dans la plaine des Maures (France)

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dans la plaine des Maures (France)
Strasbourg, le 17 octobre 2005
[files13f_2005.doc]
T-PVS/Files (2005) 13
CONVENTION RELATIVE À LA CONSERVATION DE LA VIE SAUVAGE
ET DU MILIEU NATUREL DE L'EUROPE
Comité permanent
25e réunion
Strasbourg, 28 novembre –1er décembre-2005
________
Dossier éventuel
Protection de la tortue d’Hermann (Testudo hermanni)
dans la plaine des Maures (France)
Rapport de la visite sur les lieux
(28-29 mars 2005)
Document établi par
Mr Guy Berthoud,
ECONAT-CONCEPT, 1 Rue du Nord, CH-1400 Yverdon-les-Bains, Suisse
____________________________________________________________________
This document will not be distributed at the meeting. Please bring this copy.
Ce document ne sera plus distribué en réunion. Prière de vous munir de cet exemplaire.
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-2-
SOMMAIRE
1. Introduction ......................................................................................................................... 3
A. Atteintes au site .............................................................................................................................3
B. Chronologie des étapes de la mise en place des mesures de protection ........................................4
C. Effets du PIG .................................................................................................................................4
D. Résultats des efforts globaux de protection...................................................................................4
2. Stratégie de protection ........................................................................................................ 5
3. Résultats obtenus et critiques ............................................................................................ 6
4. Stratégie souhaitable prenant en compte la globalité des problèmes ............................. 7
5. Recherche d’une stratégie de conservation plus globale.................................................. 7
6. Applications.......................................................................................................................... 9
7. Analyse d’incidences des applications d’une stratégie systémique de
conservation des habitats des tortues sur le sprojets en cours ........................................ 10
8. Conclusions........................................................................................................................... 12
Projet de recommandation............................................................................................................ 14
Cartes synoptique ......................................................................................................................... 17
-3-
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1. INTRODUCTION.
La question de l’insuffisance des mesures prises pour assurer la protection de la tortue d’Hermann
dans la plaine des Maures a fait l’objet en 2004 d’une plainte des organisations non gouvernementales.
La situation de cette espèce a déjà été traitée par le Comité permanent qui avait décidé, en 1997, de
clore le dossier.
A sa dernière réunion (29 novembre3 décembre 2004), le Comité permanent a répondu
favorablement à l’invitation des autorités françaises d’organiser une visite sur les lieux.
Le présent rapport fait la synthèse des informations collectées lors de la visite et présente des
solutions pour tenter de résoudre les différents problèmes.
Depuis la recommandation n° 26 du Comité de la Convention de Berne en décembre 1991,
l’évolution de la situation dans la zone concernée par la présence de la Tortue d’Hermann dans le Var
a été la suivante , de manière très résumée 1:
A. Atteintes au site
-
En 1992, malgré la demande exprès du ministre de l’Environnement de surseoir au projet et de
chercher une solution alternative, le projet de pistes d’essai pour pneumatiques du groupe
Michelin au centre de la plaine des Maures est approuvé après que les aménagements aient été
inscrits par décision préfectorale dans le plan d’occupation des sols (POS) du Cannet-des-Maures.
Le POS sera finalement annulé par décision du Tribunal administratif et le projet abandonné en
1996.
-
Suite à des défrichements illégaux et des constructions sans permis de construire, la ZAC du
Bouis qui prévoit un ensemble immobilier et golfique sur 1100 ha avec 263'000 m2 de
construction, réalise un golf de 60 ha et 5’000m2 de bâtiments. Depuis 1999, le complexe de loisir
est ouvert au public. En 2001, 200 ha sont clôturés pour éviter les déprédations de la faune. Suite à
plusieurs décisions du Tribunal administratif l’Etat est condamné pour carence administrative. La
dernière décision en 2004 du TGI de Draguignan, exige une remise en état globale des sites.
-
La décharge de déchets ménagers et industriels du Balançan s’est développée progressivement
depuis les années 1980. Le premier plan départemental d’élimination des déchets ménagés et
assimilés du Var, établit en 1998, prévoit la fermeture du site en 2002. Ce plan est annulé en 2000
par le TA par défaut de concertation et par manque de site de remplacement, alors qu’un
deuxième, puis un troisième site sont ouverts successivement sur 60 ha. L’exploitation du site
actuel, ouvert en 2000, est prévue jusqu’en 2006. Une quatrième étape prévue sur 30 ha est à
l’étude sur des espaces naturels de qualité servant notamment d’habitats aux tortues, sans aucune
proposition de site alternatif hors de la Plaine des Maures. Outre la destruction des habitats des
tortues, la prédation sur les jeunes tortues exercée par les nuées de goélands attirés par déchets
ménagers n’est pas négligeable.
-
Un projet de TGV élaboré en 1990 prévoyait une liaison directe entre Aix-en-Provence et Fréjus
traversant le nord de la Plaine des Maures. Il a été déclaré non envisageable en 1997 par son coût
et ses atteintes supposées aux sites. En 2003, un projet de train pendulaire LGV est relancé avec
un tracé parallèle à l’autoroute A 57 traversant la Plaine des Maures.
-
Le secteur viticole, qui caractérise la majorité des paysages de la Plaine des Maures, connaît un
fort développement grâce au label AOC « Côte de Provence » qui a contribué à l’augmentation
des prix des terrains viticoles. Il crée une forte pression sur les espaces intersticiels, en friches ou
boisés, riches en tortues.
-
L’ensemble du Centre-Var connaît une croissance démographique importante, liée à la présence
de l’autoroute qui augmente fortement les demandes en terrain à bâtir et en zones industrielles sur
l’ensemble des communes de la plaine.
1
-
Pour plus de détails se référer :
au rapport de l’ONG , T-PVS/files (2004) 14
au rapport du Gouvernement, T-PVS/files (2005) 1
T-PVS/Files (2005) 13
-4-
-
D’autres projets, tels que le golf de Rouvède, ont été évités grâce à la vigilance des associations
locales.
-
Depuis une dizaine d’années on constate la présence massive de sangliers. Ces animaux piégés par
le réseau autoroutier et favorisés par les chasseurs, constituent un véritable fléau écologique pour
la reproduction des tortues. La prédation systématique des pontes et des jeunes tortues empêche en
effet pratiquement le renouvellement de la population. Ce problème est probablement sous-estimé
même par les spécialistes des tortues.
-
Enfin, le principal fléau pour toute la région est créé par les incendies de forêts à répétition qui
ravagent chaque été des centaines d’hectares d’habitat potentiel des tortues. En 25 ans plus de la
moitié de la région des Maures a brûlé 1 à 3 fois de suite en causant des mortalités énormes
(jusqu’à 87% après un incendie en 1979 selon Cheylan, 1981) parmi les tortues. La reconstitution
des populations est très lente malgré le développement d’une végétation herbacée plus appétente.
Le programme de défense de la forêt contre les incendies (DFCI) qui vise à maintenir un
important réseau d’espace ouverts pour des débroussaillages périodiques et des pâtures
intinérantes devrait être favorable à la présence des tortues à long terme.
B. Chronologie des étapes de la mise en place des mesures de protection
-
1995, le Ministère de l’environnement demande l’élaboration d’un dispositif complet de
protection du patrimoine naturel et des paysages.
-
1997, création d’un Projet d’intérêt général (PIG) visant la mise en compatibilité des documents
d’urbanisme, l’élaboration d’un projet de réserve naturelle sur la partie centrale de la plaine, et la
publication d’arrêtés de protection de biotope pour les sites sensibles. La surface concernée est
d’environ 33'500 ha englobant la Plaine et le Massif des Maures. La démarche PIG, limitée à 5
ans, a été reconduite jusqu’en 2007.
-
2002, mise en place du comité de pilotage du PIG sous l’animation de l’ONF
-
2002, le site NATURA 2000 PR 126 proposé par la France couvre 6'226 ha, réunissant en
principe 60% des zones à densité de tortues moyenne et forte. Les 40% restant ne bénéficient pas
de la protection de la directive Habitats.
-
2004, consultation publique du périmètre de la réserve naturelle de la Plaine des Maures.
C. Effets du PIG
-
La future réserve naturelle qui résultera du PIG ne couvrira finalement qu’environ 4’041 ha, soit
seulement 33% des zones favorables aux tortues.
-
Le solde des habitats prioritaires sera protégé par des arrêtés de biotopes qui ne constituent pas
une servitude d’utilité publique reportée en tant que tel dans les POS / PLU et risque de ce fait de
ne pas être opposable aux divers projets qui seront présentés.
-
Entre 1999 et 2002 environ 20 ha des habitats à forte densité de tortues(20%) ont été détruits du
fait de leur présence en zones viticoles AOC inscrites dans le PIG.
D. Résultats des efforts globaux de protection
-
Le bilan global d’évolution des populations de la Tortue d’Hermann dans le Var n’est pas connu
par manque d’une vision globale. Seule la zone centrale de la Plaine des Maures, abritant les
noyaux de populations les plus importants, a fait l’objet d’attention et de protection. Cette dernière
peut au mieux servir de référence aux spécialistes pour en tirer un bilan actuel sur le statut de
l’espèce.
-
Si les effectifs totaux des populations de tortues ne sont pas connus, force est de constater que les
habitats continuent à être détruits, que la fragmentation de l’espace s’accentue, que la prédation
notamment par le sanglier a augmenté et que les incendies ou les mesures de lutte contre les
incendies qui dégradent les habitats sont en progression.
-5-
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Dans ces conditions, le bilan des efforts de protection consentis apparaît largement insuffisant. Il
devrait toutefois s’améliorer avec l’application du règlement de la Réserve naturelle et de l’Arrêté de
protection de biotope de la Pardiguière-St André.
2. STRATÉGIE DE PROTECTION
La stratégie de protection telle que décrite dans le document de la DIREN 2 (1999) s’appuie sur 4
axes d’intervention :
•
Une meilleure connaissance de la biologie et du statut de l’espèce Testudo hermanni hermanni
pour permettre une meilleure gestion des populations a susciter de nombreux travaux de recherche
portant notamment sur la biologie de l’espèce, la répartition, les caractéristiques de l’habitat, la
dynamique de population, les causes de mortalité et les impact des activités humaines. Plusieurs
publications scientifiques et rapports techniques permettent d’étayer une stratégie de protection
efficace et surtout de disposer d’un panel d’experts très compétents. Les mesures permettant une
stratégie de protection ont été largement présentées et discutées avec les exploitants agricoles.
L’information essentielle dans l’application d’une stratégie efficace concernant spécialement le
domaine vital et les déplacements de l’espèce n’est encore que très fragmentaire, mais devrait
s’améliorer avec le démarrage récent de suivi d’animaux par télémétrie (programme de recherche
2004-2006 de la SOPTOM).
•
La protection de l’habitat de l’espèce a été précisée par la cartographie et l’estimation des
principaux noyaux de population, ainsi que par une description qualitative des espaces vitaux utilisés.
La description des mesures intégrées de gestion écologique des habitats anthropogènes (espaces
agricoles et viticoles, aménagements DFCI en forêt) visent systématiquement une meilleure prise en
compte des habitats à tortues. Les informations concernant la recherche et la cartographie d’habitats
non occupés potentiellement favorables aux tortues ou historiquement habités par les tortues
manquent. De même, les possibilités de micro-populations vivant en métapopulations avec les noyaux
principaux ne sont pas connues.
•
Les mesures de planification territoriale ont été utilisées de manière classique 3 :
- Désignation de ZNIEFF et de ZICO entre 1990 et 1998
- Désignation de sites Natura 2000, en application des Directives Habitats et Espèces,
aboutissant à la délimitation de Zones de Protection Spéciale (ZPS) en 2001.
- Arrêtés de classement des ZPS permettant de délimiter des Réserves naturelles en cours.
Cette approche progressive a permis de désigner partiellement les enjeux patrimoniaux du secteur
et de fournir une information scientifique utile sur les précautions urgentes d’utilisation des espaces
concernés. Elle manque toutefois d’une vision écosystémique globale du secteur, non sélective, qui
permet seule d’appréhender la complexité de la situation, la mise en réseaux des sites patrimoniaux et
surtout de mettre en place des solutions valables pour une gestion conservatoire.
• Les mesures de gestion de l’habitat sont étroitement liées à la lutte contre les incendies de forêts
et de friches qui détruisent périodiquement les habitats favorables aux tortues. D’une part, de
nombreux habitats favorables sont incendiés chaque année entraînant la mort d’une grande partie
des animaux présents, d’autre part, les incendies constituent des phénomènes naturels de
2
Le document rédigé par la DIREN PACA mais non publié s’appuie sur le rapport de Cheylan M. et Recorbet
B. « Plan de restauration pour la Tortue d’Hermann, 1999.
3
Remarques concernant la mise en œuvre des Directives Oiseaux et Habitats de NATURA 2000 :
L’application de la directive Faune, Flore et Habitats est généralement effectuée selon une démarche
sélective visant la désignation des milieux de haute qualité écologique et d’intérêt communautaire complétée
par la cartographie des habitats des espèces des annexes 2 de cette même directive. Les principes récents
d’application des directives visant clairement la création de réseaux de sites (voir à ce sujet le guide
d’application NATURA 2000) ainsi que la volonté actuelle de mettre en place un Réseau Ecologique Paneuropéen (REP) sont par contre généralement ignorés. Dans le cas présent, les notions de fonctionnement en
réseaux des habitats naturels et d’écocomplexes à forte biodiversité ne sont que très partiellement prises en
compte.
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-6-
régénération du couvert forestier qui créent périodiquement des espaces de végétation appétante
pour les tortues. La trop grande fréquence des incendies empêche cependant la reconstitution des
populations de tortues. Les aménagements et les mesures de gestion contre les incendies doivent
par conséquent être parfaitement coordonnés pour intégrer la dynamique de développement des
tortues. Ces expériences de gestion des habitats à tortues sont restées pour l’instant à un stade
expérimental et sans véritable programme de suivi à long terme permettant de tirer des
recommandations générales pour un plan de gestion globale du secteur. Ces mesures et les
nombreuses leçons tirées de l’expérience de situations occasionnelles et d’interventions d’urgence
pourraient être concrétisées sous forme d’actions concrètes avec la mise en œuvre d’un plan de
gestion applicable à l’ensemble de l’habitat des tortues.
3. RESULTATS OBTENUS ET CRITIQUES
Le choix stratégique pour la délimitation de la réserve naturelle a été axé essentiellement sur une
option de conservation globale des habitats naturels prioritaires (sites NATURA 2000) qui ne retient
malheureusement qu’environ 1/3 des surfaces occupées, dans la Plaine des Maures, par des noyaux de
populations de la Tortue d’Hermann. De plus, ce choix n’est probablement pas durable pour l’habitat
protégé, car la dynamique d’évolution des milieux conduit inexorablement vers un habitat forestier
fermé, trop uniforme, et de surcroît soumis à un fort risque d’incendies périodiques, causant une
mortalité probablement insupportable pour les populations de tortues touchées.
A l’inverse, une stratégie trop unilatérale, axée uniquement sur la protection spécifique de la
Tortue d’Hermann, sans tenir compte de la présence des habitats NATURA 2000, n’aurait pris
évidemment en compte qu’une partie des autres habitats d’intérêt communautaire, mais aurait englobé
cependant de plus vastes surfaces agricoles ou viticoles dont la mise sous protection intégrale n’est pas
envisageable.
En fait, les deux approches sont cependant complémentaires et indispensables puisque
l’application correcte de la directive « Faune, Flore et Habitats » et de la directive « Oiseaux » vise
une approche combinée des espèces et de leurs habitats.
Ainsi, dans cette problématique de protection de la Tortue d’Hermann, il paraît surprenant de ne
pas mentionner la présence dans la Plaine des Maures d’une importante population de Cistudes
d’Europe, espèce de tortue aquatique moins rare, mais tout aussi menacée en Europe, qui est
régulièrement présente le long des cours d’eau de toute la zone. Malgré des différences écologiques
évidentes la stratégie de protection des habitats de deux espèces est étroitement liée. Le Massif et la
Plaine des Maures regorgent d’espèces patrimoniales qui font de la région un espace clef pour la
conservation de la biodiversité en France, alors pourquoi limiter une stratégie de conservation du
patrimoine naturel à la seule zone définie par le PIG.
Le maintien intégral du domaine de répartition spécifique de la Tortue d’Hermann dans le
Var 4, qui se réduit pratiquement au seul massif des Maures et au zones attenantes, n’a
curieusement pratiquement pas fait l’objet d’investigations ou a très été vite abandonné pour
des raisons inconnues. On pouvait en effet s’attendre à des informations concernant :
-
Une description des réseaux écologiques régionaux ou, du moins, une caractérisation des
structures des réseaux de populations de l’espèce.
-
Des tentatives de mesures de défragmentation de populations proches concernant notamment les
infrastructures de transport.
-
Des expériences d’aménagement visant le renforcement de zones d’échanges, de corridors de
dispersion, de zones refuge, etc.
Enfin, on peut imaginer qu’une démarche trop générale a été jugée comme étant vouée à l’échec
par sa complexité et par les risques inutiles de dispersion des efforts investis.
4
Cf. carte annexée
-7-
4.
STRATÉGIE
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SOUHAITABLE PRENANT EN COMPTE LA GLOBALITÉ DES
PROBLÈMES
Une stratégie de conservation, à objectifs multiples, visant simultanément l’ensemble des habitats
et des espèces patrimoniales, ainsi que la diversité biologique et paysagère dans sa globalité, serait
cependant plus appropriée. Ce nouvel espace voué à la gestion conservatoire aurait dans ce cas les
caractéristiques suivantes :
-
Les espaces concernés sont encore plus importants car ils englobent toutes les surfaces d’habitats
secondaires ou d’étendues limitées qui n’ont probablement pas été retenues en première analyse,
et beaucoup d’autres surfaces agricoles et construites.
-
La gestion générale des espaces anthropogènes est alors soumise aux principes des réseaux
écologiques qui visent en premier lieu le maintien des fonctionnalités du paysage grâce à une
mosaïque de milieux diversifiés et favorables, largement interconnectés et ceci malgré une
transformation constante.
La fragmentation de l’espace par l’urbanisation galopante, la multiplication des infrastructures de
transport et une agriculture qui se mécanise et se spécialise, ne doit pas être une fatalité. Dans les
zones sensibles à haute valeur patrimoniale l’aménagement du territoire doit respecter les règles d’une
cohérence territoriale qui vise à maintenir, voire à rétablir, les continuités écologiques et à organiser
les connectivités majeures dans le paysage.
5. RECHERCHE D’UNE STRATÉGIE DE CONSERVATION PLUS GLOBALE
Dans l’optique d’appliquer sur la zone une stratégie de gestion systémique globale des habitats
et des espèces à haute valeur patrimoniale, l’entité spatiale concernée est celle dite du « secteur
écologique ». Ce dernier englobe tous les milieux naturels ou artificiels pouvant influencer le maintien
du dit patrimoine.
Dans cet espace stratégique, après analyse concertée des potentialités de développement
écologique, on élimine toutes les surfaces densément urbanisées ou transformées de manière
irréversible qui ne présentent plus d’intérêt. L’espace résiduel du secteur est analysé en utilisant les
méthodes propres à la démarche des réseaux écologiques.
A partir de sous-ensembles d’habitats et d’espèces, caractéristiques de la région et ayant les même
affinités écologiques (guildes), on va distinguer généralement :
-
Au minimum 5 types de continuités végétales (forêts, prairies sèches, agriculture, zones humides
et marais, milieux aquatiques) qui sont cartographiées dans un premier temps en utilisant les
catégories d’occupation du sol de CORINE biotope, l’imagerie satellitaire et les cartes IGN. En
fonction des particularités régionales on ajoutera les continuités les plus utiles (par exemple :
zones désertiques sableuses ou rocheuses, dunes côtières, bancs d’alluvions, zones nivales, etc.).
-
En seconde phase, on vérifie sur le terrain l’état de naturité ainsi que les obstacles physiques qui
contribuent à la fragmentation des habitats.
Chaque continuité végétale retenue est cartographiée aussi précisément que possible en fonction
des besoins des espèces guildes. On distingue habituellement :
-
Des zones nodales (ou zones réservoir) regroupant les habitats caractéristiques (selon les
catégories NATURA 2000 ou autres pour les milieux transformés) ainsi que les noyaux de
populations d’espèces patrimoniales, dans le cas particulier, notamment de la Tortue d’Hermann.
-
Des zones de développement offrant un potentiel de milieux favorables en cas de gestion
appropriée.
-
Des zones d’extension, favorables mais souvent inaccessibles ou momentanément abandonnées.
-
Des corridors d’interconnexion.
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Ces éléments sont validés en fonction de leur utilisation possible par les espèces patrimoniales
caractéristiques du secteur ( notamment avec TH pour la continuité des milieux de prairies
thermophiles, de friches et de garides en contact avec les écotones forestiers et aquatiques).
Dans le cas examiné de la ZPS « Plaine et massif des Maures », l’objectif de protection est non
seulement multiple, mais concernent également une multitudes d’habitats et d’espèces retenus au titre
de Natura 2000, avec comme point focal une espèce emblématique, la Tortue d’Hermann, pour
laquelle la France a des responsabilités particulières.
Au contraire, l’approche utilisée dans le PIG, qui vise pour l’essentiel à la mise en place d’une
réserve naturelle sur la Plaine des Maures, est basée sur une démarche de type sélectif. Cette démarche
est probablement satisfaisante pour essayer de sauver les principaux noyaux de populations de la
Tortue d’Hermann. Elle ne répond cependant pas à une véritable stratégie globale de conservation,
telle que définie en 1999 déjà dans le plan de restauration rédigé pour la DIREN (Cheylan et
Recourbet 5) ou dans les propositions de 2002 et 2005 établies par la SOPTOM 6.
En effet, il apparaît indispensable de recadrer la démarche en ayant une vision nettement plus
élargie qui englobe notamment l’ensemble des espaces abritant encore des tortues, voire ceux qui
offrent encore des habitats potentiellement favorables, ayant abrité ou non des tortues dans le passé.
Outre les mesures réglementaires, reprises dans le DOCOB de la future réserve naturelle, telles
que la protection des habitats, la gestion des populations et des individus, la lutte incendie intégrant la
restauration des habitats et la lutte contre le ramassage illégal des tortues dans la nature, cette stratégie
de conservation doit se baser sur un cadrage général tenant compte notamment des notions de
fonctionnement et de transformation à long terme des paysages concernés.
Ce cadrage doit aboutir à la définition d’un « espace de protection des tortues » regroupant
l’ensemble des habitats de la Tortue d’Hermann, actuels et potentiels, présents dans le secteur
écologique.
Avec l’aide des spécialistes de l’espèce, on définira dans cet espace les habitats des différentes
sous-populations fonctionnant ou non encore en métapopulations, c’est-à-dire, ayant encore,
régulièrement ou occasionnellement, des échanges spontanés d’individus. Pour chaque souspopulation isolée, on examinera les possibilités réelles de garantir à long terme des échanges
d’individus, en admettant que tous les obstacles créés par l’homme (clôtures, murs, fossés, voies de
circulation, etc.) peuvent redevenir franchissables si des aménagements appropriés sont réalisés.
Dans la pratique, sur l’ensemble de l’espace de protection de la Tortue d’Hermann, on
cartographiera à l’aide d’une typologie des milieux, reconnue par les spécialistes :
-
Les habitats permanents, existants ou potentiels (en principe tous sont déjà connus et
cartographiés) qui seront désignés comme zones nodales (ou zones réservoir).
-
Les habitats occasionnels ou anciens, offrant un habitat potentiel moyennant des mesures de
gestion appropriées, seront désignés comme zones de développement.
-
Les milieux favorables servant d’espaces de déplacement aux animaux erratiques ou en dispersion
seront désignés comme corridors.
-
Les habitats refuge et les structures paysagères, favorables à l’accueil temporaire d’animaux en
déplacement, sont en principe inclus dans les corridors.
A l’issue de cette cartographie, on devrait normalement distinguer au maximum 2 à 4
métapopulations (une seule dans l’idéal !) regroupant les habitats, les zones de développement et les
corridors de connexion.
Tous ces éléments de réseaux sont classés en fonction de leur position fonctionnelle dans le réseau
en pratiquant des tests de connectivité. On distinguera ainsi :
5
6
Cheylan M. et Recourbet, 1999. Plan de restauration pour la Tortue d’Hermann.
S.O.P.T.O.M, 2002. Programme de conservation de la Tortue d’Hermann Testudo hermanni hermanni en
France continentale. Notes complémentaire 2005 : Propositions pour une conservation plus efficace et
durable de la Tortue d’Hermann en France continentale.
-9-
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-
des zones de niveau I regroupant tous les éléments prioritaires dans les réseaux pour le maintien
des populations de tortues.
-
Des zones de niveau II regroupant les habitats secondaires et les éléments de réseaux maginaux
pour le maintien des populations.
La stratégie de conservation doit s’appliquer à l’ensemble des espaces concernés par ce système
en réseaux, même s’ils sont complexes, hétérogènes, dispersés et dégradés. Cet ensemble est désigné
sous le nom générique « Réseau varois de la Tortue d’Hermann » ou plus simplement « réseau
tortues ». Il s’agira à long terme de maintenir et, si possible, de renforcer la capacité d’accueil de
l’ensemble du système en y appliquant un certain nombre de mesures, telles que :
-
La protection stricte de tous les principaux noyaux d’habitats reconnus.
-
Le classement automatique de tous les habitats régulièrement fréquentés par les tortues au cours
de leur dispersion et des néocolonisations.
-
La délimitation et la gestion conservatoire des corridors assurant le fonctionnement en
métapopulations. Ces espaces particuliers sont maintenus favorables aux déplacements des tortues
en évitant systématiquement la création d’obstacles ou de pièges empêchant la circulation des
tortues et en maintenant suffisamment de structures végétales de guidage.
Le suivi d’efficacité du « réseau tortues » est assuré par une cartographie exhaustive des
éléments constitutifs du système et par une évaluation écologique de chaque éléments en utilisant des
indicateurs de la qualité, de la capacité et des fonctionnalités des milieux concernés. Avec l’aide d’un
SIG, on établit un modèle écologique systémique de « réseau tortues » dans lequel le suivi spatial
du réseau permet d’établir en permanence des bilans de connectivité et de capacité d’accueil du réseau.
Des stratégies de gestion conservatoire intégrée sont mises en place sur la base de ce modèle
spécifique. Il s’agit en fait de créer un espace de transactions écologiques suffisant pour que non
seulement les noyaux de populations de tortues soient protégés par des interdictions, mais que les
facteurs externes, influençant la dynamique globale des populations, liés aux transformations de la
matrice paysagère, soient également pris en compte. Dans cette démarche de négociation avec les
communes et les particuliers, les enjeux ne sont plus centrés sur les périmètres des noyaux de
populations à conserver, mais portent généralement essentiellement sur les règles de gestion des
espaces favorables (agricoles, domaines publics d’activités particulières, aménagements DFCI,
protection des eaux, etc.) et sur les techniques de construction permettant d’éviter la création de
barrières physiques ou de pièges.
6. APPLICATIONS
La gestion du réseau écologique régional se fait de manière globale en visant l’ensemble des
espèces patrimoniales toutefois il est préférable de présenter des plans d’actions en s’appuyant sur des
espèces emblématiques jouissant d’un bon capital de sympathie comme c’est le cas des tortues et
notamment de la Tortue d’Hermann. En fait, du point de vue de la stratégie de protection, on utilise
une espèce ombrelle, c’est-à-dire une espèce spécialisée représentative d’un type d’habitats ou d’une
continuité d’habitats, dans lesquels tout un ensemble d’espèces plus discrètes vont également profiter
des mesures de gestion proposées. Ainsi par exemple :
-
La Tortue d’Hermann convient parfaitement pour négocier la gestion des garides, des friches ou
des structures boisées résiduelles dans les milieux cultivés,
-
La Cistude d’Europe est utilisée pour les cours d’eau temporaires et les mares,
-
Le Hérisson européen pour les lisières forestières, etc.
La reconnaissance d’un « réseau tortues » local se fait par une présentation du modèle
cartographique établit sur des bases scientifiques avec une validation par les exploitants-propriétaires
qui devront en admettre les principes.
En dehors des espaces strictement protégés par la législation (habitats Natura 2000, par exemple)
il existe de nombreux milieux plus communs, naturels ou artificiels, contribuant à la richesse
biologique du paysage et notamment au fonctionnement général des réseaux écologiques, dont il est
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- 10 -
intéressant voire indispensable de maîtriser la gestion. C’est notamment le cas de zones d’extension
dans lesquels les animaux trouvent temporairement leur nourriture ou de corridors de connexion
permettant les échanges vers d’autres habitats favorables.
Pour garder la maîtrise de ces structures essentielles du réseau écologique de l’espèce, deux
solutions sont possibles :
1° Le propriétaire reconnaît ses obligations tout en ayant droit à des dédommagements (financiers)
pour contributions volontaires à la gestion écologique du patrimoine régional.
2° Le propriétaire refuse toute aliénation de son bien-fond, mais s’il veut réaliser une transformation
partielle ou totale de sa parcelle qui risque de compromettre le fonctionnement général du réseau, il
doit obligatoirement contribuer à mettre en place une compensation écologique équivalente
compatible avec le fonctionnement du « réseau tortues » local
Cette procédure est mise en place de manière à autoriser :
-
Des transferts locaux du potentiel écologique « tortues » pratiqués uniquement sur les zones de
types « habitats secondaires issus d’une activité anthropogène », en cas de projets entraînant une
restructuration spatiale en faveur d’une augmentation de l’activité humaine, par acquisition d’un
droit à la transformation du milieu sous condition de réalisation d’une mesure compensatoire
suffisante pour améliorer la capacité d’accueil globale du secteur pour les tortues.
-
Les transferts de potentiels écologiques à partir d’habitats primaires sont interdits. En cas d’intérêt
public majeur, un projet est acceptable que si le milieu détruit peut être reconstitué à moyen terme,
de manière à retrouver une capacité d’accueil équivalente sur le réseau et que l'intégrité
fonctionnelle du réseau soit garantie.
7. ANALYSE D’INCIDENCES DES APPLICATIONS D’UNE STRATÉGIE SYSTÉMIQUE
DE CONSERVATION DES HABITATS DES TORTUES SUR LES PROJETS EN COURS
Sur la base de cette nouvelle stratégie, écologiquement acceptable pour une espèce qui n’est de
loin pas liée exclusivement à des milieux naturels menacés, il devient possible d’examiner
l’acceptabilité des différents projets actuels. La mise en oeuvre de ce type de stratégie est certes encore
hypothétique puisqu’elle n’a pas été encore validée par l’administration concernée.
‰
Devenir de la Réserve naturelle issue sur PIG
Le projet de la Réserve naturelle de la Plaine des Maures devient le point central du système. Elle
est destinée à assurer les bases légales solides pour protéger la zone I regroupant les principaux
noyaux de populations de la Tortue d’Hermann et coïncidant avec des habitats prioritaires de la
directive Natura 2000.
Des arrêtés de classement devront également être pris pour les autres habitats naturelles identifiés
sur l’ensemble du « Réseau tortues du Var », de manière à créer une RN polynucléaire intégrée au
réseau écologique régional.
Les habitats secondaires liés à la présence d’écotones forestiers, de friches et de surfaces agricoles
extensives, sont classés en zone II au titre d’espaces fonctionnels du « réseau tortues » non inclus
dans la réserve naturelle. Cette zone est soumise à un concept de structures spatiales organisées en
réseaux pouvant être partiellement modifiés, mais tout de même soumise à une réglementation stricte
de protection des habitats et des espèces. Toutes les autorisations de transformation y sont soumises à
des règles d’aménagement visant à optimaliser le fonctionnement de l’ensemble.
‰
Devenir du biotope protégé de la Pardiguière-St André
Le périmètre proposé pour être soumis à un arrêté de protection de biotope constitue un
complément indispensable à la réserve naturelle car il s’agit de la même population source de
tortues. L’obstacle créé par l’autoroute A 57 doit être analysé sérieusement afin de faire
fonctionner les tortueducs existants et si possible de créer d’autres connexions pour favoriser la
circulation des tortues entre les deux parties. Les solutions techniques existent et doivent être
mises en oeuvre.
- 11 -
T-PVS/Files (2005) 13
Le contre-projet émanant de la Communauté de communes Le Luc/Le Cannet, sans être opposé à
la création d’un biotope protégé, propose une extension de la ZAC Pardiguière ainsi qu’une ZAC à
proximité du péage de la Caussereine. Dans la mesure où ces nouvelles emprises feraient disparaître
des surfaces d’habitats pour les tortues, les communes concernées devront contribuer à la cohérence et
à l’amélioration de la qualité des habitats à tortues notamment en engageant des moyens de gestion et
d’aménagement sur les biotopes.
‰
Devenir de l’extension de la décharge du Balançan
L’existence de la décharge et de ses premières extensions datent déjà de plus de 20 ans, à une
époque où les principaux intérêts patrimoniaux actuels n’étaient pas connus officiellement.
L’extension actuelle est par contre demandée en parfaite connaissance des enjeux écologiques alors
que la fermeture définitive de la décharge avait été annoncée en 2002 déjà.
Le projet d’une troisième étape d’extension de la décharge va indéniablement détruire de manière
irréversible des surfaces importantes de maquis et de pâtures favorables à plusieurs espèces animales
et végétales ainsi que divers biotopes visés par les directives Habitats. Les incidences écologiques et
paysagères du projet sont de plus difficilement acceptables par les habitants de la région et par les
associations de protection de la nature qui ne comprennent pas que l’on continue à ne pas respecter la
législation.
Les avantages pour les gestionnaires de la décharge, tirés de l’emplacement favorable des points
de vue géologiques et économiques, doivent être mis en balance avec la valeur écologique et
paysagère du site. Au vu de la complexité politique du problème de la gestion des déchets dans le Var
et en l’absence d’information plus précise sur les garanties données par le promoteur sur l’intégration
écologique du projet, notre avis d’expert est le suivant :
-
Le projet doit être rejeté car c’est un non-sens écologique de continuer à sacrifier de telles valeurs
écologiques irremplaçables
-
Les intérêts en jeu concernant la protection des espèces et des habitats sont de niveau européen
alors que le projet ne peut se prévaloir, au mieux, que d’un intérêt régional.
Si pour des raisons de politique départementale le projet d’extension doit être tout de même
examiné, alors la procédure devra clairement justifier le fait que l’utilisation d’autres sites
départementaux n’est pas possible à moyen terme et que les mesures compensatoires exigées en cas de
réalisation du projet seront à même de compenser les pertes écologiques considérables sur les milieux
et les espèces sacrifiées.
Dans son projet de création d’une réserve naturelle, l’Etat a sorti du périmètre de protection le
Bois de Balançan et, par conséquent, tout le périmètre d’extension de la décharge de Balançan hors de
la TPS Plaine des Maures. Dans le cas particulier, la procédure utilisée a anticipé sur la dégradation du
site comme si c’était une fatalité.
Dans la démarche globale du « réseau tortues », ces zones sacrifiées, avec ou sans projet
d’extension de la décharge, seraient colloquées en zone II « habitats secondaires » permettant d’exiger
les mesures compensatoires nécessaires et le suivi scientifique indispensable pour vérifier le succès
d’intégration des transformations subies par l’ensemble du réseau.
‰
Devenir du Golf de Vidauban
Le terrain de golf et le village témoin, situés dans le Bois du Bouis, ont été créé illégalement dans
une zone forestière qui était classé dans le périmètre initial du site Natura 2000. La SNPN s’est battue
depuis 1991 pour obtenir la reconnaissance de l’illégalité du projet.
Après prononcé du Tribunal administratif en 2004, les terrains aménagés devraient être restitués à
la nature. Un recours est en suspend.
Pour autant qu’elle se réalise, la réhabilitation des ces surfaces ne va pas permettre de reconstituer
les habitats primaires détruits et, de ce fait, de les inclure automatiquement dans la future réserve
naturelle.
T-PVS/Files (2005) 13
- 12 -
Dans la démarche globale d’un « réseau tortues », ces surfaces, réhabilitées ou maintenues en
terrain de golf, devraient par contre être automatiquement incluses en zone II et traitées comme
n’importe quel projet nécessitant des mesures d’intégration et de compensation.
Parmi les mesures possibles, demandées par les opposants ou proposées par le promoteur, on
peut retenir notamment deux mesures fondamentales qui seraient profitables aux tortues :
-
La suppression de l’obstacle aux déplacements, créés par la clôture intégrale du terrain de golf, par
le démontage des installations ou par l’aménagement systématique de passage permettant la libre
circulation de la petite faune terrestre.
-
La gestion conservatoire avec un programme de valorisation écologique d’environ 100 ha
d’espace naturel boisé actuellement peu attractif pour les tortues.
‰
Devenir de la perméabilité des tracés autoroutiers A57 et A8
La société ESCOTA, gestionnaire des tracés autoroutiers, est consciente de ses responsabilités
environnementales et notamment du manque de perméabilité de leurs tracés autoroutiers. Elle a réalisé
depuis plusieurs années des expertises et des essais d’installations censés favoriser la libre circulation
des tortues. Ces tentatives ont eu malheureusement peu de succès. Elle est prête aujourd’hui à tenter de
nouveaux aménagements ayant quelques chances de réussite. Or, les expériences récentes et les
discussions des spécialistes à l’échelle européenne (IENE 2001 7) permettent d’affirmer que des
installations de franchissement utilisables par les reptiles, et notamment par les tortues, sont possibles
à réaliser. Des essais sont prévus pour aménager correctement les 2 tortueducs existant et pour vérifier
leur utilisation. Si des résultats positifs sont obtenus il sera possible de mettre sur pieds un programme
d’équipement des tronçons concernés par des corridors reconnus du « réseau tortues ».
Du même coup un programme plus global d’équipement des routes nationales et départementales
pourra être envisagé.
‰
Projet LGV
Le projet de Ligne à Grande Vitesse reliant Nice à Toulon est d’actualité puisqu’il fait l’objet de
consultations préalables, au niveau des communes, pour des variantes de tracés possibles, pour
l’établissement d’un projet général. L’ensemble des différentes variantes de tracés emprunte le même
couloir traversant la plaine des Maures. Outre l’obligation de réaliser des études environnementales
liées à un tel projet, la définition précoce d’un réseau écologique global, incluant le « réseau
tortues », constituera une information de poids, indispensable pour négocier les modalités de
construction de cette future infrastructure de transport intégrant le respect du paysage et de ses
fonctionnalités.
8. CONCLUSIONS
Au vu de l’expertise conduite en 2005, suite à la plainte formulée auprès de la Convention de
Berne par diverses ONG, le bilan de la protection de la Tortue d’Hermann dans la Plaine des Maures
(France, Var) reste très contradictoire.
Pendant une dizaine d’années, le développement incontrôlé de plusieurs projets a porté atteintes
irrémédiablement au site sans que des mesures de protection des habitats de la tortue aient été
concrétisées.
Bien que proche de l’aboutissement, le programme de mise sous protection de la Plaine des
Maures porte uniquement sur les espaces désignés par les inventaires des habitats de la directive
Natura 2000. En ayant une conception spatialement trop réduite et une stratégie d’application trop
restrictive, il ne permet pas de garantir l’objectif prioritaire de conservation des populations de tortues.
En effet, la Tortue d’hermann est typiquement une espèce de milieux écotonaux qui profite de la
présence de zones semi-naturelles soumises à une activité agricole ou forestière extensive, en
développant un système étendu de métapopulations interactives. La protection du seul noyau principal
de la plaine des Maures, étape certes essentielle, ne que peut constituer une première étape dans un
7
IENE 2001. Habitat fragmentation due to linear Transportation Infrastructure : Handboock, State of Art reports
and European Review. Projet COST 341.
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T-PVS/Files (2005) 13
concept de protection plus global. Or ce dernier concept, qui tenterait de relier entre eux les noyaux de
populations isolés, des zones de développement potentiel et des corridors de connexion, n’a pas été
esquissé. Le constat d’une fragmentation importante des habitats existants par les infrastructures de
transport est pris comme une fatalité, alors que les solutions techniques de rétablissement des
perméabilités sont connues.
De plus, pour la zone de protection envisagée, tous les facteurs déterminant la survie de l’espèce
tels que la surface du domaine vital disponible, la qualité des habitats spécifiques, la cohérence des
espaces vitaux et la prédation, continuent à se dégrader.
D’un autre côté, les connaissances sur la biologie de l’espèce et sur la complexité des interactions
de l’écosystème s’accumulent progressivement avec la pratique des interventions de sauvetage et de
gestion de l’habitat.
De plus, les associations locales, régionale, voire nationale de protection du patrimoine se
mobilisent de plus en plus souvent avec succès pour s’opposer au démantèlement progressif du site.
Même les communes concernées, conscientes de la valeur de leur patrimoine naturel et de leur
paysage exceptionnel, souhaitent généralement la mise en place d’une solution globale de protection.
L’extension générale de nouvelles zones industrielles, de zones constructibles et du réseau routier
s’accélère en contribuant inévitablement au grignotage et à la fragmentation des espaces vitaux des
tortues. Le projet de ligne à grande vitesse (LGV) de Provence-Côte-d’Azur, actuellement à l’étude,
risque de porter un coup fatal aux dernières populations viables si le principe des connexions
écologiques entre sous-populations n’est pas retenu impérativement comme contrainte
d’aménagement.
Toutes ces considérations conduisent à proposer une nouvelle approche plus globale des
problèmes qui permettrait d’étoffer la protection de la zone centrale de la Plaine des Maures en créant
une nouvel espace naturel protégé basé sur un système de plusieurs noyaux d’habitats prioritaires
organisés en réseaux et reliés entre eux par des espaces soumis à des servitudes permettant de gérer les
fonctionnalités nécessaires en permettant notamment un système d’échanges entre les noyaux vitaux.
Cette nouvelle approche, encore non reconnue par l’administration régionale, a été discutée et suscite
un intérêt certain en tant que possibilité de résolution participative et efficace des problèmes liés à la
protection des tortues.
Yverdon-les-Bains, septembre 2005
Dr Guy Berthoud, ingénieur écologue
Expert consultant pour le Conseil de l’Europe
T-PVS/Files (2005) 13
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Convention relative à la conservation
de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe
Comité permanent
Projet de Recommandation n° … (2005) du Comité permanent, adoptée le
… décembre 2005, concernant la protection de la Tortue d’Hermann (Testudo
hermanni) dans le massif et la plaine des Maures (Var) en France
Le Comité permanent de la Convention relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu
naturel de l'Europe, agissant en vertu de l'article 14 de la convention,
Eu égard aux objectifs de la convention, qui consistent à préserver la flore et la faune sauvages et leurs
habitats naturels;
Eu égard à la Résolution (78) 22 du Comité des Ministres du Conseil de l’Europe relative aux
amphibiens et reptiles menacés en Europe ;
Rappelant sa Recommandation n° 26 (1991) sur la conservation de certaines espèces de reptiles
menacées en Europe, qui recommandait notamment « que le Gouvernement de la France protège, en
faisant une réserve naturelle, l’habitat de Testudo hermanni hermanni dans le massif et la plaine des
Maures, qui serait ainsi définitivement préservé des dangers liés à des opérations d’aménagement » ;
Rappelant sa Recommandation n° 59 (1997) sur la rédaction et la mise en œuvre de plans d’action en
faveur des espèces d’animaux sauvages menacés ;
Rappelant ses lignes directrices de 1993 devrant être prises en compte par les projets de restauration
d’espèces d’amphibiens et de reptiles ;
Rappelant que l’article 3 de la convention dispose que chaque Partie contractante prend les mesures
nécessaires pour que soient mises en œuvre des politiques nationales de conservation de la flore et de
la faune sauvages et des habitats naturels, en accordant une attention particulière aux espèces
menacées d’extinction et vulnérables, surtout aux espèces endémiques, ainsi qu’aux habitats menacés ;
Rappelant que l’article 4, paragraphe 1, de la convention dispose que chaque Partie contractante prend
les mesures législatives et réglementaires appropriées et nécessaires pour protéger les habitats des
espèces sauvages de la flore et de la faune, en particulier de celles énumérées dans les Annexes I et II,
et pour sauvegarder les habitats naturels menacés de disparition ;
Se référant aux autres dispositions de la convention portant sur la protection des habitats et la
conservation des espèces ;
Prenant en considération le rapport de l’expert rédigé après sa visite sur les lieux
[T-PVS/Files (2005) 13] ;
Rappelant que la plaine des Maures, dans le département du Var, en France, abrite non seulement un
site exceptionnel pour la conservation de la Tortue d’Hermann, espèce strictement protégées figurant à
l’Annexe II de la convention, mais que la plaine et le massif des Maures constituent également, avec
une petite population espagnole, le dernier site réservoir européen pour les populations continentales
de l’espèce ;
Considérant que la transformation et la destruction des habitats spécifiques constituent la plus
fondamentale des menaces auxquelles est exposée l’espèce ;
- 15 -
T-PVS/Files (2005) 13
Considérant que le projet d’extension du Centre de stockage des déchets de Balançan présente des
dangers de destruction irréversible de surfaces importantes de maquis et de pâtures favorables à
plusieurs espèces animales et végétales ainsi que divers biotopes visés par la Directive Habitat ;
Se référant aux engagements fermes pris par le Gouvernement français en 1997 pour assurer la
protection de l’espèce en lançant, notamment, une procédure de Programme d’Intérêt général (PIG)
visant la mise en place d’une réserve naturelle ;
Constatant que, dans l’intervalle, plusieurs projets (golfs, urbanisation, défrichements viticoles,
extension de décharges, etc.) qui ont pu se réaliser sans réel contrôle ou coordination de l’autorité
administrative, ont porté atteinte de manière irréversible à de vastes surfaces d’habitats vitaux pour les
tortues et pour de nombreuses espèces protégées ;
Constatant qu’en dépit des mesures prises, la procédure n’a pas atteint tous ces objectifs par manque
d’ambition (la zone Natura 2000 désignée ne couvrant que 60 % des zones à bonnes densités de
tortues) et en raison du retard apporté à la constitution de la réserve naturelle ;
Estimant que le projet de réserve naturelle, prêt à être déposé, qui a déjà fait l’objet de nombreuses
négociations avec les communes concernées, répond certes à des critères légaux et, notamment, à la
Directive Habitats, mais manque de cohérence du point de vue écologique ;
Constatant que le concept de protection envisagé ne prend en compte que très partiellement la
dynamique évolutive de l’espèce, de ses habitats particuliers fortement anthropogènes, des biocénoses
locales très riches en espèces protégées et, surtout, des possibilités de conserver les interactions
suffisantes entre de nombreux noyaux de populations déjà fortement dispersés par les activités
humaines et la transformation générale du paysage ;
Soulignant la nécessité de prendre des mesures supplémentaires justifiées par les besoins de
conservation de l’espèce et d’adopter une nouvelle approche plus globale des problèmes,
Recommande au Gouvernement de la France :
1. d’accompagner la démarche de mise en réserve naturelle des principaux sites de Natura 2000 d’un
concept plus global de gestion des espaces paysagers concernés par la présence de la Tortue
d’Hermann, au titre de gestion de la zone d’extension ;
2. d’inclure dans leur globalité les habitats naturels utilisés par l’espèce, y compris ceux qui ne
correspondent pas entièrement aux critères sélectifs des habitats Natura 2000 dans un programme
commun de gestion de type Natura 2000 ;
3. d’encourager techniquement et financièrement le maintien des habitats anthropogènes, créés
notamment par les activités agricoles, pastorales et forestières traditionnelles s’ils renforcent les
objectifs de conservation de l’espèce ;
4. d’appliquer tout particulièrement à ce cas le principe de cohérence écologique, prévu à l’article 3
de la Directive Habitat dans la mesure où sont concernés simultanément une espèce phare,
plusieurs espèces patrimoniales et un ensemble d’habitats uniques en Europe ;
5. d’analyser puis de gérer, selon un concept global de réseaux écologiques spécifiques dit du
« Réseau Tortue des Maures », l’ensemble du domaine existant et potentiel de l’espèce, qui forme
dans la plaine et dans le massif des Maures une vaste mosaïque de milieux déjà fortement
fragmentée par de l’urbanisation, des infrastructures de transport et divers aménagements ;
6. d’identifier clairement lors de la définition du réseau écologique spécifique de la Tortue
d’Hermann les zones nodales (ou zones réservoirs) en tant que zones primaires du réseau, les
zones d’extension, les zones de développement et les corridors de connexion, en tant que zones
secondaires, de manière à obtenir une hiérarchisation pour l’utilisation et la gestion de l’espace
concerné ;
7. d’intégrer les activités humaines compatibles avec la présence de l’espèce à la gestion générale de
ses habitats et de son réseau spécifique, en définissant de manière consensuelle les interventions
dans le temps et dans l’espace pour chaque type de zones ;
T-PVS/Files (2005) 13
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8. d’interdire en principe les plans, les programmes et les projets portant atteinte à l’espèce et à ses
habitats sauf dans les cas où ce sont uniquement des éléments secondaires du réseau spécifique qui
sont touchés de manière réversible et compensable par des mesures appropriées améliorant
globalement la qualité de l’habitat spécifique tout en respectant la dynamique des populations
existantes ;
9. de mettre sur pied un programme de défragmentation de l’habitat des tortues sur l’ensemble du
domaine d’extension des tortues, par rapport à l’ensemble du réseau des voies de transport, en
définissant les contraintes d’aménagement pour de nouveaux projets d’infrastructures et un
programme d’assainissement des voiries existantes ;
10. de mettre en place un programme de suivi scientifique de la dynamique des populations
résiduelles et des habitats potentiels des tortues afin de pouvoir établir un bilan périodique de la
situation dans la plaine et le massif des Maures ;
11. de rejeter la nouvelle demande d’extension du centre de stockage des déchets de Balançan ; si,
pour des raisons de politique départementale, le projet d’extension doit être tout de même
examiné, alors la procédure devra clairement justifier le fait que l’utilisation d’autres sites
départementaux n’est pas possible à moyen terme, et que les mesures compensatoires exigées en
cas de réalisation du projet seront à même de compenser les pertes écologiques considérables sur
les milieux et les espèces sacrifiées ;
12. de mettre en œuvre le plan de restauration de la Tortue d’Hermann attendu depuis 1994 ;
13. de dégager les moyens financiers suffisants pour la mise en place d’une gestion adaptée.
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CARTE SYNOPTIQUE
Mise en coïncidence des noyaux
de populations de Tortue
d’Hermann avec les périmètres de
protection prévus
Périmètres de protection :
Vert plein zones Natura 2000 sic
jaune
Périmètre PIG
violet
Réserve naturelle
Zone à Tortue d’Hermann :
trait rouge : bonne densité
trait vert : densité moyenne
trait bleu : basse densité
Etat juillet 2005