Transport maritime : Vers un transport durable

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Transport maritime : Vers un transport durable
Lundi 14 avril 2003
Transport maritime :
Vers un transport durable ?
Prestige, Ievoli Sun, Erika…
Et après ?
Emilie BATT
Nicolas GUEZE
Guillaume PILON
Tuteurs :
Axe Ecologie Industrielle et Management Environnemental
Axe Cindyniques
Hervé VAILLANT
Henry LONDICHE
SOMMAIRE
Introduction…………………………………………………………………………………….3
Partie 1 : La réglementation maritime………………………………………………………7
ILes acteurs……………………………………………………………………...7
IILes outils de la réglementation internationale………………………………….9
IIILes autres réglementations……………………………………………………11
IVLes normes de sécurité des pétroliers…………………………………………16
Partie 2 : Impact écologique et économique de la catastrophe de l’Erika……………….21
IEffets écotoxicologiques immédiats…………………………………………..22
IILes effets écologiques………………………………………………………...22
IIIDégradation des produits du pétrole……………………………………….….27
IVSensibilité des milieux………………………………………………………..28
VSuivi chimique de la pollution………………………………………………...28
VILes déchets……………………………………………………………………31
VII- Les épaves…………………………………………………………………….32
VIII- Dommages monétaires………………………………………………………..33
IXDommages non monétaires…………………………………………………...35
Partie 3 : De l’Erika a une meilleure prise en compte du facteur humain dans les
accidents de transport maritime……………………………………………………………36
ILes causes de l’accident de l’Erika...…………………………………………37
IIPistes pour mieux prendre en compte le facteur humain……………………...44
Conclusion……………………………………………………………………………………51
Annexe 1 : Glossaire des abréviations………………………………………………………..54
Annexe 2 : Organigramme……………………………………………………………………56
2
INTRODUCTION
Les ¾ des marchandises produites et consommées dans le monde empruntent la voie
maritime. Cela représentait 5,83 milliards de tonnes transportées en 2001. Après 15 ans de
croissance soutenue (4% par an), l’utilisation de ce mode de transport se tasse un peu car elle
est directement liée à la croissance économique.
Les grandes routes du transport maritime :
Répartition mondiale des flux de
tranport maritime
Asie
9% 7%
37%
Europe
Amériques
21%
26%
Afrique
Océanie
L’état de la flotte mondiale :
Source : rapport sur les transports maritimes 2001 de l’United Nations Conference on Trade and Development
(UNCTAD - ONU)
On distingue habituellement 5 grands types de navires :
•
Les pétroliers, pour le transport des produits pétroliers (bruts ou raffinés), qui
représentent environ 1/3 de la capacité de la flotte mondiale
3
•
Les vraquiers, transportent les produits secs en vrac (charbon, céréales, minerais
divers…) et représentent 1/3 de la capacité de la flotte mondiale
•
Les porte-conteneurs, assurant le transport des produits manufacturés parfois à forte
valeur ajoutée, représentent environ 10% de la capacité de la flotte mondiale
•
Les navires de charge classiques (spécialisés, frigorifiques,…) environ 10% de la
flotte.
Les autres navires, dont les chimiquiers et méthaniers représentent aussi 10% de la
capacité de la flotte mondiale.
•
Notre étude va porter principalement sur les pétroliers.
Au niveau des pays d’immatriculation des navires, on distingue 5 groupes : les PDEM (pays
développés à économie de marché), les principaux pays de libre immatriculation (Bahamas,
Bermudes, Chypre, Libéria, Malte, Panama, Vanuatu), les pays d’Europe centrale et orientale,
les pays socialistes d’Asie (Chine, Corée du Nord et Viêt-Nam) et les PVD (pays en voie de
développement).
4
Pays d'immatriculation des pétroliers
1%
1%
16%
30%
PDEM
Libre Immatriculation
Europe C&O
Asie Soc.
52%
PVD
Répartition par ages des pétroliers
17%
0-4 ans
38%
5-9 ans
10-14 ans
24%
9%
12%
15-19 ans
20 ans et +
De très nombreux pétroliers (38%) sont âgés de plus de 20 ans. La moyenne d’age des
pétroliers au niveau mondial est de 14,1 ans. Les navires les plus agés se situent en Europe
Centrale et de l’Est (19,7 ans) et dans les pays socialistes d’Asie (16,8 ans). Contrairement à
une idée reçue, les pays de libre immatriculation ont une moyenne d’âge de 13,9 ans contre
14,5 ans pour les PDEM.
Les particularités des pays de libre immatriculation (ou pavillons de complaisance) :
Source : International Transport Workers Federation
(http://www.itf.org.uk/general/section_brochures/french/foc.htm )
Antigua-et-Barbuda, Antilles néerlandaises, Bahamas, Barbade,Belize, Bermudes,
Birmanie/Myanmar, Bolivie, Cambodge, Chypre, Comores, Gibraltar, Guinée équatoriale,
Honduras, Iles Caïman, Iles Marshall, Jamaïque, Liban, Liberia, Malte, Maurice, Panama
Registre maritime international allemand (GIS), São Tomé et Príncipe, Saint-Vincent et les
Grenadines, Sri Lanka, Tonga, Vanuatu.
5
On distingue deux types de pavillons de complaisance :
-pavillons économiques (frais d’immatriculation et charges sociales avantageuses)
-pavillons frauduleux (droits des travailleurs moindres, en plus des avantages économiques)
L'ITF tient compte de la proportion de navires étrangers immatriculés dans ce pays ou qui
arborent son pavillon, ainsi que des autres critères suivants, pour déterminer s'il s'agit ou non
d'un pavillon de complaisance :
• Capacité et volonté de l'Etat du pavillon de faire respecter les normes sociales
internationales minimales sur ses navires, y compris le respect des droits humains et
syndicaux fondamentaux, la liberté syndicale et le droit de négocier collectivement
avec des syndicats authentiques.
• Son "bilan" social au vu des conventions et recommandations de l'OIT qu'il a ratifiées
et mises en oeuvre.
• Son "bilan" en matière de sécurité et de respect de l'environnement au vu des
conventions de l'OMI qu'il a ratifiées et mises en oeuvre, et des rapports d'inspection
du contrôle de l'Etat du port pour les défaillances et détentions.
Au niveau européen, l’entrée de Malte et Chypre dans l’UE en 2004 risque de poser des
problèmes, de même que le cautionnement par la Grande Bretagne de 3 pays (Bermudes, Iles
Caïman, Gibraltar), et le deuxième registre allemand (GIS). Malte s’est récemment engagée à
faire des efforts.
6
Partie 1
La réglementation maritime
I- Les acteurs
La réglementation internationale est réalisée par plusieurs organismes. Cette multitude
de sources normatives est un héritage de l’histoire maritime.
Si l’Etat apparaît aujourd’hui comme le principal acteur de la sécurité, son action
demeure étroitement encadré par l’OMI et par d’autres institutions intergouvernementales.
Les organismes privés et notamment les sociétés de classification ont également un rôle très
important.
1) L’OMI
C’est une organisation internationale des Nations Unies. Son but est de créer des
mécanismes de coopération entre les gouvernements dans le domaine des lois internationales
dans le domaine des lois internationales et d’entraide dans le domaine des problèmes
techniques. Cette organisation regroupe 157 états.
Elle ne possède pas de forces de répression mais à l’autorisation de vérifier avec soin
et de certifier les procédures adoptées par les pays contractants.
2) Les organisations intergouvernementales
On y trouve d’autres organismes de dimensions internationales dépendant des Nations
Unies comme :
• L’OIT, qui a une grande importance dans la réglementation du travail maritime et
l’amélioration des conditions de vie des gens de mer,
• L’UIT, puisque les télécommunications sont primordiales lors d’accidents maritimes,
• L’OMM, pour les données météorologiques.
On trouve également l’INMARSAT car les satellites sont de plus en plus utilisés et de
multiples autres organisations internationales et régionales (la communauté européenne par
exemple).
7
3) Les ONG
Les industries maritimes se sont regroupés afin de pouvoir se défendre et participer à
l’élaboration de la législation. On a par exemple l’AWES qui défend l’intérêt des
constructeurs et réparateurs européens et l’ICS pour les armateurs et exploitants de navires et
l’IUMI pour les assureurs.
Ces ONG ont une contribution importante dans le processus normatif : elles élaborent
d’une part le processus normatif et participent d’autre part activement au travail des
organisations intergouvernementales.
Dans le domaine maritime la réglementation privée a une grande importance. Mais sa
valeur juridique dépend beaucoup du pays où elle est censée produire ses effets.
4) Les sociétés de classification
Elles sont le fruit de la volonté des armateurs de se prémunir au XIX siècle de
l’intervention de l’état dans le domaine de la sécurité maritime. Aujourd’hui, elles ont encore
un rôle fondamental dans la prévention des risques maritimes.
Elles ont un double rôle :
• Activité purement privée, la classification qui consiste à élaborer des règles
concernant la sécurité du navire et à veiller à leur application. Le certificat alors
délivré à l’armateur lui permet de trouver une assurance.
•
Une mission de service public grâce à leur réseau internationale, sur délégation d’un
état, elles appliquent les règles contenues dans les conventions internationales.
8
II- Les outils de la réglementation internationale
La société internationale a pour caractéristique principale d’être constituée d’entités à
la fois égaux et souverains : les états. Ainsi à la différence du droit interne, il n’existe pas de
d’organe législatif pouvant exercer un pouvoir réglementaire à l’égard des états. Tout repose
par l’acceptation des normes par chacun d’entre eux.
Il existe deux types d’instrument juridique : conventions et recommandations.
1) Les instruments conventionnels
Par-là, il faut entendre tout type d’accord international conclu par écrit entre états et
par lequel ceux-ci sont liés juridiquement par le principe Pacta sunt servanda.
Cependant, à la différence d’autres institutions de l’ONU, l’OMI ne possède pas le
pouvoir d’adopter des conventions internationales. Elle ne peut qu’inciter les états d’adopter
des projets conventionnels. Cette adoption ne put se faire que lors de conférences
diplomatiques que l’OMI peut organiser mais durant lesquels l’Organisation n’y a aucun
pouvoir.
Ces conventions une fois ratifiées peuvent être révisées par des amendements ou des
protocoles.
La mise en application de ces conventions est assurée par les états qui l’ont ratifiée.
Cependant, ce principe général du droit international connaît de nombreuses altérations.
D’après la convention de Vienne sur le droit des traités : tout traité en vigueur lie les parties et
doit être exécuté par elle bonne fois. Ainsi les états contractants se doivent de promulguer
toutes lois, décrets et règlements nécessaire pour donner à la convention son plein et entier
effet. En plus d’intégrer dans son ordre juridique les dispositions conventionnelles, l’état doit
s’assurer de son harmonie avec l’action des autres états. D’où la nécessité de disposer d’une
infrastructure réglementaire et législative adaptée ainsi que d’une administration maritime
dotée du personnel nécessaire pour contrôler la mise en œuvre des normes à bord des navires.
En pratique, les états ne remplissent pas correctement ces obligations. On assiste à une
très lente incorporation des règles internationales dans l’ordre juridique interne de chaque état
et à une grande diversité des réglementations d’application.
2) Les instruments non conventionnels
Ils sont de deux types :
•
Les instruments concertés non conventionnels. Il s’agit de documents écrits émanant
des états, aptes à produire des effets de droit. Sont rangés dans cette catégorie les actes
finaux des conférences diplomatiques ainsi que les résolutions et recommandations
adoptées à cette occasion. Ils permettent aux états de se dégager de la rigueur des
engagements conventionnels tout en donnant à ces accords une portée juridique.
•
Les actes des organisations internationales. Ces dernières comme l’OMI, l’OIT et la
communauté européenne, élaborent diverses recommandations, résolutions, directives
et règlements destinés à prévenir les accidents en mer.
9
Par définition, les recommandations des organisations internationales n’ont aucun
caractère juridique obligatoire, les états ne sont pas tenus de les mettre en application mais ont
tout de même une triple utilité :
• Elles peuvent légaliser certaines règles ou pratiques privées.
• Elles annoncent bien souvent une réglementation future qui deviendra obligatoire.
• Elles peuvent concourir à l’élaboration d’une à la formation d’une coutume
internationale des transports à l’égard des états non membres.
Il faut noter que l’Union Européenne est une organisation supra étatique et donc peut
produire des actes obligatoires.
La réglementation internationale de la sécurité maritime est devenue d’une effroyable
complexité. Celle–ci tient au fait que les normes sont à la fois hétérogènes, volumineuses et
lacunaires car elle est le fruit d’un difficile compromis entre les intérêts divergents des
différents états. L’amélioration de la sécurité en mer et de la protection de l’environnement
marin figure certes parmi les préoccupations de tous les états membres de la société
internationale mais pour des notions politiques, stratégiques ou économiques, chaque nation y
apporte une attention différente.
De plus, ces réglementations ne règlent pas à elles seules le droit maritime.
10
III- Les autres réglementations
1) Les réglementations nationales
L’action des organisations internationales n’a pas supprimé le pouvoir de
réglementation de chaque état. Comme le rappelle la plupart des conventions de l’OMI, « tous
les points qui ne font pas l’objet de prescriptions expresses (dans de tels instruments) restent
soumis à la législation des gouvernements contractants. »
Cependant l’état ne peut pas agir à sa guise : il lui faut tenir compte des principes du
droit international.
En vue de contenter à la fois les états transporteurs et les états menacés par l’exercice
des activités maritimes, les uns cherchant un minimum de contraintes et les autres désirant
une réglementation performante soucieux de la protection de leurs côtes, le droit de la mer a
mis en place une répartition des compétences normatives qui varie selon la zone où se trouve
le navire :
•
Le pouvoir de réglementation en haute mer
Cette zone se caractérise par la liberté de navigation : aucune compétence nationale ne
peut s’exercer sur cet espace situé au-delà de la mer territoriale. Seul s’exerce la souveraineté
de l’état auquel le navire est rattaché. L’état du pavillon y prend à sa charge la responsabilité
du navire.
Les compétences normatives de l’état du pavillon en matière de sécurité ont été
consacrées par plusieurs conventions internationales. Celle de 1958 sur la haute mer indique
que « tout Etat est tenu de prendre à l’égard des navires arborant son pavillon, les mesures
nécessaires pour assurer la sécurité en mer, notamment en ce qui concerne :
¾ L’emploi des signaux, l’entretien des communications et la prévention des abordages ;
¾ La composition et les conditions de travail des équipages ;
¾ La construction et l’armement du navire et son aptitude à tenir la mer. »
La convention de 1982 sur le droit de la mer oblige les états à prendre des mesures dans
tant pour la navigation que pour la protection du milieu marin :
¾ Elle rallonge la liste des matières susceptibles de faire l’objet de réglementations. En
plus du navire, de l’équipage et de la navigation évoqués ci-dessus, on trouve
l’inspection du navire, la présence à bord de cartes marines, du matériel et des
instruments de navigation, l’obligation de confier l’équipage à un capitaine et des
officiers qualifiés et que ceux-ci connaissent et respectent les règles internationales.
¾ L’état du pavillon doit adopter des lois et règlements pour prévenir, réduire et prévenir
la pollution par les navires.
Il faut noter qu’il apparaît une carence à ce niveau dans l’organisation maritime. En effet,
la convention de 1958 stipule que les états pavillons doivent se conformer aux normes
internationales généralement acceptées. Cependant, il n’existe aucune définition officielle de
cette expression. Et laissent donc place à une libre interprétation des normes à suivre.
11
•
La Zone Economique Exclusive (ZEE)
Elle borde la haute mer et s’étend jusqu’à 200 milles des côtes. C’est le premier espace où
peut s’exercer une concurrence des pouvoirs de l’état du pavillon et de l’état riverain. Tout
comme en pleine mer, la convention de 1982 y accorde à tous les états la libre circulation. Le
pouvoir de réglementation en matière de sécurité des navires revient donc à l’état pavillon
mais grâce à l’article 56 de cette même convention, l’état côtier possède des droits exclusifs
finalisés. Il y a juridiction en ce qui concerne :
¾ La mise en place et l’utilisation d’îles artificielles, d’installations et d’ouvrages ;
¾ La recherche scientifique marine ;
¾ La protection et la préservation du milieu marin.
Ce régime juridique particulier est quelquefois aménagé par les états désirant renforcés la
sécurité dans cette zone mais la légitimité de ces lois est de plus en plus contesté. On peut
citer l’exemple des Seychelles qui ont voté en 1974 l’autorisation au président de déclarer
zone particulière toute zone de sa ZEE. Il peut ainsi contrôler toute cette zone ce qui est
contraire au principe de libre circulation.
•
La mer territoriale
A 12 miles des côtes et jusqu’à la limite des eaux intérieures s’étend la mer territoriale.
Sur cette zone l’état riverain exerce sa souveraineté. Afin de préserver les intérêts du
commerce international, le droit de la mer a trouvé un compromis entre la nécessaire
protection du riverain et la nécessité de la navigation en établissant un principe particulier
pour cette zone : le principe du droit de passage inoffensif.
Ainsi tous les navires des états riverains ou non de la mer jouissent du passage dans les
eaux territoriales. Ce passage comprend le droit de traverser la mer territoriale, de stopper et
de mouiller mais seulement de mouiller dans la mesure où le mouillage constitue un incident
ordinaire de navigation ou s ‘impose au navire dans un état de relâche forcée ou de détresse.
L’état riverain est autorisé à suspendre temporairement ce passage dans des zones
déterminées sous trois conditions : la suspension doit être indispensable pour la sécurité du
riverain, se faire sans discrimination des navires étrangers et faire l’objet d’une publicité.
Pour statuer sur le caractère inoffensif du passage, l’état riverain ne peut établir des lois et
des règlements sur des points contenus dans une liste établie lors de la convention de
MONTEGO BAY de 1982. On y trouve notamment la sécurité de la navigation, la régulation
du trafic, la protection des équipements et des systèmes d’aide à la navigation, la prévention
de l’environnement, la prévention, la réduction et la maîtrise de la pollution. En aucun cas
l’état riverain ne peut légiférer sur toutes les matières concernant la sécurité intrinsèque du
navire à moins que ces lois et règlements ne donnent effet à des normes internationales
généralement acceptées pour notifier que seul l’OMI est investi de fonctions particulières
dans ce domaine.
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2) Les réglementations unilatérales
Les catastrophes maritimes remettent souvent en cause l’efficacité de la voie
consensuelle traditionnelle. L’état touché ou simplement menacé dans ses intérêts vitaux
exige des mesures rapides, presque instantanées, pour corriger les imperfections ou combler
les lacunes de la réglementation internationale : difficulté de trouver un consensus planétaire,
lenteur dans l’élaboration et l’application du droit qui en résultent, les lacunes et les
imprécisions des normes qu’il renferme.
La volonté affichée par un état d’adopter une réglementation allant au-delà des normes
généralement acceptées peut viser différents objectifs : activer un processus de décision au
niveau international ou corriger les carences du système existant.
Ces mesures concernent le plus souvent deux points :
•
La sauvegarde de la vie humaine en mer
Ce fut le cas en Angleterre pour la sécurité des transbordeurs et en Norvège pour la sécurité
des navires rouliers à passagers. Dans les deux cas la démarche des autorités a été motivée par
un accident ayant entraîné la mort de plusieurs personnes. Mais il est à noter que ces
démarches unilatérales ont certes provoqué un tollé sur la scène internationale mais ont
permis d’accélérer la mise en place de nouvelles normes par l’OMI.
•
La protection de l’environnement marin : L’Oil Pollution Act
On trouve dans cette catégorie la plus importante des réglementations unilatérales : L’Oil
Pollution Act ; la plus importante du point de vu du contenu mais aussi du point de vu des
répercutions internationales. Elle fut adoptée en août 1990 par les Etats-Unis et entra
définitivement en pratique en décembre 1994. Pour la première fois était apportée une réponse
globale au problème de la pollution des mers par les hydrocarbures. Malgré son ampleur et sa
brutalité, l’initiative américaine n’aurait pas dû surprendre la communauté maritime
internationale, car elle avait été précédée de nombreuses initiatives législatives antérieures. En
effet depuis la fin des années 60, les Etats-Unis n’ont jamais caché leur intention de prendre
des mesures unilatérales en matière de protection de l’environnement si la communauté
internationale n’agissait pas de façon suffisante. Ainsi afin de minimiser les risques de
pollution engendrés par des unités ne battant pas le pavillon national, les Etats-Unis n’ont pas
hésité à invoquer leur juridiction sur tout navire entrant dans leurs eaux territoriales.
L’accident de l’Exxon Valdez le 24 mars 1989 qui fut la plus grande et dramatique marée
noire de l’histoire américaine, mit fin à la patience des autorités américaine qui sous la
pression de l’OMI ne voulait pas prendre de mesures unilatérales trop marquées. A la suite de
cette marée noire, des pressions très vives furent exercées sur l’appareil politique en place
pour que plus jamais le pays ne connaisse pareille catastrophe. Le 18 août 1990 était adopté
l’Oil Pollution Act.
13
La pollution est traitée sous trois aspects :
™ La prévention
La sécurité est renforcée dans trois domaine : la construction et l’équipement,
l’exploitation et la navigation.
On peut retenir principalement l’obligation pour les pétroliers d’être équipés d’une double
coque et d’un double fond. Pour les pétroliers en service, des dates de mise aux normes ont
été déterminées en fonction de leur âge de leur tonnage et de leur type de construction. Au
plus tard en 2010, tous les navires citernes à simple coque seront interdits d’accès dans les
eaux américaines.
Une attention particulière est aussi portée le respect des normes. Ainsi l’US Coast Guard
doit en cas d’accident impliquant un navire étranger, déterminer si les normes de l’état du
pavillon sont aux moins équivalentes aux normes américaines ou à celles acceptées sur le plan
international par les Etats-Unis et si ces normes ont été réellement appliquées. Si ce n’est pas
le cas, les navires de l’état du pavillon concerné pourront se voir refuser l’entrée dans les
zones territoriales sauf si l’USCG estime le navire sûr ou si son entrée est nécessaire pour la
sécurité du bâtiment ou de son équipage.
On peut également citer le cas de l’usage de la drogue et de l’alcool. Outre le droit
accordé au second capitaine de relever de ses fonctions le commandant du navire si ce dernier
est sous l’emprise de drogues ou de l’alcool, on trouve l’autorisation à l’USCG de retirer les
certificats nautiques en cas d’infraction à la réglementation terrestre d’un des marins c’est à
dire au code de la route.
™ La lutte contre la pollution
Tout navire quelque soit l’état du pavillon transportant du pétrole dans les eaux des EtatsUnis est contraint d’avoir un plan d’action (Vessel Response Plan ou VRP) et d’être équipé
d’un matériel de récupération. Le VRP est à la charge de l’armateur et doit être validé par
l’USCG.
™ La responsabilité et l’indemnisation
L’OPA sonna le glas de la limitation de responsabilité de l’armateur. En effet, si la loi
reconnaissait cette possibilité au niveau fédéral, elle permettait en revanche à chaque état
américain de laisser subsister un mécanisme différent. La plupart des états côtiers saisirent
l’occasion pour mettre en place un dispositif législatif prévoyant une répartition illimitée des
dommages de pollution assortie d’une assurance obligatoire. Cette obligation d’assurance
engendra de nombreuses difficultés tenant à l’impossibilité de trouver sur le marché mondial
de l’assurance des capacités suffisantes pour garantir une réparation intégrale des dommages
de pollution.
14
L’OPA eu des incidences à trois niveaux :
™ Au niveau politique
Il a remis en cause un consensus international qui cherchait tant bien que mal à s’imposer
dans le domaine technique et juridique grâce à l’action de l’OMI. En marquant une rupture au
moins provisoire avec les mécanismes conventionnels, l’initiative américaine a décrédibilisé
l’OMI dans son rôle de promoteur de la réglementation internationale. L’OMI a bien essayé
de rattraper son retard dans la prévention et la lutte contre la pollution en provoquant une
modification de la convention MARPOL, notamment avec les règles sur les doubles coques et
les systèmes de protection structurels équivalents, adoptée le 6 mars 1992. Malgré cela, les
Etats-Unis sont restés sur leur position estimant que l’amendement de la convention
MARPOL entrait en contradiction avec l’OPA sur trois points : la possibilité de solutions
alternatives aux doubles coques, la taille des navires auxquels l’amendement s’appliquer et la
date de mise en vigueur des nouvelles règles.
™ Au niveau juridique
L’OPA a marqué une rupture avec le régime de responsabilité du propriétaire de navire. Le
système de responsabilité qu’elle met en place avec un plafond certes élevé de 10 millions de
dollars, reste illusoire dans la mesure où la loi fédérale peut s’effacer devant la loi des états.
Cela ouvre la voie à une parcellisation du droit maritime : Elle risque d’entraîner une
juxtaposition de systèmes différents établis par les législateurs nationaux soucieux de rassurer
une opinion ignorante des conditions du transport maritime.
™ Au niveau financier
L’OPA a engendré des coûts nouveaux que devra supporter l’industrie maritime que ce soit
pour la construction ; l’exploitation ou la navigation. L’ensemble de ces dépenses va se
traduire par une hausse conséquente des coûts de transport du pétrole à partir ou à destination
des Etats-Unis. Qui paiera ? Les compagnies pétrolières, les armateurs ou les affréteurs ? La
question reste posée mais il semble que ce soit le consommateur qui en fasse les frais.
15
IV- Les normes de sécurité des pétroliers
Avec un trajet moyen de 5330 miles pour chaque tonne transportée, l’acheminement
de pétrole se révèle une opération longue et délicate. Par exemple en 1992, 1.3 milliard de
tonnes de pétrole, soit un peu plus de 40% de la production mondiale, ont été acheminé par
voie maritime.
1) Le contexte
•
La flotte pétrolière mondiale
Deux éléments caractérisent cette flotte : la taille et le vieillissement des bâtiments.
En effet le secteur pétrolier a été le lieu privilégié e la course au gigantisme qui eut lieu
dans le transport maritime. Ainsi en 1967, furent construit les premiers VLCC (Very Large
Crude Carrier), navires dépassant le 120 000 tpl (tonne de port en lourd) et en 1976,
apparurent les premiers ULCC (Ultra Large Crude Carrier) supérieurs à 500 000 tpl alors
qu’en 1954 le plus gros tanker ne dépassait pas 50 000 tonnes. Aujourd’hui la construction
d’ULCC a été abandonnée et les unités en commande ont un tonnage moyen de 225 000 tpl.
Malgré les données statistiques qui établissent que les risques d’accident diminuent quand
la capacité des pétroliers augmente, les grands pétroliers sont très critiqués :
¾ On remet en cause leur solidité car leur structure est calculée pour résister aux efforts
que leur masse fait subir en chaque point de la coque dans des conditions normales
d’utilisation c’est à dire en libre flottaison. Ainsi les poussées consécutives au
déjaugeages répétés par les mouvements de la mer peuvent difficilement être
contenues par la coque.
¾ On les dit peu manoeuvrable ce qui serait la cause de l’accident de du Torrey Canyon.
¾ Ils ont une faible marge de flottabilité ce qui est dangereux en cas d’échouement.
¾ Ils sont difficilement remorquables.
¾ Leur inspection à 100% est irréalisable. Pour un VLCC, il y a 50 000 m² de tôles
extérieures et 100 000 m de soudures à inspecter ce qui représenterait 50 000 heures
de travail pour inspecter la coque par ultrason et 100 000 heures pour examiner les
soudures par magnétoscopie.
L’autre caractéristique de cette flotte est son vieillissement. Selon ISL (Institute of
Shipping Economics and Logistics), sur les 6641 pétroliers en exploitation en juillet 1996,
43% étaient âgés de plus de 20 ans et 22% de plus de 25 ans. Ceci s’explique par des raisons
économiques principalement. En effet, dans les années 70, les compagnies pétrolières
incitèrent la construction de supertanker en vue de palier à la fermeture du canal de Suez.
Ainsi furent construits 450 VLCC entre 1970 et 1975. Malheureusement leur mise en
exploitation coïncida avec une chute brutale de la consommation de pétrole et la découverte
de source de production plus proche des pays consommateurs. Les armateurs cherchent donc
à rentabiliser cet investissement.
De plus, aujourd’hui les navires neufs font perdre de l’argent aux armateurs. Par exemple,
l’entretien d’un pétrolier neuf de 300 tpl coûte en charge d’exploitation 45 000 dollars par
jour alors qu’il ne rapporte que 15 à 25 000 dollars.
16
Or les études statistiques montre que l’âge est un facteur d’accroissement des risques (voir
tableau ci-dessous) et constitue l’une des principales causes d’accident lorsqu’il
s’accompagne d’un manque d’entretien du navire.
Evolution des pertes de pétroliers 1992-1996 par tranches d’âge
(Source : ILU. Casualty statistics 1996)
Age
0-4
5-9
10 - 14
15 - 19
20 - 24
25 et plus
Nombre d'unités
2
1
6
20
28
16
%
2
1
8
29
38
22
Tonnage
53 338
144 567
42 537
718 788
240 246
68 083
%
4,2
11,5
3,3
56,7
19
5,3
TOTAL
100
100
1 267 559
100
Il est également intéressant d’observer qui possède ces pétroliers et d’établir une
corrélation entre le type d’armateurs et le nombre d’incidents.
Typologie des armateurs pétroliers
(Source : Académie de Marine. Communication et Mémoires, n° 2 janvier-mars, 1992, 20)
Type d'armateurs Nb d'armateurs
Grands
68
Indépendants
Petits Indépendants 65
Compagnies Majors 9
Producteurs
9
Autres pétroliers
9
TOTAL
159
Nb de navires
Nb moyen de navires
281
93
66
52
22
514
4,1
1,4
7,3
5,8
2,8
% de la
flotte
55
18
13
10
4
100
Les pétroliers sont donc exploités soit par des armements intégrés aux grandes
compagnies pétrolières, soit par des armateurs indépendants. On constate depuis quelques
années de profondes modifications avec un accroissement des armateurs indépendants et une
diminution des armements intégrés. Deux facteurs sont à l’origine de cette mutation : d’une
part les compagnies pétrolières hésitent à investir dans ce domaine et d’autre part, elles
redoutent de plus en plus d’être exposées en cas de pollution sur le plan médiatique.
Des études ont montré que la nouvelle structure du marché des transports a conduit à
une augmentation de la probabilité d’accidents, les armateurs indépendants ayant deux fois
plus d’accidents que les flottes intégrées(voir tableau ci-dessous). Les pressions commerciales
intenses qui s’exercent en permanence sur le marchés des frets pétroliers ont, dans certains
cas, incité les compagnies maritimes à réduire leurs coûts de maintenance et d’entretien de
leur flotte.
17
Corrélation entre le type d’armateurs et le nombre d’accident
(Source : Académie de Marine. Communication et Mémoires, n° 2 janvier-mars, 1992, 20)
Type d'armateurs Nombre de navires
Grands
113
Indépendants
Petits Indépendants 54
Compagnies Majors 39
Producteurs
27
Autres pétroliers
5
TOTAL
238
•
Nombre d'incidents
% incident
237
160
58
59
12
526
2,1
3
1,5
2,1
2,4
Les risques liés au transport de pétrole
Ils sont de deux types : on a tout d’abord un risque interne puisque la cargaison peut être
la source d’incendie ou d’explosion et on a également un risque externe de pollution
accidentelle.
Le risque incendie et explosion représente la moitié des accidents des pétroliers : sur 74
pertes de pétroliers survenues entre 1991 et 1995, 36 auraient pour origine un incendie ou une
explosion.
Perte de pétroliers de 1992 à 1996
(Source : ILU. Casualty Statistis 1996)
Type d'accident
Abordage ou contact
Incendie ou explosion
Echouement
Machine
Mauvais temps
Autres
TOTAL
Nombre
8
33
5
5
11
11
73
Tonnage
198 059
469 043
27 169
100 524
235 572
237 192
1 267 559
% tonnage
15,6
37
2,1
8
18,5
18,8
100
La cargaison des pétroliers représente aussi un risque pour l’environnement. Même si
les déversements d’hydrocarbures en mer sont minimes et constituent une faible part de la
pollution pétrolière totale des océans (voir diagramme ci-dessous), l’image qu’ils produisent
sur l’industrie des transports maritimes restent très négatives : chaque marée noire est
aujourd’hui filmée par toutes les télévisions du monde.
18
déchets indutriels
Répartition de la pollution
pétrolière marine
7%
5%
autres causes liés au
commerce maritme
2% 1%
sources naturelles
10%
pétroliers en exploitation
accident de pétroliers
14%
61%
production offshore
terminaux des raffineries
Selon l'ITOPF (International Tanker Owners Pollution Federation Limited), les
principales causes de pollutions accidentelles proviennent des faiblesses de structures et des
échouements puis des abordages et, dans une moindre mesure, des incendies et des
explosions.
2) La réglementation internationale
Les navires citernes sont assujettis à une réglementation spécifique. Celle-ci s’est
élaborée de manière brutale, par à-coups, imposant au lendemain des grandes catastrophes
maritimes des exigences techniques de plus en plus sévères. Malgré leur ampleur et leur
diversité, ces normes préventives, adoptées par la communauté internationale sous l’égide de
l’OMI, ne couvrent pas tous les aspects de la sécurité. Les lacunes sont comblées par des
règles nationales ainsi que des mesures prises par l’industrie privée.
Quatre événements ont joué un rôle capital dans l’évolution de cette réglementation.
Chronologiquement, on trouve en premier lieu, le Torrey Canyon qui provoqua la
première grande marée noire de l’histoire en s’échouant le 18 mars 1967 au large de la
Cornouailles à proximité des Sorlingues. L’accident survint par beau temps à la suite d’une
erreur de navigation. Il entraîna une pollution majeure des côtes britanniques sur 250 km et
françaises sur 100 km. Révélateur des insuffisances de la réglementation internationale, la
catastrophe du Torrey Canyon fut à l’origine d’un bouleversement du droit international et de
la réglementation technique maritime visant à prévenir les accidents, à atténuer leurs
conséquences sur l’environnement et à prévoir des mécanismes de réparation.
En matière juridique, il n’existait à l’époque aucun instrument juridique pour éviter ou
limiter les nuisances provoquées par les navires-citernes. Il faut attendre 1971 pour voir
élaborer les premières mesures préventives. Ainsi il fut décidé de limiter les dimensions des
citernes centrales et latérales des pétroliers afin de limiter le déversement d’hydrocarbures
pouvant résulter d’un accident. Pour cela un amendement fut apporté à la convention OILPOL
de 1954.
19
De plus une convention nouvelle fut adoptée en 1973 : la convention MARPOL. C’est
aujourd’hui encore l’un des traités les plus ambitieux dans le domaine de la pollution des
mers. L’annexe I de la convention exclusivement consacré aux hydrocarbures, mit surtout
l’accent sur la prévention de la pollution volontaire. Le chapitre III de cette annexe édicta
cependant quelques prescriptions visant à réduire la pollution accidentelle en cas d’avarie de
bordé ou de fond à bord des pétroliers.
Survint ensuite en 1969 l’explosion de trois VLCC (le Marpessa, le Mactra et le KongHaakon VII). Là, ce furent des organismes autres que l’OMI qui s’intéressèrent à la
prévention des accidents.
L’International Oil Tanker Terminal Safety Group (IOTTSG) réalisa des recherches
expérimentales sur la dispersion de vapeurs d’hydrocarbures lors du chargement des
pétroliers. Ces travaux aboutirent à l’établissement d’un guide de sécurité qui fut distribué à
l’ensemble des armateurs. La plupart des règles établies dans ce guide furent reprises par des
sociétés de classifications.
L’International Chamber of Shipping (ICS) étudia les sources d’ignition dans les
citernes de pétroliers en cours de lavage. Quatre rapports furent rendus qui mirent en exergue
les causes des accidents et recommandèrent certaines précautions pour le lavage des citernes.
L’Association Internationale des Sociétés de Classification (IACS) remit son analyse
des accidents et ses recommandations à l’OMI qui les intégra dans sa propre réglementation.
Plus tard, durant l’hiver 1976-77 se produisit une série de 15 accidents mettant en
cause des pétroliers au large des Etats-Unis. Suite à cela, le président des Etats-Unis présenta
un ensemble de mesures destinées à améliorer la sécurité des pétroliers qui furent soumis à
l’OMI. Face à la menace d’une action unilatérale, l’OMI examina le dossier en un temps
record et convoqua une conférence diplomatique. Celle-ci se déroula en 1978 et adopta deux
protocoles aux conventions SOLAS de 1974 et MARPOL de 1973.
Enfin survint l’accident de l’Exxon Vadez et ses conséquences évoquées plus haut.
Intéressons nous maintenant au contenu technique de cette réglementation. Trois
domaines de la sécurité sont couverts :
¾ Manœuvrabilité et équipement
¾ Prévention des incendies et explosions
¾ Prévention des pollutions accidentelles
20
Partie 2
Impact écologique et économique de la catastrophe de
l’Erika
Plusieurs tentatives d’estimation des rejets des produits pétroliers ont été effectuées.
Malgré de grandes incertitudes, les ordres de grandeur suivants peuvent être retenus : environ
3,5 millions de tonnes seraient rejetées volontairement ou accidentellement chaque année
dans le monde, dont 1,6 millions de tonnes d’hydrocarbures via les fleuves qui charrient les
pertes diverses de carburants (effluents des raffineries, huiles de moteurs, pertes essence ou
gazole,...).
Si l’on retient par ailleurs qu’1 tonne de pétrole s’étale sur une surface océanique de
12 km2, on peut constater que de vastes routes maritimes sont souillées.
Les effets écologiques et écotoxicologiques de la pollution par les hydrocarbures
demeurent encore aujourd’hui assez mal évalués. En préalable, il est nécessaire de souligner
la faible corrélation entre les impacts des marées noires et la quantité de fuel déversé. Les
courants, la géographie de la zone touchée (estuaire ou pas, par exemple), les biotopes, la
saison (saisons de migration, de reproduction, ...) et les conditions climatiques locales jouent
un rôle déterminant.
De même, la nature des pétroles et leurs caractéristiques physiques et chimiques ont un
effet fondamental. Comme on le verra plus bas, un tonnage plus faible de la cargaison de
l’ERIKA est susceptible, en certains domaines, d’avoir une toxicité comparable à celle qu’eut
la marée noire de l’Amoco Cadiz.
La composition du fuel de l’Erika
Selon TotalFina, l’Erika a " perdu " 12.000 t de fuel lourd n°2 (FO2) dans les eaux
marines au large du Morbihan. Le FO2 contient, au plan de l'écotoxicité, les composés les
plus toxiques du pétrole :
¾ forte proportion d'Hydrocarbures Aromatiques Polycycliques (HAP) Les HAP sont
des contaminants produits par la combustion de la matière organique. Ce sont des
composés à base de carbone et d'hydrogène qui comprennent un ou plusieurs anneaux
de benzène. Il y a plusieurs dizaines de HAP, dont la toxicité est très variable: certains
sont faiblement toxiques, alors que d'autres, comme le très connu benzo (a) pyrène,
sont des cancérigènes reconnus depuis plusieurs années.
¾ nombreux hydrocarbures hétérocycliques, parmi les plus toxiques, ainsi que des
dérivés organiques soufrés essentiellement sous forme de mercaptans dont beaucoup
sont toxiques pour les organismes marins et ce d'autant plus que ce sont des fuels à
haute teneur en soufre (le fuel lourd n° 2 renfermant selon les normes réglementaires
plus de 2% de cet élément),
¾ dérivés organiques soufrés particulièrement toxiques, dérivés thiols de certains
hydrocarbures hétérocycliques et des HAP,
¾ métaux toxiques : molybdène, vanadium, mercure, voire cadmium.
Le FO2 est beaucoup plus toxique que le pétrole brut. Les conséquences
écotoxicologiques d’une telle marée noire ne peuvent, en aucun cas, être assimilées à celles
observées lors du naufrage de l' Amoco Cadiz qui avait déversé quelques 220.000 tonnes de
pétrole brut dans la Manche en mars 1978.
21
I- Les effets écotoxicologiques immédiats
1) Les effets écotoxiques du fuel lourd FO2 observés en février 2000
¾ Mortalité par absorption des hydrocarbures (en dehors des effets d’engluement) : les
concentrations étaient suffisamment élevées dans le cas de l’ERIKA ; plus de 100.000
oiseaux marins hivernant dans le golfe de Gascogne et certains provenant même du
Groenland ont péri.
¾ Mortalité des organes de la reproduction et des embryons :
- la toxicité du FO2 est telle que seulement 0,2 µg/l d'eau de mer de FO2
provoquent 100% de mortalité dans des zygotes d'une algue brune (Fucus edentatus,
Phaeophycées) dominante dans les zones littorales atlantiques ;
- 20 µg de fuel lourd n° 2 déposé sur la coquille d'oeufs d’eider provoquent 100
% de mortalité chez les embryons de cette espèce de canard marin.
2) Des effets toxiques à long terme ont été observés lors des catastrophes
antérieures
Cette toxicité se manifeste sous la forme de contaminations des réseaux trophiques,
que l’on peut classer ainsi :
¾ mutagenèse,
¾ cancérogenèse (benzopyrène….) : des nécroses cutanées ont été observées chez les
poissons plats des abers dans le cas de l’Amoco Cadiz,
¾ effets immunotoxiques,
¾ perturbations endocriniennes, effets sur la reproduction : blocages de la reproduction
des poissons et des huîtres observés dans le cas de l’Amoco Cadiz,
¾ transfert par voie trophique et contamination de la chaîne alimentaire : il faut signaler
notamment les risques liés aux dépôts de particules organiques (et métaux en
suspension), absorbées par les mollusques fouisseurs et des vers à régime alimentaire
filtreur tels les annélides.
II- Les effets écologiques
1) Les effets du pétrole sur les végétaux autotrophes marins
Il s’agit notamment d’effets écotoxiques à court terme :
¾ inhibition de l’activité photosynthétique du phytoplancton ;
¾ limitation de la reproduction de certaines algues ; cependant, l’utilisation moindre des
dispersants pour l’Amoco Cadiz avait permis de moins affecter les algues macrophytes
que lors du sinistre du Torrey-Canyon.
22
2) Les effets sur la végétation terrestre
Après trois saisons d’observation on constate :
• qu’il n’y a pas eu de mortalités massives au sein de la végétation, ni disparition
d’habitat ou d’espèce ;
• le maintien des espèces pérennes comportant du pétrole à la base ou dont les parties
aériennes sont partiellement enduites. A partir de la deuxième année on n’observe pas
d’impact sur la phénologie ni d’évolution de la composition floristique ;
• la très forte persistance du pétrole dans les placettes non nettoyées dans les milieux
non mobiles très rarement atteints par les vagues ou seulement par les embruns;
• l’efficacité des précautions prises dans le cadre des chantiers « botaniques ». Les
coupes d’espèces très souillées appliquées sur les espèces préconisées n’ont pas été
dommageables. De même, l’enlèvement manuel des accumulations à la base des
plantes en préservant au maximum l’intégrité du sol permet une recolonisation déjà
bien avancée des zones mises à nues ;
Le fioul transporté par l’Erika était un pétrole lourd très visqueux, peu volatile et peu
biodégradable. Ce type de pétrole est véhiculé par l’eau et se dépose sur toutes les surfaces
(végétaux et sols) auxquelles il adhère fortement. Comme l’accumulation d’hydrocarbures au
sein de l’organisme est susceptible de modifier le métabolisme et la physiologie de
l’organisme, ceci peut se traduire par des perturbations des processus de croissance et de
reproduction de la plante.
3) Les effets du pétrole sur la faune océanique
•
Au niveau des espèces pélagiques :
- les bancs de poissons peuvent fuir la zone contaminée, mais les œufs et les larves
planctoniques sont atteints. (Exemple : disparition de 90% des œufs de pilchards dans le cas
du sinistre du Torrey-Canyon dans la zone envahie par les flaques d’hydrocarbures) ;
- les frayères littorales sont très affectées (exemple des saumons ne pouvant plus
remonter les estuaires jusqu’aux frayères).
•
Au niveau des espèces benthiques, les impacts sont très importants, les fonds étant
contaminés en profondeur et cette contamination étant durable. Aux effets à court
terme s’ajoutent donc des effets à long terme :
Le projet ECTOPHY a été engagé pour identifier, mesurer et modéliser les effets de la
pollution par les hydrocarbures sur l'écologie, la toxicologie et la physiologie des espèces de
poissons commerciaux dont une partie du cycle biologique se déroule dans les sites concernés
par la marée noire. L’accident de l’Erika semble en première analyse avoir eu un impact très
limité à court terme sur les ressources halieutiques côtières et sur la fonction de nourriceries
des habitats, en raison du contexte climatique de cette pollution.
23
•
on note des pertes des invertébrés liés aux substrats durs (ex : patelles) ;
La contamination des étoiles de mer par le pétrole est un fait
réel comme le montrent les analyses effectuées après le
naufrage : effets immunitaires, tests écotoxicologiques et
mesure de la contamination. Cet effet ne se retrouve cependant
pas deux ans plus tard au niveau de la population.
•
•
dans le cas de la pollution de l’Amoco Cadiz, les fonds marins ont été contaminés
jusqu'à plus de 100 mètres ; plus de 90% de populations de crustacés (Ampeliscidae)
qui jouent un rôle dans la chaîne trophique des poissons benthiques ont disparu ; dans
la baie de Lannion, 18 millions de mollusques bivalves sur 10 km de plages
moururent.
toujours dans le cas de l’Amoco Cadiz, 6 000 tonnes d’huîtres (Crassotraea gigas)
renfermant 1400 ppm d’hydrocarbures ont été détruites ; cette contamination durait
encore 7 ans après.
Les lésions du système immunitaire des organismes aquatiques peuvent être utilisées en
qualité de bio marqueur d'effet. Observées dans des individus exposés, elles indiquent que le
contaminant a pénétré dans l'organisme et qu'il a touché des cibles critiques.
D'un point de vue écologique et économique, l'apparition de phénomènes
d'immunotoxicité amène à craindre une plus grande sensibilité des stocks aux agressions
d'origine microbienne et parasitaire et, parallèlement, une altération à court terme de l'état
sanitaire des populations de mollusques naturelles ou en élevage.
Des échantillons représentatifs ont été collectés courant novembre 2001 et
mars 2002 dans trois stocks conchylicoles élévés dans des sites contaminés
par les hydrocarbures de l'ERIKA (côtes de Loire –Atlantique) et dans un
site éloigné de la zone (Finistère).
Des lésions immunopathologiques et fonctionnelles ont été identifiées dans
un site fortement impacté par les hydrocarbures de l'ERIKA, par
comparaison avec d'une part, les valeurs obtenues sur le même site entre
différents prélèvements et d'autre part, avec les valeurs obtenues dans les
sites moins ou non exposés à cette contamination.
•
Il faudrait 7 à 10 ans pour que la richesse spécifique des biocénoses reprenne sa valeur
initiale, le niveau de contamination des sédiments constituant la principale contrainte
au repeuplement. Dans le cas de l’Amoco-cadiz, la colonisation s’est produite à partir
du moment où la teneur en hydrocarbures résiduels est tombée en dessous de 100 ppm.
24
4) Les effets du pétrole sur les oiseaux et les mammifères marins
Les oiseaux et les mammifères marins sont très sensibles à la pollution
pétrolière Quand un oiseau se pose sur une flaque de pétrole, celui-ci
dissout les graisses de son plumage qui le protègent de l’eau et du froid.
Ceux-ci meurent alors de froid. Ils s’intoxiquent également en essayant
d’enlever avec leur bec le pétrole de leur plumage, ce qui se traduit par des
perturbations du système endocrinien, notamment des glandes surrénales.
Le pétrole est également toxique sur les embryons d’oiseaux marins.
.
A titre indicatif, en Atlantique nord, les pertes étaient estimées à 1 million d’oiseaux
marins par an dans les années 70. Au début des années 80, il est fait état de pertes de 150 à
450 000 oiseaux par an en Manche et Atlantique nord-est. La catastrophe du Torrey-Canyon a
fait passer de 100 000 à 100 individus la colonie de macareux moines des îles Scilly.
Les bilans dressés pour le naufrage de l’Erika à partir des données des différentes
structures participant au plan national de sauvegarde des oiseaux mazoutés font état de près de
64 000 oiseaux, morts ou vivants, récupérés sur le littoral français entre décembre 1999 et mai
2000. Plusieurs éléments contribuent à considérer ce premier bilan comme sous-estimé. Tous
les oiseaux victimes de la marée noire n'ont évidemment pas pu être comptabilisés, et ce pour
différentes raisons. D’une part, nombre d’oiseaux ont été évacués dans les bennes de déchets
mazoutés puis détruits sans avoir été dénombrés. D’autre part, les cadavres ne parviennent pas
tous à la côte, certains pouvant sombrer en mer, d’autres dérivant vers le large poussés par des
vents de nord-est. A l'heure actuelle, sur la base des informations disponibles et par
comparaison avec de précédents accidents pétroliers, l'estimation la plus raisonnable
donnerait 100 000 à 300 000 oiseaux touchés par la marée noire.
Le littoral français est un milieu d'hivernage privilégié pour de nombreux oiseaux
d’eau (plus de 40% des 900 000 oies, canards et foulques, plus de 70% des 900 000 limicoles
présents en France au mois de janvier, base de données du Wetlands International - France). Il
occupe une position géographique d'importance majeure pour plusieurs espèces
Cette importance a justifié la création d’un réseau d’espaces protégés (Réserves
Naturelles, Réserves de Chasse Maritime), pour partie désignés comme Zones de Protection
Spéciale.
L’impact de la marée noire de l’Erika sur les petits cétacés du golfe de Gascogne peut
être évalué selon la contamination du réseau trophique par des éléments rentrant dans la
composition du pétrole de l’Erika ou de ses produits de dégradation
Pour ce qui concerne Delphinus delphis, aucune différence de bioaccumulation n’a été
observée entre les individus échoués dans la zone impactée et ceux échoués hors de la zone :
il n’y a pas eu d’impact de la marée noire sur Delphinus delphis échoués le long du littoral
français. Cependant, on remarque que le niveau d’imprégnation de Delphinus delphis est
équivalent à celui retrouvé en Alaska chez Delphinapterus leucas (Mackey et al., 1996). On
peut donc s’interroger sur la présence d’une contamination chronique.
25
Les mesures standardisées à partir
de navires (1976-2002) de la
répartition spatio-temporelle des
populations d’oiseaux et de
mammifères marins ont permis
d’appréhender l’ensemble de la
zone côtière biologiquement la
plus riche du Golfe de Gascogne
touchée au nord par l’ERIKA
mais épargnée dans le sud.
Cette étude a été réalisée dans le
cadre du projet Romer et les
résultats présentés datent de
Septembre 2002.
Les mesures ont aussi permis de
mettre en évidence les secteurs les
plus touchés par la pollution et
l’impact de l’ERIKA et de
l’évolution naturelle sur les
populations (ex. : diminution des
plongeons,
constance
des
guillemots).
26
III- Dégradation des produits du pétrole
1) La biodégradation naturelle : un phénomène lent, des produits
répandus sur l’ensemble des océans
Après évaporation des fractions les plus volatiles, les hydrocarbures contenus dans le
brut sont attaqués par des bactéries aérobies et des champignons dont la systémique est mal
connue. La nature et la toxicité des produits qui en résultent sont encore très peu étudiées
aujourd’hui.
Après plusieurs semaines ou mois, ces produits s’agglomèrent et forment des nodules
bitumineux de 0,1 à 10 cm de diamètre qui naviguent sur l’océan et viennent entre autre
souiller les plages. Ils renfermeraient dans leur partie centrale des fractions volatiles très
toxiques. Ils sont colonisés par des crustacés.
Certains poissons qui constituent un maillon important des chaînes trophiques dans les
mers tempérées en avalent, ce qui fait passer des substances toxiques dans des chaînes
alimentaires aboutissant notamment à l’homme.
La concentration de ces nodules a été étudiée : il en ressort 1mg/m2 pour l’Atlantique
et 20mg/m2 en Méditerranée. On en trouve aussi dans l’océan indien et jusque dans l’océan
austral.
Des études de dégradation des HAP dans le sol ont montré que la biodégradation de
ces composés pouvait prendre 10 à 20 ans, mais la persistance est souvent liée à la faible
accessibilité des microorganismes aux polluants. Afin d’apprécier la cinétique de dégradation
naturelle du polluant, un échantillonnage régulier sur plus de 20 sites avec des
environnements différents a été entrepris dès mars 2001 pour une durée de 3 ans. Le fioul
persistant a été échantillonné 2 fois par an. Les premiers résultats de ce suivi révèlent que les
composés les plus légers (n-alcanes, de n-C10 à n-C24 et HAP, du benzothiophène au
fluorènes) sont entièrement dégradés. Par contre, les alcanes les plus lourds (> n-C25)
continuent à être dégradés tandis que la dégradation des HAP les plus lourds semble stagner.
Ces résultats sont issus d’un rapport sorti en septembre 2002, soit environ 2 ans après la
catastrophe.
2) La bioremédiation : un moyen de lutte contre la pollution ?
Dans le cas de l’Exxon-Valdez, des techniques de bioremédiation utilisant des
fertilisants (azote et phosphore) destinées à stimuler et donc accélérer l’activité des bactéries
ont été utilisées. Il ne semble pas y avoir eu d’étude des processus et produits obtenus. La
société ELF aurait un brevet sur les techniques de fertilisation.
On peut compléter ces interventions par des apports de bactéries et champignons. Ceci
permettrait un meilleur contrôle de la dégradation et donc des métabolites obtenus.
27
3) Les traitements chimiques et physiques : pas de solution satisfaisante
Il ne faut pas oublier la très grande nocivité des détersifs et dispersants qui peuvent
être utilisés, montrée notamment par la marée noire du Torrey-Canyon dont les enseignements
furent tirés: aucun mollusque de la zone de balancement des marées n’échappa au traitement.
La faune benthique souffrit aussi beaucoup : crustacés (crabes), lamellibranches.
Même l’usage de produits considérés comme non toxiques (Crexit-7664) a des
impacts négatifs : le fait d’émulsionner le pétrole dans l’eau de mer favoriserait en effet son
absorption par des animaux microphages et son passage dans les chaînes trophiques au
détriment de sa dégradation bactérienne. Le dépôt de pétrole au fond des océans par l’effet
des détersifs bloque toute biodégradation à cause de la faible teneur en oxygène des eaux
abyssales. Ainsi, 6 ans après le naufrage de l’Amoco Cadiz, des sédiments à 50 m de
profondeur au large des côtes bretonnes renfermaient encore près de 100 ppm
d’hydrocarbures.
Il existe également des absorbants flottants, qui n’ont pas ces inconvénients, mais ceux
de leur coût et de leur difficulté d’utilisation pour des volumes importants.
IV- Hiérarchie des milieux sensibles selon leur durée de
dépollution spontanée après une marée noire
zone à forte énergie(côte
sauvage)
rochers et promontoires rocheux quelques semaines
plates formes rocheuses
quelques mois
d'érosion
Plage de sable fin
1 à 2 ans
plage de sable moyen à gros
1 à 3 ans
plage de galets et graviers
3 à 5 ans
zone à faible énergie type
plus de 10 ans
marais
zone à faible énergie(golfe)
3 à 5 ans
plus de 5 ans
V- Le suivi chimique de la pollution
suivi
Suite au déversement des hydrocarbures du pétrolier " Erika ", des projets assuraient le
de la contamination chimique du milieu naturel et des organismes vivants
1) Etude de la contamination chimique des mollusques par les HAP
(hydrocarbures aromatiques polycycliques), le nickel et le vanadium suite au
naufrage de l’Erika
Cette étude permet de décrire l’étendue géographique de l’impact et l’évolution temporelle de
la contamination et/ou de la décontamination des organismes suivant leur localisation depuis
le naufrage. Les données du Réseau National d’Observation et les prélèvements dits du “
point zéro ” effectués avant l’échouage des nappes du fioul servent de références pour établir
les tendances temporelles des mêmes contaminants aux mêmes points.
28
Cette carte présente les
différentes stations de
prélèvement
des
échantillons
L’étude révèle une nette augmentation de la teneur en HAP dans les coquillages après
échouage des nappes ( on passe de 143 à 2046 ng/g pour la somme des composés parents non
substitués : naphtalène,phénanthrène…)
En ce qui concerne les
métaux, on observe un pic
important de vanadium au
printemps, le reste semble
plutôt normal.
2) Exposition des organismes marins aux hydrocarbures aromatiques
polycycliques et autres contaminants organiques persistants, biodisponibilité
et recherche de métabolite
Ce programme a pour but de comprendre les relations entre la
contamination chimique de l’environnement marin et l’apparition des
réponses toxicologiques des organismes. Il s’agit de mesurer la teneur en
métabolites* des HAP dans les biles de poissons.
L'exposition des organismes biologiques aquatiques aux HAP a été souvent évaluée en
mesurant la teneur en HAP de leurs tissus, néanmoins pour pouvoir étudier la santé d'un
écosystème marin et le potentiel toxique d'une pollution telle que celle liée à la présence de
HAP, il est nécessaire de pouvoir accéder à la fraction des composés disponibles pour les
organismes aquatiques et de connaître les effets toxiques des contaminants incriminés (effets
toxiques qui peuvent être reliés à la capacité de biotransformation des espèces.)
29
Les propriétés toxiques des HAP résultent de la formation de métabolites (époxydes,
diols) par les organismes vivants. Ces métabolites se lient à l'ADN et entraînent des
dysfonctionnements de l'organisme. Leur présence peut nuire à la faune et à la flore et par
voie de conséquence à l'homme.
*Métabolite : substances produites par l’ensemble des réactions chimiques et physicochimiques qui s’accomplissent dans tous les tissus des organismes vivants
3) Evaluation de l’impact écologique et de la contamination
d’invertébrés benthiques* par la marée noire de l’Erika en zone intertidale* à
l’aide de marqueurs métalliques
L’objectif de cette étude est de suivre la contamination et la décontamination par le
nickel et le vanadium présents dans le pétrole de l’Erika d’espèces animales intertidales
comme par exemple les moules. L'état de santé de ces organismes sera estimé en mesurant
l’abondance d’une protéine qui réagit à l’exposition de certains métaux (nickel, vanadium)
mais aussi au stress, la métallothionéine.
Ces mesures ont été effectuées en
janvier et février 2000 aux 5 sites et
en janvier 2000 au site témoin
Les concentrations en métallothionéine sont largement plus élevées que chez des
organismes provenant de sites témoins. En conclusion, les moules subissent un stress
important aux cinq sites étudiés, en particulier au site Saint Gildas. (Vendée et Loireatlantique)
*Intertidale : zone comprise entre le point le plus haut et le point le plus bas atteint par la mer
lors des grandes marées
*Benthique : Qualifie tous les organismes et les processus ayant un lien avec les fonds.
30
4) Etude comparative de la contamination des sédiments et de la
colonne d’eau par les hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) avant
et après le naufrage de l’Erika
Ce sont dans les zones côtières qu’on observe une contamination persistante et plus
importante montrant que les hydrocarbures du fioul échoué sur les côtes diffusent lentement
dans l’eau. Dans certaine zone la contamination reste significative jusqu’à mai 2001, c’est-àdire presque un an et demi après l’accident. Une présence des HAP dissous en provenance de
l’Erika dans les échantillons prélevés en zone marine dans la colonne d’eau autour de l’épave,
plus de deux mois après l’accident, suggère également une contamination à plus grande
échelle des masses d’eaux océaniques.
La contamination des masses d’eaux est également révélée par le changement radical
de l’empreinte en HAP dissous dans les eaux océaniques contaminées. Celui-ci est lié à la
présence plus importante des homologues alkylés, plus solubles, pour certains composés.
La caractérisation de la contamination d’origine pétrolière est en effet généralement
mise en évidence par la présence relativement importante des homologues alkylés des HAP.
Les concentrations en pg/L des hydrocarbures dissous et leurs empreintes dans les eaux océaniques avant et
après le naufrage de l’Erika ; les composés parents non-substitués (orange) et les sommes des homologues
alkylés (ou substitués) (vert).
Les résultats révèlent une contamination des masses d’eaux océaniques suite au
naufrage de l’Erika par les HAP dissous. Il apparaît que le déversement du fioul de l’Erika ait
pu entraîner des changements quantitatifs (augmentation des concentrations) et qualitatifs
(changement d’empreinte) des HAP dissous dans d’importantes masses d’eaux océaniques du
Golfe de Gascogne.
VI- Les déchets
A mi-septembre 2000, 200 000 t de déchets ont été collectés et stockés dans quatre
sites de stockage lourds en Loire-Atantique
Plus de 400 chantiers de nettoyage ont été ouverts sur la côte atlantique. Sur
l’ensemble des chantiers de nettoyage, environ 220 000 hommes/jours ont été sollicités, en
dehors des bénévoles. La mise en exploitation d’installations de traitement a permis de traiter
ces 200 000 t de déchets, auxquels ce sont ajoutés près de 60 000 t de matériaux souillés
provenant de ces sites de stockage.
31
VII- Les épaves
Elles constituent une manne salutaire de bois et de
matériaux, même si le naufrage est hélas, synonyme
de pollution des côtes. Parfois l'objet de quêtes
passionnées de cargaisons fabuleuses, les épaves sont
des lieux de plongée et de pêche sans pareils, riches
en poissons mais qui sont aussi de redoutables pièges
pour les plongeurs et les marins…
Ces lieux de pêche où le poisson est abondant sont
tout autant des pièges dangereux pour les filets et les
engins de pêche.
Combien de navires de pêche sombrent-ils, de nos jours encore, à cause d'une "croche"
qui a retenu leur chalut ? Le problème est bien connu, autant d'ailleurs des Affaires Maritimes
du DRASSM du BEA Mer, ou du CERES (Centre Européen de Recherche et d’Etudes Sousmarines).
Les épaves contemporaines, par leurs dimensions et l'emploi de matériaux métalliques,
forment des accidents du sol sous-marin sans commune mesure avec les modestes tumulus
des épaves en bois. A ce titre, les campagnes menées par le SHOM, n'ayant pour objet que de
positionner les épaves susceptibles d'offrir une gêne à la navigation, ne concernent pour ainsi
dire jamais les épaves historiques. Au contraire, la base de données du CERES, prend en
compte les moindres points de croche ou câbles sous-marins afin de pouvoir étudier et
protéger ces biens culturels maritimes, tout en contribuant à la sécurité des navires.
Le cas de la disparition du Camisard est à cet égard exemplaire. En avril 1999, ce
chalutier Normand coule au large de Dunkerque, après avoir immobilisé son chalut sur une
croche.
32
Impact économique
Les travaux menés à la suite du naufrage de l’Amoco Cadiz fournissent une référence
méthodologique pour évaluer les dommages économiques dus à la marée noire de l’Erika.
Cette référence conduit en particulier à souligner que chiffrer les dommages n’a pas
seulement un intérêt de connaissance, mais doit servir pour assurer l’indemnisation équitable
des victimes.
Le cas de l’Erika se distingue de celui de l’Amoco Cadiz : les produits répandus ne
sont pas les mêmes ; la durée de la pollution risque de s’avérer beaucoup plus longue qu’il y a
vingt ans ; l’extension de la pollution concerne une zone beaucoup plus importante. En
conséquence les dommages et risques diffèrent donc dans les deux cas, même si
qualitativement, ils peuvent être de même nature : coûts de nettoyage/réhabilitation, pertes de
fréquentation et d’aménités touristiques, atteintes aux activités économiques (pêche,
ostréiculture) et à la biodiversité.
VIII- Dommages monétaires
1) Dépenses engagées pour nettoyer et réhabiliter les sites pollués
•
Dépenses de l’état
Ce tableau présente les
dépenses totales engagées pour
le plan POLMAR au 29
décembre 2000.
Les principales mesures gouvernementales d’urgence et de réparation de court-moyen
terme complémentaires ont été décidées lors du Plan national du 12 janvier 2000 qui a
concerné à la fois la catastrophe de l’Erika et les tempêtes de décembre 1999 puis lors des
comités interministériels d’aménagement et de développement du territoire des 28 février et
18 mai 2000. Les mesures arrêtées le 28 février (“Plan d’ensemble pour le Littoral
Atlantique” marée noire - intempéries) portent sur un montant de 940 MF (dont 300 pour
abondement complémentaire du fonds POLMAR), auxquels s’ajoutent 10 MF d’abondement
des Agences de l’eau et 60 MF de prêts à taux zéro pour le tourisme. Les mesures arrêtées le
18 mai sont relatives aux avenants aux contrats de plan Etat-Régions (marée noireintempéries) et portent sur 4 milliards de francs (MdF).
33
•
Dépenses des collectivités locales
Les dépenses engagées au 30 juin 2000 par les quatre départements les plus touchés par la
marée noire s'élevaient à environ 43,3 MF.
Ces dépenses correspondaient :
¾ pour 24,4 MF à des actions immédiates d'élimination de la pollution, et
principalement à des opérations de nettoyage et de remise en état des côtes ;
¾ pour 17,8 MF à des actions de réparation économique ; près de 80% de ces dépenses
étaient consacrés à des actions en faveur des activités (dont 42% au tourisme),
financées par des aides et subventions.
En ce qui concerne les régions, les dépenses engagées au 30 juin 2000 par les Pays de la
Loire et la Bretagne s'établissaient à quelque 12,8 MF.
AP* déléguées
2) Manque à gagner provoqué par la marée noire
Une première évaluation des pertes de marge du tourisme suite au naufrage de l’Erika
a été conduite en octobre 2000, par l’Inspection générale des Finances.
Le tourisme sur le littoral touché par l’Erika représente en temps normal un chiffre
d’affaires d’environ 32 MdF . Les pertes de chiffre d’affaires seraient de l’ordre de 3 MdF
,soit des pertes de marges de l’ordre de 1,1 MdF.
En ce qui concerne les pertes d’usage du littoral, des études de fréquentation
touristique menées à l’été 2000 sur le littoral Erika ont montrées que, si la fréquentation a peu
baissé en volume, les dépenses consenties sur place qui sont associées aux activités
récréatives, ont baissées par rapport à d’autres régions, ce qui indique que la valeur d’usage
local du littoral s’est dégradée, en raison de l’accessibilité réduite de certains espaces ou de
l’image que les usagers avaient de ces espaces.
La baisse du chiffre d’affaires de la conchyliculture pour les deux premiers mois de
l’année 2000 (au plan national) a pu être estimée par l’OFIMER à 30% par rapport à la même
période des années antérieures. La consommation nationale en 2000 a baissé par rapport à
1999 en produits frais du rayon marée, de l’ordre de 7%.
Dans les deux cas, on se situe dans une approche économique, qui peut s’écarter
sensiblement des sommes effectivement acceptées par les tribunaux. A cet égard, on rappelle
que les indemnisations ne représentaient qu’environ 1,4 milliard de francs (y compris les
intérêts), soit un quart des préjudices estimés dans le cas de l’Amoco Cadiz. Les collectivités
locales ont reçu 330 MF dont 100 MF reversés par l’Etat.
Il faudrait également inclure les coûts des très longues procédures judiciaires.
34
IX- Dommages non monétaires
On en distingue trois sortes :
¾ les pertes dues à une utilisation non prévue des moyens mobilisés par le traitement de
la pollution Les acteurs concernés par une pollution peuvent être amenés à utiliser
leurs moyens en urgence pour limiter l’extension des dommages, nettoyer et remettre
en état alors qu’ils auraient pu les utiliser à d’autres fins productives.
¾ la détérioration de l’environnement prive la population d’une jouissance d’aménités,
souvent en termes de loisirs et de gêne occasionnée par la modification des services
collectifs, etc.
Des études de fréquentation touristique menées à l’été 2000 sur le littoral Erika
ont montrées que, si la fréquentation a peu baissé en volume, les dépenses consenties
sur place qui sont associées aux activités récréatives, ont baissées par rapport à
d’autres régions, ce qui indique que la valeur d’usage local du littoral s’est dégradée,
en raison de l’accessibilité réduite de certains espaces ou de l’image que les usagers
avaient de ces espaces.
¾ les dommages écologiques
Les milieux sont modifiés par la pollution : atteinte à la biodiversité, destruction
d’organismes vivants. Ces dommages doivent être évalués.
Sources pour cette partie
•
•
Les données de l’environnement n°68 juillet aout 2001 La lettre thématique mensuelle
de l’IFEN
Dossiers réalisés par le MEDD (http://www.suivi-erika.info/) :
¾ impacts du naufrage de l’Erika : quelques éléments de connaissance
¾ Pétrole de l’Erika : effets environnementaux et sanitaires
¾ Analyse de la toxicité du fuel de l’Erika
35
Partie 3
De l’Erika à une meilleure prise en compte du facteur
humain dans les accidents de transport maritime
L’accident de l’Erika, survenu au large des côtes bretonnes le 12 décembre 1999, est
sans doute l’accident récent qui a le plus marqué les esprits des français : un pétrolier battant
pavillon maltais se brise en deux à quelques encablures de la pointe de Penmarc’h, et déverse
son fioul lourd n° 2 des côtes vendéennes aux rivages de la Bretagne du Sud. Ce serait du
déjà vu, si l’on omettait de préciser que l’épave a continué de relâcher des hydrocarbures
pendant plus de 3 mois après le naufrage, et que deux tempêtes majeures ont frappé la France
dans les deux semaines ayant suivi l’accident !
Ces circonstances exceptionnelles ne doivent toutefois pas occulter le fait que
l’accident de l’Erika, est malheureusement un « modèle du genre »… Pavillon maltais (de
complaisance) mais détenu par deux sociétés libériennes (de complaisance aussi !), équipage
indien, exploitation italienne, affréteur français (TotalFinaElf), ayant changé six fois de nom
et de propriétaire, l’Erika, construit au Japon en 1974, présente les caractéristiques de ces
quelques vieux pétroliers utilisés par des sociétés d’exploitation « au tramping » (à la
demande) pour transporter des produits « noirs ». Ces produits, par opposition aux produits
« blancs », plus légers, plus inflammables, mais moins polluants car plus volatils (gazole,
essence, kérosène…), sont transportés par les navires les plus anciens car ils n’exigent pas des
citernes de très bonne qualité quant à la corrosion et au nettoyage.
Il saute donc aux yeux, que c’est là une prise de risque maximum, puisqu’on
transporte les produits les plus dangereux pour l’environnement sur les navires les moins
sûrs ! Au-delà de cet état de fait, tout une série de défaillances, tant techniques qu’humaines
ont conduit à la catastrophe. Pour ce qui est de la technique et des inspections, la législation,
si elle est appliquée, devrait suffire à faire face. Mais force est de constater qu’elle reste
inopérante quant au facteur humain…
36
I- Les causes de l’accident de l’Erika
1) Causes techniques ayant conduit au naufrage
•
La configuration du navire et de son chargement
Construit en 1975 au Japon, l’Erika est considéré comme « pré-Marpol », c'est-à-dire qu’il
était sans ballasts séparés, et à simple coque. Toutefois, des modifications de l’affectation des
citernes dans sa configuration finale, du moment de l’accident, sont intervenues. Il a :
-9 citernes de cargaison, polyvalentes (brut, raffiné) (C1t, C1c, C1b, C2c, C3t, C3c, C3b,
C4c, C5c)
-4 citernes de ballastage séparées à l’eau de mer (B2t, B2b, B4t, B4b) plus les peak avant
(PAV) et arrière (PAR), représentant 43% du volume de la cargaison
-2 sloptanks (citernes à résidus liquides) : S
37
•
Les classifications et les inspections du navire
Entre sa construction et son naufrage, l’Erika a porté successivement 8 noms différents, a
été classé par 4 sociétés différentes, mais toutes agrées par l’IACS « International Association
of Classification Societies » (NKK, ABS, BV, RINA), et a changé 4 fois de gestionnaire
nautique (« ship manager »). Ces changements augurent mal de la continuité dans l’entretien
du navire. En effet, on peut sans problèmes remarquer que la coque semble en bon état
général, mais pour ce qui est de la structure, il devient plus difficile de se prononcer sans
entretien continu.
Ces visites sont effectuées à 4 niveaux :
-par les sociétés de classification elles-mêmes, permettant la délivrance d’un certificat de
classe, avec une date d’expiration. C’est une inspection poussée, mais, dans le cas de l’Erika,
ce sont des certificats provisoires qui ont permis une classification, et les inspection ont
remarqué tantôt un état général acceptable, tantôt un mauvais état.
-par l’Etat du pavillon, Malte en l’occurrence. Ce pouvoir est délégué aux inspecteurs de la
société de classification, à l’occasion d’escales commerciales.
-par l’Etat du port, à l’occasion des escales commerciales, et dans le cadre du Mémorandum
de Paris. Ces inspections sont de courte durée en général, car les soutes sont pleines. La
dernière de ce type, un mois avant le naufrage, avait été faite en Russie, mais n’avait relevé
que des problèmes mineurs, touchant l’équipement du navire. Toutefois, d’autres inspections
avaient relevé des problèmes de corrosion dans la structure du navire.
-à la demande des sociétés pétrolières, avant l’affrètement du navire. Le résultat de ces
inspections est alors transmis à une base de données commune aux grandes compagnies
pétrolières mondiales (SIRE), qui peuvent ainsi en user avant de choisir un navire. C’est ainsi
que Total, le dernier affréteur, considérant l’âge et l’état de l’Erika, n’envisageait de l’utiliser
qu’au voyage, c'est-à-dire pour quelques jours ou quelques semaines.
C’est dans ce contexte que l’Erika a été visité 7 fois au cours de sa dernière année. Les
différents rapports indiquent que ces inspections ont été réalisées avec sérieux. Toutefois,
aucune inspection de la structure n’a été réalisée, notamment au niveau des ballasts, et ce
malgré des dires inquiétants des capitaines, qui rapportent une baisse de 26% de l’épaisseur
du ballast n°2, suite à la corrosion.
38
•
Les effets de la corrosion et les travaux effectués sur l’Erika
Comme cela a été dit plus haut, l’affectation des citernes de l’Erika a changé au cours du
temps. Des citernes initialement dédiées au transport de produits pétroliers ont été
transformées en citernes de ballastage à l’eau de mer. Ces citernes sont très exposées à la
corrosion car :
-Le revêtement des citernes ne résiste pas à l’alternance air / eau de mer. Ainsi, la
paroi est directement soumise à un milieu très corrodant.
-La cargaison d’hydrocarbures est souvent chauffée pour améliorer sa fluidité. Cela ne
fait qu’accélérer le processus de corrosion, en raison de la condensation.
D’importants travaux en cale sèche ont été réalisés à Bijela (Sardaigne) en juin 1998 à
la demande du Bureau Veritas, alors en charge du classement de l’Erika. Des éléments de
renfort et des tôles de pont ont notamment été remplacés. Le problème est que les règles de
l’art de la réparation navale n’ont pas été respectées. En effet :
-les travaux présents sur les croquis du chantier ne correspondent pas à ceux facturés.
Il y a donc un déficit flagrant de traçabilité.
-des tôles d’une certaine épaisseur ont été remplacées par des tôles d’épaisseur
moindre, pour cause de rupture de stock. Cela peut entraîner des défaillances de structure.
-les contrôles non destructifs des soudures ont été très légers. Les éléments sensibles
et les soudures n’ont pas été vérifiés aux ultrasons.
•
Les modes de chargement de la cargaison et leurs effets
Le chargement des pétroliers du type de l’Erika est soumis à deux facteurs essentiels :
-la pression hydrostatique de la part des citernes adjacentes,
-les mouvements de la surface du liquide dans les citernes.
D’autre part, la répartition du chargement entraîne des efforts à limiter pour ne pas affaiblir la
structure. Le rôle des ballasts à l’eau de mer est de réduire ces efforts en équilibrant la charge.
Il existe 3 types d’efforts:
39
-des efforts tranchants, dans le cas du cisaillement entre deux citernes voisines (l’une pleine,
l’autre vide)
-des moments fléchissants suivant si l’on charge le navire aux extrémités ou latéralement
-des moments de torsion, dans le cas de chargement croisé des citernes (tribord avant +
bâbord arrière par exemple)
40
Ainsi, au départ de Dunkerque, pour son dernier voyage, l’Erika était chargé comme suit :
Les différents rapports indiquent que le mode de chargement de l’Erika ne pouvait pas
avoir d’influence sur son naufrage. C’est donc bien la corrosion, surtout des ballasts 2 bâbord
et tribord (B2b, B2t) qui est la cause d’un affaiblissement important de la structure, et du
naufrage de l’Erika, d’un point de vue technique.
41
•
Les conditions de navigation
Avant le naufrage de l’Erika, la météo était assez perturbée dans sa zone (Golfe de
Gascogne). Un vent d’Ouest de force 8 à 9 Beaufort, et une houle d’Ouest avec des creux de 5
à 6 mètres. Ce n’est toutefois pas une situation exceptionnelle dans cette zone et en cette
saison… Faut-il rappeler que deux tempêtes ont frappé cette même zone dans les deux
semaines qui ont suivi le naufrage…
•
Le naufrage en lui-même
Le 11 décembre à 11h40, le commandant observe « une gîte importante et progressive
sur tribord ».
-Gîte importante : en effet, progressivement, le roulis « naturel » s’est accentué. De
10 à 12°, elle est passée à 12 à 15°, et sans que le bateau ne revienne en position droite.
-Gîte progressive : d’après les dires de l’équipage, cette gîte est ressentie comme un
mouvement constant et inexorable.
Les causes de cette gîte sont :
-le transfert accidentel d’une partie de la cargaison à travers les parois des citernes, à
l’intérieur du navire. Ce transfert s’est produit entre la citerne n°3 et le ballast n°2 tribord,
suite à une rupture progressive de la cloison sous l’effet de la corrosion.
-l’entrée d’eau par les fissures de pont.
Ces mouvements de poids ont entraîné l’apparition de brèches sur le pont, qui se sont
propagées à la coque et ont entraîné le naufrage qu’on connaît.
42
2) Résumé des causes classiques dans les accidents de transport
maritime
•
Déficit de traçabilité dans l’entretien
Comme nous l’avons vu dans le cas de l’Erika, le suivi de l’entretien et des travaux
effectués est capital pour avoir une idée précise de l’état du navire. Le changement
d’affectation des citernes est une des principales causes du naufrage du tanker. Il aurait don
dû faire l’objet d’une étude préalable de ses conséquences possibles quant à la résistance du
revêtement des citernes à la corrosion : le passage d’un milieu d’hydrocarbures à un milieu
très corrodant comme l’eau de mer ne se fait certes pas sans mal !
D’autre part, en ce qui concerne les travaux, l’armateur devrait les confier à des sociétés
respectant une certaine déontologie : il est en droit de savoir précisément ce qui a été effectué,
avec quelles pièces, et de quelle qualité.
•
Mauvais chargement
Ce n’était pas le cas pour l’Erika, mais un mauvais chargement compromet sérieusement
son arrivé à bon port. L’apparition de moments importants peut venir à bout des structures les
plus solides surtout s’ils sont conjugués à des oscillations externes provoquées par la houle et
les vents.
L’armateur devra donc veiller à posséder un système de surveillance de ces moments, en
temps réel, tant au moment du chargement/dépotage qu’au cours du transport. Il est en effet
possible qu’une partie du chargement soit transféré accidentellement d’une citerne à l’autre.
Son système devra aussi lui permettre de répondre intelligemment à ces situations de crise si
elles surviennent, en contrebalançant ces transferts de façon manuelle. Ces systèmes existent,
et l’Erika en possédait un.
•
Caractéristiques particulières de certains navires
On a aussi à l’esprit les accidents du Herald of free Enterprise et de l’Estonia, deux
transbordeurs pour les passagers qui ont sombré en 1987 et 1994 respectivement dans la Mer
du Nord et dans la Mer Baltique.
Là, c’est un pont garage non fermé ou dont l’ouverture a été arrachée par une tempête qui
a été mis en cause. La houle s’engouffrant à l’intérieur du navire lui a fait perdre sa stabilité et
a causé un chavirage très rapide. On a dénombré 193 morts pour le Herald of free Enterprise
et 830 pour l’Estonia.
•
Collision ou échouage sur la côte
On invoque ici des erreurs humaines survenant généralement dans le gros temps, ou dans des
couloirs maritimes très fréquentés.
43
II- Pistes pour mieux prendre en compte le facteur humain
1) Les particularités du domaine maritime
Les différentes études sur l’influence du facteur humain dans le domaine des accidents
maritimes montre que celui-ci y participe pour 70 à 80%. La nécessité de faire face à ce
problème se fait de plus en plus jour avec l’apparition, à côté des pétroliers, de nouvelles
classes de navires avec des problèmes bien particuliers, comme les navires à grande vitesse
par exemple. Outre une meilleure formation du personnel et la mise en place de systèmes
d’aide à la décision tant en situation de crise qu’en situation normale, il est nécessaire
d’insister sur une meilleure connaissance du cadre réglementaire. C’est ainsi que les Autorités
Maritimes recommandent l’utilisation de techniques structurées pour identifier les causes et
les conséquences d’erreurs, afin de proposer des améliorations de conception et de conduite
du navire.
Dans le monde des transports de personnes et de biens, le domaine maritime possède
des particularités indéniables qui en font un mode de transport à part :
•
Les conditions météo
Même pour les gens de mer, la lutte contre des éléments déchaînée peut être une réalité
ardue à surmonter. Des manœuvres sans difficulté par beau temps peuvent se révéler d’une
extrême délicatesse par gros temps. En effet, quelle que soit la météo, les navires effectuent
leurs rotations : l’information météo revêt donc une importance capitale, afin d’aider les
navigateurs à choisir la meilleure route d’autant plus qu’un tiers des accidents se produisent
dans des conditions extrêmes selon l’OMI (l’Estonia en Mer Baltique par exemple).
Les Etats diffusent des bulletins météo, et peuvent aussi proposer une aide au routage.
Dans certaines conditions (glace dérivante…) des Etats riverains des zones de navigation
déterminent des routes maritimes de délestage.
•
La route et la position géographique
Il est évident que certains couloirs maritimes très fréquentés sont plus cindynogènes.
On peut citer : le « rail d’Ouessant » au large de la Bretagne, les détroits de Gibraltar, de
Messine, d’Ormuz, du Bosphore à Istanbul, du Pas de Calais (croisement de la marine
marchande avec du transport de passagers)…
Pour un transport relativement lent comme le transport maritime, on ne peut pas parler
de fatigue consécutive au décalage horaire. Cette fatigue survient plutôt lors de conditions
météo difficiles et des prises de quart.
44
•
Le type de navire et sa manœuvrabilité
De nombreux accidents provoquant des pertes humaines sont dus à un déficit de visibilité
à partir de la cabine de pilotage. Récemment encore, un chalutier, le Cistude, basé à
Noirmoutier a sombré suite à une collision avec un cargo norvégien. En effet, un petit
bâtiment est totalement invisible, surtout par gros temps, s’il est situé dans des angles morts (à
l’avant notamment). On comprend aisément qu’avec un pont qui peut mesurer jusqu’à 300m
de long il est difficile de voir ce qu’il se passe devant, même dans un poste de pilotage
surélevé.
•
La formation et le choix de l’équipage
Les armateurs font en général appel à des agences de recrutement pour leur équipage.
Pour le cas de l’Erika, c’est la Herald Maritime Service de Bombay (Inde) qui a procédé au
recrutement pour le compte de Panship, armateur de l’Erika. La diversité linguistique de
l’Inde a forcé les membres de l’équipage à communiquer en anglais. Les différents rapports
notent toutefois que cet équipage avait en général une bonne connaissance du transport
pétrolier et du navire lui-même pour certains.
Pour l’accident du Scandinavian Star, au large d’Oslo (Norvège) en 1990, et qui a fait 158
morts, l’équipage avait été recruté seulement une semaine avant d’embarquer. Il ne pouvait
donc pas être en pleine possession du navire.
•
La quasi-absence de procédures pour les opérations courantes et de crise
Lors des accidents qui surviennent pendant des opérations courantes, on peut dire qu’elles
proviennent pour la plupart d’erreurs humaines. Une bonne formation du personnel, surtout
dans des conditions météo délicates qui rendent ces manœuvres délicates pourra y remédier.
En ce qui concerne les situations de crise, il faut distinguer deux types :
-situations de crise connues, qui doivent faire l’objet d’une étude approfondie grâce au
retour d’expérience. On doit pouvoir y faire face par un plan de crise connu des différents
acteurs.
-situations de crise inconnues. Dans ce cas, le point clef est une bonne communication
entre le commandant, son équipage et les différents acteurs concernés (armateur, affréteur,
autorités maritimes locales…) Les rapports déplorent que dans le cas de la crise de l’Erika, le
commandant « aie eu à gérer la crise tout seul ».
45
2) Méthodes d’analyse et propositions
La communauté maritime internationale est maintenant consciente des problèmes
exposés ci-dessus. Les méthodes systématisées pour y faire face ne sont pas encore très
développées, mais des groupes de travail sur le sujet se sont mis en place au sein des
différents organismes : à l’OMI, à l’IACS, auprès des Autorités Maritimes Nationales, des
ports, des chantiers navals, des armateurs…
Depuis 1990, plusieurs sociétés de classification prennent en considération dans leurs
règlements les aspects opérationnels et humains et non plus exclusivement les exigences
techniques. Certaines mettent l’accent sur l’application effective des normes ; d’autres
envisagent la classification dans un concept de sécurité globale, avec la mise en place de
normes ISO 900X ; d’autres encore tentent de mieux comprendre l’interface entre l’homme et
la technologie.
•
Classer les facteurs humains
Sur la base des rapports d’enquête après accidents, l’OMI a ainsi pu mettre en place une
taxonomie à 9 branches des facteurs liés au personnel :
-l’erreur humaine au sein de l’organisation à laquelle appartient le navire ;
-l’erreur humaine au sein de l’organisation du pilote ;
-l’erreur humaine au sein d’autres organisations ;
-les facteurs concernant la liaison avec des organismes extérieurs : non respect des
normes, communication, conception du matériel-fabricant, normes de compétence du
personnel, environnement/lieu de travail ;
-les facteurs liés à la compagnie et à l’organisation : ordres permanents de la compagnie
inadéquats, insuffisants ou contradictoires, instructions du fabricant, pression sur le plan de
l’organisation, ressources inadéquates, qualifications et connaissances professionnelles ;
-les facteurs liés à l’équipage : communication, gestion et supervision inadéquates,
attribution inappropriée des responsabilités, procédures inadéquates, effectifs, formation,
discipline ;
-les facteurs liés à l’équipement : mauvaise utilisation du matériel, équipement nécessaire
non disponible, mal adapté ou mal entretenu, personnel non familiarisé avec le matériel,
automatisation ;
-les facteurs liés à l’environnement au travail ou au lieu de travail : performance affectée
par le bruit, les vibrations, la température, l’humidité, l’environnement visuel, les effets liés
aux mouvements du navire, la mauvaise intendance, l’agencement non adapté à la tâche à
exécuter, l’habitation ;
-les facteurs personnels : communication, compétence, formation, connaissances et
qualifications, santé (drogues, alcool, problème médical), les problèmes familiaux, la fatigue
et vigilance, les capacités de perception, les difficultés à prendre les décisions (mauvaise
utilisation des informations), la perception des risques.
46
•
Une première réponse : l’ISM
Le code ISM (International Safety Management) est sans doute l’innovation majeure de la
fin du XXème siècle dans le domaine de la sécurité maritime. C’est un code évolutif qui permet
de reprendre les enseignements à tirer des catastrophes qui ont marqué l’Histoire. Il a été
adopté par l’OMI en novembre 1993.
Les objectifs de l’ISM :
-offrir des pratiques d’exploitation et un environnement de travail sans danger
-établir des mesures de sécurité contre tous les risques identifiés
-améliorer constamment les compétences du personnel en matière de gestion de la
sécurité et notamment le préparer aux situations d’urgence.
Concrètement, l’armateur doit mettre au point un SMS (Safety Management System)
pour atteindre ces objectifs. Il reprend les règlements de l’OMI en édictant des procédures
définissant des responsabilités précises en matière de sécurité, avec une insistance sur le
soutien à terre. Il doit aussi mettre en place une organisation et des moyens de communication
tant entre les personnels du bord qu’avec le soutien terrestre de la compagnie. L’armateur se
voit aussi imposé l’établissement de plans et de consignes pour les principales opérations à
bord, et de mettre en place des procédures permettant de faire face à toutes les situations
d’urgence susceptibles de survenir. Enfin, tous ces renseignements sur la sécurité devront être
consignés dans un Manuel de gestion de la sécurité dont un exemplaire doit être conservé à
bord.
La vérification de la bonne application de l’ISM incombe aux Etats :
-l’Etat du pavillon, qui a aussi la possibilité de déléguer ces missions à des organismes
reconnus par l’administration (en général reconnus par l’IACS). La compagnie du navire se
voit alors délivré un certificat valide pendant 5 ans
-l’Etat du port contrôle quant à lui le certificat délivré par l’Etat du pavillon, et il peut
agir en cas de non-conformité
Il est à noter que le code ISM suit le même régime juridique que les autres instruments
de l’OMI.
47
•
Les méthodes d’analyse du risque lié au facteur humain
Parmi les méthodes développées dans les groupes de travail, on peut citer :
-l’IMO HRA guidance. Cette méthode développée par l’OMI suggère l’intégration de l’HRA
(Human Reliability Analysis = Analyse de la fiabilité humaine) dans le FSA (Formal Safety
Assessment = Evaluation Formelle de la sécurité). Elle reprend les techniques classiques
comme la méthode HazOp (Hazard Operability Studies).
0-Définition du
problème
1-Identification des
risques
2-Evaluation des
risques
Risques liés au
facteur humain
Analyse de l’erreur
humaine
Quantification de
l’erreur humaine
3-Propositions pour
limiter les risques
5-Recommandations
et prise de décision
4-Analyse
coûts/avantages
-des méthodes complexes, basées sur la psychologie cognitive. Elles ont pour but de
modéliser mathématiquement le comportement humain et de l’intégrer à des simulateurs de
navigation. Exemple :
48
-des méthodes simples, dont l’objectif est d’analyser le comportement humain dans les
situations d’erreur. On peut par exemple modéliser le comportement du personnel dans
l’analyse des tâches et l’intégrer à l’analyse de risque.
-des méthodes globales ont été développées pour analyser les facteurs humains dans leur
complexité: contexte réglementaire, organisation, formation du personnel, comportement du
personnel, etc. L’objectif est d’identifier les causes primaires de défaillance de la structure
dans sa complexité et de proposer des mesures correctives.
49
Eléments de bibliographie pour cette partie :
•
http://www.mer.equipement.gouv.fr/actual/rapports/Rapport_Erika_definitif.pdf
Rapport de la CPEM (Commission Permanente d’Enquête sur les Evénements de Mer)
sur le naufrage de l’Erika, rendu public en novembre 2000
•
http://www.agora21.org/ari/vivalda.html Séminaire « Maîtrise des risques et sûreté de
fonctionnement », Albi 6-10/09/1999
•
Report of the investigation into the loss of the motor tanker Erika (Malta Maritime
Authority, September 2000)
•
Politiques et droit de la sécurité maritime, Philippe Boisson, Bureau Veritas
50
CONCLUSION
Plusieurs études statistiques ont été effectuées sur de longues périodes et montrent une
amélioration sensible de la sécurité maritime.
Pour évaluer cette amélioration, trois outils statistiques sont utilisé : le nombres de
navires perdus, les pertes de vies humaines en mer et la pollution pétrolière accidentelle.
•
Evolution des pertes de navires
On assiste depuis une trentaine d’années à une diminution importante du nombre
d’accidents maritimes. Les assureurs estiment que les pertes totales en pourcentage du
tonnage et du nombre de navires en service ont baissé au cours de ces dix dernières années
(voir graphe), ceci grâce à l’arrivée de navires neufs sur le marché et à la mise à la ferraille
des unités les plus âgées.
Evolution de pertes totales en pourcentage de la flotte mondiale en service
pourcentage de la flotte en
service
(Sources : ILU/IUMI 1997)
0,5
0,45
0,4
0,35
0,3
0,25
0,2
0,15
0,1
0,05
0
86
87
88
89
90
91
92
93
94
95
96
années
•
Pertes des vies humaines en mer
Les statistiques sur les pertes de vies humaines en mer ne présentent pas depuis 1989
d’évolutions marquées ( voir diagramme ci-dessous). Certaines années sont meilleures que
d’autres comme 1992 et 1995. D’autres connaissent des résultats très mauvais en raison de
graves catastrophes maritimes : 1994 avec le naufrage de l’Estonia, 1996 avec celui, du ferry
Bukoba sur le lac Victoria.
Ces chiffres doivent être relativisés. A la fin du siècle dernier, on dénombrait 650 morts en
moyenne par an pour la seule marine marchande britannique.
Une étude récente a estimé qu’en Europe 140 personnes trouvaient la mort dans les
transports maritimes chaque année, soit 300 fois moins que sur les routes et 9 fois moins
qu’avec les trains. Si on prend maintenant le taux de décès accidentel par passager et par
kilomètre transporté, le navire se révèle 25 fois plus dangereux que l’avion.
51
Evolution de pertes de vies humaines en mer (1989 – 1996) dans des accidents survenus
à des navires de plus de 500 tjb
(Sources : ILU/IUMI 1997)
1400
1200
1000
800
Série2
600
400
200
0
•
89
90
91
92
93
94
95
96
97
Pollution pétrolière accidentelle
700
600
500
400
300
200
100
96
94
92
90
88
86
84
82
80
78
76
74
72
0
70
déversement en milliers de tonnes
Plusieurs indicateurs montrent une évolution positive en ce domaine :
- dans une étude publiée en 1993, le GESAMP a constaté que la pollution accidentelle avait
diminué au court des trois dernières décennies et que les accidents de navire citerne ne
contribuaient seulement qu’à la hauteur de 5% pour la pollution pétrolière marine totale ;
- selon l’ITOPF, la pollution accidentelle a atteint son niveau le plus bas en 1995avec
seulement 9 000 tonnes déversées et le nombre d’accidents majeurs a baissé sensiblement au
cours de ces 25 dernières années ;(voir diagramme)
- l’Académie des Sciences des Etats-Unis a chiffré plus précisément la diminution de la
quantité d’hydrocarbures déversée en mer à la suite d’opérations liées à la navigation. Depuis
le début des années 1980, celle-ci serait de 60 %.
années
52
Pour avoir un ordre de grandeur quant à ces quantités on peut signaler que l’Erika a
déversé environ 20 000 tonnes de ses 31 000 tonnes de fuel transportés, l’Exxon Valdez
40
000 tonnes de ses 180 000 tonnes en 1989 et l’Amoco Cadiz ses 227 000 tonnes en 1978 (la
plus grande marée noire par échouement de pétrolier jamais enregistrée dans le monde bien
que la plus grande quantité de fuel déversé résulte du naufrage de l’Atlantic Empress l’année
suivante qui libère ses 287 000 tonnes de fuel l’année suivante mais celles-ci sont
partiellement brûlées).
De manière générale, le bilan statistique de la sécurité apparaît plutôt positif : la
croissance rapide des échanges maritimes depuis la fin de la seconde guerre mondiale n’a pas
entraîné une multiplication corrélative des accidents.
Environ 1.9 milliards de tonnes de pétrole sont transportées chaque années par 3 000
pétroliers couvrant une distance de 4 700 milles nautiques. Seule une part infime de ces
cargaisons est déversée en mer, 99.9995 % sont acheminés sans problème. A cela s’ajoutent
plus de 2.4 milliards de tonnes de cargaisons sèches dont un milliard de tonne en vrac. Ceci
fait un total de 4.4 milliard de tonnes de marchandises qui sont transportées chaque année par
28 000 navires en toute sécurité.
53
Annexe 1 : Glossaire des abréviations
AFSSA : agence française de sécurité sanitaire des aliments.
AFSSE : agence française de sécurité sanitaire environnementale.
BEA : bureau enquêtes accidents
CEDRE : centre de documentation, de recherche et d'expérimentation sur les pollutions
accidentelles des eaux.
CEPPOL : commission d'études pratiques de lutte antipollution.
CERES : centre européen de recherche et d’études sous marines
CETMEF : centre d'études techniques maritimes et fluviales.
CICADMER : centre d'information, de coordination et d'aide à la décision pour la mer.
COGIC : centre opérationnel de gestion interministérielle des crises.
CROSS : centre régional opérationnel de surveillance et de sauvetage.
CSN : centre de sécurité des navires.
DAEF : direction des affaires économiques et financières (du ministère des affaires
étrangères).
DAJ : direction des affaires juridiques (du ministère de l'économie, des finances et de
l'industrie).
DAMGM : direction des affaires maritimes et des gens de mer.
DAPAF : direction des affaires politiques, administratives et financières de l'outre-mer.
DCCM : direction centrale du commissariat de la marine.
DDAM : direction départementale des affaires maritimes.
DDASS : direction départementale des affaires sanitaires et sociales.
DDCCRF : direction départementale de la concurrence, de la consommation et de la
répression des fraudes.
DDE : direction départementale de l'équipement.
DDSC : direction de la défense et de la sécurité civiles.
DE : direction de l'eau (du ministère chargé de l'environnement).
DETEC : département fédéral de l’environnement, des transports, de l’énergie et de la
communication
DGAL : direction générale de l'alimentation.
DGCP : direction générale de la comptabilité publique.
DGCCRF : direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des
fraudes.
DGDDI : direction générale des douanes et des droits indirects.
DGS : direction générale de la santé.
DIGITIP : direction générale de l'industrie, des technologies de l'information et des postes.
DIREM : direction des ressources énergétiques et minérales.
DIREN : direction régionale de l'environnement.
DPMA : direction des pêches maritimes et de l'aquaculture.
DPPR : direction de la prévention des pollutions et des risques.
DRAM : direction régionale des affaires maritimes.
DRIRE : direction régionale de l'industrie, de la recherche et de l'environnement.
DTMPL : direction du transport maritime, des ports et du littoral.
EMM : état-major de la marine.
FIPOL : Fonds international d’indemnisation des dommages dus aux pollutions par les
hydrocarbures
EPCI : établissement public de coopération intercommunale.
HAP : hydrocarbures aromatiques polycycliques
54
IACS : international association of classification societies
ICPE : installations classées pour la protection de l'environnement.
ICS : international chamber of shipping
IFEN : institut français de l'environnement.
IFP : institut français du pétrole.
IFREMER : institut français de recherche pour l'exploitation de la mer.
INERIS : institut national de l'environnement industriel et des risques.
InVS : institut de veille sanitaire.
IPSN : institut de protection et de sûreté nucléaire.
ISM : international safety management
ISO : international standard organization
MARPOL : marine pollution
MATE : ministère de l’aménagement du territoire et de l’environnement
MNHM : muséum national d'histoire naturelle.
OCDE : organisation de coopération et de développement économique
OMI : organisation maritime internationale
PNEC : programme national d’environnement côtier
SDIS : service départemental d'incendie et de secours.
SIRE : ship inspection report
SHOM : service hydrographique et océanographique de la marine.
SMS : safety management system
SOLAS : safety of life at sea
SVD : services vétérinaires départementaux.
ULAM : unité littorale des affaires maritimes.
55
Annexe 2 : organigramme
1ererministre
1 ministre
département
ministériel
Secrétaire général de la mer
anime, coordonne et gère la
coopération internationale avec le
ministre des affaires étrangères
Mesures à prendre face à la pollution
Mesures de lutte
pour limiter les
conséquences
Mesures de
prévention
Mesures de sécurité
de circulation
maritime
Opérations
engagées en
mer et sur les
côtes
Mesures de sécurité des
installations techniques,
fixes ou mobiles maritimes
de stockage, transport,
manipulation, extraction de
polluant
Administrations locales,
zonales, régionales,
sécurité civile, moyens
privés et publics
Département
ministériel
Mesures de préparation à la
lutte :donner aux autorités
responsables les moyens
d’intervenir rapidement
Coordination par le préfet de
zone, coordination
interministérielle par le ministre
de la sécurité civile, aide du
CICADMER et COGIC
Comité d’experts
constitué par le
ministre de
l’environnement
CEDRE : documentation,
formation, méthodes et
moyens pour combattre
Météo France,
IFREMER
Information des élus locaux :
responsabilité propre pour
éviter les incompréhension
Etablissement d’un
plan POLMAR
Terre : préfet de
département
Traitements des
matériaux pollués
et polluants
récupérés
Mer : préfet maritime,
coordination
interministérielle assurée
par le ministre de la mer,
aide du CICADMER
Entraînement du personnel, évaluation
de la disponibilité et de l’efficacité du
matériel : test de la validité du plan
POLMAR
56