cf. exercice 3.45).
Proposition 3.4.
que
Deux couples [E], [F] et [E 0 ], [F 0 ] sont équivalents lorsqu'il existe G tel
[E] + [F 0 ] + [G] = [E 0 ] + [F] + [G] .
L'ensemble K0 (A) des classes d'équivalence de couples [E], [F] est un groupe abélien.
Le groupe K0 (A) vérie la propriété universelle suivante. Tout morphisme de monoïde
ϕ : V (A) → B où B est un groupe abélien se factorise en un morphisme de groupe ϕ̃ : K0 (A) →
B.
Dénition 3.5.
x, y tels que
Deux idempotents e et f sont dits équivalents lorsqu'il existe deux éléments
e = xy
et
22
f = yx .
Montrons qu'il s'agit bien d'une relation d'équivalence. Vérions par exemple la transitivité. Soient e = xy , f = yx = uv et g = vu. Il vient, e = e2 = xf y = (xu)(vy) et
g = g 2 = vf u = (vy)(xu).
Lemme 3.6.
Deux idempotents e, f ∈ Mn (A) sont équivalents si et seulement si les A-modules
eAn et f An sont isomorphes.
Démonstration. Supposons que e = xy et f = yx soient équivalents. Soit ly : eAn → f An
(resp. lx : f An → eAn ) la multiplication par y (resp. x) à gauche. Alors on vérie facilement
que lx et ly sont des isomorphismes réciproques l'un de l'autre.
Réciproquement, si ϕ : eAn → f An et ψ : f An → eAn sont des isomorphismes réciproques
l'un de l'autre, dénissons ϕ̃ (resp. ψ̃ ) sur An par ϕ̃ = ϕ ◦ e (resp. ψ̃ = ψ ◦ f ). Alors il est
facile de voir que f = ϕ̃ψ̃ et e = ψ̃ ϕ̃.
Dénissons l'anneau M∞ (A) comme la limite inductive
morphismes ϕn : Mn (A) → Mn+1 (A) dénis par ϕn (X) = X
0
les classes d'équivalence d'idempotents dans M∞ (A) forment
Soit maintenant A une algèbre de Banach.
Théorème 3.8.
1 des anneaux M (A) avec les
n
0 . D'après le lemme précédent,
0
un monoïde isomorphe à V (A).
Le monoïde
V (A) = Idem M∞ (A)/ ∼
est l'ensemble des composantes connexes de Idem M∞ (A). Plus précisément, les classes d'équivalence dans Idem M∞ (A) sont connexes par arcs.
Ce théorème résulte facilement des trois lemmes suivants.
Lemme 3.9.
(invariance par perturbation)
Soit e un idempotent dans Mn (A). Alors il existe ε > 0, tel que pour tout idempotent f ∈
Mn (A) vériant ke − f k < ε, e ∼ f .
Lemme 3.10.
Si e ∼ f dans Mn (A), alors e et f sont conjugués dans M2n (A).
Lemme 3.11.
Si e et f sont des idempotents conjugués dans Mn (A), alors il existe u ∈
Gl2n (A) dans la composante connexe de l'identité tel que
( 0e 00 ) u = u f0 00 .
En particulier, ( 0e 00 ) et
1
f 0
0 0
sont dans la même composante connexe de Idem M2n (A).
De façon abstraite, la notion de limite inductive peut être dénie comme suit.
Théorème et dénition 3.7. Soit En des ensembles et pour tous m ≤ n des applications fn,m : Em → En
telles que si m ≤ n ≤ p, alors fn,p ◦ fm,n = fm,p . Alors il existe un ensemble E∞ , appelé limite inductive du
système inductif (En , fn ), et des applications fn,∞ : En → E∞ telles que fm,∞ = fn,∞ ◦ fm,n , et vériant la
0
0
propriété universelle suivante. Si (E∞
, fn,∞
) est une famille ayant les mêmes propriétés, alors il existe une
0
application f telle que, pour tout n, l'on ait fn,∞
= f ◦ fn,∞ .
Lorsque les ensembles possèdent une structure (groupe, espace topologique, anneau, corps, espace vectoriel,
algèbre, . . .) et que les applications sont des morphismes, l'ensemble E∞ possède la même structure, et les
applications fn,∞ sont des morphismes.
Lorsque les êches vont dans l'autre sens, il y a également une notion de limite, la limite projective.
23
Démonstration. (lemme d'invariance par perturbation, 3.9) Remarquons tout d'abord que
deux idempotents e, f conjugués par un inversible z sont équivalents. En eet, si ez = zf ,
nous pouvons écrire e = (ez)z −1 et f = z −1 (zf ) = z −1 (ez). Nous posons alors z = 1 + (2e −
1)(2f − 1). Alors, ez = e + 4ef − 2e − 2ef + e = 2ef = f + 4ef − 2ef − 2f + f = zf , d'une
part ; et d'autre part, kz − 2k ≤ 2kek · ke − f k ≤ 2kekε.
x 1n −e
Démonstration. (lemme 3.10) Pour e = xy et f = yx, prendre u = f −1
.
y
n
Démonstration. (lemme 3.11) Si eu = uf , alors
e 0
u 0
u 0
f 0
=
.
0 0
0 u−1
0 u−1
0 0
Il sut donc de montrer que la matrice
u 0
0 u−1
est connectée à l'identité. Considérons
pour cela la matrice
Xt =
Alors, X0 =
u 0
0 1n
u 0
0 u−1
cos t − sin t
sin t cos t
1n
0
0 u−1
cos t sin t
− sin t cos t
.
et Xπ/2 = 12n .
Remarque 3.12.
0
Nous pouvons aussi nir la démonstration en écrivant la matrice u0 u−1
comme produit de matrices élémentaires, comme dans la formule 4.2. L'avantage est, en combinant avec la formule 3.1 de montrer que cette matrice est contenue dans le groupe engendré
par les commutateurs.
top
Nous dénissons maintenant le groupe K1 = K1
pour une algèbre de Banach unitale.
Rappel 3.13.
Soit A une algèbre de Banach unitale. L'ensemble G des inversibles de A est
ouvert, et est une groupe topologique. La composante connexe de l'identité, notée G0 , est un
sous-groupe normal de G.
Proposition 3.14.
Le groupe G0 est le groupe engendré par les éléments exp x, pour x ∈ A.
Démonstration. L'homotopie t 7→ exp tx montre que le groupe engendré par les exp x est
contenu dans G0 . Il reste à montrer que le groupe engendré par les exp x est ouvert. Soit donc
0
0
−1 0
z = exp x1 · · · exp xn et z 0 proche de z . Il vient
Pz −1=n z n+ (z − z) = z(1 + z (z − z)) = z(1 + x)
avec par exemple kxk ≤ 1. Posons alors y =
n x . Il suit exp y = 1 + x.
Plongeons GLn (A) dans GLn+1 (A) par
u 7→
u 0
0 1
.
Les groupes GLn (A) forment ainsi un système inductif.
Dénition 3.15.
Le groupe GL∞ (A) est la limite inductive des GLn (A).
24
Dénition 3.16.
Soit D(GL∞ (A)) le sous-groupe engendré par les commutateurs.
K1alg (A) : = GL∞ (A)/D GL∞ (A)
et
top
1
K (A) = K1 (A) : = Π0 (GL∞ (A)) = GL∞ (A)/ GL∞ (A)0 .
Proposition 3.17.
On a l'inclusion
D(GL∞ (A)) ⊂ GL∞ (A)0 .
En particulier, on a un morphisme surjectif K1alg → K1top .
Ceci est une conséquence de l'identité
ghg −1 h−1 0
0
1
=
g 0
0 g −1
h 0
0 h−1
g −1 h−1 0
0
hg
.
(3.1)
Intéressons nous maintenant aux questions de fonctorialité. Soit ϕ : A → B un morphisme
d'algèbres de Banach unitales. Alors ϕ se prolonge en un morphisme de Mn (A) dans Mn (B),
puis de M∞ (A) dans M∞ (B) et ce prolongement est compatible avec la relation d'équivalence
sur les idempotents. D'où un morphisme de V (A) dans V (B), puis de K0 (A) dans K0 (B)
par universalité. De même, ϕ se prolonge en un morphisme de GL∞ (A) dans GL∞ (B) pour
lequel la composante connexe de l'identité (resp. tout commutateur) s'envoie sur la composante
connexe de l'identité (resp. sur un commutateur), et donc φ induit un morphisme ϕ∗ : K∗ (A) →
K∗ (B) en degré 0 et 1. Si ψ est un second morphisme après ϕ, alors (ψ ◦ ϕ)∗ = ψ∗ ◦ ϕ∗ . La
K -théorie est donc un foncteur covariant.
Supposons maintenant que A est une algèbre de Banach quelconque. Soit à l'algèbre de
Banach obtenue par adjonction d'une unité, ε : Ã → C l'augmentation. Nous avons donc une
suite exacte courte
0 → A −→ Ã −→ C → 0 .
Cette suite est scindée par λ 7→ λ · 1. Rappelons que K0 (C) = Z. Alors, ε∗ : K0 (Ã) → Z. Un
idempotent e ∈ Mn (Ã) s'écrit e = (λij · 1) + (xij ) avec xij ∈ A, et ε(e) = (λij ). Il est alors
facile de voir que,
ε∗ :
K0 (Ã) −→ Z
[e]
7−→ rang ε(e)
D'autre part, K1 (C) est nul car GLn (C) est connexe. Comme nous voulons que la K -théorie
soit un foncteur exacte pour les suites exactes scindées, cela impose les dénitions suivantes.
Dénition 3.18.
K0 (A) = ker ε∗
et K1 (A) = K1 (Ã) .
La K -théorie est un foncteur covariant, compatible avec l'adjonction d'une unité.
3.2 Propriétés fondamentales
Pour une algèbre de Banach B quelconque, soit B[0, 1] l'algèbre C [0, 1], B des fonctions
continues de l'intervalle [0, 1] dans B . Pour t ∈ [0, 1], soit evt le morphisme de B[0, 1] dans B
déni par f 7→ f (t).
25
Dénition 3.19.
Soient A, B deux algèbres de Banach et ϕ, ψ des morphismes de A dans B .
Alors ϕ et ψ sont homotopes lorsqu'il existe un morphisme Φ : A → B[0, 1] tel que ϕ = ev0 ◦ Φ
et ψ = ev1 ◦ Φ.
Concrétement, en posant ϕt = evt ◦ Φ, alors ϕ0 = ϕ, ϕ1 = ψ et
(i) pour tout a ∈ A, ϕt (a) : [0, 1] → B est continue ,
(ii) il existe c ∈ R+ , tel que pour tout a ∈ A, supt kϕt (a)k ≤ ckak.
Théorème 3.20.
(invariance par homotopie)
Si ϕ et ψ sont deux morphimes homotopes, ils dénissent les mêmes morphismes en K -théorie
i.e. ϕ∗ = ψ∗ .
Démonstration. Tout d'abord on peut supposer que les algèbres de Banach sont unitales. Pour
le K0 , c'est une reformulation du théorème 3.8. Pour le K1 , remarquons que l'application
t 7→ ϕt (u) est continue, et donc son image est contenue dans une seule composante connexe
de GLn .
Théorème 3.21. (exactitude de la K -théorie)
Considérons une suite exacte courte
j - J
0
A
π
- B
- 0,
où A et B = A/J sont des algèbres de Banach et J = ker π . Alors il existe un unique
morphisme de groupes δ compatible avec la fonctorialité et rendant exacte la suite
δ
K1 (J) → K1 (A) → K1 (B) −→ K0 (J) → K0 (A) → K0 (B) .
Dénition 3.22.
Le suspendu SA de l'algèbre de Banach A est l'algèbre de Banach
SA = {f ∈ C(S 1 , A) ; f (1) = 0} = C0 (R, A) .
Corollaire 3.23.
Soit A une algèbre de Banach. Il existe un isomorphisme naturel
θA : K1 (A) → K0 (SA) .
Posons CA = C0 ([1, ∞), A). Il sut de considérer la suite exacte courte
0 → SA → CA → A → 0
,
f 7→ f (1)
Id
et de remarquer que αt (f )(x) = f (tx) est une homotopie entre CA → CA et le morphisme
nul.
Démonstration. (théorème d'exactitude 3.21) On peut supposer que A et B sont unitales car
le théorème dans le cas général s'en déduit aisément ; et l'on a alors un diagramme commutatif
A
j
π-
6
J˜
B
6
can
ε
- C
Commençons par l'exactitude en K1 (A). Tout d'abord, π∗ ◦ j∗ = (π ◦ j)∗ = 0, donc im j∗ ⊂
ker π∗ . Soient [u] ∈ ker π∗ , et n tel que u ∈ GL(n, A). Alors [π(u)] = π∗ [u] = 0, et si n est
assez grand, ceci implique π(u) ∈ GLn (B)0 . Or,
26
Lemme 3.24.
l'application exp est surjective au niveau de GLn (·)0 .
En eet, si w = exp x1 · · · exp xk avec xi = π(yi ), alors w = π(exp y1 · · · exp xk ) par
continuité.
Donc il existe v ∈ GL(n, A)0 tel que π(u) = π(v). Alors π(vu−1 −1) = 0 et donc par exactitude
˜ . On montre de même que uv −1 ∈ Mn (J)
˜ . Il suit [u] = [uv −1 ] ∈ im j∗ .
vu−1 ∈ Mn (J)
Montrons maintenant l'exactitude en K0 (A). De même que précédemment, im j∗ ⊂ ker π∗ .
Soit x ∈ ker π∗ ⊂ K0 (A).
Lemme 3.25.
Tout élément de K0 (A) s'écrit sous la forme [E] − [An ].
Démonstration. Tout élément s'écrit sous la forme [E] − [E 0 ], où [E 0 ] est un module projectif
de type ni. Donc il existe [E 00 ] tel que [E 0 ] + [E 00 ] = [An ]. D'où,
[E] + [An ] = [E] + [E 0 ] + [E 00 ] .
Ce qui signie précisément [E] − [E 0 ] = [E ⊕ E 00 ] − [An ].
Écrivons donc x = [e] − [1n ]. Par hypothèse, [π(e)] = [π(1n )] dans K0 (B). Il existe donc
m tel que π(e) ∼ 1m dans M∞ (B). Il existe donc un élément v ∈ GL∞ (A) tel que u = π(v)
vérie uπ(e)u−1 = 1m . Nous en déduisons que vev −1 − 1m ∈ M∞ (J) par exactitude. Donc
˜ et x = [vev −1 ]−[1m ] ∈ K0 (J)
˜ . Soit ε : J˜ → C la projection
vev −1 = vev −1 −1m )+1m ∈ M∞ (J)
−1
−1
canonique. Comme vev − 1m ∈ M∞ (J), ε(vev − 1m ) = 0, et ainsi x ∈ ker ε∗ = K0 (J).
Nous passons maintenant à la construction
de δ . Soit [u] ∈ K1 (B). Rappelons
qu'il existe
0
w ∈ GL∞ (A)0 tel que π(w) = u0 u−1
∈ GL2n (B)0 . Soit pn = 10n 00 ∈ M2n (A). Alors
wpn w−1 − pn ∈ M2n (J). En eet, π(wpn w−1 − pn ) = π(w)pn π(w)−1 − pn = 0 car pn w = wpn .
Le même raisonnement que précédemment montre alors que [wpn w −1 ] − [pn ] ∈ K0 (J).
Dénition 3.26.
δ([u]) : = [wpn w−1 ] − [pn ] ∈ K0 (J)
Exercice 3.27. Montrer que δ est bien dénie, i.e. ne dépend ni de w ni de n.
Remarque 3.28. Lorsque la suite exacte est scindée, l'application δ est nulle.
0
Si u ∈ GLn (B)0 , alors il existe v tel que u = π(v), et l'on peut alors prendre w = v0 v −1
.
Comme w commute à pn , on a bien δ([u]) = 0. Ainsi δ est bien dénie et δ([1]) = 0. Pour
montrer que δ est un morphisme de groupes, il reste à montrer que δ est mutliplicatif.
Lemme 3.29.
Dans K1 (B),
[uv] = [u] + [v] .
v 0
v 0
0
u0
En eet, [uv] = [( uv
0 1 )] = [( 0 v )][ 0 v −1 ] et 0 v −1 ∈ GLn (B)0 .
Soient u, v ∈ GLn (B) et w, z, x tels que,
" u0
#
(0 v) 0 0
0
.
π(w) = u0 u−1
, π(z) = v0 v−1
et π(x) =
u−1 0
0
0 v −1
0
Or π(x) est obtenu à partir π ( w
0 z ) par des opérations élémentaires, ce qui entraîne
[xp2n x−1 ] − [p2n ] = [( w0 z0 )]p2n
h
27
w−1 0
0 z −1
i
˜ .
− [p2n ] ∈ K0 (J)
Il nous reste à montrer l'exactitude en K1 (B) et en K0 (J). Commençons par K1 (B). Tout
0
d'abord on voit facilement que δ ◦ π∗ = 0. En eet, si v ∈ GLn (A), on pose w = v0 v−1
et
alors wpn = pn w , ce qui implique δ ◦π∗ = 0. Soit maintenant [u] ∈ K1 (B) tel que δ([u]) = 0, et
˜ , on peut supposer
montrons qu'il existe v tel que [u] = π∗ [v]. Comme [wpn w −1 ] = [pn ] ∈ K0 (J)
−1
−1
˜
que les idempotents wpn w
et pn sont conjugués dans Mn (J), i.e. wpn w
= vpn v −1 (quitte
−1
à choisir n plus grand). Nous en déduisons que v w commute à pn et par conséquent v −1 w est
de la forme ( ∗0 0∗ ). De plus, ε(vpn v −1 ) = ε(wpn w −1 ) = ε(pn ) = pn . Donc ε(v)
commute à pn .
Il existe donc des inversibles u1 , u2 ∈ GLn (A) tels que ε(v)v −1 w = u01 u02 . En outre, grace
0
au diagramme commutatif (3.2), π(ε(v)v −1 w) = π(w) = u0 u−1
. Par conséquent, π(u1 ) = u
et donc [u] = π∗ ([u1 ]) ∈ im π∗ .
Montrons l'exactitude en K0 (J). Tout d'abord j∗ ◦ δ = 0 par construction. Soit donc
˜ et ε(e) = pn . Si n est
x ∈ ker j∗ . Écrivons x = [e] − [pn ], où e est un idempotent de M2n (J)
assez grand, on peut supposer que e et pn sont conjugués par un élément w ∈ GL2n (A)0 dont
l'image par π est non-triviale.
De plus, comme π(e) = pn d'après le diagramme commutatif
(3.2), pn π(w) =
π(e) 0
0 0
π(w) = π(w)pn . Par suite, π(w) = ( u0 v0 ) est une matrice diagonale,
et est dans la composante connexe de l'identité.
Armation. δ([u]) = x.
0
Comme les matrices ( u0 v0 ) et u0 u−1
sont dans la composantes connexes de l'identité de
GL∞ (B), nous avons dans GL∞ ,
uv 0
0 1n
=
u 0
0 u−1
( v0 u0 ) ∼ 12n .
0
Soit donc a dans la composante
de l'identité de GL2n (A) tel que π(a) = ( uv
0 1) ∈
1n connexe
0
w 0
0
0
−1
M2n (A). Posons w = 0 1n
∈ M3n (A). Alors, d'une part π(w ) = diag(u, u , 1n )
0 a−1
et d'autre part
0−1 0
w
0
w0 pn w0−1 = (w0 10 ) ( 10 a0 )pn 10 a−1
0 1
−1
wpn w
0
=
car pn et ( 10 a0 ) commutent.
0
0
Finalement, δ([u]) = [w 0 pn w 0−1 ] − [pn ] = [wpn w −1 ] − [pn ] = x et donc x ∈ im δ .
Théorème 3.30.
(périodicité de Bott)
Soit A un algbre de Banach. Soit e ∈ Mn (A) un idempotent. Alors
ue : z = eit 7→ 1 − e + ze = exp ite
f . Alors l'application
détermine un élément ue ∈ GL(n, SA)
βA : K0 (A) −→ K1 SA
e 7−→ [ue ] .
est bien dénie, et est un isomorphisme.
La démonstration facile du corollaire suivant est laissée au lecteur.
Corollaire 3.31.
(du théorème 3.30)
(suite hexagonale en K -théorie)
Soit
0→I→A→B→0
28
une suite exacte courte d'algèbres de Banach. Soit δ 0 = β∗ ◦ δ ◦ θ∗ . Alors la suite hexagonale
suivante est exacte,
- K0 (A)
K0 (J)
- K0 (B)
6
δ0
δ
?
K1 (B) K1 (A) K1 (J) .
De plus, les morphismes δ et δ 0 sont naturels au sens suivant. Si le diagramme suivant est
commutatif,
0
- J
- A
- B
- 0
0
?
- J0
?
- A0
?
- B0 - 0
alors les diagrammes
K0 (B)
0
δ-
K1 (J)
K1 (B)
δ-
K0 (J)
et
?
0
δ0
?
δ
K1 (B )
K0 (J 0 )
?
?
K0 (B ) - K1 (J 0 )
0
sont également commutatifs.
Pour montrer ce théorème, nous rappelons en l'admettant un théorème de théorie spectrale.
Théorème 3.32.
[Bourbaki, théorie spectrale, chapitre 1] (calcul fonctionnel holomorphe)
Soit A une algèbre de Banach unitale. Soit x ∈ A. Soit encore une fonction de la variable
complexe f , holomorphe au voisinage de Sp x. Alors il existe un unique élément f (x) ∈ A
vériant les propriétés suivantes.
(i) L'application f 7→ f (x) est un morphisme d'algèbres unitales ;
(ii) l'élément f (x) ne dépend que du germe
de f sur Sp x.
De plus, nous avons Sp f (x) = f Sp x et si f est holomorphe sur un disque U contenant
Sp x, alors
Z
1
f (z)
f (x) =
dz .
2πi ∂U z − x
f , simDémonstration. L'application u 7→ ue se prolonge à M∞ (A) à valeurs dans GL∞ (SA)
−1
f 0 , uueu−1 = uue u . Par conséquent,
plement car u0 = 1. En outre, pour tout u ∈ GL∞ (SA)
l'application βA est bien dénie. Pour montrer qu'il s'agit d'un morphisme de groupes, écrivons
βA ([e] + [e0 ]) = βA 0e e00 = u0e u0e0 ∼ ue0ue0 10 .
29
Pour continuer dénissons les espaces topologiques suivants, l'un contenant les suivants.
f
GL∞ (SA)
=
L∞ (A) =
LLaurent
(A) =
∞
Lpol
∞ (A) =
Llin
∞ (A) =
Lidem
∞ (A) =
n
f:
n
f:
n
f:
n
f:
n
f:
n
f:
o
e ; f continue, f (1) ∈ GL∞ (C) ;
S 1 → GL∞ (A)
o
S 1 → GL∞ (Ã) ; f continue , f (1) = 1 ;
o
P
S 1 → GL∞ (Ã) ; f (z) = |k|≤N ak z k , ∃n, ak = Mn (Ã) , f (1) = 1 ;
o
P
S 1 → GL∞ (Ã) ; f (z) = 0≤k≤N ak z k , ∃n, ak = Mn (Ã), f (1) = 1 ;
o
S 1 → GL∞ (Ã) ; f (z) = (1 − a) + az, ∃n, a = Mn (Ã) ;
o
S 1 → GL∞ (Ã) ; f (z) = (1 − e) + ez, ∃n, e = Idem Mn (Ã) .
Commençons par noter que
f = π0 L∞ (A) ,
K1 (SA) = π0 GL∞ (SA)
car GLn (C) est connexe. En outre, tout élément de L∞ (A) peut être approché par une suite
d'éléments de LLaurent
(A). Or, deux éléments proches sont dans la même composante connexe.
∞
Par conséquent,
π0 L∞ (A) = π0 LLaurent
(A) .
∞
Maintenant, montrons que
lin
π0 Lpol
∞ (A) = π0 L∞ (A) .
Soient f =
P
ai z i ∈ π0 Lpol
∞ (A) un lacet polynomial et A(z) la matrice


a0 a1 · · · am

 −z 1


A(z) = 
,
..
..


.
.
−z 1
où ai ∈ Mn (A). Notons que A(1)−1 A ∈ Llin
∞ (A) Par opérations élémentaires sur les lignes et
les colonnes de la matrice A(z) on obtient la matrice

a0 + a1 z + · · · am z m

1


B(z) = 

..


,

.
1
pol
Donc, il existe des matrices P et Q dans L∞ (A) telles que B = P AQ. Soit Pt et Qt des chemins
reliant ces matrices à l'identité et A0t = ((Pt AQt )(1))−1 Pt AQt . Alors A0t est un chemin contenu
pol
dans L∞ (A) tel que A00 = A(1)−1 A et A01 = B .
Montrons maintenant que
idem
π0 Llin
∞ (A) = π0 L∞ (A) .
Lemme 3.33.
(cf. exercice 1.32) Soit a ∈ Mn (A). Les assertions suivantes sont équivalentes.
(i) Pour tout z ∈ S 1 , 1 − a + za est inversible ;
(ii) Sp a ∩ {λ ∈ C , Re λ = 1/2} = ∅ .
30
On en déduit que si f = (1 − a) + za ∈ Llin
∞ (A), alors il existe des espaces compacts
K ∈ {λ ∈ C , Re λ < 1/2} et K 0 ∈ {λ ∈ C , Re λ > 1/2},
tels que Sp a = K ∪ K 0 . Par conséquent, la fonction
ϕ : {λ , Re λ 6= 12 } −→ C
1
z 7−→
0
si Re z > 21
si Re z < 12
,
est holomorphe au voisinage de Sp a. Par conséquent, l'élément ϕ(a) est bien déni et f 0 =
0
1 − e + ze est un élément de Lidem
∞ (A). En outre, f et f sont dans la même composante
connexe. En eet, la fonction ϕt (z) = tz + (1 − t)ϕ(z) est holomorphe au voisinage de Sp a.
Nous sommes prêt à montrer que βA est surjective. Soit f (z) = z −n P (z) un élément de
LLaurent
(A) représentant un élément de K1 (SA), où P est un polynome. Nous savons que
∞
P (z) est homotope à 1 − e + ze. En outre [z −n ] = βA (−[1n ]). Comme βA est un morphisme
de groupes, nous en déduisons que
[f ] = βA ([e] − [1n ]) .
Il reste à montrer que βA est injective. Soient e, f des idempotents. Supposons que 1 − e + ze
et 1 − f + zf soient homotopes dans LLaurent
(A). Autrement dit, il existe une famille (Pt )t∈[0,1]
∞
−n
de polynômes telle que 1 − e + ze = z P0 (z) et 1 − f + zf = z −n P1 (z). Soient e0 = 0e 10n
et f 0 =
f 0
0 1n
(A),
. Dans LLaurent
∞
1 − e0 + ze0 ∼ z n (1 − e + ze) ∼ z n (1 − f + zf ) ∼ z n (1 − f + zf ) ∼ 1 − f 0 + zf 0 .
Nous en déduisons que [e0 ] = [f 0 ] dans π0 Idem M∞ (A) , et par suite [e] = [f ], et βA est
injective.
Ceci achève la démonstration de théorème de périodicité de Bott, 3.30.
Soit A une C ∗ -algèbre. Les inclusions Mn (A) → Mn+1 (A) étant isométriques, l'algèbre
M∞ (A) est une algèbre normée. Soit Stab(A) son complété. Alors Stab(A) est une C ∗ -algèbre.
Théorème 3.34.
(stabilité de la K -théorie)
L'inclusion canonique i : A → Stab(A) induit un isomorphisme en K -théorie,
∼
K∗ (A) −→ K∗ Stab(A) .
i
Ce théorème est une conséquence facile du théorème suivant.
Théorème 3.35.
Soient A ⊂ B deux algèbres de Banach unitales et j l'inclusion. Supposons
que, pour tout x ∈ A,
kxkA ≥ kxkB ,
et par ailleurs que :
(i) A est dense dans B ;
(ii) A est pleine dans B , i.e., pour tout x ∈ A, SpA x = SpB x.
Alors
j∗ : K∗ (A) −→ K∗ (B)
est un isomorphisme.
31
Proposition 3.36.
Mn (B) aussi.
Si A, B vérient les hypothèses du théorème précédent, alors Mn (A) et
Démonstration. (proposition 3.36) La densité de Mn (A) dans Mn (B) est évidente. Montrons
la pleinitude. Soit x ∈ Mn (A) ∩ GLn (B). Soit y ∈ Mn (A) tel que kx−1 − ykB ≤ ε. Alors
k1 − xykB ≤ kxkB ε. Il sut donc, pour obtenir l'invertibilité de x à gauche dans A, de
montrer le lemme suivant. On montre alors l'invertibilité à droite de la même manière.
Lemme 3.37. Soient A, et B comme pécédement. Soit u ∈ Mn (A)∪GLn (B) tel que k1−ukB <
ε < 1. Alors x est inversible dans A.
Démonstration. (lemme) L'hypothèse implique qu'il existe dans u une suite croissante de sousmatrices inversibles dans B . Or ceci permet précisément d'appliquer l'algorithme de Gauss à u
pour calculer l'inverse. Autrement dit, il existe des matrices élémentaires ei et fj à coecients
dans A et un scalaires d(u) ∈ A tels que
Y Y u=
ei diag d(u), 1, · · · , 1
fj .
Le scalaire d(u) est inversible dans B (car u est inversible), donc il l'est également dans A par
pleinitude. Comme les matrices élémentaires sont aussi inversibles dans A nous en déduisons
que u est inversible dans A.
Ceci achève la preuve de la proposition.
Démonstration. (théorème 3.35) Nous commençons par la surjectivité. D'abord en degré 1.
Soit u ∈ GLn (B). D'après la proposition précédente, il existe v ∈ Mn (A) tel que ku − vkB < ε.
Or GLn (B) est ouvert, et l'on peut donc supposer que v ∈ GLn (B). Toujours d'aprés la
proposition, nous en déduisons que v ∈ GLn (A). D'où la surjectivité en degré 1.
Passons au degré 0. Soit e ∈ Mn (B). Il existe x ∈ Mn (A) tel que kx − ekB < ε. En
particulier, kx − x2 k < ε. Maintenant, il sut de montrer qu'il existe f ∈ Idem(Mn (A))
tel que kf − xkA < ε. Cherchons f dans la sous-algèbre de Banach engendrée par x. Plus
précisément, cherchons f sous la forme f = x + (1 − 2x)y , avec xy = yx. Alors,
f 2 = f ⇔ (y 2 − y) 1 + 4(x2 − x) = x − x2 .
En résolvant naïvement cette équation, nous voudrions écrire
y=
1
1
1
1 ± (1 + 4t) 2
avec t =
.
2
1 + 4(x2 − x)
Pour pouvoir écrire ceci, il faut d'une part que 1 + 4(x2 − x) soit inversible dans A, et d'autre
1
part que (1 + 4t) 2 soit dénie (toujours
dans A). Or, par hypothèse, SpA (x2 − x) = SpB (x2 −
x) ⊂ B(0, ε), donc SpA 1 + 4(x2 − x) ⊂ B(1, 4ε). Par conséquent 1 + 4(x2 − x) est inversible.
1
En outre, SpA t ⊂ B(0, ε0 ), et donc SpA (1 + 4t) ⊂ B(1, 4ε0 ). Donc la fonction z 7→ (1 + 4z) 2
est bien dénie au voisinage de SpA (1 + 4t). En conclusion, y est bien déni. Ceci montre la
surjectivité.
Maintenant montrons l'injectivité. D'abord le degré 1. Soit u ∈ GLn (A) appartenant à la
composante connexe de l'identité dans GLn (B). Soient
B 0 [0, 1] = {f : [0, 1] → B ; f (0) ∈ A, f (1) ∈ A} ,
32
A[0, 1] = C([0, 1], A) .
Il est facile de voir que A[0, 1] est dense et pleine dans B 0 . De plus, il existe par hypothèse
un chemin U ∈ GLn (B 0 ) tel que U (0) = 1 et U (1) = u. Appliquons la surjectivité à U :
U est dans la même composante connexe de GLn (B 0 ) qu'un élément V ∈ GLn (A[0, 1]). En
particulier, U (0) = 1 (respectivement U (1) = u) est relié à V (0) (respectivement V (1)) dans
GLn (A). L'injectivité en résulte en degré 1.
En degré 0, nous appliquons l'injectivité en degré 1 de la façon suivante. Soit x = [e] −
[1n ] ∈ K0 (A), tel que j(e) et 1n soient conjugués par un élément u de GLn (B)0 . Mais d'après
l'injectivité pour le K1 , on peut supposer que u ∈ GLn (A)0 . Ceci imlique x = 0 dans K0 (A).
3.3 Sur la trace des idempotents
Dénition 3.38.
Une trace τ sur une algèbre involutive A est une forme linéaire continue
hermitienne (i.e. τ (x∗ ) = τ (x), pour tout x ∈ A) sur A vériant en outre,
τ (xy) = τ (yx) ,
(x, y ∈ A) .
Exemple 3.39.
Soit Γ un groupe dénombrable et λ la représentation régulière sur l2 (Γ).
Notons (δγ ) la base hilbertienne canonique de l2 (Γ). Alors, la formule
τ (a) = hλ(a)δe , δe i ,
dénit une trace sur l1 (Γ).
Si e = xy et f = yx sont deux idempotents équivalents, alors τ (e) = τ (f ). D'autre part, si
P
a = (aij ) ∈ Mn (A), on pose τ (a) = ni=1 τ (aii ). Alors, deux idempotents de Mn (A) équivalents prennent la même valeur par τ . Par conséquent, nous avons ainsi déni une application
τ∗ : K0 (A) → R telle que τ∗ ([e]) = τ (e).
Proposition 3.40.
Soient A une C ∗ -algèbre unitale et τ une trace positive dèle telle que
τ (1) = 1. Supposons que τ∗ (K0 (A)) ⊂ Z. Alors, A ne contient pas d'idempotent non-trivial.
Démonstration. Si e est un idempotent positif, alors τ (e) ≥ 0. En outre, l'élément 1 − e est
aussi un idempotent positif, d'où τ (e) ≤ 1. Tout idempotent étant équivalent à un idempotent
positif (cf. théorème B.5), nous avons montré que pour tout idempotent e, τ (e) ∈ {0, 1}. D'où
τ (e) = 0 ou τ (1 − e) = 0. Donc e = 0 ou e = 1.
Soit F2 le groupe libre sur deux générateurs a, b.
Proposition 3.41.
Soit A une C ∗ -algèbre. Il est équivalent de se donner un morphisme de
∗ (F ) → A, et de se donner deux unitaires u et v de A.
Cmax
2
∗ (F ) → A est un morphisme, alors ϕ(u ) et ϕ(u ) sont unitaires.
Démonstration. Si ϕ : Cmax
2
a
b
Si d'autre part, u et v sont des unitaires de A, il existe un unique morphisme ϕ qui envoie ua
sur u et ub sur v . En eet, par linéarité nous obtenons un morphisme involutif de C[F2 ] dans
A. Ce morphisme est continue car,
X
X
fγ ϕ(uγ ) ≤
|fγ | = kf kl1 .
33
Dans la suite, nous notons ψ le morphisme qui envoie ua et ub sur 1 ∈ C. Soit Rt la matrice
∗ (F )),
de rotation dans M2 (C) ⊂ M2 (Cmax
2
Rt : =
cos π2 t − sin π2 t
sin π2 t cos π2 t
.
Soit ϕt le morphisme déni par
ϕt
:
∗
C
max (F2 )
ua
ub
∗ (F ))
M2 (Cmax
2
a
0
(0 1) , Rt 0b 10 Rt−1 .
−→
7−→
7−→
∗ (F )) formée des matrices diagonales
Soit D la sous-C ∗ -algèbre de M2 (Cmax
2
f1 ∈
C ∗ (a),
f2 ∈
C ∗ (b)
f1 0
0 f2
telles
et ψ(f1 ) = ψ(f2 ).
Théorème 3.42.
∗ (F ) → D , déni par f 7→ ϕ (f ), induit un isomorLe morphisme k : Cmax
2
1
phisme en K -théorie. En particulier,
∗
K0 (Cmax
(F2 )) = Z ,
∗
K1 (Cmax
(F2 )) = Z2 .
Démonstration. Il faut commencer par se convaincre que k est à valeurs dans D. Soit j l'inclusion de D dans l'algèbre des matrices. Alors j ◦ k = ϕ1 . D'autre part, comme ϕ0 et ϕ1
sont homotopes, ϕ0∗ = ϕ1∗ . En outre, on vérie que, en voyant ϕ1∗ comme
de
morphisme
f1 0
∗ (F )) dans lui-même, ϕ
K0 (Cmax
=
Id
+
ψ
.
Soit
ψ̃
:
D
→
C
déni
par
ψ̃
=
ψ(f
)
2
1∗
∗
1 =
0 f2
ψ(f2 ). Alors, ψ̃ ◦ k = ψ . D'où,
j∗ ◦ k∗ = ϕ1∗ = Id + ψ̃∗ ◦ k∗ ;
soit,
Id = (j∗ − ψ̃∗ ) ◦ k∗ .
Par conséquent, k∗ est injectif. Montrons maintenant que k∗ est surjectif. Soit X la gure "8".
Alors D = C(X). Remarquons que la suite exacte
∗
∗
0 → D → Cmax
(Z) ⊕ Cmax
(Z) → C → 0 .
est scindée. En utilisant l'exactitude en K -théorie, nous voyons alors que K0 (D) = Z est
engendré par la fonction sur X constante égale à 1 ; et K1 (D) = Z2 est engendré par les
idempotents (z 7→ z, 1) et (1, z 7→ z). Comme k(1) = 1, il ressort que k∗ est surjectif en K0 .
En outre, les unitaires ua et ub ont pour images par k les générateurs de K1 (D), ce qui montre
que k∗ est surjectif en K1 .
Admettons pour le moment le résultat suivant.
Théorème 3.43.
∗ (F ) → C ∗ (F ) induit un isomor(théorème B.22). Le morphisme λ : Cmax
2
red 2
phisme en K -théorie.
∗ (Γ) est positive normalisée et dèle, on déduit une
Comme la trace τ dénie sur Cred
∗ (Γ)), dénie par ι(n) = n · [1].
injection ι : Z → K0 (Cred
Corollaire 3.44.
C ∗ -algèbre
Le morphisme ι est un isomorphisme et τ∗ ◦ ι = Id. En particulier, la
réduite de F2 ne possède pas d'idempotent non-trivial.
34
3.4 Exercices
Exercice 3.45.
On dit qu'un monoïde V est à simplication si pour tous x, y, z ∈ V tels que
x + z = y + z , alors x = y . Soit S 2 la sphère. Montrer que l'espace des sections du bré tangent
(l'espace des champs de vecteurs) n'est pas libre (i.e. le bré tangent n'est pas trivial). Montrer
que la somme de Withney du bré tangent et du bré normal est trivial, et que le bré normal
est trivial également. En déduire que V (C(S 2 )) n'est pas un monoïde à simplication.
Exercice 3.46.
Calculer la K -théorie des algèbres C0 (X) lorsque X est un des espaces suivants : S n , Rn T n .
Exercice 3.47.
(i) Soit A la C ∗ -algèbre des fonctions f sur l'intervalle [0, 1] à valeurs dans
M2 (C), telles que f (0) et f (1) soient de la forme ( ∗0 0∗ ). Calculer la K -théorie de A.
∗ (Γ).
(ii) Soit Γ le produit semi-direct Z o Z/2Z. Calculer la K -théorie de Cmax
Exercice 3.48.
tents
e 0
0 1−e
Soit A une algèbre unitale, et e ∈ A un idempotent. Montrer que les idempoet ( 10 00 ) sont quivalents dans M2 (A).
Exercice 3.49.
Soit H un espace de Hilbert.
(i) Montrer que K0 (k(H)) = Z, et que la classe de tout projecteur de rang 1 est un générateur
de ce groupe. Dire pourquoi K1 (k(H)) = 0.
(ii) Montrer que si H est de dimension innie, alors, pour i = 0, 1, les groupes Ki (B(H))
sont nuls.
35
Chapitre 4
Modules de Fredholm
4.1 Opérateurs de Fredholm
Dénition 4.1.
Un opérateur borné P d'un espace de Hilbert H1 dans un espace de Hilbert
H2 est un opérateur de Fredholm lorsque les espaces ker P et ker P ∗ sont de dimension nie.
Rappelons que ker P ∗ = (im P )⊥ . La condition sur ker P ∗ est donc équivalente à dire que
im P est de codimension nie.
Lemme 4.2. Soit K un opérateur compact. Alors, ker(1+K) est de dimension nie, im(1+K)
est fermé et dde co-dimension nie.
Démonstration. Les opérateurs 1 et −K coïncident sur l'espace de Hilbert ker(1 + K), donc
l'identité est un opérateur compact sur cet espace de Hilbert. Donc, ker(1+K) est de dimension
nie. Soit maintenant (xn ) une suite telle que (1 + K)xn converge vers un vecteur y . Nous
cherchons un vecteur x, tel que y = (1 + K)x. Écrivons
zn = zn0 ⊕⊥ zn00
avec
zn00 ∈ ker(1 + K) .
Notons que (1 + K)xn = (1 + K)zn0 . Si (zn0 ) est bornée, on peut supposer, quitte à prendre une
sous-suite, que (Kzn0 ) converge. Comme (zn0 + Kzn0 ) converge, cela implique que (zn0 ) converge
vers un vecteur x, qui vérie de plus y = (1 + K)x.
Montrons par l'absurde que (zn0 ) est bornée. Supposons donc que (zn0 ) n'est pas bornée.
Comme l'espace ker(1 + K) est fermé, nous pouvons dénir
λn = distance xn , ker(1 + K) .
z0
Quitte à extraire une sous-suite, on peut supposer que λn → ∞. Soit zn = λnn Alors (1+K)zn =
0
λ−1
n (1 + K)zn tend vers 0. La suite (zn ) correspond donc au cas borné avec y = 0. Par
conséquent, cette suite converge
vers un vecteur z . Donc, d'une part (1 + K)z = 0 et d'autre
part distance z, ker(1 + K) = 1. D'où la contradiction.
Pour un espace de Hilbert H donné, nous notons k(H) l'idéal bilatére fermé des opérateurs
compacts.
Proposition 4.3. Les assertions suivantes sont équivalentes.
(i) P est un opérateur de Fredholm,
36
(ii) il existe un opérateur Q : H2 → H1 tel que Id − P Q et Id − QP soient des opérateurs
compacts,
(iii) l'image de P dans Q H1 , H2 = B H1 , H2 /k(H1 , H2 ) est inversible.
Démonstration. Les deux dernières assertions sont équivalentes de façon triviale. Supposons
que (ii) est vériée. Alors ker P ⊂ ker QP et im P ⊃ im P Q, et les opérateurs P Q et QP sont
de la fome 1+K avec K un opérateur compact. D'après le lemme, ker P est donc de dimension
nie, im P est de codimension nie. Ceci signie que ker P ∗ est dimension nie.
Supposons maintenant que (i) est vériée. Il sut de dénir Q de la façon suivante : Q
vaut (P |ker P ⊥ )−1 sur im P , et 0 sur im P ⊥ .
Dénition 4.4.
Soit P un opérateur de Fredholm. L'indice de P est l'entier
indice P = dim ker P − codim P = dim ker P − dim ker P ∗ .
Nous ne nous servons pas explicitement du groupe K1 , mais seulement de la notion d'indice.
Il nous a pourtant paru important d'introduire ce groupe et la suite hexagonale en K -théorie,
notamment à cause du théorème suivant.
Théorème 4.5.
Soit P un opérateur d Fredholm et [P ] ∈ K1 (Q(H)) sa classe. Identions
K0 (k(H)) avec Z. Alors,
δ([P ]) = indice P .
Démonstration. Soit Q l'inverse de P modulo k construit comme dans la démonstration précédente. Soit u l'image
de P dans Q(H)), et notons que u−1 est celle de Q. Nous choisissons
0
le relevé w de u0 u−1
suivant.
P
−proj ker Q
.
(4.1)
w=
−proj ker P
Q
Un simple calcul nous permet alors d'écrire
w ( 10 00 ) w−1
=
1 − proj ker Q
proj ker P
.
Nous en déduisons, en utilisant l'exercice 3.48,
δ(P ) =
1 − proj ker Q
proj ker P
− ( 10 00 ) = [proj ker P ] − [proj ker Q] = indice P .
Supposons que nous ne sachions pas que l'on peut prendre w comme dans l'équation (4.1).
Cependant, nous savons que P relève u et que Q relève u−1 . Écrivons alors grace à l'algorithme
de Gauss, le produit de matrices élémentaires
u 0
0 u−1
(on écrira facilement
alors que
1P
0 1
1 0
−Q 1
1P
0 1
0 1
−1 0
= ( 10 u1 )
1 0
−u−1 1
( 10 u1 )
0 1
−1 0
(4.2)
comme produit de matrices élémentaires). Nous en déduisons
0 1
−1 0
=
(1−P Q)P +P P Q−1
1−QP
Q
37
= w vérie π(w) =
u 0
0 u−1
.
Posons alors K0 = 1 − P Q et K1 = 1 − QP . Un calcul rapide permettra au lecteur de vérier
que
2
2
wpn w−1 =
1 − K1
K0 Q
(K1 + K1 )P
K02
.
Corollaire 4.6.
Soient P, P1 , P2 des opérateurs de Fredholm. Alors
(i) Si P est inversible, P est d'indice nul,
(ii) P1 P2 est un opérateur de Fredholm, et,
indice(P1 P2 ) = indice P1 + indice P2 ,
(iii) Si K est un opérateur compact, alors P + K est un opérateur de Fredholm et
indice(P + K) = indice P .
Nous terminons ce paragraphe avec un lemme utile pour calculer l'indice d'un opérateur
de Fredholm.
4.2 Modules de Fredholm et K -théorie
Lemme 4.7.
Soit T un opérateur de Fredhom et S un parametrix tel que 1 − ST et 1 − T S
soient des opérateurs à trace. Alors,
indice T = trace 1 − ST − trace 1 − T S .
Démonstration. Comme 1 − ST et 1 − T S sont des opératereurs à trace, le seul point d'accumulation dans leur spectre est 0. Par conséquent, 1 est isolé dans l'ensemble
K = {1} ∪ Sp (1 − ST ) ∪ Sp (1 − T S) .
Par conséquent, en choisissant un disque de centre 1 et de rayon susament petit, de bord ∂D ,
le calcul fonctionnel holomorphe nous permet de dénir les idempotents suivants (projecteurs
spectraux) :
Z
Z
e=
1
2πi
∂D
dλ
,
λ − (1 − T S)
f=
1
2πi
∂D
dλ
.
λ − (1 − ST )
Alors les espaces rang e et rang f sont de dimensions nies, car ces espaces sont les noyaux de
T S et ST respectivement. De plus, pour tout λ ∈
/ K,
−1
−1
.
λ − (1 − T S) T = T λ − (1 − ST )
−1
−1
λ − (1 − ST ) S = S λ − (1 − T S)
,
Par conséquent, T f = eT et Se = f S . Donc,
S
S
ker e - ker f , et im e - im f .
T
T
Par conséquent, nous en déduisons d'une part que les restrictions de ST et T S à ker e et ker f
sont bien dénies et sont inversibles, d'où
trace(1 − T S)|ker e = trace(1 − ST )|ker f = 0 .
38
D'autre part, 1 est la seule valeur propre des restrictions (bien dénies) de 1 − T S et 1 − ST
à rang e et rang f respectivement, d'où
trace(1 − T S)|rang e = dim rang e ,
trace(1 − ST )|rang f = dim rang f .
La conclusion est alors
indice T
= dim rang e − dim rang f
= trace(1 − ST ) − trace(1 − T S) .
Dénition 4.8.
Soit A une algèbre sur C. Un module de Fredholm (resp. un module de
Fredholm 1-sommable) pair sur A est la donnée de :
deux espaces de Hilbert H0 et H1 ,
deux représentations π0 et π1 de A sur H0 et H1 respectivement,
un opérateur borné F = P0 Q0 sur H0 ⊕ H1 tel que 1 − F 2 est compact (resp. F 2 = 1).
En outre, en posant π = π0 ⊕ π1 et H = H0 ⊕ H1 , les relations suivantes doivent être vériées :
F π(a) − π(a)F est un opérateur compact (resp. à trace).
0
Nous notons ε l'opérateur 10 −1
sur H.
(∀a ∈ A)
Lemme 4.9.
Soit (H, π, F ) un module de Fredholm. L'égalité
1
trace (εF [F, π(a)])
2
dénie une trace sur A. De plus, si F = P0 Q0 , alors pour tout idempotent e ∈ Mq (A),
l'opérateur Fe+ = π2 (e) P ⊗ 1q de π1 (e)H1⊗q dans π2 (e)H2⊗q est un opérateur de Fredholm,
et,
indice Fe+ = τ ⊗ Trace (e) .
τ (a) =
L'application τ est appelée caractère du module de Fredholm 1-sommable F .
Corollaire 4.10.
Soit τ le caractère
d'un module de Fredholm 1-sommable sur A. Alors τ est
dénie sur K0 (A), et τ K0 (A) ⊂ Z.
Soit A une C ∗ -algèbre unitale. Rappelons qu'une trace τ sur A est dite positive si pour
tout x ∈ A, τ (x∗ x) ≥ 0, et que τ est dèle lorsque la relation τ (x∗ x) = 0 implique x = 0. La
trace τ est normalisée lorsque τ (1) = 1.
Corollaire 4.11.
Soit A une C ∗ -algèbre unitale, τ une trace positive dèle normalisée sur A.
Supposons qu'il existe un module de Fredholm (H, F ) tel que
(i) (H, F ) est un module de Fredholm 1-sommable sur une sous-algère A dense dans A.
(ii) la restriction de τ à A est le caractère de (H, F ).
Alors, la C ∗ -algèbre A ne possède pas d'idempotent non-trivial.
Pour montrer ceci nous avons besoin de plus de connaissances sur le calcul fonctionnel
holomorphe.
39
Dénition 4.12.
Soit A une algèbre de Banach unitale, et A une sous-algèbre contenant
l'unité. Alors A est dite stable pour le calcul fonctionnel holomorphe lorsque pour tout n ∈ N,
tout a ∈ Mn (Ã) et toute fonction f holomorphe sur un voisinage du spectre de a dans Mn (Ã),
alors f (a) ∈ Mn (Ã).
Proposition 4.13. Soit A une sous-algèbre dense, stable pour le calcul fonctionnel holomorphe, dans une algèbre de Banach A. Alors l'inclusion i : A → A induit un isomorphisme
en K -théorie.
Démonstration. Supposons que A soit unitale et que A contienne l'unité de A. 1 Si x ∈ Mn (A)
est inversible dans Mn (A), alors la fonction f : z 7→ z −1 est holomorphe sur un voisinage du
spectre de x qui ne contient pas 0. Par conséquent, x−1 = f (x) ∈ Mn (A). Il résulte que A
est dense et pleine dans A, et la démonstration de la proposition 3.35 peut être recopiée mot
1
pour mot en remarquant que z 7→ (1 + 4z) 2 est holomorphe au voisinage de 1.
Supposons donc que A est quelconque. Seule la surjectivité en degré 0 nécécite des arguments supplémentaires pour utiliser à nouveau la démonstration de la proposition 3.35. Soit
ξ ∈ K0 (A). Écrivons ξ = [e] − [1n ], où e2 = e ∈ Mn (Ã), e = a + p, p2 = p ∈ Mn (C). Soit
b ∈ Mn (A) tel que kb − ak < ε et x = b + p. Construisons alors l'idempotent f = x + (1 − 2x)y
comme dans la démonstration de la proposition 3.35. Pour conclure que i∗ ([f ] − [1n ]) = ξ , il
sut de voir que l'on peut choisir y ∈ Mn (A). Or, nous avons vu dans la démonstration citée
ci-dessus que
y=
1
1
1 − (1 + 4t) 2 ,
2
t = (1 + 4(x2 − x))−1 (x2 − x) ∈ Mn (A)
1
convient. En outre, x2 −x ∈ Mn (A), et (1+4t) 2 = 1+2t+tg(t), pour une fonction g holomorphe
sur un voisinage du spectre de t. Il résulte de cela que y = −2t + tg(t) ∈ Mn (A).
Montrons maintenant le corollaire. Tout d'abord il faut montrer que A est stable pour le
calcul fonctionnel holomorphe. Le sous-espace A est une sous-algèbre car [F, ab] = [F, a]b +
a[F, b] et les opérateurs à trace forment un idéal bilatère. Soit a ∈ A et f une fonction
holomorphe au voisinage de Sp a. Alors
et donc
1
f (a) =
2πi
Z
1
[F, f (a)] =
2πi
Z
f (z)(z − a)−1 dz ,
C
f (z)[F, (z − a)−1 ]dz .
C
Mais [F, (z−a)−1 ] = (z−a)−1 [F, a](z−a)−1 est à trace (car [F, a] = [F, a−z]). Par conséquent,
z 7→ f (z)[F, (z − a)−1 ] est une fonction continue à valeurs dans les opérateurs à trace, et donc
l'intégrale converge dans les opérateurs à trace. Nous avons donc montré que f (a) ∈ A. Le
même raisonnement peut être appliqué pour Mn (A), ce qui montre la stabilit' ;e pour le calcul
fonctionnel holomorphe.
Nous pouvons donc appliquer le résultat précédent pour conclure que l'inclusion A ⊂ A
induisait un isomorphisme en K -théorie. Donc,
τ (K0 (A)) = τ (K0 (A)) ⊂ Z .
D'après la proposition 3.40, la C ∗ ¤-algèbre A ne possède pas d'idempotent non-trivial.
1
Dans la suite nous n'aurons d'ailleurs besoin que de ce cas.
40
∗
4.3 Idempotents de Cred
(F2 )
Maintenant munis de la notion de module de Fredholm, nous pouvons montrer la conjecture
des idempotents (conjecture 0.1) pour le groupe libre sans utiliser le théorème B.22. Nous
∗ (F ) satisfaisant aux conditions
allons pour cela construire un module de Fredholm sur Cred
2
du corollaire 4.11.
Théorème 4.14.
réduite
∗ (F )
Cred
2
Soit F2 le groupe libre sur deux générateurs a et b. Alors la C ∗ -algèbre
ne possède pas d'idempotent non-trivial.
Rappelons qu'un arbre est un complexe simplicial de dimension 1 qui est connexe et simplement connexe. Soit Γ un groupe discret agissant librement et transitivement sur un arbre
X . Notons X j l'ensemble des j -simplexes. Soit x0 un point de X 0 quelconque. Alors la correspondance γ 7→ γ · x0 dénit une bijection de Γ sur X . Pour un ensemble discret I , notons
également δi , (i ∈ I) la base hilbertienne canonique de l2 (I). Identions l2 (X 1 ) avec le sousespace de Hilbert de l2 (X 0 ) ∧ l2 (X 0 ) engendré par les éléments de la forme δx ∧ δy tels que
d(x, y) = 1. Alors la représentation π0 de Γ sur l2 X 0 est équivlente à la représentation régulière, et la représentation π10 de γ sur l2 X 1 donnée par l'action sur les arrêtes est peut être vu
comme un sous-espace fermé stable de la représentation (l2 Γ ⊗ l2 N, λ ⊗ 1). Par conséquent, ces
∗ (Γ).
représentations dénissent des représentations π0 , π10 de la C ∗ -agèbre réduite de Γ, Cred
0
2
0
1
2
1
Soit H = l X et H = l X ⊕ C. Ces espaces de Hilbert sont munis respectivement des
représentations π0 et π1 = π10 ⊕ 0. Pour x 6= x0 , soit ϕ(x) l'unique arrête ayant pour origine x
et contenu dans [x, x0 ].
Proposition 4.15.
Le triplet (H, π, F ) où F =
0 P
P∗ 0
est l'opérateur déni par
P : H0 −→ H
1
(δϕ(x) , 0) si x 6= x0 ,
δx 7−→
(0, 1)
si x = x0 ,
∗ (Γ) et A = {a ∈ A , [F, a] est un opérateur à trace}
est un module de Fredholm sur A = Cred
est dense dans A.
Démonstration. Il est clair que F 2 = 1. Notons F = Fx0 pour plus de clarté. Montrons que
pour tout γ ∈ Γ xé, [F, γ] est de rang ni. Il résultera que C[Γ] ⊂ A. Comme l'algèbre du
∗ (Γ), la démonstration sera terminée. Remarquons tout d'abord que
groupe est dense dans Cred
[F, γ] = (F − γF γ −1 )γ = (Fx0 − Fx )γ
(γ ∈ Γ, x = γ · x0 ) .
Or, il est facile de voir que (Fx0 − Fx )δy 6= 0 si et seulement si y ∈ [x, x0 ]. Ceci montre que
[F, γ] est de rang ni.
Calculons le caractère de (H, F ). Soit a ∈ A. Nous avons alors
εF [F, a] =
a−P −1 aP
0
0
P aP −1 −a
Par conséquent,
trace (εF [F, a]) =
.
1
trace(a − P −1 aP ) .
2
Soit maintenant τ la trace sur A dénie au paragraphe 3.3. Rappelons que τ est l'unique trace
P
sur A telle que, si a =
aγ uγ ∈ C[Γ], alors τ (a) = ae . Nous en déduisons que pour tout
41
élément a ∈ A, a − τ (a) · ue appartient à l'adhérence de l'espace engendré par les éléments uγ
avec γ 6= 1. Comme l'action de Γ sur X est libre, ceci implique
h(a − τ (a) · ue )δx , δx i = 0 et h(a − τ (a) · ue )δϕ(x) , δϕ(x) i = 0 .
Il vient alors,
trace(a − P −1 aP ) = τ (a) trace(ue − P −1 ue P ) = τ (a) .
Ainsi, la restriction de τ à A est le caractère du module de Fredholm 1-sommable (H, , π, F )
sur A. En appliquant le corollaire 4.11, nous voyons que nous avons démontré que l'algèbre
∗ (Γ) ne possède pas d'idempotent non trivial (conjecture 0.1 pour le groupe libre).
Cred
42
Annexe A
Moyennabilité
A.1 Dénitions de la moyennabilité
Dénition A.1.
Soit Γ un groupe discret dénombrable. Le groupe Γ est moyennable s'il existe
sur Γ une mesure µ niment additive de masse totale 1 et invariante à gauche (i.e. pour tout
P ⊂ Γ et tout γ ∈ Γ, µ(γP ) = µ(P )).
Proposition A.2.
Un groupe Γ est moyennable si et seulement s'il existe sur l∞ (Γ) une forme
linéaire positive normalisée invariante à gauche.
Théorème A.3. Un groupe discret Γ est moyennable si et seulement s'il existe une suite ϕn
de fonctions sur Γ de type positif à support compact convergeant simplement vers 1.
Démonstration. Si Γ est moyennable, soit m une forme linéaire sur l∞ (Γ) positive (i.e. prenant
une valeur positive sur les fonctions á valeurs positives) invariante à gauche de norme 1.
Comme l1 (Γ) est dense dans l∞ (Γ)∗ pour la topologie de la convergence faible, m est limite
faible de fonctions fi ∈ l1 (Γ), et on peut supposer que ces fonctions sont à valeurs positives,
et kfi kl1 = 1. Mieux, par densité, on peut aussi supposer que les fonctions fi sont à support
ni. Nous Nous en déduisons que
pour tout γ ∈ Γ,
λ(γ)fi − fi converge vers 0, simplement.
Soit S 0 (Γ) l'ensemble de fonctions f à support ni sur Γ, positives, et telles que kf k1 = 1.
|Γ|
Consid'erons maintenant le convexe fermé dans l1(Γ)
, muni de la topologie produit,
C: =
o
Yn
|Γ|
λ(γ)f − f ; f ∈ S 0 (Γ) ⊂ l1(Γ)
.
γ∈Γ
Soit lγn la forme linéaire continue
sur l1 (Γ) dénit par lγ (f ) = f (γ). Chaque composante
o
Cγ = λ(γ)f −f ; f ∈ S 0 (Γ) contient la fonction nulle, car Cγ = ∪γ 0 ∈Γε>0 {|(lγ −1 γ 0 −lγ )(g)| ≤
ε}, d'après le théorème de Hahn-Banach. Donc 0 ∈ C , ce qui signie qu'il existe une suite
(gi ) ⊂ S 0 (Γ) vériant
lim kλ(γ)gi − gi k1 = 0 , (γ ∈ Γ) .
i→∞
1
Il est alors facile de voir que la suite hi dénie par hi (γ) = (gi ) 2 , vérie
lim kλ(γ)hi − hi k2 = 0 ,
i→∞
43
(γ ∈ Γ) .
Considérons alors la fonction de type positif
ϕi (γ) = hλ(γ)hi , hi i .
On vérie facilement qie ϕi est à support compact, et d'autre part 2(1 − ϕi (γ)) = kλ(γ)hi −
hi k22 → 0, et donc ϕi (γ) converge simplement vers 1.
Réciproquement, toute fonction de type positif à support compact est un coecient diagonal de la représentation régulière. Donc si φn converge vers 1, il existe des fonctions hn ,
gn = hn1/2 telles que
ϕn (γ) = hλ(γ)hn , hn i ,
et
kλ(γ)gn − gn k1 −→ 0 .
n→∞
∗
En particulier, les fonctions gn convergent simplement dans l∞ (Γ)
positive normalisée invariante à gauche.
vers une forme linéaire
Théorème A.4. Un groupe Γ (dénombrable) est moyennable si et seulement si la représen∗ (Γ) est dèle, i.e. le morphisme
tation régulière de Cmax
∗
∗
(Γ)
λ : Cmax
(Γ) −→ Cred
est un isomorphisme.
En eet, si Γ est moyennable, soit ϕn une suite de fonctions de type positif á support
compact convergeant vers 1. Soit a ∈ l1 (Γ). Alors,
|ak2Cmax
∗
=
=
=
=
=
supϕ p |ϕ(a∗ a)|
P
supϕ ftp aγ aγ 0 ϕ(γ −1 γ 0 )
P
limn supϕ ftp aγ aγ 0 ϕϕn (γ −1 γ 0 )
limn iλ(a∗ a)ξn , ξn i
∗ .
limn kλaξn k22 ≤ kakCred
∗ (Γ) → C ∗ (Γ) est un isomorphisme.
Donc λ : Cmax
red
R éciproquement, si la représentation régulière est dèle, alors pour toute représentation π ,
tout vecteur ξ ∈ Hπ de norme 1, il existe des fonctions à support compact sur γ , ξn , de norme
1, telles que limn kλ(a)ξn k = kπ(a)ξk. En particulier, lorsque π = 1Γ est la représentation
triviale de γ , on voit que ϕn (γ) = hλ(γ)ξn , ξn i converge vers 1. Donc Γ est moyennable.
A.2 Non-moyennabilité du groupe libre
Soit F2 le groupe libre sur deux générateurs a et b. Nous avons montré que si
∗
∗
λ∗ : K0 (Cmax
(F2 )) −→ K0 (Cred
(F2 ))
∗ (Γ) ne possédait pas
était un isomorphisme, on savait en déduire assez facilement que Cred
d'idempotent non-trivial. Nous montrons au chapitre suivant que λ∗ est bien un isomorphisme.
Nous pointons ici la diculté du doigt, en montrant que F2 n'est pas moyennable.
Théorème A.5.
Le groupe libre F2 sur deux générateurs n'est pas moyennable.
44
Démonstration. Montrons par l'absurde que F2 ne possède pas de mesure invariante à gauche,
niment additive, et de masse totale 1. Soit ν une telle mesure. Considérons les ensembles A
et B suivants.
A = {w ∈ F2 ; w = aw0 ou w = a−1 w0 }
B = {w ∈ F2 ; w = bw0 ou w = b−1 w0 }
Alors (A, B, {e}) est une partition de F2 et aB ⊂ A. Donc,
1 = ν(A) + ν(B) = ν(A) + ν(aB) ≤ 2ν(A) .
D'où ν(A) ≥ 1/2. En outre, comme bA et b−1 A sont deux parties disjointes de B ,
2ν(A) = ν(bA) + ν(b−1 A) ≤ ν(B) ≤ 1/2 .
D'où, ν(A) ≤ 1/4. Ceci montre la contradiction recherchée.
45
Annexe B
C ∗-modules
B.1 Dénitions
Dénition B.1.
Une structure de A-C ∗ -module sur l'espace vectoriel E est la donnée sur E
d'une structure de A module à droite et d'une application sesquilinéaire
h , i: E × E → A ,
A-linéaire en la première variable, vériant en outre
(i) pour tous ξ, η ∈ E ,
hη, ξi = hξ, ηi∗ ,
(ii) pour tout ξ ∈ E ,
hξ, ξi = 0
Exemple B.2.
le produit
=⇒
ξ = 0.
Soit E = An , où A est une C ∗ -algèbre. Alors E est un C ∗ -module sur A pour
hξ, ηi =
n
X
ξi∗ ηi .
i=1
1
Ceci permet de dénir une norme (exercice) sur An , en posant kξk = hξ, ξi 2 . Considérons
alors l'algèbre Mn (A). Muni de la norme d'opérateur
kT ξk = sup kT ξk
kξk=1
cette algèbre est une C ∗ -agèbre (avec l'involution (Tij )∗ = (Tji∗ )).
Proposition B.3.
Soit E un C ∗ -module sur A et ξ, η des éléments de E . Alors,
khξ, ηik ≤ kξkkηk .
Démonstration. Notons S(A) l'espace des états de A. Alors,
khξ, ηik2 = hη, ξhξ, ηii = sup |f (hη, ξhξ, ηii)| .
f ∈S(A)
46
(B.1)
Comme (v, w) 7→ f (v, w) est une forme sesquilinéaire positive sur E , nous pouvons appliquer
l'inégalité de Cauchy-Schwarz classique :
khξ, ηik2 ≤ sup f (hη, ηi)1/2 f (hξhξ, ηi, ξhξ, ηii)1/2 .
f ∈S(A)
De plus, on voit facilement que pour tout a ∈ A, kξak ≤ kξkkak. Donc,
khξ, ηik2 ≤ hη, ηi1/2 hξ, ξi1/2 hη, ξi .
Dénition B.4.
Une application linéaire continue T : E → F est un morphisme (de C ∗ modules sur A) lorsqu'il existe une application linéaire T ∗ : F → E telle que, pour tous (ξ, η) ∈
E × F,
hξ, T ∗ ηi = hT ξ, ηi .
Si T est un morphisme, alors T (ξa) = (T ξ)a pour tout a ∈ A et tout ξ ∈ E . En eet, pour
tout η ∈ F ,
hT (ξa), ηi = hξa, T ∗ ηi = a∗ hξ, T ∗ ηi = h(T ξ)a, ηi .
D'autre part, T ∗ est unique et est un morphisme tel que (T ∗ )∗ = T . L'ensemble des morphismes
LA (E) de E dans lui-même est une C ∗ -algèbre unitale pour la norme d'opérateur (B.1). De
plus, kT ∗ k = kT k. Les calculs pour vérier ces armations sont exactement les mêmes que
dans le cas des opérateurs bornés d'un espaces de Hilbert.
Théorème B.5.
Soit T : E → F un morphisme surjectif. Alors 1 − T ∗ T est inversible. En
particulier, on a une décomposition orthogonale E = ker T ⊕ im T ∗ .
Nous avons besoin des lemmes suivants.
Lemme B.6.
Soit T ∈ LA (E).
(i) Le morphisme T est autoadjoint si et seulement si hT ξ, ξi est autoadjoint pour tout ξ ∈ E .
(ii) Le morphisme T est positif si et seulement si hT ξ, ξi ≥ 0 pour tout ξ ∈∈ E .
Lemme B.7.
Soient x, y des éléments d'une C ∗ -algèbre A, tels que pour tout a ∈ A, l'on ait
kxak ≤ kyak. Alors, x∗ x ≤ y ∗ y .
Démonstration. Supposons que y soit inversible. Alors prenons a = xy −1 . Il vient, kak =
kxy −1 k ≤ kyy −1 k = 1. Par conséquent, en utilisant l'exercice 2.30,
x∗ x = a∗ y ∗ ya ≤ kak2 y ∗ y .
Si y n'est pas inversible, on veut construire une suite an telle que x = lim an y , kan k ≤ 1
et kan k → 1 . Le même calcul que précédemment permet alors de conclure. Posons kan =
−1 ∗
x n1 + y ∗ y
y . Alors la suite (an ) convient.
Démonstration. (théorème B.5). Supposons que T T ∗ soit inversible. Alors p = T ∗ (T T ∗ )−1 T
est un idempotent autoadjoint, tel que im p = im T ∗ car (T T ∗ )−1 T est surjectif, et ker p =
ker T car T ∗ (T T ∗ )−1 est injectif. De plus, il est clair que E1 = im p ⊕ ker p et que cette somme
est orthogonale.
47
Montrons que T T ∗ est inversible. Comme T est surjectif, le théorème de l'application
ouverte nous permet de trouver un réel k ≥ 0, tel que pour tout y ∈ E2 , il existe un antécédent
x, T x = y , vériant kxk ≤ kkyk. Alors,
kyk2 = hy, yi = hy, T xi = hT ∗ y, xi ≤ kkT ∗ kkyk2 .
Donc kT ∗ ≥ 1/k . Ceci implique, pour tout a ∈ A et y ∈ E2 ,
khT ∗ y, T ∗ yi1/2 ak ≤ 1/kkhy, yi1/2 ak .
D'après les lemmes précédents, il vient,
hT ∗ y, T ∗ yi ≥
1
hy, yi
k2
puis T T ∗ ≥
1
.
k2
Donc T T ∗ est inversible.
Corollaire B.8.
Soit E 0 ⊂ E un sous-A-module fermé. Alors les assertions suivantes sont
équivalentes. (i) E 0 possède un supplémentaire fermé A-orthogonal.
(ii) l'injection canonique E 0 → E est un morphisme.
De plus, si E = An , ces assertions sont équivalentes aux suivantes. (iii) E 0 posséde un supplémentaire fermé.
(iv) E 0 = im p où p est un idempotent de Mn (A).
Dénition B.9.
Soit T : E1 → E2 un morphisme. Alors T est de rang ni ≤ n s'il existe des
morphismes S : E1 → An et R : An → E2 tels que R ◦ S = T . Un morphisme est dit compact
s'il est limite d'opérateurs de rang ni.
Les A-morphismes compacts forment un idéal bilatère fermé.
Lemme B.10.
Soit ξ, η ∈ mathcalE . Alors θξ,η (ζ) = ξhη, ζi est un morphisme. Un morphisme
P T est de rang ni ≤ n si et seulement s'il existe ξ1 , . . . , ξn , et η1 , . . . , ηn tels que
T = θξ,η .
De ce lemme, on peut déduire le théorème de stabilité suivant.
Théorème B.11.
(de stabilisation de Kasparov)
Soient A une C ∗ -algèbre et HA le A-module hilbertien
X
HA = {x = (xn )n∈N ; xn ∈ A ,
x∗n xn converge dans A}
∠x, yi =
X
x∗n yn .
Alors, pour tout A-module hilbertien E , il existe un A-module hilbertien F tel que la somme
suivante soit orthognale,
E ⊕ F ' HA .
Il est par ailleurs facile de voir que HA ⊗ l2 (N) ' HA . Nous déduisons alors le corollaire
suivant.
Corollaire B.12.
Pout A-module hilbertien E ,
E ⊕ HA ' HA .
De plus, deux tels isomorphismes sont conjugués.
48
Soient RA (E) l'ensemble des morphismes de rang ni et KA (E) l'ensemble des morphismes
conmpacts.
Proposition B.13.
Un C ∗ -module E sur A est projectif de type ni si et seulement ¤si l'une
des assertions équivalentes suivantes est vériée. (i) L'identité est un morphisme de rang
ni.
(ii) RA (E) = LA (E).
(iii) L'identité est un morphisme compact.
(iv) KA (E) = LA (E).
B.2 Modules de Fredholm (bis)
Dénition B.14.
Soient E0 , E1 des A-modules. Un morphisme P ∈ LA (E0 , E1 ) est dit de
Fredholm lorsqu'il existe P ∈ LA (E1 , E0 ) tel que
1 − P Q ∈ KA (E1 , E0 ) ,
1 − QP ∈ KA (E0 , E1 ) .
Proposition B.15.
Tout morphisme de Fredholm P sur A dénit de façon canonique un
élément de K0 (A), appelé indice de P , et noté indiceA P .
Démonstration. En raisonnant comme dans un espace de Hilbert on montre que
K0 (LA (HA )) = K1 (LA (HA )) = 0 ,
K0 (KA (HA )) = K0 (A) et K1 (KA (HA )) = K1 (A) .
D'autre part, l'injection E ⊂ E⊕HA induit l'identité en K -théorie. Comme deux isomorphismes
entre E ⊕ HA et HA sont conjugués, deux tels isomorphismes induisent le même morphisme en
K -théorie. Tout élément de K0 (KA (E)) peut donc être vu sans ambiguité comme un élément
de K0 (KA (HA )) = K0 (A). Regardons mainteant P comme élément de K1 (LA (E)/KA (E)).
Nous dénissons alors
indice P = δ[P ] ∈ K0 (A) .
A
Dénition B.16.
Soient A, B des C ∗ -algèbres. Un A, B -bimodules de Fredholm (pair) est la
donnée d'un triplet (E, π, F) où E = E0 ⊕ E1 est un B -module
hilbertien, π = π0 ⊕ π1 est un
0
Q
morphisme (non-gradué) de A dans LB (E), et F = P 0 ∈ LB (E) est un morphisme gradué
tel que, pour tout a ∈ A, a(F 2 − 1) ∈ KA (E) (i.e. P est un morphisme de Fredholm). On
demande en outre que, pour tout a ∈ A, [F, a] ∈ KA (E).
Si un A, B -bimodule de Fredholm (E, π, F) est donné, tout morphisme ϕ : A0 → A induit
un A0 , B -bimodule de Fredholm (E, π 0 , F) en posant π 0 = π ◦ ϕ. Tout morphisme ϕ : B → B 0
induit un A, B 0 -bimodule de Fredholm grace à la proposition suivante.
Proposition B.17.
Soient E un B -module hilbertien (resp. E 0 un B 0 -module hilbertien) et
ϕ : B → LB 0 (E). Soit E B E 0 le quotient du produit tensoriel algébrique E E 0 par le sousespace (fermé ?) engendré par les éléments de la forme eb ⊗ e0 − e ⊗ ϕ(b)e0 . Alors, l'application
hξ ⊗ ξ 0 , η ⊗ η 0 i : = hξ 0 , ϕ(hξ, ηi)η 0 iB 0 .
est bien dénie sur E B E 0 et en fait un B 0 -module préhilbertien. Le complété de cet espace
pour la norme kξ ⊗ ξ 0 k = hξ ⊗ ξ 0 , ξ ⊗ ξ 0 i1/2 est un B 0 -module hilbertien.
49
Le A, B 0 -module de Fredholm est le bimodule (E ⊗B B 0 , π ⊗ 1, F ⊗ 1).
Une homotopie de A, B -bimodule de Fredholm est un A, B[0, 1]-bimodule de Fredholm.
Une homotopie étant donnée, les A, B -bimodules obtenus en évaluant en 0 et 1 sont dit
homotopes.
Théorème B.18.
Tout A, B -bimodule de Fredholm α induit de façon compatible avec la fonctorialité, un morphisme de groupes abéliens
α∗∗ : K∗ (A) → K∗ (B) .
De plus, ce morphime ne dépend que de la classe d'homotopie de α.
Démonstration. Écrivons α = (E, π, F) avec F = Q0 P0 . Soit e ∈ idem Mn (A). Alors, π0 (e)E
et π1 (e)E sont des C ∗ -modules sur B . Comme l'injection π0 (e)E ⊂ E est un morphisme, nous
en déduisons que l'application
Pe : π0 (e)E −→ π1 (e)E
ξ 7−→ π1 (e)P ξ
dénit un élément Pe ∈ LA (π0 (e)E, π1 (e)E).
Armation. Pe est un morphisme de Fredholm.
En eet, nous dénissons un morphisme Qe ∈ LA (π1 (e)E, π0 (e)E) en posant Qe η = π0 Qη .
Alors, Qe est le pseudo-inverse recherché. Nous pouvons donc dénir
α∗∗ (e) = indice Pe .
B
Soit Γ un groupe dénombrable.
Dénition B.19. Un Γ-module de Fredholm (pair) est la donnée d'un triplet (H, π, F ) où
H = H0 ⊕ H1 est un espace de Hilbert, π une représentation unitaire de Γ non-graduée, et
F = P0 Q0 est tel que F 2 − 1 est un opérateur compact (autrement dit, P est un opérateur
de Fredholm, de parametrix Q). De plus, les relations
[F, γ] ∈ k(H) ,
doivent être vériées.
Deux Γ-modules de Fredholm (H0 , π0 , F0 ) et (H1 , π1 , F1 ) sont dits homotopes lorsqu'il
existe un C, C[0, 1] -modules de Fredholm (H, πA , F )t∈[0,1] et un morphisme de groupes topologiques
πΓ : Γ → UC[0,1] (E)
(un champ continu de représentations unitaires) tels que [F, γ] soit C[0, 1]-compact et
ev0 ((H, πA , F )) = (H0 , π0 , F0 ) et ev1 ((H, πA , F )) = (H1 , π1 , F1 ) .
Lemme B.20. Soit (H, π) une représentation unitaire d'un groupe Γ discret. Alors, (H ⊗
l2 (Γ), π ⊗ λ) est unitairement équivalente à une sous-représentation de (H ⊗ l2 (Γ), 1 ⊗ λ).
50
Démonstration. Identions H ⊗L2 (Γ) avec l2 (Γ, H) au moyen de v⊗f 7→ fv où fv (γ) = f (γ)·v .
À travers cet isomorphisme, les représentations π ⊗ λ s'écrivent
π ⊗ λ(γ)ξ(γ 0 ) = π(γ) ξ(γ −1 γ 0 )
1Γ ⊗ λ(γ)ξ(γ 0 ) = ξ(γ −1 γ 0 )
L'opérateur d'entrelacement
U
l2 (Γ, H) - l2 (Γ, H) ,
est déni par
U ξ(γ 0 ) = π(γ 0−1 ) ξ(γ 0 ) .
Vérions que, pour tout γ ∈ Γ, U ◦ π(γ) ⊗ λ(γ) = 1 ⊗ λ(γ) ◦ U . En eet,
U (π(γ) ⊗ λ(γ))ξ (γ 0 ) = π(γ 0−1 )(π(γ) ⊗ λ(γ)ξ(γ 0 )) = π(γ 0−1 γ)ξ(γ −1 γ 0 ) ,
et
1 ⊗ λ(γ) (U ξ)γ 0 = (U ξ)(γ −1 γ 0 ) = π(γ 0−1 γ)ξ(γ −1 γ 0 ) .
Proposition B.21.
∗ (Γ), C ∗ (Γ)Tout Γ-module α = (H, π, F ) de Fredholm induit un Cmax
max
∗ (Γ), C ∗ (Γ)-bimodule de Fredholm j
bimodule de Fredholm jmax (α), et un Cred
(α)
,
qui ne
red
red
dépend que de la classe d'homotopie de α, de sorte que les diagrammes suivants soient commutatifs.
∗
jmax (α)∗
∗
∗
Ki (Cmax
(Γ))
Ki (Cmax
(Γ))
λ∗
λ∗
?
∗
(Γ))
Ki (Cred
max (α)∗
?
jred
∗
- ∗Ki (Cred (Γ))
jred (α)∗∗
De plus, lorsque la représentation unitaire (H, π) de γ est unitairement équivalente à une
sous-représentation d'un multiple de la représentation régulière (i.e. la représentation (l2 (N) ⊗
∗ (Γ), C ∗ (Γ)-bimodule de Fredholm, qui ne dél2 (Γ), 1 ⊗ λ)), le Γ-module α induit un Cred
max
pend que de la classe d'homotopie de α. En particulier, les triangles du diagramme précédent
commutent.
∗ (Γ), on prend le bimodule (H ⊗ C ∗ (Γ), π ⊗ u, F ⊗ 1). Dans le cas
Dans le cas de Cmax
max
∗
∗ (Γ), π ⊗ λ, F ⊗ 1). Pour vérier qu'il s'agit bien
de Cred (Γ), on prend le bimodule (H ⊗ Cred
d'un bimodule de Fredholm il faut s'assurer en particulier que, pour tout γ ∈ Γ, l'élément
∗
∗ (Γ) (H ⊗ C
π(γ) ⊗ π(γ) dénit bien un élément unitaire de LCred
red (Γ)). Or, d'après le lemme
de Fell,
π(γ) ⊗ λ(γ) = U (1 ⊗ λ(γ))U −1 .
Supposons maintenant que π est contenue dans un multiple de la représentation régulière.
∗ (Γ) → L ∗
∗
Alors, toujours d'après le lemme de Fell, le morphisme Cmax
Cmax (Γ) (H ⊗ Cmax (Γ)) se
51
∗ (Γ).
factorise à travers Cred
∗
∗
∗
Cmax
(Γ) - LCmax
(Γ) (H ⊗ Cmax (Γ))
λ
?
∗
Cred
(Γ)
-
B.3 Moyennabilité du groupe libre en K -théorie
Dans ce paragraphe, nous montrons le
Théorème B.22.
Le morphisme de groupes
∗
∗
λ∗ : K∗ (Cmax
(F2 )) −→ K∗ (Cred
(F2 ))
est un isomorphisme.
Le module de Fredholm (H, π, F ) 1-sommable que nous avons introduit au paragraphe 4.3
est un Γ-module de Fredholm et il va nous être à nouveau très utile ici. Tout d'abord, il est
évident que la représentation (H, π) de Γ est un sous-multiple de la représentation régulière.
La proposition B.21 nous permet donc de dénir tous les bimodules du diagramme B.21.
Proposition B.23.
Le Γ-module (C⊕l2 (Γ), 1Γ ⊕λ, 0⊕1) vérie les hypothèse de la proposition
B.21. Les morphismes de groupes induits j(max)∗∗ et j(red)∗∗ sont les morphismes identité idK∗ .
Pour que l'application λ∗ est inversible, il sut donc de montrer le théoème suivant.
Théorème B.24.
sont homotopes.
[JV85] 1 Les Γ-modules de Fredholm (H, π, F ) et (C ⊕ l2 (Γ), 1Γ ⊕ λ, 0 ⊕ 1)
La n de ce chapitre est consacré à la démonstration de ce théorème.
Nous allons construire une homotopie de la forme (H, ρt ⊕ π1 , F ), avec π0 = ρ0 et (H, ρ1 ) ∼
(C⊕H1 , 1Γ ⊗π1 , ). Si x 6= x0 , soit x0 le point du segment ]x, x0 ] le plus proche de x. Dénissons
l'opérateur suivant :
P 0 : l2 (X 0 ) −→ l2 (X 0 )
δx0 si x 6= x0
δx 7−→
0
si x = x0 .
Dénissons également les opérateurs A et B par
P
A(δx ) = y∼x δy ,
B(δx ) = card ({y, y ∼ x} − 1)δx .
Les opérateurs A et B sont Γ-équivariants. De plus, en notant p0 la projection orthogonale
sur le sous-espace engendré par δx0 ,
P 0 + P 0∗ = A ,
P 0 P 0∗ = B − p .
1
la démonstration présentée ici n'est pas celle donnée dans la référence. Je n'ai malheureusement aucune
référence à donner pour la démonstration ci-dessous, je ne sais même pas le nom des aureurs qui sont au
nombre de 2.
52
Ces opérateurs sont donc presque équivariants.
L'opérateur (1 − tP 0 ) possède un inverse non-borné, déni sur le sous-espace engendré par
les éléments δx . En eet, si d est la distance naturelle sur x0 ,
X
(1 − tP 0 )−1 δx =
td(x,y) δy .
y∈[x,x0 ]
Soit, pour t ∈ [0, 1], λ = (1 − t2 )1/2 − 1
0
Ut = 1 − tP + λp0 =
1 − tP 0
sur ker p0
2
1/2
(1 − t ) p0 sur im p0 .
Proposition B.25.
Pour tout t ∈ [0, 1] et tout γ l'opérateur (Ut Ut∗ )−1 commute à l' opérateur
π0 . En particulier, ρt = Ut−1 π0 (γ)Ut est un opérateur unitaire (donc borné).
En eet, d'après ce qui précède, Ut Ut∗ = 1 + tA + t2 B est équivariant.
Proposition B.26.
Le triplet (H0 ⊕ H1 , ρt ⊕ π1 , F ) dénit un Γ-module de Fredholm.
En utilisant la formule
Ut−1 δx =
X
td(y,x) δy +
y∈[x,x0 [
td(x,x0 )
δx ,
(1 − t2 )1/2 0
on voit facilement que, pour γ xé, (ρt (γ) − π0 (γ))δx = 0, pour x =
6 x0 , et γ xé, (ρt (γ) −
π0 (γ))δx0 s'exprime en fonction des éléments δy , avec y ∈ [x0 , γ · x0 ]. En conclusion, nous
voyons que l'opérateur
P ρt (γ) − π1 (γ)P = P ρt (γ) − π0 (γ) + P π0 (γ) − π1 (γ)P
est un opérateur compact.
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