Transport maritime : Vers un transport durable
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Transport maritime : Vers un transport durable
Lundi 14 avril 2003 Transport maritime : Vers un transport durable ? Prestige, Ievoli Sun, Erika… Et après ? Emilie BATT Nicolas GUEZE Guillaume PILON Tuteurs : Axe Ecologie Industrielle et Management Environnemental Axe Cindyniques Hervé VAILLANT Henry LONDICHE SOMMAIRE Introduction…………………………………………………………………………………….3 Partie 1 : La réglementation maritime………………………………………………………7 ILes acteurs……………………………………………………………………...7 IILes outils de la réglementation internationale………………………………….9 IIILes autres réglementations……………………………………………………11 IVLes normes de sécurité des pétroliers…………………………………………16 Partie 2 : Impact écologique et économique de la catastrophe de l’Erika……………….21 IEffets écotoxicologiques immédiats…………………………………………..22 IILes effets écologiques………………………………………………………...22 IIIDégradation des produits du pétrole……………………………………….….27 IVSensibilité des milieux………………………………………………………..28 VSuivi chimique de la pollution………………………………………………...28 VILes déchets……………………………………………………………………31 VII- Les épaves…………………………………………………………………….32 VIII- Dommages monétaires………………………………………………………..33 IXDommages non monétaires…………………………………………………...35 Partie 3 : De l’Erika a une meilleure prise en compte du facteur humain dans les accidents de transport maritime……………………………………………………………36 ILes causes de l’accident de l’Erika...…………………………………………37 IIPistes pour mieux prendre en compte le facteur humain……………………...44 Conclusion……………………………………………………………………………………51 Annexe 1 : Glossaire des abréviations………………………………………………………..54 Annexe 2 : Organigramme……………………………………………………………………56 2 INTRODUCTION Les ¾ des marchandises produites et consommées dans le monde empruntent la voie maritime. Cela représentait 5,83 milliards de tonnes transportées en 2001. Après 15 ans de croissance soutenue (4% par an), l’utilisation de ce mode de transport se tasse un peu car elle est directement liée à la croissance économique. Les grandes routes du transport maritime : Répartition mondiale des flux de tranport maritime Asie 9% 7% 37% Europe Amériques 21% 26% Afrique Océanie L’état de la flotte mondiale : Source : rapport sur les transports maritimes 2001 de l’United Nations Conference on Trade and Development (UNCTAD - ONU) On distingue habituellement 5 grands types de navires : • Les pétroliers, pour le transport des produits pétroliers (bruts ou raffinés), qui représentent environ 1/3 de la capacité de la flotte mondiale 3 • Les vraquiers, transportent les produits secs en vrac (charbon, céréales, minerais divers…) et représentent 1/3 de la capacité de la flotte mondiale • Les porte-conteneurs, assurant le transport des produits manufacturés parfois à forte valeur ajoutée, représentent environ 10% de la capacité de la flotte mondiale • Les navires de charge classiques (spécialisés, frigorifiques,…) environ 10% de la flotte. Les autres navires, dont les chimiquiers et méthaniers représentent aussi 10% de la capacité de la flotte mondiale. • Notre étude va porter principalement sur les pétroliers. Au niveau des pays d’immatriculation des navires, on distingue 5 groupes : les PDEM (pays développés à économie de marché), les principaux pays de libre immatriculation (Bahamas, Bermudes, Chypre, Libéria, Malte, Panama, Vanuatu), les pays d’Europe centrale et orientale, les pays socialistes d’Asie (Chine, Corée du Nord et Viêt-Nam) et les PVD (pays en voie de développement). 4 Pays d'immatriculation des pétroliers 1% 1% 16% 30% PDEM Libre Immatriculation Europe C&O Asie Soc. 52% PVD Répartition par ages des pétroliers 17% 0-4 ans 38% 5-9 ans 10-14 ans 24% 9% 12% 15-19 ans 20 ans et + De très nombreux pétroliers (38%) sont âgés de plus de 20 ans. La moyenne d’age des pétroliers au niveau mondial est de 14,1 ans. Les navires les plus agés se situent en Europe Centrale et de l’Est (19,7 ans) et dans les pays socialistes d’Asie (16,8 ans). Contrairement à une idée reçue, les pays de libre immatriculation ont une moyenne d’âge de 13,9 ans contre 14,5 ans pour les PDEM. Les particularités des pays de libre immatriculation (ou pavillons de complaisance) : Source : International Transport Workers Federation (http://www.itf.org.uk/general/section_brochures/french/foc.htm ) Antigua-et-Barbuda, Antilles néerlandaises, Bahamas, Barbade,Belize, Bermudes, Birmanie/Myanmar, Bolivie, Cambodge, Chypre, Comores, Gibraltar, Guinée équatoriale, Honduras, Iles Caïman, Iles Marshall, Jamaïque, Liban, Liberia, Malte, Maurice, Panama Registre maritime international allemand (GIS), São Tomé et Príncipe, Saint-Vincent et les Grenadines, Sri Lanka, Tonga, Vanuatu. 5 On distingue deux types de pavillons de complaisance : -pavillons économiques (frais d’immatriculation et charges sociales avantageuses) -pavillons frauduleux (droits des travailleurs moindres, en plus des avantages économiques) L'ITF tient compte de la proportion de navires étrangers immatriculés dans ce pays ou qui arborent son pavillon, ainsi que des autres critères suivants, pour déterminer s'il s'agit ou non d'un pavillon de complaisance : • Capacité et volonté de l'Etat du pavillon de faire respecter les normes sociales internationales minimales sur ses navires, y compris le respect des droits humains et syndicaux fondamentaux, la liberté syndicale et le droit de négocier collectivement avec des syndicats authentiques. • Son "bilan" social au vu des conventions et recommandations de l'OIT qu'il a ratifiées et mises en oeuvre. • Son "bilan" en matière de sécurité et de respect de l'environnement au vu des conventions de l'OMI qu'il a ratifiées et mises en oeuvre, et des rapports d'inspection du contrôle de l'Etat du port pour les défaillances et détentions. Au niveau européen, l’entrée de Malte et Chypre dans l’UE en 2004 risque de poser des problèmes, de même que le cautionnement par la Grande Bretagne de 3 pays (Bermudes, Iles Caïman, Gibraltar), et le deuxième registre allemand (GIS). Malte s’est récemment engagée à faire des efforts. 6 Partie 1 La réglementation maritime I- Les acteurs La réglementation internationale est réalisée par plusieurs organismes. Cette multitude de sources normatives est un héritage de l’histoire maritime. Si l’Etat apparaît aujourd’hui comme le principal acteur de la sécurité, son action demeure étroitement encadré par l’OMI et par d’autres institutions intergouvernementales. Les organismes privés et notamment les sociétés de classification ont également un rôle très important. 1) L’OMI C’est une organisation internationale des Nations Unies. Son but est de créer des mécanismes de coopération entre les gouvernements dans le domaine des lois internationales dans le domaine des lois internationales et d’entraide dans le domaine des problèmes techniques. Cette organisation regroupe 157 états. Elle ne possède pas de forces de répression mais à l’autorisation de vérifier avec soin et de certifier les procédures adoptées par les pays contractants. 2) Les organisations intergouvernementales On y trouve d’autres organismes de dimensions internationales dépendant des Nations Unies comme : • L’OIT, qui a une grande importance dans la réglementation du travail maritime et l’amélioration des conditions de vie des gens de mer, • L’UIT, puisque les télécommunications sont primordiales lors d’accidents maritimes, • L’OMM, pour les données météorologiques. On trouve également l’INMARSAT car les satellites sont de plus en plus utilisés et de multiples autres organisations internationales et régionales (la communauté européenne par exemple). 7 3) Les ONG Les industries maritimes se sont regroupés afin de pouvoir se défendre et participer à l’élaboration de la législation. On a par exemple l’AWES qui défend l’intérêt des constructeurs et réparateurs européens et l’ICS pour les armateurs et exploitants de navires et l’IUMI pour les assureurs. Ces ONG ont une contribution importante dans le processus normatif : elles élaborent d’une part le processus normatif et participent d’autre part activement au travail des organisations intergouvernementales. Dans le domaine maritime la réglementation privée a une grande importance. Mais sa valeur juridique dépend beaucoup du pays où elle est censée produire ses effets. 4) Les sociétés de classification Elles sont le fruit de la volonté des armateurs de se prémunir au XIX siècle de l’intervention de l’état dans le domaine de la sécurité maritime. Aujourd’hui, elles ont encore un rôle fondamental dans la prévention des risques maritimes. Elles ont un double rôle : • Activité purement privée, la classification qui consiste à élaborer des règles concernant la sécurité du navire et à veiller à leur application. Le certificat alors délivré à l’armateur lui permet de trouver une assurance. • Une mission de service public grâce à leur réseau internationale, sur délégation d’un état, elles appliquent les règles contenues dans les conventions internationales. 8 II- Les outils de la réglementation internationale La société internationale a pour caractéristique principale d’être constituée d’entités à la fois égaux et souverains : les états. Ainsi à la différence du droit interne, il n’existe pas de d’organe législatif pouvant exercer un pouvoir réglementaire à l’égard des états. Tout repose par l’acceptation des normes par chacun d’entre eux. Il existe deux types d’instrument juridique : conventions et recommandations. 1) Les instruments conventionnels Par-là, il faut entendre tout type d’accord international conclu par écrit entre états et par lequel ceux-ci sont liés juridiquement par le principe Pacta sunt servanda. Cependant, à la différence d’autres institutions de l’ONU, l’OMI ne possède pas le pouvoir d’adopter des conventions internationales. Elle ne peut qu’inciter les états d’adopter des projets conventionnels. Cette adoption ne put se faire que lors de conférences diplomatiques que l’OMI peut organiser mais durant lesquels l’Organisation n’y a aucun pouvoir. Ces conventions une fois ratifiées peuvent être révisées par des amendements ou des protocoles. La mise en application de ces conventions est assurée par les états qui l’ont ratifiée. Cependant, ce principe général du droit international connaît de nombreuses altérations. D’après la convention de Vienne sur le droit des traités : tout traité en vigueur lie les parties et doit être exécuté par elle bonne fois. Ainsi les états contractants se doivent de promulguer toutes lois, décrets et règlements nécessaire pour donner à la convention son plein et entier effet. En plus d’intégrer dans son ordre juridique les dispositions conventionnelles, l’état doit s’assurer de son harmonie avec l’action des autres états. D’où la nécessité de disposer d’une infrastructure réglementaire et législative adaptée ainsi que d’une administration maritime dotée du personnel nécessaire pour contrôler la mise en œuvre des normes à bord des navires. En pratique, les états ne remplissent pas correctement ces obligations. On assiste à une très lente incorporation des règles internationales dans l’ordre juridique interne de chaque état et à une grande diversité des réglementations d’application. 2) Les instruments non conventionnels Ils sont de deux types : • Les instruments concertés non conventionnels. Il s’agit de documents écrits émanant des états, aptes à produire des effets de droit. Sont rangés dans cette catégorie les actes finaux des conférences diplomatiques ainsi que les résolutions et recommandations adoptées à cette occasion. Ils permettent aux états de se dégager de la rigueur des engagements conventionnels tout en donnant à ces accords une portée juridique. • Les actes des organisations internationales. Ces dernières comme l’OMI, l’OIT et la communauté européenne, élaborent diverses recommandations, résolutions, directives et règlements destinés à prévenir les accidents en mer. 9 Par définition, les recommandations des organisations internationales n’ont aucun caractère juridique obligatoire, les états ne sont pas tenus de les mettre en application mais ont tout de même une triple utilité : • Elles peuvent légaliser certaines règles ou pratiques privées. • Elles annoncent bien souvent une réglementation future qui deviendra obligatoire. • Elles peuvent concourir à l’élaboration d’une à la formation d’une coutume internationale des transports à l’égard des états non membres. Il faut noter que l’Union Européenne est une organisation supra étatique et donc peut produire des actes obligatoires. La réglementation internationale de la sécurité maritime est devenue d’une effroyable complexité. Celle–ci tient au fait que les normes sont à la fois hétérogènes, volumineuses et lacunaires car elle est le fruit d’un difficile compromis entre les intérêts divergents des différents états. L’amélioration de la sécurité en mer et de la protection de l’environnement marin figure certes parmi les préoccupations de tous les états membres de la société internationale mais pour des notions politiques, stratégiques ou économiques, chaque nation y apporte une attention différente. De plus, ces réglementations ne règlent pas à elles seules le droit maritime. 10 III- Les autres réglementations 1) Les réglementations nationales L’action des organisations internationales n’a pas supprimé le pouvoir de réglementation de chaque état. Comme le rappelle la plupart des conventions de l’OMI, « tous les points qui ne font pas l’objet de prescriptions expresses (dans de tels instruments) restent soumis à la législation des gouvernements contractants. » Cependant l’état ne peut pas agir à sa guise : il lui faut tenir compte des principes du droit international. En vue de contenter à la fois les états transporteurs et les états menacés par l’exercice des activités maritimes, les uns cherchant un minimum de contraintes et les autres désirant une réglementation performante soucieux de la protection de leurs côtes, le droit de la mer a mis en place une répartition des compétences normatives qui varie selon la zone où se trouve le navire : • Le pouvoir de réglementation en haute mer Cette zone se caractérise par la liberté de navigation : aucune compétence nationale ne peut s’exercer sur cet espace situé au-delà de la mer territoriale. Seul s’exerce la souveraineté de l’état auquel le navire est rattaché. L’état du pavillon y prend à sa charge la responsabilité du navire. Les compétences normatives de l’état du pavillon en matière de sécurité ont été consacrées par plusieurs conventions internationales. Celle de 1958 sur la haute mer indique que « tout Etat est tenu de prendre à l’égard des navires arborant son pavillon, les mesures nécessaires pour assurer la sécurité en mer, notamment en ce qui concerne : ¾ L’emploi des signaux, l’entretien des communications et la prévention des abordages ; ¾ La composition et les conditions de travail des équipages ; ¾ La construction et l’armement du navire et son aptitude à tenir la mer. » La convention de 1982 sur le droit de la mer oblige les états à prendre des mesures dans tant pour la navigation que pour la protection du milieu marin : ¾ Elle rallonge la liste des matières susceptibles de faire l’objet de réglementations. En plus du navire, de l’équipage et de la navigation évoqués ci-dessus, on trouve l’inspection du navire, la présence à bord de cartes marines, du matériel et des instruments de navigation, l’obligation de confier l’équipage à un capitaine et des officiers qualifiés et que ceux-ci connaissent et respectent les règles internationales. ¾ L’état du pavillon doit adopter des lois et règlements pour prévenir, réduire et prévenir la pollution par les navires. Il faut noter qu’il apparaît une carence à ce niveau dans l’organisation maritime. En effet, la convention de 1958 stipule que les états pavillons doivent se conformer aux normes internationales généralement acceptées. Cependant, il n’existe aucune définition officielle de cette expression. Et laissent donc place à une libre interprétation des normes à suivre. 11 • La Zone Economique Exclusive (ZEE) Elle borde la haute mer et s’étend jusqu’à 200 milles des côtes. C’est le premier espace où peut s’exercer une concurrence des pouvoirs de l’état du pavillon et de l’état riverain. Tout comme en pleine mer, la convention de 1982 y accorde à tous les états la libre circulation. Le pouvoir de réglementation en matière de sécurité des navires revient donc à l’état pavillon mais grâce à l’article 56 de cette même convention, l’état côtier possède des droits exclusifs finalisés. Il y a juridiction en ce qui concerne : ¾ La mise en place et l’utilisation d’îles artificielles, d’installations et d’ouvrages ; ¾ La recherche scientifique marine ; ¾ La protection et la préservation du milieu marin. Ce régime juridique particulier est quelquefois aménagé par les états désirant renforcés la sécurité dans cette zone mais la légitimité de ces lois est de plus en plus contesté. On peut citer l’exemple des Seychelles qui ont voté en 1974 l’autorisation au président de déclarer zone particulière toute zone de sa ZEE. Il peut ainsi contrôler toute cette zone ce qui est contraire au principe de libre circulation. • La mer territoriale A 12 miles des côtes et jusqu’à la limite des eaux intérieures s’étend la mer territoriale. Sur cette zone l’état riverain exerce sa souveraineté. Afin de préserver les intérêts du commerce international, le droit de la mer a trouvé un compromis entre la nécessaire protection du riverain et la nécessité de la navigation en établissant un principe particulier pour cette zone : le principe du droit de passage inoffensif. Ainsi tous les navires des états riverains ou non de la mer jouissent du passage dans les eaux territoriales. Ce passage comprend le droit de traverser la mer territoriale, de stopper et de mouiller mais seulement de mouiller dans la mesure où le mouillage constitue un incident ordinaire de navigation ou s ‘impose au navire dans un état de relâche forcée ou de détresse. L’état riverain est autorisé à suspendre temporairement ce passage dans des zones déterminées sous trois conditions : la suspension doit être indispensable pour la sécurité du riverain, se faire sans discrimination des navires étrangers et faire l’objet d’une publicité. Pour statuer sur le caractère inoffensif du passage, l’état riverain ne peut établir des lois et des règlements sur des points contenus dans une liste établie lors de la convention de MONTEGO BAY de 1982. On y trouve notamment la sécurité de la navigation, la régulation du trafic, la protection des équipements et des systèmes d’aide à la navigation, la prévention de l’environnement, la prévention, la réduction et la maîtrise de la pollution. En aucun cas l’état riverain ne peut légiférer sur toutes les matières concernant la sécurité intrinsèque du navire à moins que ces lois et règlements ne donnent effet à des normes internationales généralement acceptées pour notifier que seul l’OMI est investi de fonctions particulières dans ce domaine. 12 2) Les réglementations unilatérales Les catastrophes maritimes remettent souvent en cause l’efficacité de la voie consensuelle traditionnelle. L’état touché ou simplement menacé dans ses intérêts vitaux exige des mesures rapides, presque instantanées, pour corriger les imperfections ou combler les lacunes de la réglementation internationale : difficulté de trouver un consensus planétaire, lenteur dans l’élaboration et l’application du droit qui en résultent, les lacunes et les imprécisions des normes qu’il renferme. La volonté affichée par un état d’adopter une réglementation allant au-delà des normes généralement acceptées peut viser différents objectifs : activer un processus de décision au niveau international ou corriger les carences du système existant. Ces mesures concernent le plus souvent deux points : • La sauvegarde de la vie humaine en mer Ce fut le cas en Angleterre pour la sécurité des transbordeurs et en Norvège pour la sécurité des navires rouliers à passagers. Dans les deux cas la démarche des autorités a été motivée par un accident ayant entraîné la mort de plusieurs personnes. Mais il est à noter que ces démarches unilatérales ont certes provoqué un tollé sur la scène internationale mais ont permis d’accélérer la mise en place de nouvelles normes par l’OMI. • La protection de l’environnement marin : L’Oil Pollution Act On trouve dans cette catégorie la plus importante des réglementations unilatérales : L’Oil Pollution Act ; la plus importante du point de vu du contenu mais aussi du point de vu des répercutions internationales. Elle fut adoptée en août 1990 par les Etats-Unis et entra définitivement en pratique en décembre 1994. Pour la première fois était apportée une réponse globale au problème de la pollution des mers par les hydrocarbures. Malgré son ampleur et sa brutalité, l’initiative américaine n’aurait pas dû surprendre la communauté maritime internationale, car elle avait été précédée de nombreuses initiatives législatives antérieures. En effet depuis la fin des années 60, les Etats-Unis n’ont jamais caché leur intention de prendre des mesures unilatérales en matière de protection de l’environnement si la communauté internationale n’agissait pas de façon suffisante. Ainsi afin de minimiser les risques de pollution engendrés par des unités ne battant pas le pavillon national, les Etats-Unis n’ont pas hésité à invoquer leur juridiction sur tout navire entrant dans leurs eaux territoriales. L’accident de l’Exxon Valdez le 24 mars 1989 qui fut la plus grande et dramatique marée noire de l’histoire américaine, mit fin à la patience des autorités américaine qui sous la pression de l’OMI ne voulait pas prendre de mesures unilatérales trop marquées. A la suite de cette marée noire, des pressions très vives furent exercées sur l’appareil politique en place pour que plus jamais le pays ne connaisse pareille catastrophe. Le 18 août 1990 était adopté l’Oil Pollution Act. 13 La pollution est traitée sous trois aspects : La prévention La sécurité est renforcée dans trois domaine : la construction et l’équipement, l’exploitation et la navigation. On peut retenir principalement l’obligation pour les pétroliers d’être équipés d’une double coque et d’un double fond. Pour les pétroliers en service, des dates de mise aux normes ont été déterminées en fonction de leur âge de leur tonnage et de leur type de construction. Au plus tard en 2010, tous les navires citernes à simple coque seront interdits d’accès dans les eaux américaines. Une attention particulière est aussi portée le respect des normes. Ainsi l’US Coast Guard doit en cas d’accident impliquant un navire étranger, déterminer si les normes de l’état du pavillon sont aux moins équivalentes aux normes américaines ou à celles acceptées sur le plan international par les Etats-Unis et si ces normes ont été réellement appliquées. Si ce n’est pas le cas, les navires de l’état du pavillon concerné pourront se voir refuser l’entrée dans les zones territoriales sauf si l’USCG estime le navire sûr ou si son entrée est nécessaire pour la sécurité du bâtiment ou de son équipage. On peut également citer le cas de l’usage de la drogue et de l’alcool. Outre le droit accordé au second capitaine de relever de ses fonctions le commandant du navire si ce dernier est sous l’emprise de drogues ou de l’alcool, on trouve l’autorisation à l’USCG de retirer les certificats nautiques en cas d’infraction à la réglementation terrestre d’un des marins c’est à dire au code de la route. La lutte contre la pollution Tout navire quelque soit l’état du pavillon transportant du pétrole dans les eaux des EtatsUnis est contraint d’avoir un plan d’action (Vessel Response Plan ou VRP) et d’être équipé d’un matériel de récupération. Le VRP est à la charge de l’armateur et doit être validé par l’USCG. La responsabilité et l’indemnisation L’OPA sonna le glas de la limitation de responsabilité de l’armateur. En effet, si la loi reconnaissait cette possibilité au niveau fédéral, elle permettait en revanche à chaque état américain de laisser subsister un mécanisme différent. La plupart des états côtiers saisirent l’occasion pour mettre en place un dispositif législatif prévoyant une répartition illimitée des dommages de pollution assortie d’une assurance obligatoire. Cette obligation d’assurance engendra de nombreuses difficultés tenant à l’impossibilité de trouver sur le marché mondial de l’assurance des capacités suffisantes pour garantir une réparation intégrale des dommages de pollution. 14 L’OPA eu des incidences à trois niveaux : Au niveau politique Il a remis en cause un consensus international qui cherchait tant bien que mal à s’imposer dans le domaine technique et juridique grâce à l’action de l’OMI. En marquant une rupture au moins provisoire avec les mécanismes conventionnels, l’initiative américaine a décrédibilisé l’OMI dans son rôle de promoteur de la réglementation internationale. L’OMI a bien essayé de rattraper son retard dans la prévention et la lutte contre la pollution en provoquant une modification de la convention MARPOL, notamment avec les règles sur les doubles coques et les systèmes de protection structurels équivalents, adoptée le 6 mars 1992. Malgré cela, les Etats-Unis sont restés sur leur position estimant que l’amendement de la convention MARPOL entrait en contradiction avec l’OPA sur trois points : la possibilité de solutions alternatives aux doubles coques, la taille des navires auxquels l’amendement s’appliquer et la date de mise en vigueur des nouvelles règles. Au niveau juridique L’OPA a marqué une rupture avec le régime de responsabilité du propriétaire de navire. Le système de responsabilité qu’elle met en place avec un plafond certes élevé de 10 millions de dollars, reste illusoire dans la mesure où la loi fédérale peut s’effacer devant la loi des états. Cela ouvre la voie à une parcellisation du droit maritime : Elle risque d’entraîner une juxtaposition de systèmes différents établis par les législateurs nationaux soucieux de rassurer une opinion ignorante des conditions du transport maritime. Au niveau financier L’OPA a engendré des coûts nouveaux que devra supporter l’industrie maritime que ce soit pour la construction ; l’exploitation ou la navigation. L’ensemble de ces dépenses va se traduire par une hausse conséquente des coûts de transport du pétrole à partir ou à destination des Etats-Unis. Qui paiera ? Les compagnies pétrolières, les armateurs ou les affréteurs ? La question reste posée mais il semble que ce soit le consommateur qui en fasse les frais. 15 IV- Les normes de sécurité des pétroliers Avec un trajet moyen de 5330 miles pour chaque tonne transportée, l’acheminement de pétrole se révèle une opération longue et délicate. Par exemple en 1992, 1.3 milliard de tonnes de pétrole, soit un peu plus de 40% de la production mondiale, ont été acheminé par voie maritime. 1) Le contexte • La flotte pétrolière mondiale Deux éléments caractérisent cette flotte : la taille et le vieillissement des bâtiments. En effet le secteur pétrolier a été le lieu privilégié e la course au gigantisme qui eut lieu dans le transport maritime. Ainsi en 1967, furent construit les premiers VLCC (Very Large Crude Carrier), navires dépassant le 120 000 tpl (tonne de port en lourd) et en 1976, apparurent les premiers ULCC (Ultra Large Crude Carrier) supérieurs à 500 000 tpl alors qu’en 1954 le plus gros tanker ne dépassait pas 50 000 tonnes. Aujourd’hui la construction d’ULCC a été abandonnée et les unités en commande ont un tonnage moyen de 225 000 tpl. Malgré les données statistiques qui établissent que les risques d’accident diminuent quand la capacité des pétroliers augmente, les grands pétroliers sont très critiqués : ¾ On remet en cause leur solidité car leur structure est calculée pour résister aux efforts que leur masse fait subir en chaque point de la coque dans des conditions normales d’utilisation c’est à dire en libre flottaison. Ainsi les poussées consécutives au déjaugeages répétés par les mouvements de la mer peuvent difficilement être contenues par la coque. ¾ On les dit peu manoeuvrable ce qui serait la cause de l’accident de du Torrey Canyon. ¾ Ils ont une faible marge de flottabilité ce qui est dangereux en cas d’échouement. ¾ Ils sont difficilement remorquables. ¾ Leur inspection à 100% est irréalisable. Pour un VLCC, il y a 50 000 m² de tôles extérieures et 100 000 m de soudures à inspecter ce qui représenterait 50 000 heures de travail pour inspecter la coque par ultrason et 100 000 heures pour examiner les soudures par magnétoscopie. L’autre caractéristique de cette flotte est son vieillissement. Selon ISL (Institute of Shipping Economics and Logistics), sur les 6641 pétroliers en exploitation en juillet 1996, 43% étaient âgés de plus de 20 ans et 22% de plus de 25 ans. Ceci s’explique par des raisons économiques principalement. En effet, dans les années 70, les compagnies pétrolières incitèrent la construction de supertanker en vue de palier à la fermeture du canal de Suez. Ainsi furent construits 450 VLCC entre 1970 et 1975. Malheureusement leur mise en exploitation coïncida avec une chute brutale de la consommation de pétrole et la découverte de source de production plus proche des pays consommateurs. Les armateurs cherchent donc à rentabiliser cet investissement. De plus, aujourd’hui les navires neufs font perdre de l’argent aux armateurs. Par exemple, l’entretien d’un pétrolier neuf de 300 tpl coûte en charge d’exploitation 45 000 dollars par jour alors qu’il ne rapporte que 15 à 25 000 dollars. 16 Or les études statistiques montre que l’âge est un facteur d’accroissement des risques (voir tableau ci-dessous) et constitue l’une des principales causes d’accident lorsqu’il s’accompagne d’un manque d’entretien du navire. Evolution des pertes de pétroliers 1992-1996 par tranches d’âge (Source : ILU. Casualty statistics 1996) Age 0-4 5-9 10 - 14 15 - 19 20 - 24 25 et plus Nombre d'unités 2 1 6 20 28 16 % 2 1 8 29 38 22 Tonnage 53 338 144 567 42 537 718 788 240 246 68 083 % 4,2 11,5 3,3 56,7 19 5,3 TOTAL 100 100 1 267 559 100 Il est également intéressant d’observer qui possède ces pétroliers et d’établir une corrélation entre le type d’armateurs et le nombre d’incidents. Typologie des armateurs pétroliers (Source : Académie de Marine. Communication et Mémoires, n° 2 janvier-mars, 1992, 20) Type d'armateurs Nb d'armateurs Grands 68 Indépendants Petits Indépendants 65 Compagnies Majors 9 Producteurs 9 Autres pétroliers 9 TOTAL 159 Nb de navires Nb moyen de navires 281 93 66 52 22 514 4,1 1,4 7,3 5,8 2,8 % de la flotte 55 18 13 10 4 100 Les pétroliers sont donc exploités soit par des armements intégrés aux grandes compagnies pétrolières, soit par des armateurs indépendants. On constate depuis quelques années de profondes modifications avec un accroissement des armateurs indépendants et une diminution des armements intégrés. Deux facteurs sont à l’origine de cette mutation : d’une part les compagnies pétrolières hésitent à investir dans ce domaine et d’autre part, elles redoutent de plus en plus d’être exposées en cas de pollution sur le plan médiatique. Des études ont montré que la nouvelle structure du marché des transports a conduit à une augmentation de la probabilité d’accidents, les armateurs indépendants ayant deux fois plus d’accidents que les flottes intégrées(voir tableau ci-dessous). Les pressions commerciales intenses qui s’exercent en permanence sur le marchés des frets pétroliers ont, dans certains cas, incité les compagnies maritimes à réduire leurs coûts de maintenance et d’entretien de leur flotte. 17 Corrélation entre le type d’armateurs et le nombre d’accident (Source : Académie de Marine. Communication et Mémoires, n° 2 janvier-mars, 1992, 20) Type d'armateurs Nombre de navires Grands 113 Indépendants Petits Indépendants 54 Compagnies Majors 39 Producteurs 27 Autres pétroliers 5 TOTAL 238 • Nombre d'incidents % incident 237 160 58 59 12 526 2,1 3 1,5 2,1 2,4 Les risques liés au transport de pétrole Ils sont de deux types : on a tout d’abord un risque interne puisque la cargaison peut être la source d’incendie ou d’explosion et on a également un risque externe de pollution accidentelle. Le risque incendie et explosion représente la moitié des accidents des pétroliers : sur 74 pertes de pétroliers survenues entre 1991 et 1995, 36 auraient pour origine un incendie ou une explosion. Perte de pétroliers de 1992 à 1996 (Source : ILU. Casualty Statistis 1996) Type d'accident Abordage ou contact Incendie ou explosion Echouement Machine Mauvais temps Autres TOTAL Nombre 8 33 5 5 11 11 73 Tonnage 198 059 469 043 27 169 100 524 235 572 237 192 1 267 559 % tonnage 15,6 37 2,1 8 18,5 18,8 100 La cargaison des pétroliers représente aussi un risque pour l’environnement. Même si les déversements d’hydrocarbures en mer sont minimes et constituent une faible part de la pollution pétrolière totale des océans (voir diagramme ci-dessous), l’image qu’ils produisent sur l’industrie des transports maritimes restent très négatives : chaque marée noire est aujourd’hui filmée par toutes les télévisions du monde. 18 déchets indutriels Répartition de la pollution pétrolière marine 7% 5% autres causes liés au commerce maritme 2% 1% sources naturelles 10% pétroliers en exploitation accident de pétroliers 14% 61% production offshore terminaux des raffineries Selon l'ITOPF (International Tanker Owners Pollution Federation Limited), les principales causes de pollutions accidentelles proviennent des faiblesses de structures et des échouements puis des abordages et, dans une moindre mesure, des incendies et des explosions. 2) La réglementation internationale Les navires citernes sont assujettis à une réglementation spécifique. Celle-ci s’est élaborée de manière brutale, par à-coups, imposant au lendemain des grandes catastrophes maritimes des exigences techniques de plus en plus sévères. Malgré leur ampleur et leur diversité, ces normes préventives, adoptées par la communauté internationale sous l’égide de l’OMI, ne couvrent pas tous les aspects de la sécurité. Les lacunes sont comblées par des règles nationales ainsi que des mesures prises par l’industrie privée. Quatre événements ont joué un rôle capital dans l’évolution de cette réglementation. Chronologiquement, on trouve en premier lieu, le Torrey Canyon qui provoqua la première grande marée noire de l’histoire en s’échouant le 18 mars 1967 au large de la Cornouailles à proximité des Sorlingues. L’accident survint par beau temps à la suite d’une erreur de navigation. Il entraîna une pollution majeure des côtes britanniques sur 250 km et françaises sur 100 km. Révélateur des insuffisances de la réglementation internationale, la catastrophe du Torrey Canyon fut à l’origine d’un bouleversement du droit international et de la réglementation technique maritime visant à prévenir les accidents, à atténuer leurs conséquences sur l’environnement et à prévoir des mécanismes de réparation. En matière juridique, il n’existait à l’époque aucun instrument juridique pour éviter ou limiter les nuisances provoquées par les navires-citernes. Il faut attendre 1971 pour voir élaborer les premières mesures préventives. Ainsi il fut décidé de limiter les dimensions des citernes centrales et latérales des pétroliers afin de limiter le déversement d’hydrocarbures pouvant résulter d’un accident. Pour cela un amendement fut apporté à la convention OILPOL de 1954. 19 De plus une convention nouvelle fut adoptée en 1973 : la convention MARPOL. C’est aujourd’hui encore l’un des traités les plus ambitieux dans le domaine de la pollution des mers. L’annexe I de la convention exclusivement consacré aux hydrocarbures, mit surtout l’accent sur la prévention de la pollution volontaire. Le chapitre III de cette annexe édicta cependant quelques prescriptions visant à réduire la pollution accidentelle en cas d’avarie de bordé ou de fond à bord des pétroliers. Survint ensuite en 1969 l’explosion de trois VLCC (le Marpessa, le Mactra et le KongHaakon VII). Là, ce furent des organismes autres que l’OMI qui s’intéressèrent à la prévention des accidents. L’International Oil Tanker Terminal Safety Group (IOTTSG) réalisa des recherches expérimentales sur la dispersion de vapeurs d’hydrocarbures lors du chargement des pétroliers. Ces travaux aboutirent à l’établissement d’un guide de sécurité qui fut distribué à l’ensemble des armateurs. La plupart des règles établies dans ce guide furent reprises par des sociétés de classifications. L’International Chamber of Shipping (ICS) étudia les sources d’ignition dans les citernes de pétroliers en cours de lavage. Quatre rapports furent rendus qui mirent en exergue les causes des accidents et recommandèrent certaines précautions pour le lavage des citernes. L’Association Internationale des Sociétés de Classification (IACS) remit son analyse des accidents et ses recommandations à l’OMI qui les intégra dans sa propre réglementation. Plus tard, durant l’hiver 1976-77 se produisit une série de 15 accidents mettant en cause des pétroliers au large des Etats-Unis. Suite à cela, le président des Etats-Unis présenta un ensemble de mesures destinées à améliorer la sécurité des pétroliers qui furent soumis à l’OMI. Face à la menace d’une action unilatérale, l’OMI examina le dossier en un temps record et convoqua une conférence diplomatique. Celle-ci se déroula en 1978 et adopta deux protocoles aux conventions SOLAS de 1974 et MARPOL de 1973. Enfin survint l’accident de l’Exxon Vadez et ses conséquences évoquées plus haut. Intéressons nous maintenant au contenu technique de cette réglementation. Trois domaines de la sécurité sont couverts : ¾ Manœuvrabilité et équipement ¾ Prévention des incendies et explosions ¾ Prévention des pollutions accidentelles 20 Partie 2 Impact écologique et économique de la catastrophe de l’Erika Plusieurs tentatives d’estimation des rejets des produits pétroliers ont été effectuées. Malgré de grandes incertitudes, les ordres de grandeur suivants peuvent être retenus : environ 3,5 millions de tonnes seraient rejetées volontairement ou accidentellement chaque année dans le monde, dont 1,6 millions de tonnes d’hydrocarbures via les fleuves qui charrient les pertes diverses de carburants (effluents des raffineries, huiles de moteurs, pertes essence ou gazole,...). Si l’on retient par ailleurs qu’1 tonne de pétrole s’étale sur une surface océanique de 12 km2, on peut constater que de vastes routes maritimes sont souillées. Les effets écologiques et écotoxicologiques de la pollution par les hydrocarbures demeurent encore aujourd’hui assez mal évalués. En préalable, il est nécessaire de souligner la faible corrélation entre les impacts des marées noires et la quantité de fuel déversé. Les courants, la géographie de la zone touchée (estuaire ou pas, par exemple), les biotopes, la saison (saisons de migration, de reproduction, ...) et les conditions climatiques locales jouent un rôle déterminant. De même, la nature des pétroles et leurs caractéristiques physiques et chimiques ont un effet fondamental. Comme on le verra plus bas, un tonnage plus faible de la cargaison de l’ERIKA est susceptible, en certains domaines, d’avoir une toxicité comparable à celle qu’eut la marée noire de l’Amoco Cadiz. La composition du fuel de l’Erika Selon TotalFina, l’Erika a " perdu " 12.000 t de fuel lourd n°2 (FO2) dans les eaux marines au large du Morbihan. Le FO2 contient, au plan de l'écotoxicité, les composés les plus toxiques du pétrole : ¾ forte proportion d'Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP) Les HAP sont des contaminants produits par la combustion de la matière organique. Ce sont des composés à base de carbone et d'hydrogène qui comprennent un ou plusieurs anneaux de benzène. Il y a plusieurs dizaines de HAP, dont la toxicité est très variable: certains sont faiblement toxiques, alors que d'autres, comme le très connu benzo (a) pyrène, sont des cancérigènes reconnus depuis plusieurs années. ¾ nombreux hydrocarbures hétérocycliques, parmi les plus toxiques, ainsi que des dérivés organiques soufrés essentiellement sous forme de mercaptans dont beaucoup sont toxiques pour les organismes marins et ce d'autant plus que ce sont des fuels à haute teneur en soufre (le fuel lourd n° 2 renfermant selon les normes réglementaires plus de 2% de cet élément), ¾ dérivés organiques soufrés particulièrement toxiques, dérivés thiols de certains hydrocarbures hétérocycliques et des HAP, ¾ métaux toxiques : molybdène, vanadium, mercure, voire cadmium. Le FO2 est beaucoup plus toxique que le pétrole brut. Les conséquences écotoxicologiques d’une telle marée noire ne peuvent, en aucun cas, être assimilées à celles observées lors du naufrage de l' Amoco Cadiz qui avait déversé quelques 220.000 tonnes de pétrole brut dans la Manche en mars 1978. 21 I- Les effets écotoxicologiques immédiats 1) Les effets écotoxiques du fuel lourd FO2 observés en février 2000 ¾ Mortalité par absorption des hydrocarbures (en dehors des effets d’engluement) : les concentrations étaient suffisamment élevées dans le cas de l’ERIKA ; plus de 100.000 oiseaux marins hivernant dans le golfe de Gascogne et certains provenant même du Groenland ont péri. ¾ Mortalité des organes de la reproduction et des embryons : - la toxicité du FO2 est telle que seulement 0,2 µg/l d'eau de mer de FO2 provoquent 100% de mortalité dans des zygotes d'une algue brune (Fucus edentatus, Phaeophycées) dominante dans les zones littorales atlantiques ; - 20 µg de fuel lourd n° 2 déposé sur la coquille d'oeufs d’eider provoquent 100 % de mortalité chez les embryons de cette espèce de canard marin. 2) Des effets toxiques à long terme ont été observés lors des catastrophes antérieures Cette toxicité se manifeste sous la forme de contaminations des réseaux trophiques, que l’on peut classer ainsi : ¾ mutagenèse, ¾ cancérogenèse (benzopyrène….) : des nécroses cutanées ont été observées chez les poissons plats des abers dans le cas de l’Amoco Cadiz, ¾ effets immunotoxiques, ¾ perturbations endocriniennes, effets sur la reproduction : blocages de la reproduction des poissons et des huîtres observés dans le cas de l’Amoco Cadiz, ¾ transfert par voie trophique et contamination de la chaîne alimentaire : il faut signaler notamment les risques liés aux dépôts de particules organiques (et métaux en suspension), absorbées par les mollusques fouisseurs et des vers à régime alimentaire filtreur tels les annélides. II- Les effets écologiques 1) Les effets du pétrole sur les végétaux autotrophes marins Il s’agit notamment d’effets écotoxiques à court terme : ¾ inhibition de l’activité photosynthétique du phytoplancton ; ¾ limitation de la reproduction de certaines algues ; cependant, l’utilisation moindre des dispersants pour l’Amoco Cadiz avait permis de moins affecter les algues macrophytes que lors du sinistre du Torrey-Canyon. 22 2) Les effets sur la végétation terrestre Après trois saisons d’observation on constate : • qu’il n’y a pas eu de mortalités massives au sein de la végétation, ni disparition d’habitat ou d’espèce ; • le maintien des espèces pérennes comportant du pétrole à la base ou dont les parties aériennes sont partiellement enduites. A partir de la deuxième année on n’observe pas d’impact sur la phénologie ni d’évolution de la composition floristique ; • la très forte persistance du pétrole dans les placettes non nettoyées dans les milieux non mobiles très rarement atteints par les vagues ou seulement par les embruns; • l’efficacité des précautions prises dans le cadre des chantiers « botaniques ». Les coupes d’espèces très souillées appliquées sur les espèces préconisées n’ont pas été dommageables. De même, l’enlèvement manuel des accumulations à la base des plantes en préservant au maximum l’intégrité du sol permet une recolonisation déjà bien avancée des zones mises à nues ; Le fioul transporté par l’Erika était un pétrole lourd très visqueux, peu volatile et peu biodégradable. Ce type de pétrole est véhiculé par l’eau et se dépose sur toutes les surfaces (végétaux et sols) auxquelles il adhère fortement. Comme l’accumulation d’hydrocarbures au sein de l’organisme est susceptible de modifier le métabolisme et la physiologie de l’organisme, ceci peut se traduire par des perturbations des processus de croissance et de reproduction de la plante. 3) Les effets du pétrole sur la faune océanique • Au niveau des espèces pélagiques : - les bancs de poissons peuvent fuir la zone contaminée, mais les œufs et les larves planctoniques sont atteints. (Exemple : disparition de 90% des œufs de pilchards dans le cas du sinistre du Torrey-Canyon dans la zone envahie par les flaques d’hydrocarbures) ; - les frayères littorales sont très affectées (exemple des saumons ne pouvant plus remonter les estuaires jusqu’aux frayères). • Au niveau des espèces benthiques, les impacts sont très importants, les fonds étant contaminés en profondeur et cette contamination étant durable. Aux effets à court terme s’ajoutent donc des effets à long terme : Le projet ECTOPHY a été engagé pour identifier, mesurer et modéliser les effets de la pollution par les hydrocarbures sur l'écologie, la toxicologie et la physiologie des espèces de poissons commerciaux dont une partie du cycle biologique se déroule dans les sites concernés par la marée noire. L’accident de l’Erika semble en première analyse avoir eu un impact très limité à court terme sur les ressources halieutiques côtières et sur la fonction de nourriceries des habitats, en raison du contexte climatique de cette pollution. 23 • on note des pertes des invertébrés liés aux substrats durs (ex : patelles) ; La contamination des étoiles de mer par le pétrole est un fait réel comme le montrent les analyses effectuées après le naufrage : effets immunitaires, tests écotoxicologiques et mesure de la contamination. Cet effet ne se retrouve cependant pas deux ans plus tard au niveau de la population. • • dans le cas de la pollution de l’Amoco Cadiz, les fonds marins ont été contaminés jusqu'à plus de 100 mètres ; plus de 90% de populations de crustacés (Ampeliscidae) qui jouent un rôle dans la chaîne trophique des poissons benthiques ont disparu ; dans la baie de Lannion, 18 millions de mollusques bivalves sur 10 km de plages moururent. toujours dans le cas de l’Amoco Cadiz, 6 000 tonnes d’huîtres (Crassotraea gigas) renfermant 1400 ppm d’hydrocarbures ont été détruites ; cette contamination durait encore 7 ans après. Les lésions du système immunitaire des organismes aquatiques peuvent être utilisées en qualité de bio marqueur d'effet. Observées dans des individus exposés, elles indiquent que le contaminant a pénétré dans l'organisme et qu'il a touché des cibles critiques. D'un point de vue écologique et économique, l'apparition de phénomènes d'immunotoxicité amène à craindre une plus grande sensibilité des stocks aux agressions d'origine microbienne et parasitaire et, parallèlement, une altération à court terme de l'état sanitaire des populations de mollusques naturelles ou en élevage. Des échantillons représentatifs ont été collectés courant novembre 2001 et mars 2002 dans trois stocks conchylicoles élévés dans des sites contaminés par les hydrocarbures de l'ERIKA (côtes de Loire –Atlantique) et dans un site éloigné de la zone (Finistère). Des lésions immunopathologiques et fonctionnelles ont été identifiées dans un site fortement impacté par les hydrocarbures de l'ERIKA, par comparaison avec d'une part, les valeurs obtenues sur le même site entre différents prélèvements et d'autre part, avec les valeurs obtenues dans les sites moins ou non exposés à cette contamination. • Il faudrait 7 à 10 ans pour que la richesse spécifique des biocénoses reprenne sa valeur initiale, le niveau de contamination des sédiments constituant la principale contrainte au repeuplement. Dans le cas de l’Amoco-cadiz, la colonisation s’est produite à partir du moment où la teneur en hydrocarbures résiduels est tombée en dessous de 100 ppm. 24 4) Les effets du pétrole sur les oiseaux et les mammifères marins Les oiseaux et les mammifères marins sont très sensibles à la pollution pétrolière Quand un oiseau se pose sur une flaque de pétrole, celui-ci dissout les graisses de son plumage qui le protègent de l’eau et du froid. Ceux-ci meurent alors de froid. Ils s’intoxiquent également en essayant d’enlever avec leur bec le pétrole de leur plumage, ce qui se traduit par des perturbations du système endocrinien, notamment des glandes surrénales. Le pétrole est également toxique sur les embryons d’oiseaux marins. . A titre indicatif, en Atlantique nord, les pertes étaient estimées à 1 million d’oiseaux marins par an dans les années 70. Au début des années 80, il est fait état de pertes de 150 à 450 000 oiseaux par an en Manche et Atlantique nord-est. La catastrophe du Torrey-Canyon a fait passer de 100 000 à 100 individus la colonie de macareux moines des îles Scilly. Les bilans dressés pour le naufrage de l’Erika à partir des données des différentes structures participant au plan national de sauvegarde des oiseaux mazoutés font état de près de 64 000 oiseaux, morts ou vivants, récupérés sur le littoral français entre décembre 1999 et mai 2000. Plusieurs éléments contribuent à considérer ce premier bilan comme sous-estimé. Tous les oiseaux victimes de la marée noire n'ont évidemment pas pu être comptabilisés, et ce pour différentes raisons. D’une part, nombre d’oiseaux ont été évacués dans les bennes de déchets mazoutés puis détruits sans avoir été dénombrés. D’autre part, les cadavres ne parviennent pas tous à la côte, certains pouvant sombrer en mer, d’autres dérivant vers le large poussés par des vents de nord-est. A l'heure actuelle, sur la base des informations disponibles et par comparaison avec de précédents accidents pétroliers, l'estimation la plus raisonnable donnerait 100 000 à 300 000 oiseaux touchés par la marée noire. Le littoral français est un milieu d'hivernage privilégié pour de nombreux oiseaux d’eau (plus de 40% des 900 000 oies, canards et foulques, plus de 70% des 900 000 limicoles présents en France au mois de janvier, base de données du Wetlands International - France). Il occupe une position géographique d'importance majeure pour plusieurs espèces Cette importance a justifié la création d’un réseau d’espaces protégés (Réserves Naturelles, Réserves de Chasse Maritime), pour partie désignés comme Zones de Protection Spéciale. L’impact de la marée noire de l’Erika sur les petits cétacés du golfe de Gascogne peut être évalué selon la contamination du réseau trophique par des éléments rentrant dans la composition du pétrole de l’Erika ou de ses produits de dégradation Pour ce qui concerne Delphinus delphis, aucune différence de bioaccumulation n’a été observée entre les individus échoués dans la zone impactée et ceux échoués hors de la zone : il n’y a pas eu d’impact de la marée noire sur Delphinus delphis échoués le long du littoral français. Cependant, on remarque que le niveau d’imprégnation de Delphinus delphis est équivalent à celui retrouvé en Alaska chez Delphinapterus leucas (Mackey et al., 1996). On peut donc s’interroger sur la présence d’une contamination chronique. 25 Les mesures standardisées à partir de navires (1976-2002) de la répartition spatio-temporelle des populations d’oiseaux et de mammifères marins ont permis d’appréhender l’ensemble de la zone côtière biologiquement la plus riche du Golfe de Gascogne touchée au nord par l’ERIKA mais épargnée dans le sud. Cette étude a été réalisée dans le cadre du projet Romer et les résultats présentés datent de Septembre 2002. Les mesures ont aussi permis de mettre en évidence les secteurs les plus touchés par la pollution et l’impact de l’ERIKA et de l’évolution naturelle sur les populations (ex. : diminution des plongeons, constance des guillemots). 26 III- Dégradation des produits du pétrole 1) La biodégradation naturelle : un phénomène lent, des produits répandus sur l’ensemble des océans Après évaporation des fractions les plus volatiles, les hydrocarbures contenus dans le brut sont attaqués par des bactéries aérobies et des champignons dont la systémique est mal connue. La nature et la toxicité des produits qui en résultent sont encore très peu étudiées aujourd’hui. Après plusieurs semaines ou mois, ces produits s’agglomèrent et forment des nodules bitumineux de 0,1 à 10 cm de diamètre qui naviguent sur l’océan et viennent entre autre souiller les plages. Ils renfermeraient dans leur partie centrale des fractions volatiles très toxiques. Ils sont colonisés par des crustacés. Certains poissons qui constituent un maillon important des chaînes trophiques dans les mers tempérées en avalent, ce qui fait passer des substances toxiques dans des chaînes alimentaires aboutissant notamment à l’homme. La concentration de ces nodules a été étudiée : il en ressort 1mg/m2 pour l’Atlantique et 20mg/m2 en Méditerranée. On en trouve aussi dans l’océan indien et jusque dans l’océan austral. Des études de dégradation des HAP dans le sol ont montré que la biodégradation de ces composés pouvait prendre 10 à 20 ans, mais la persistance est souvent liée à la faible accessibilité des microorganismes aux polluants. Afin d’apprécier la cinétique de dégradation naturelle du polluant, un échantillonnage régulier sur plus de 20 sites avec des environnements différents a été entrepris dès mars 2001 pour une durée de 3 ans. Le fioul persistant a été échantillonné 2 fois par an. Les premiers résultats de ce suivi révèlent que les composés les plus légers (n-alcanes, de n-C10 à n-C24 et HAP, du benzothiophène au fluorènes) sont entièrement dégradés. Par contre, les alcanes les plus lourds (> n-C25) continuent à être dégradés tandis que la dégradation des HAP les plus lourds semble stagner. Ces résultats sont issus d’un rapport sorti en septembre 2002, soit environ 2 ans après la catastrophe. 2) La bioremédiation : un moyen de lutte contre la pollution ? Dans le cas de l’Exxon-Valdez, des techniques de bioremédiation utilisant des fertilisants (azote et phosphore) destinées à stimuler et donc accélérer l’activité des bactéries ont été utilisées. Il ne semble pas y avoir eu d’étude des processus et produits obtenus. La société ELF aurait un brevet sur les techniques de fertilisation. On peut compléter ces interventions par des apports de bactéries et champignons. Ceci permettrait un meilleur contrôle de la dégradation et donc des métabolites obtenus. 27 3) Les traitements chimiques et physiques : pas de solution satisfaisante Il ne faut pas oublier la très grande nocivité des détersifs et dispersants qui peuvent être utilisés, montrée notamment par la marée noire du Torrey-Canyon dont les enseignements furent tirés: aucun mollusque de la zone de balancement des marées n’échappa au traitement. La faune benthique souffrit aussi beaucoup : crustacés (crabes), lamellibranches. Même l’usage de produits considérés comme non toxiques (Crexit-7664) a des impacts négatifs : le fait d’émulsionner le pétrole dans l’eau de mer favoriserait en effet son absorption par des animaux microphages et son passage dans les chaînes trophiques au détriment de sa dégradation bactérienne. Le dépôt de pétrole au fond des océans par l’effet des détersifs bloque toute biodégradation à cause de la faible teneur en oxygène des eaux abyssales. Ainsi, 6 ans après le naufrage de l’Amoco Cadiz, des sédiments à 50 m de profondeur au large des côtes bretonnes renfermaient encore près de 100 ppm d’hydrocarbures. Il existe également des absorbants flottants, qui n’ont pas ces inconvénients, mais ceux de leur coût et de leur difficulté d’utilisation pour des volumes importants. IV- Hiérarchie des milieux sensibles selon leur durée de dépollution spontanée après une marée noire zone à forte énergie(côte sauvage) rochers et promontoires rocheux quelques semaines plates formes rocheuses quelques mois d'érosion Plage de sable fin 1 à 2 ans plage de sable moyen à gros 1 à 3 ans plage de galets et graviers 3 à 5 ans zone à faible énergie type plus de 10 ans marais zone à faible énergie(golfe) 3 à 5 ans plus de 5 ans V- Le suivi chimique de la pollution suivi Suite au déversement des hydrocarbures du pétrolier " Erika ", des projets assuraient le de la contamination chimique du milieu naturel et des organismes vivants 1) Etude de la contamination chimique des mollusques par les HAP (hydrocarbures aromatiques polycycliques), le nickel et le vanadium suite au naufrage de l’Erika Cette étude permet de décrire l’étendue géographique de l’impact et l’évolution temporelle de la contamination et/ou de la décontamination des organismes suivant leur localisation depuis le naufrage. Les données du Réseau National d’Observation et les prélèvements dits du “ point zéro ” effectués avant l’échouage des nappes du fioul servent de références pour établir les tendances temporelles des mêmes contaminants aux mêmes points. 28 Cette carte présente les différentes stations de prélèvement des échantillons L’étude révèle une nette augmentation de la teneur en HAP dans les coquillages après échouage des nappes ( on passe de 143 à 2046 ng/g pour la somme des composés parents non substitués : naphtalène,phénanthrène…) En ce qui concerne les métaux, on observe un pic important de vanadium au printemps, le reste semble plutôt normal. 2) Exposition des organismes marins aux hydrocarbures aromatiques polycycliques et autres contaminants organiques persistants, biodisponibilité et recherche de métabolite Ce programme a pour but de comprendre les relations entre la contamination chimique de l’environnement marin et l’apparition des réponses toxicologiques des organismes. Il s’agit de mesurer la teneur en métabolites* des HAP dans les biles de poissons. L'exposition des organismes biologiques aquatiques aux HAP a été souvent évaluée en mesurant la teneur en HAP de leurs tissus, néanmoins pour pouvoir étudier la santé d'un écosystème marin et le potentiel toxique d'une pollution telle que celle liée à la présence de HAP, il est nécessaire de pouvoir accéder à la fraction des composés disponibles pour les organismes aquatiques et de connaître les effets toxiques des contaminants incriminés (effets toxiques qui peuvent être reliés à la capacité de biotransformation des espèces.) 29 Les propriétés toxiques des HAP résultent de la formation de métabolites (époxydes, diols) par les organismes vivants. Ces métabolites se lient à l'ADN et entraînent des dysfonctionnements de l'organisme. Leur présence peut nuire à la faune et à la flore et par voie de conséquence à l'homme. *Métabolite : substances produites par l’ensemble des réactions chimiques et physicochimiques qui s’accomplissent dans tous les tissus des organismes vivants 3) Evaluation de l’impact écologique et de la contamination d’invertébrés benthiques* par la marée noire de l’Erika en zone intertidale* à l’aide de marqueurs métalliques L’objectif de cette étude est de suivre la contamination et la décontamination par le nickel et le vanadium présents dans le pétrole de l’Erika d’espèces animales intertidales comme par exemple les moules. L'état de santé de ces organismes sera estimé en mesurant l’abondance d’une protéine qui réagit à l’exposition de certains métaux (nickel, vanadium) mais aussi au stress, la métallothionéine. Ces mesures ont été effectuées en janvier et février 2000 aux 5 sites et en janvier 2000 au site témoin Les concentrations en métallothionéine sont largement plus élevées que chez des organismes provenant de sites témoins. En conclusion, les moules subissent un stress important aux cinq sites étudiés, en particulier au site Saint Gildas. (Vendée et Loireatlantique) *Intertidale : zone comprise entre le point le plus haut et le point le plus bas atteint par la mer lors des grandes marées *Benthique : Qualifie tous les organismes et les processus ayant un lien avec les fonds. 30 4) Etude comparative de la contamination des sédiments et de la colonne d’eau par les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) avant et après le naufrage de l’Erika Ce sont dans les zones côtières qu’on observe une contamination persistante et plus importante montrant que les hydrocarbures du fioul échoué sur les côtes diffusent lentement dans l’eau. Dans certaine zone la contamination reste significative jusqu’à mai 2001, c’est-àdire presque un an et demi après l’accident. Une présence des HAP dissous en provenance de l’Erika dans les échantillons prélevés en zone marine dans la colonne d’eau autour de l’épave, plus de deux mois après l’accident, suggère également une contamination à plus grande échelle des masses d’eaux océaniques. La contamination des masses d’eaux est également révélée par le changement radical de l’empreinte en HAP dissous dans les eaux océaniques contaminées. Celui-ci est lié à la présence plus importante des homologues alkylés, plus solubles, pour certains composés. La caractérisation de la contamination d’origine pétrolière est en effet généralement mise en évidence par la présence relativement importante des homologues alkylés des HAP. Les concentrations en pg/L des hydrocarbures dissous et leurs empreintes dans les eaux océaniques avant et après le naufrage de l’Erika ; les composés parents non-substitués (orange) et les sommes des homologues alkylés (ou substitués) (vert). Les résultats révèlent une contamination des masses d’eaux océaniques suite au naufrage de l’Erika par les HAP dissous. Il apparaît que le déversement du fioul de l’Erika ait pu entraîner des changements quantitatifs (augmentation des concentrations) et qualitatifs (changement d’empreinte) des HAP dissous dans d’importantes masses d’eaux océaniques du Golfe de Gascogne. VI- Les déchets A mi-septembre 2000, 200 000 t de déchets ont été collectés et stockés dans quatre sites de stockage lourds en Loire-Atantique Plus de 400 chantiers de nettoyage ont été ouverts sur la côte atlantique. Sur l’ensemble des chantiers de nettoyage, environ 220 000 hommes/jours ont été sollicités, en dehors des bénévoles. La mise en exploitation d’installations de traitement a permis de traiter ces 200 000 t de déchets, auxquels ce sont ajoutés près de 60 000 t de matériaux souillés provenant de ces sites de stockage. 31 VII- Les épaves Elles constituent une manne salutaire de bois et de matériaux, même si le naufrage est hélas, synonyme de pollution des côtes. Parfois l'objet de quêtes passionnées de cargaisons fabuleuses, les épaves sont des lieux de plongée et de pêche sans pareils, riches en poissons mais qui sont aussi de redoutables pièges pour les plongeurs et les marins… Ces lieux de pêche où le poisson est abondant sont tout autant des pièges dangereux pour les filets et les engins de pêche. Combien de navires de pêche sombrent-ils, de nos jours encore, à cause d'une "croche" qui a retenu leur chalut ? Le problème est bien connu, autant d'ailleurs des Affaires Maritimes du DRASSM du BEA Mer, ou du CERES (Centre Européen de Recherche et d’Etudes Sousmarines). Les épaves contemporaines, par leurs dimensions et l'emploi de matériaux métalliques, forment des accidents du sol sous-marin sans commune mesure avec les modestes tumulus des épaves en bois. A ce titre, les campagnes menées par le SHOM, n'ayant pour objet que de positionner les épaves susceptibles d'offrir une gêne à la navigation, ne concernent pour ainsi dire jamais les épaves historiques. Au contraire, la base de données du CERES, prend en compte les moindres points de croche ou câbles sous-marins afin de pouvoir étudier et protéger ces biens culturels maritimes, tout en contribuant à la sécurité des navires. Le cas de la disparition du Camisard est à cet égard exemplaire. En avril 1999, ce chalutier Normand coule au large de Dunkerque, après avoir immobilisé son chalut sur une croche. 32 Impact économique Les travaux menés à la suite du naufrage de l’Amoco Cadiz fournissent une référence méthodologique pour évaluer les dommages économiques dus à la marée noire de l’Erika. Cette référence conduit en particulier à souligner que chiffrer les dommages n’a pas seulement un intérêt de connaissance, mais doit servir pour assurer l’indemnisation équitable des victimes. Le cas de l’Erika se distingue de celui de l’Amoco Cadiz : les produits répandus ne sont pas les mêmes ; la durée de la pollution risque de s’avérer beaucoup plus longue qu’il y a vingt ans ; l’extension de la pollution concerne une zone beaucoup plus importante. En conséquence les dommages et risques diffèrent donc dans les deux cas, même si qualitativement, ils peuvent être de même nature : coûts de nettoyage/réhabilitation, pertes de fréquentation et d’aménités touristiques, atteintes aux activités économiques (pêche, ostréiculture) et à la biodiversité. VIII- Dommages monétaires 1) Dépenses engagées pour nettoyer et réhabiliter les sites pollués • Dépenses de l’état Ce tableau présente les dépenses totales engagées pour le plan POLMAR au 29 décembre 2000. Les principales mesures gouvernementales d’urgence et de réparation de court-moyen terme complémentaires ont été décidées lors du Plan national du 12 janvier 2000 qui a concerné à la fois la catastrophe de l’Erika et les tempêtes de décembre 1999 puis lors des comités interministériels d’aménagement et de développement du territoire des 28 février et 18 mai 2000. Les mesures arrêtées le 28 février (“Plan d’ensemble pour le Littoral Atlantique” marée noire - intempéries) portent sur un montant de 940 MF (dont 300 pour abondement complémentaire du fonds POLMAR), auxquels s’ajoutent 10 MF d’abondement des Agences de l’eau et 60 MF de prêts à taux zéro pour le tourisme. Les mesures arrêtées le 18 mai sont relatives aux avenants aux contrats de plan Etat-Régions (marée noireintempéries) et portent sur 4 milliards de francs (MdF). 33 • Dépenses des collectivités locales Les dépenses engagées au 30 juin 2000 par les quatre départements les plus touchés par la marée noire s'élevaient à environ 43,3 MF. Ces dépenses correspondaient : ¾ pour 24,4 MF à des actions immédiates d'élimination de la pollution, et principalement à des opérations de nettoyage et de remise en état des côtes ; ¾ pour 17,8 MF à des actions de réparation économique ; près de 80% de ces dépenses étaient consacrés à des actions en faveur des activités (dont 42% au tourisme), financées par des aides et subventions. En ce qui concerne les régions, les dépenses engagées au 30 juin 2000 par les Pays de la Loire et la Bretagne s'établissaient à quelque 12,8 MF. AP* déléguées 2) Manque à gagner provoqué par la marée noire Une première évaluation des pertes de marge du tourisme suite au naufrage de l’Erika a été conduite en octobre 2000, par l’Inspection générale des Finances. Le tourisme sur le littoral touché par l’Erika représente en temps normal un chiffre d’affaires d’environ 32 MdF . Les pertes de chiffre d’affaires seraient de l’ordre de 3 MdF ,soit des pertes de marges de l’ordre de 1,1 MdF. En ce qui concerne les pertes d’usage du littoral, des études de fréquentation touristique menées à l’été 2000 sur le littoral Erika ont montrées que, si la fréquentation a peu baissé en volume, les dépenses consenties sur place qui sont associées aux activités récréatives, ont baissées par rapport à d’autres régions, ce qui indique que la valeur d’usage local du littoral s’est dégradée, en raison de l’accessibilité réduite de certains espaces ou de l’image que les usagers avaient de ces espaces. La baisse du chiffre d’affaires de la conchyliculture pour les deux premiers mois de l’année 2000 (au plan national) a pu être estimée par l’OFIMER à 30% par rapport à la même période des années antérieures. La consommation nationale en 2000 a baissé par rapport à 1999 en produits frais du rayon marée, de l’ordre de 7%. Dans les deux cas, on se situe dans une approche économique, qui peut s’écarter sensiblement des sommes effectivement acceptées par les tribunaux. A cet égard, on rappelle que les indemnisations ne représentaient qu’environ 1,4 milliard de francs (y compris les intérêts), soit un quart des préjudices estimés dans le cas de l’Amoco Cadiz. Les collectivités locales ont reçu 330 MF dont 100 MF reversés par l’Etat. Il faudrait également inclure les coûts des très longues procédures judiciaires. 34 IX- Dommages non monétaires On en distingue trois sortes : ¾ les pertes dues à une utilisation non prévue des moyens mobilisés par le traitement de la pollution Les acteurs concernés par une pollution peuvent être amenés à utiliser leurs moyens en urgence pour limiter l’extension des dommages, nettoyer et remettre en état alors qu’ils auraient pu les utiliser à d’autres fins productives. ¾ la détérioration de l’environnement prive la population d’une jouissance d’aménités, souvent en termes de loisirs et de gêne occasionnée par la modification des services collectifs, etc. Des études de fréquentation touristique menées à l’été 2000 sur le littoral Erika ont montrées que, si la fréquentation a peu baissé en volume, les dépenses consenties sur place qui sont associées aux activités récréatives, ont baissées par rapport à d’autres régions, ce qui indique que la valeur d’usage local du littoral s’est dégradée, en raison de l’accessibilité réduite de certains espaces ou de l’image que les usagers avaient de ces espaces. ¾ les dommages écologiques Les milieux sont modifiés par la pollution : atteinte à la biodiversité, destruction d’organismes vivants. Ces dommages doivent être évalués. Sources pour cette partie • • Les données de l’environnement n°68 juillet aout 2001 La lettre thématique mensuelle de l’IFEN Dossiers réalisés par le MEDD (http://www.suivi-erika.info/) : ¾ impacts du naufrage de l’Erika : quelques éléments de connaissance ¾ Pétrole de l’Erika : effets environnementaux et sanitaires ¾ Analyse de la toxicité du fuel de l’Erika 35 Partie 3 De l’Erika à une meilleure prise en compte du facteur humain dans les accidents de transport maritime L’accident de l’Erika, survenu au large des côtes bretonnes le 12 décembre 1999, est sans doute l’accident récent qui a le plus marqué les esprits des français : un pétrolier battant pavillon maltais se brise en deux à quelques encablures de la pointe de Penmarc’h, et déverse son fioul lourd n° 2 des côtes vendéennes aux rivages de la Bretagne du Sud. Ce serait du déjà vu, si l’on omettait de préciser que l’épave a continué de relâcher des hydrocarbures pendant plus de 3 mois après le naufrage, et que deux tempêtes majeures ont frappé la France dans les deux semaines ayant suivi l’accident ! Ces circonstances exceptionnelles ne doivent toutefois pas occulter le fait que l’accident de l’Erika, est malheureusement un « modèle du genre »… Pavillon maltais (de complaisance) mais détenu par deux sociétés libériennes (de complaisance aussi !), équipage indien, exploitation italienne, affréteur français (TotalFinaElf), ayant changé six fois de nom et de propriétaire, l’Erika, construit au Japon en 1974, présente les caractéristiques de ces quelques vieux pétroliers utilisés par des sociétés d’exploitation « au tramping » (à la demande) pour transporter des produits « noirs ». Ces produits, par opposition aux produits « blancs », plus légers, plus inflammables, mais moins polluants car plus volatils (gazole, essence, kérosène…), sont transportés par les navires les plus anciens car ils n’exigent pas des citernes de très bonne qualité quant à la corrosion et au nettoyage. Il saute donc aux yeux, que c’est là une prise de risque maximum, puisqu’on transporte les produits les plus dangereux pour l’environnement sur les navires les moins sûrs ! Au-delà de cet état de fait, tout une série de défaillances, tant techniques qu’humaines ont conduit à la catastrophe. Pour ce qui est de la technique et des inspections, la législation, si elle est appliquée, devrait suffire à faire face. Mais force est de constater qu’elle reste inopérante quant au facteur humain… 36 I- Les causes de l’accident de l’Erika 1) Causes techniques ayant conduit au naufrage • La configuration du navire et de son chargement Construit en 1975 au Japon, l’Erika est considéré comme « pré-Marpol », c'est-à-dire qu’il était sans ballasts séparés, et à simple coque. Toutefois, des modifications de l’affectation des citernes dans sa configuration finale, du moment de l’accident, sont intervenues. Il a : -9 citernes de cargaison, polyvalentes (brut, raffiné) (C1t, C1c, C1b, C2c, C3t, C3c, C3b, C4c, C5c) -4 citernes de ballastage séparées à l’eau de mer (B2t, B2b, B4t, B4b) plus les peak avant (PAV) et arrière (PAR), représentant 43% du volume de la cargaison -2 sloptanks (citernes à résidus liquides) : S 37 • Les classifications et les inspections du navire Entre sa construction et son naufrage, l’Erika a porté successivement 8 noms différents, a été classé par 4 sociétés différentes, mais toutes agrées par l’IACS « International Association of Classification Societies » (NKK, ABS, BV, RINA), et a changé 4 fois de gestionnaire nautique (« ship manager »). Ces changements augurent mal de la continuité dans l’entretien du navire. En effet, on peut sans problèmes remarquer que la coque semble en bon état général, mais pour ce qui est de la structure, il devient plus difficile de se prononcer sans entretien continu. Ces visites sont effectuées à 4 niveaux : -par les sociétés de classification elles-mêmes, permettant la délivrance d’un certificat de classe, avec une date d’expiration. C’est une inspection poussée, mais, dans le cas de l’Erika, ce sont des certificats provisoires qui ont permis une classification, et les inspection ont remarqué tantôt un état général acceptable, tantôt un mauvais état. -par l’Etat du pavillon, Malte en l’occurrence. Ce pouvoir est délégué aux inspecteurs de la société de classification, à l’occasion d’escales commerciales. -par l’Etat du port, à l’occasion des escales commerciales, et dans le cadre du Mémorandum de Paris. Ces inspections sont de courte durée en général, car les soutes sont pleines. La dernière de ce type, un mois avant le naufrage, avait été faite en Russie, mais n’avait relevé que des problèmes mineurs, touchant l’équipement du navire. Toutefois, d’autres inspections avaient relevé des problèmes de corrosion dans la structure du navire. -à la demande des sociétés pétrolières, avant l’affrètement du navire. Le résultat de ces inspections est alors transmis à une base de données commune aux grandes compagnies pétrolières mondiales (SIRE), qui peuvent ainsi en user avant de choisir un navire. C’est ainsi que Total, le dernier affréteur, considérant l’âge et l’état de l’Erika, n’envisageait de l’utiliser qu’au voyage, c'est-à-dire pour quelques jours ou quelques semaines. C’est dans ce contexte que l’Erika a été visité 7 fois au cours de sa dernière année. Les différents rapports indiquent que ces inspections ont été réalisées avec sérieux. Toutefois, aucune inspection de la structure n’a été réalisée, notamment au niveau des ballasts, et ce malgré des dires inquiétants des capitaines, qui rapportent une baisse de 26% de l’épaisseur du ballast n°2, suite à la corrosion. 38 • Les effets de la corrosion et les travaux effectués sur l’Erika Comme cela a été dit plus haut, l’affectation des citernes de l’Erika a changé au cours du temps. Des citernes initialement dédiées au transport de produits pétroliers ont été transformées en citernes de ballastage à l’eau de mer. Ces citernes sont très exposées à la corrosion car : -Le revêtement des citernes ne résiste pas à l’alternance air / eau de mer. Ainsi, la paroi est directement soumise à un milieu très corrodant. -La cargaison d’hydrocarbures est souvent chauffée pour améliorer sa fluidité. Cela ne fait qu’accélérer le processus de corrosion, en raison de la condensation. D’importants travaux en cale sèche ont été réalisés à Bijela (Sardaigne) en juin 1998 à la demande du Bureau Veritas, alors en charge du classement de l’Erika. Des éléments de renfort et des tôles de pont ont notamment été remplacés. Le problème est que les règles de l’art de la réparation navale n’ont pas été respectées. En effet : -les travaux présents sur les croquis du chantier ne correspondent pas à ceux facturés. Il y a donc un déficit flagrant de traçabilité. -des tôles d’une certaine épaisseur ont été remplacées par des tôles d’épaisseur moindre, pour cause de rupture de stock. Cela peut entraîner des défaillances de structure. -les contrôles non destructifs des soudures ont été très légers. Les éléments sensibles et les soudures n’ont pas été vérifiés aux ultrasons. • Les modes de chargement de la cargaison et leurs effets Le chargement des pétroliers du type de l’Erika est soumis à deux facteurs essentiels : -la pression hydrostatique de la part des citernes adjacentes, -les mouvements de la surface du liquide dans les citernes. D’autre part, la répartition du chargement entraîne des efforts à limiter pour ne pas affaiblir la structure. Le rôle des ballasts à l’eau de mer est de réduire ces efforts en équilibrant la charge. Il existe 3 types d’efforts: 39 -des efforts tranchants, dans le cas du cisaillement entre deux citernes voisines (l’une pleine, l’autre vide) -des moments fléchissants suivant si l’on charge le navire aux extrémités ou latéralement -des moments de torsion, dans le cas de chargement croisé des citernes (tribord avant + bâbord arrière par exemple) 40 Ainsi, au départ de Dunkerque, pour son dernier voyage, l’Erika était chargé comme suit : Les différents rapports indiquent que le mode de chargement de l’Erika ne pouvait pas avoir d’influence sur son naufrage. C’est donc bien la corrosion, surtout des ballasts 2 bâbord et tribord (B2b, B2t) qui est la cause d’un affaiblissement important de la structure, et du naufrage de l’Erika, d’un point de vue technique. 41 • Les conditions de navigation Avant le naufrage de l’Erika, la météo était assez perturbée dans sa zone (Golfe de Gascogne). Un vent d’Ouest de force 8 à 9 Beaufort, et une houle d’Ouest avec des creux de 5 à 6 mètres. Ce n’est toutefois pas une situation exceptionnelle dans cette zone et en cette saison… Faut-il rappeler que deux tempêtes ont frappé cette même zone dans les deux semaines qui ont suivi le naufrage… • Le naufrage en lui-même Le 11 décembre à 11h40, le commandant observe « une gîte importante et progressive sur tribord ». -Gîte importante : en effet, progressivement, le roulis « naturel » s’est accentué. De 10 à 12°, elle est passée à 12 à 15°, et sans que le bateau ne revienne en position droite. -Gîte progressive : d’après les dires de l’équipage, cette gîte est ressentie comme un mouvement constant et inexorable. Les causes de cette gîte sont : -le transfert accidentel d’une partie de la cargaison à travers les parois des citernes, à l’intérieur du navire. Ce transfert s’est produit entre la citerne n°3 et le ballast n°2 tribord, suite à une rupture progressive de la cloison sous l’effet de la corrosion. -l’entrée d’eau par les fissures de pont. Ces mouvements de poids ont entraîné l’apparition de brèches sur le pont, qui se sont propagées à la coque et ont entraîné le naufrage qu’on connaît. 42 2) Résumé des causes classiques dans les accidents de transport maritime • Déficit de traçabilité dans l’entretien Comme nous l’avons vu dans le cas de l’Erika, le suivi de l’entretien et des travaux effectués est capital pour avoir une idée précise de l’état du navire. Le changement d’affectation des citernes est une des principales causes du naufrage du tanker. Il aurait don dû faire l’objet d’une étude préalable de ses conséquences possibles quant à la résistance du revêtement des citernes à la corrosion : le passage d’un milieu d’hydrocarbures à un milieu très corrodant comme l’eau de mer ne se fait certes pas sans mal ! D’autre part, en ce qui concerne les travaux, l’armateur devrait les confier à des sociétés respectant une certaine déontologie : il est en droit de savoir précisément ce qui a été effectué, avec quelles pièces, et de quelle qualité. • Mauvais chargement Ce n’était pas le cas pour l’Erika, mais un mauvais chargement compromet sérieusement son arrivé à bon port. L’apparition de moments importants peut venir à bout des structures les plus solides surtout s’ils sont conjugués à des oscillations externes provoquées par la houle et les vents. L’armateur devra donc veiller à posséder un système de surveillance de ces moments, en temps réel, tant au moment du chargement/dépotage qu’au cours du transport. Il est en effet possible qu’une partie du chargement soit transféré accidentellement d’une citerne à l’autre. Son système devra aussi lui permettre de répondre intelligemment à ces situations de crise si elles surviennent, en contrebalançant ces transferts de façon manuelle. Ces systèmes existent, et l’Erika en possédait un. • Caractéristiques particulières de certains navires On a aussi à l’esprit les accidents du Herald of free Enterprise et de l’Estonia, deux transbordeurs pour les passagers qui ont sombré en 1987 et 1994 respectivement dans la Mer du Nord et dans la Mer Baltique. Là, c’est un pont garage non fermé ou dont l’ouverture a été arrachée par une tempête qui a été mis en cause. La houle s’engouffrant à l’intérieur du navire lui a fait perdre sa stabilité et a causé un chavirage très rapide. On a dénombré 193 morts pour le Herald of free Enterprise et 830 pour l’Estonia. • Collision ou échouage sur la côte On invoque ici des erreurs humaines survenant généralement dans le gros temps, ou dans des couloirs maritimes très fréquentés. 43 II- Pistes pour mieux prendre en compte le facteur humain 1) Les particularités du domaine maritime Les différentes études sur l’influence du facteur humain dans le domaine des accidents maritimes montre que celui-ci y participe pour 70 à 80%. La nécessité de faire face à ce problème se fait de plus en plus jour avec l’apparition, à côté des pétroliers, de nouvelles classes de navires avec des problèmes bien particuliers, comme les navires à grande vitesse par exemple. Outre une meilleure formation du personnel et la mise en place de systèmes d’aide à la décision tant en situation de crise qu’en situation normale, il est nécessaire d’insister sur une meilleure connaissance du cadre réglementaire. C’est ainsi que les Autorités Maritimes recommandent l’utilisation de techniques structurées pour identifier les causes et les conséquences d’erreurs, afin de proposer des améliorations de conception et de conduite du navire. Dans le monde des transports de personnes et de biens, le domaine maritime possède des particularités indéniables qui en font un mode de transport à part : • Les conditions météo Même pour les gens de mer, la lutte contre des éléments déchaînée peut être une réalité ardue à surmonter. Des manœuvres sans difficulté par beau temps peuvent se révéler d’une extrême délicatesse par gros temps. En effet, quelle que soit la météo, les navires effectuent leurs rotations : l’information météo revêt donc une importance capitale, afin d’aider les navigateurs à choisir la meilleure route d’autant plus qu’un tiers des accidents se produisent dans des conditions extrêmes selon l’OMI (l’Estonia en Mer Baltique par exemple). Les Etats diffusent des bulletins météo, et peuvent aussi proposer une aide au routage. Dans certaines conditions (glace dérivante…) des Etats riverains des zones de navigation déterminent des routes maritimes de délestage. • La route et la position géographique Il est évident que certains couloirs maritimes très fréquentés sont plus cindynogènes. On peut citer : le « rail d’Ouessant » au large de la Bretagne, les détroits de Gibraltar, de Messine, d’Ormuz, du Bosphore à Istanbul, du Pas de Calais (croisement de la marine marchande avec du transport de passagers)… Pour un transport relativement lent comme le transport maritime, on ne peut pas parler de fatigue consécutive au décalage horaire. Cette fatigue survient plutôt lors de conditions météo difficiles et des prises de quart. 44 • Le type de navire et sa manœuvrabilité De nombreux accidents provoquant des pertes humaines sont dus à un déficit de visibilité à partir de la cabine de pilotage. Récemment encore, un chalutier, le Cistude, basé à Noirmoutier a sombré suite à une collision avec un cargo norvégien. En effet, un petit bâtiment est totalement invisible, surtout par gros temps, s’il est situé dans des angles morts (à l’avant notamment). On comprend aisément qu’avec un pont qui peut mesurer jusqu’à 300m de long il est difficile de voir ce qu’il se passe devant, même dans un poste de pilotage surélevé. • La formation et le choix de l’équipage Les armateurs font en général appel à des agences de recrutement pour leur équipage. Pour le cas de l’Erika, c’est la Herald Maritime Service de Bombay (Inde) qui a procédé au recrutement pour le compte de Panship, armateur de l’Erika. La diversité linguistique de l’Inde a forcé les membres de l’équipage à communiquer en anglais. Les différents rapports notent toutefois que cet équipage avait en général une bonne connaissance du transport pétrolier et du navire lui-même pour certains. Pour l’accident du Scandinavian Star, au large d’Oslo (Norvège) en 1990, et qui a fait 158 morts, l’équipage avait été recruté seulement une semaine avant d’embarquer. Il ne pouvait donc pas être en pleine possession du navire. • La quasi-absence de procédures pour les opérations courantes et de crise Lors des accidents qui surviennent pendant des opérations courantes, on peut dire qu’elles proviennent pour la plupart d’erreurs humaines. Une bonne formation du personnel, surtout dans des conditions météo délicates qui rendent ces manœuvres délicates pourra y remédier. En ce qui concerne les situations de crise, il faut distinguer deux types : -situations de crise connues, qui doivent faire l’objet d’une étude approfondie grâce au retour d’expérience. On doit pouvoir y faire face par un plan de crise connu des différents acteurs. -situations de crise inconnues. Dans ce cas, le point clef est une bonne communication entre le commandant, son équipage et les différents acteurs concernés (armateur, affréteur, autorités maritimes locales…) Les rapports déplorent que dans le cas de la crise de l’Erika, le commandant « aie eu à gérer la crise tout seul ». 45 2) Méthodes d’analyse et propositions La communauté maritime internationale est maintenant consciente des problèmes exposés ci-dessus. Les méthodes systématisées pour y faire face ne sont pas encore très développées, mais des groupes de travail sur le sujet se sont mis en place au sein des différents organismes : à l’OMI, à l’IACS, auprès des Autorités Maritimes Nationales, des ports, des chantiers navals, des armateurs… Depuis 1990, plusieurs sociétés de classification prennent en considération dans leurs règlements les aspects opérationnels et humains et non plus exclusivement les exigences techniques. Certaines mettent l’accent sur l’application effective des normes ; d’autres envisagent la classification dans un concept de sécurité globale, avec la mise en place de normes ISO 900X ; d’autres encore tentent de mieux comprendre l’interface entre l’homme et la technologie. • Classer les facteurs humains Sur la base des rapports d’enquête après accidents, l’OMI a ainsi pu mettre en place une taxonomie à 9 branches des facteurs liés au personnel : -l’erreur humaine au sein de l’organisation à laquelle appartient le navire ; -l’erreur humaine au sein de l’organisation du pilote ; -l’erreur humaine au sein d’autres organisations ; -les facteurs concernant la liaison avec des organismes extérieurs : non respect des normes, communication, conception du matériel-fabricant, normes de compétence du personnel, environnement/lieu de travail ; -les facteurs liés à la compagnie et à l’organisation : ordres permanents de la compagnie inadéquats, insuffisants ou contradictoires, instructions du fabricant, pression sur le plan de l’organisation, ressources inadéquates, qualifications et connaissances professionnelles ; -les facteurs liés à l’équipage : communication, gestion et supervision inadéquates, attribution inappropriée des responsabilités, procédures inadéquates, effectifs, formation, discipline ; -les facteurs liés à l’équipement : mauvaise utilisation du matériel, équipement nécessaire non disponible, mal adapté ou mal entretenu, personnel non familiarisé avec le matériel, automatisation ; -les facteurs liés à l’environnement au travail ou au lieu de travail : performance affectée par le bruit, les vibrations, la température, l’humidité, l’environnement visuel, les effets liés aux mouvements du navire, la mauvaise intendance, l’agencement non adapté à la tâche à exécuter, l’habitation ; -les facteurs personnels : communication, compétence, formation, connaissances et qualifications, santé (drogues, alcool, problème médical), les problèmes familiaux, la fatigue et vigilance, les capacités de perception, les difficultés à prendre les décisions (mauvaise utilisation des informations), la perception des risques. 46 • Une première réponse : l’ISM Le code ISM (International Safety Management) est sans doute l’innovation majeure de la fin du XXème siècle dans le domaine de la sécurité maritime. C’est un code évolutif qui permet de reprendre les enseignements à tirer des catastrophes qui ont marqué l’Histoire. Il a été adopté par l’OMI en novembre 1993. Les objectifs de l’ISM : -offrir des pratiques d’exploitation et un environnement de travail sans danger -établir des mesures de sécurité contre tous les risques identifiés -améliorer constamment les compétences du personnel en matière de gestion de la sécurité et notamment le préparer aux situations d’urgence. Concrètement, l’armateur doit mettre au point un SMS (Safety Management System) pour atteindre ces objectifs. Il reprend les règlements de l’OMI en édictant des procédures définissant des responsabilités précises en matière de sécurité, avec une insistance sur le soutien à terre. Il doit aussi mettre en place une organisation et des moyens de communication tant entre les personnels du bord qu’avec le soutien terrestre de la compagnie. L’armateur se voit aussi imposé l’établissement de plans et de consignes pour les principales opérations à bord, et de mettre en place des procédures permettant de faire face à toutes les situations d’urgence susceptibles de survenir. Enfin, tous ces renseignements sur la sécurité devront être consignés dans un Manuel de gestion de la sécurité dont un exemplaire doit être conservé à bord. La vérification de la bonne application de l’ISM incombe aux Etats : -l’Etat du pavillon, qui a aussi la possibilité de déléguer ces missions à des organismes reconnus par l’administration (en général reconnus par l’IACS). La compagnie du navire se voit alors délivré un certificat valide pendant 5 ans -l’Etat du port contrôle quant à lui le certificat délivré par l’Etat du pavillon, et il peut agir en cas de non-conformité Il est à noter que le code ISM suit le même régime juridique que les autres instruments de l’OMI. 47 • Les méthodes d’analyse du risque lié au facteur humain Parmi les méthodes développées dans les groupes de travail, on peut citer : -l’IMO HRA guidance. Cette méthode développée par l’OMI suggère l’intégration de l’HRA (Human Reliability Analysis = Analyse de la fiabilité humaine) dans le FSA (Formal Safety Assessment = Evaluation Formelle de la sécurité). Elle reprend les techniques classiques comme la méthode HazOp (Hazard Operability Studies). 0-Définition du problème 1-Identification des risques 2-Evaluation des risques Risques liés au facteur humain Analyse de l’erreur humaine Quantification de l’erreur humaine 3-Propositions pour limiter les risques 5-Recommandations et prise de décision 4-Analyse coûts/avantages -des méthodes complexes, basées sur la psychologie cognitive. Elles ont pour but de modéliser mathématiquement le comportement humain et de l’intégrer à des simulateurs de navigation. Exemple : 48 -des méthodes simples, dont l’objectif est d’analyser le comportement humain dans les situations d’erreur. On peut par exemple modéliser le comportement du personnel dans l’analyse des tâches et l’intégrer à l’analyse de risque. -des méthodes globales ont été développées pour analyser les facteurs humains dans leur complexité: contexte réglementaire, organisation, formation du personnel, comportement du personnel, etc. L’objectif est d’identifier les causes primaires de défaillance de la structure dans sa complexité et de proposer des mesures correctives. 49 Eléments de bibliographie pour cette partie : • http://www.mer.equipement.gouv.fr/actual/rapports/Rapport_Erika_definitif.pdf Rapport de la CPEM (Commission Permanente d’Enquête sur les Evénements de Mer) sur le naufrage de l’Erika, rendu public en novembre 2000 • http://www.agora21.org/ari/vivalda.html Séminaire « Maîtrise des risques et sûreté de fonctionnement », Albi 6-10/09/1999 • Report of the investigation into the loss of the motor tanker Erika (Malta Maritime Authority, September 2000) • Politiques et droit de la sécurité maritime, Philippe Boisson, Bureau Veritas 50 CONCLUSION Plusieurs études statistiques ont été effectuées sur de longues périodes et montrent une amélioration sensible de la sécurité maritime. Pour évaluer cette amélioration, trois outils statistiques sont utilisé : le nombres de navires perdus, les pertes de vies humaines en mer et la pollution pétrolière accidentelle. • Evolution des pertes de navires On assiste depuis une trentaine d’années à une diminution importante du nombre d’accidents maritimes. Les assureurs estiment que les pertes totales en pourcentage du tonnage et du nombre de navires en service ont baissé au cours de ces dix dernières années (voir graphe), ceci grâce à l’arrivée de navires neufs sur le marché et à la mise à la ferraille des unités les plus âgées. Evolution de pertes totales en pourcentage de la flotte mondiale en service pourcentage de la flotte en service (Sources : ILU/IUMI 1997) 0,5 0,45 0,4 0,35 0,3 0,25 0,2 0,15 0,1 0,05 0 86 87 88 89 90 91 92 93 94 95 96 années • Pertes des vies humaines en mer Les statistiques sur les pertes de vies humaines en mer ne présentent pas depuis 1989 d’évolutions marquées ( voir diagramme ci-dessous). Certaines années sont meilleures que d’autres comme 1992 et 1995. D’autres connaissent des résultats très mauvais en raison de graves catastrophes maritimes : 1994 avec le naufrage de l’Estonia, 1996 avec celui, du ferry Bukoba sur le lac Victoria. Ces chiffres doivent être relativisés. A la fin du siècle dernier, on dénombrait 650 morts en moyenne par an pour la seule marine marchande britannique. Une étude récente a estimé qu’en Europe 140 personnes trouvaient la mort dans les transports maritimes chaque année, soit 300 fois moins que sur les routes et 9 fois moins qu’avec les trains. Si on prend maintenant le taux de décès accidentel par passager et par kilomètre transporté, le navire se révèle 25 fois plus dangereux que l’avion. 51 Evolution de pertes de vies humaines en mer (1989 – 1996) dans des accidents survenus à des navires de plus de 500 tjb (Sources : ILU/IUMI 1997) 1400 1200 1000 800 Série2 600 400 200 0 • 89 90 91 92 93 94 95 96 97 Pollution pétrolière accidentelle 700 600 500 400 300 200 100 96 94 92 90 88 86 84 82 80 78 76 74 72 0 70 déversement en milliers de tonnes Plusieurs indicateurs montrent une évolution positive en ce domaine : - dans une étude publiée en 1993, le GESAMP a constaté que la pollution accidentelle avait diminué au court des trois dernières décennies et que les accidents de navire citerne ne contribuaient seulement qu’à la hauteur de 5% pour la pollution pétrolière marine totale ; - selon l’ITOPF, la pollution accidentelle a atteint son niveau le plus bas en 1995avec seulement 9 000 tonnes déversées et le nombre d’accidents majeurs a baissé sensiblement au cours de ces 25 dernières années ;(voir diagramme) - l’Académie des Sciences des Etats-Unis a chiffré plus précisément la diminution de la quantité d’hydrocarbures déversée en mer à la suite d’opérations liées à la navigation. Depuis le début des années 1980, celle-ci serait de 60 %. années 52 Pour avoir un ordre de grandeur quant à ces quantités on peut signaler que l’Erika a déversé environ 20 000 tonnes de ses 31 000 tonnes de fuel transportés, l’Exxon Valdez 40 000 tonnes de ses 180 000 tonnes en 1989 et l’Amoco Cadiz ses 227 000 tonnes en 1978 (la plus grande marée noire par échouement de pétrolier jamais enregistrée dans le monde bien que la plus grande quantité de fuel déversé résulte du naufrage de l’Atlantic Empress l’année suivante qui libère ses 287 000 tonnes de fuel l’année suivante mais celles-ci sont partiellement brûlées). De manière générale, le bilan statistique de la sécurité apparaît plutôt positif : la croissance rapide des échanges maritimes depuis la fin de la seconde guerre mondiale n’a pas entraîné une multiplication corrélative des accidents. Environ 1.9 milliards de tonnes de pétrole sont transportées chaque années par 3 000 pétroliers couvrant une distance de 4 700 milles nautiques. Seule une part infime de ces cargaisons est déversée en mer, 99.9995 % sont acheminés sans problème. A cela s’ajoutent plus de 2.4 milliards de tonnes de cargaisons sèches dont un milliard de tonne en vrac. Ceci fait un total de 4.4 milliard de tonnes de marchandises qui sont transportées chaque année par 28 000 navires en toute sécurité. 53 Annexe 1 : Glossaire des abréviations AFSSA : agence française de sécurité sanitaire des aliments. AFSSE : agence française de sécurité sanitaire environnementale. BEA : bureau enquêtes accidents CEDRE : centre de documentation, de recherche et d'expérimentation sur les pollutions accidentelles des eaux. CEPPOL : commission d'études pratiques de lutte antipollution. CERES : centre européen de recherche et d’études sous marines CETMEF : centre d'études techniques maritimes et fluviales. CICADMER : centre d'information, de coordination et d'aide à la décision pour la mer. COGIC : centre opérationnel de gestion interministérielle des crises. CROSS : centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage. CSN : centre de sécurité des navires. DAEF : direction des affaires économiques et financières (du ministère des affaires étrangères). DAJ : direction des affaires juridiques (du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie). DAMGM : direction des affaires maritimes et des gens de mer. DAPAF : direction des affaires politiques, administratives et financières de l'outre-mer. DCCM : direction centrale du commissariat de la marine. DDAM : direction départementale des affaires maritimes. DDASS : direction départementale des affaires sanitaires et sociales. DDCCRF : direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. DDE : direction départementale de l'équipement. DDSC : direction de la défense et de la sécurité civiles. DE : direction de l'eau (du ministère chargé de l'environnement). DETEC : département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la communication DGAL : direction générale de l'alimentation. DGCP : direction générale de la comptabilité publique. DGCCRF : direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes. DGDDI : direction générale des douanes et des droits indirects. DGS : direction générale de la santé. DIGITIP : direction générale de l'industrie, des technologies de l'information et des postes. DIREM : direction des ressources énergétiques et minérales. DIREN : direction régionale de l'environnement. DPMA : direction des pêches maritimes et de l'aquaculture. DPPR : direction de la prévention des pollutions et des risques. DRAM : direction régionale des affaires maritimes. DRIRE : direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement. DTMPL : direction du transport maritime, des ports et du littoral. EMM : état-major de la marine. FIPOL : Fonds international d’indemnisation des dommages dus aux pollutions par les hydrocarbures EPCI : établissement public de coopération intercommunale. HAP : hydrocarbures aromatiques polycycliques 54 IACS : international association of classification societies ICPE : installations classées pour la protection de l'environnement. ICS : international chamber of shipping IFEN : institut français de l'environnement. IFP : institut français du pétrole. IFREMER : institut français de recherche pour l'exploitation de la mer. INERIS : institut national de l'environnement industriel et des risques. InVS : institut de veille sanitaire. IPSN : institut de protection et de sûreté nucléaire. ISM : international safety management ISO : international standard organization MARPOL : marine pollution MATE : ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement MNHM : muséum national d'histoire naturelle. OCDE : organisation de coopération et de développement économique OMI : organisation maritime internationale PNEC : programme national d’environnement côtier SDIS : service départemental d'incendie et de secours. SIRE : ship inspection report SHOM : service hydrographique et océanographique de la marine. SMS : safety management system SOLAS : safety of life at sea SVD : services vétérinaires départementaux. ULAM : unité littorale des affaires maritimes. 55 Annexe 2 : organigramme 1ererministre 1 ministre département ministériel Secrétaire général de la mer anime, coordonne et gère la coopération internationale avec le ministre des affaires étrangères Mesures à prendre face à la pollution Mesures de lutte pour limiter les conséquences Mesures de prévention Mesures de sécurité de circulation maritime Opérations engagées en mer et sur les côtes Mesures de sécurité des installations techniques, fixes ou mobiles maritimes de stockage, transport, manipulation, extraction de polluant Administrations locales, zonales, régionales, sécurité civile, moyens privés et publics Département ministériel Mesures de préparation à la lutte :donner aux autorités responsables les moyens d’intervenir rapidement Coordination par le préfet de zone, coordination interministérielle par le ministre de la sécurité civile, aide du CICADMER et COGIC Comité d’experts constitué par le ministre de l’environnement CEDRE : documentation, formation, méthodes et moyens pour combattre Météo France, IFREMER Information des élus locaux : responsabilité propre pour éviter les incompréhension Etablissement d’un plan POLMAR Terre : préfet de département Traitements des matériaux pollués et polluants récupérés Mer : préfet maritime, coordination interministérielle assurée par le ministre de la mer, aide du CICADMER Entraînement du personnel, évaluation de la disponibilité et de l’efficacité du matériel : test de la validité du plan POLMAR 56