ÉVALUATION DE L`ALEA MOUVEMENTS DE TERRAIN SUR LA

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ÉVALUATION DE L`ALEA MOUVEMENTS DE TERRAIN SUR LA
Journées Nationales de Géotechnique et de Géologie de l'Ingénieur - JNGG' 2006 Lyon (France)
ÉVALUATION DE L'ALEA MOUVEMENTS DE TERRAIN SUR LA COTE
BASQUE FRANÇAISE (PYRENEES ATLANTIQUES – FRANCE)
Cyril MALLET 1, Jean-Louis NEDELLEC 2, Nicolas ZORNETTE 3
1 BRGM, Bordeaux, France
2 BRGM, Marseille, France
3 BRGM, Reims, France
RESUME – Dans le cadre de la mise en place d'un observatoire de la côte Aquitaine, le BRGM
a élaboré une série de carte d'aléa mouvements de terrain au droit des falaises du Pays
Basque français. Une approche classique, dite d'expert, et une approche statistique, ont été
confrontées. L'ajustement s'est révélé excellent, mettant ainsi en évidence la rigueur
intellectuelle des démarches naturalistes par voie d'expertise.
1. Introduction
Dans le cadre du contrat de plan Etat-Région signé le 19 avril 2000, il a été confié au BRGM
la mission de superviser la mise en place d'un observatoire de la cote Aquitaine ayant pour
objectifs : i) étudier les phénomènes naturels à risques sur les 30 km de côte entre l'estuaire de
l'Adour et la frontière espagnole, ii) élaborer un outil d'aide à la décision pour la gestion et la
prévention des risques naturels sur la côte Basque. Dans le détail, cette étude se répartissait
selon les tâches suivantes :
étude de l'évolution historique du trait de côte ;
cartographie de l'aléa mouvements de terrains selon un découpage en secteurs
homogènes ;
mise en place de dispositifs de surveillance ;
préconisations d'action ;
intégration dans le système d'informations géographique de la côte Aquitaine.
La seconde tâche a fait l'objet de travaux spécifiques détaillés dans le présent article.
2. Études préliminaires
Le projet a d'abord été initié par une étude géologique de la bande littorale ayant permis de
dresser une carte géologique, mais également d'établir une classification selon 7 types
géomorphologiques représentatifs des schémas d'érosion de la côte. Ce classement est
essentiellement basé sur la distribution entre roches dures et terrains meubles (altérites,
colluvions, alluvions et sables dunaires) au sein même des versants.
Par la suite, un inventaire des instabilités historiques connues sur l'ensemble de la zone
d'étude a été réalisé. Sur la base de cette connaissance, quatre principaux types d'instabilité
ont été mis en évidence :
éboulement et chutes de blocs ;
glissements de terrain et fluages ;
phénomènes mixtes glissements-éboulements ;
ravinements et érosion superficielle des sols.
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Figure 1 – Exemple d'éboulement rocheux à Biarritz
Cette base de données a également permis de mieux apprécier la répartition géographique
des mouvements de terrains par type et ampleur, mais également de déterminer les facteurs
principaux de causalité de ces phénomènes (facteurs de prédisposition et facteurs
déclenchants) :
géologie (lithologie et stratigraphie) ;
géométrie et pente des versants ;
hauteur des versants ;
position du pied du versant par rapport à la mer ;
végétation ;
venues d'eau ;
présence d'ouvrages de confortement ;
etc.
3. Évaluation de l'aléa par méthode dite d'expert
L'approche retenue a consisté à découper l'ensemble du linéaire de côte concerné en
tronçons de niveau d'aléa homogène (plus de 100 tronçons pour 30 km de côte). A cet effet, la
méthode dite "d'expert" a été retenue. Il s'agit de l'approche la plus classique, reposant sur
l'expérience du technicien qui se base sur des observations de terrain et raisonne par analogie
avec des instabilités similaires observées. Ainsi, le cartographe examine, en tout point de la
zone d'étude, si les critères de prédisposition aux instabilités sont à nouveaux associés, auquel
cas il considèrera que l'aléa évalué est du même niveau que celui correspondant à la zone qui
s'est déstabilisée dans un contexte similaire.
En conformité avec le guide de réalisation des Plan de Prévention des Risques Mouvements
de Terrain, établi par le Ministère de l'Écologie et du Développement Durable, quatre niveaux
d'aléa ont été retenus, fonctions des moyens à mettre en œuvre pour mettre en sécurité un
site :
nul à très faible : pas de parade nécessaire ;
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faible : parades supportables financièrement par un particulier ;
moyen : parades supportables financièrement par un groupe de propriétaires ;
fort : coût important ou niveau de technicité fort, nécessitant un investissement de la
collectivité publique.
Cette étude a, entre autres, nécessité 10 jours de levés de terrain réalisés par 2 experts.
Chaque tronçon a fait l'objet d'une fiche détaillé récapitulant ses spécificités ainsi qu'une série
de photographies.
Ces travaux ont permis d'élaborer une série de cartes d'aléa au 1/20 000 permettant d'une
part d'identifier et de hiérarchiser les zones les plus exposées, mais également de servir de
base de travail à la réalisation de Plan de Prévention des Risques (PPR) prescrits sur
différentes communes du littoral Basque.
Figure 2 : Exemple de carte d'aléa
4. Optimisation de la méthode par analyse statistique
Les levés de terrain et l'exploitation des fonds topographiques ont permis de recueillir une
somme conséquente de données physiques (hauteur de versant, pente, stratigraphie etc.) ou
observationnelles (venues d'eau, végétation, instabilités constatées, etc.) sur l'ensemble de la
zone d'étude. Plusieurs éléments étaient donc disponibles :
d'un coté, un ensemble de paramètres (P1, P2, …, Pi) en relation directe avec les
facteurs de prédispositions aux mouvements de terrain ;
de l'autre coté une qualification de l'aléa en tout point de la côte, établie par approche
dite d'expert.
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L'objectif de cette phase d'étude était d'évaluer pour tous les tronçons s'il existait une relation
analytique représentative entre certains paramètres et le niveau d'aléa précédemment estimé.
Aléa = f ( P1, P2, …Pi …, Pn)
(1)
Cela devait permettre d'une part d'apprécier l'incidence des paramètres les plus influents, et
d'autre part de corriger, si nécessaire, l'évaluation de l'aléa faite sur certains tronçons, où une
part importante de subjectivité aurait été mise en avant par l'expert (malgré lui).
La première étape a consisté à identifier les paramètres les plus influents. A cet effet, nous
avons examiné graphiquement la distribution de la valeur prise par ces paramètres en fonction
du niveau d'aléa obtenu. Sur les graphiques qui suivent le niveau d'aléa, présenté en abscisse,
a été associé à une note : 1 = nul à très faible / 1,5 = très faible à faible / 2 = faible / 2,5 = faible
à moyen / 3 = moyen / 3,5 = moyen à fort / 4 = fort.
Figure 3 : Distribution de la pente des formations superficielles en fonction de l'aléa
Huit paramètres ont ainsi été retenus …
- hauteur du versant (H)
- nature du substratum ;
- épaisseur du substratum (Eps);
- pente du substratum (βs);
- facteur correctif lié aux discontinuités ;
- nature des formations superficielles ;
- épaisseur des formations superficielles ou d’altération (EpFS);
- pente des formations superficielles ou d’altération (βFS)
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Figure 4 : Paramètres retenus pour l'analyse statistique de l'aléa
… et 6 ont été écartés :
- l’eau : ravine, nappe… (faute de disposer assez d'éléments objectifs)
- nombre d’instabilités ;
- présence de vides (cavité, sous-cavage, karst) ;
- présence de végétation ;
- présence d’enjeux ;
- présence de parades (conformément au guide PPR, l'aléa est évalué indépendamment
des parades en place).
Les huit paramètres retenus ont par la suite été associés dans la formule analytique qui suit
permettant de calculer un indice d'instabilité "IS" en tout point de la côte, cet indice étant
assimilable à un niveau d'aléa. On notera que cette formule est initialement issue de règles
fondamentales de mécanique des sols :
action résistante des matériaux assimilée à leur résistance au cisaillement (choix de
valeurs classiques de c et φ ) ;
exploitation de paramètres géométriques (épaisseur et pente) ;
introduction d'un facteur de discontinuités mécaniques dans le milieu ;
bilan entre efforts moteurs et efforts résistants.
Elle a ensuite été ajustée empiriquement jusqu'à trouver la meilleure corrélation entre Indice
d'instabilité "IS" et niveau d'aléa estimé par approche de type expert.
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IS
=
EpFS 3 EpFS
x
H
FS FS
+
3 Ep
EpS
S
x
H
FS S . ( β *)
(2)
avec :
FSFS =
=
FSS
=
=
facteur de sécurité des formations superficielles
tan φFS / tan βFS
où
φFS
=
angle de frottement interne
=
30° (dans les colluvions, alluvions,
sables dunaires et altérites)
(3)
facteur de sécurité du substratum
tan φS / tan β*S
(4)
où
φS
=
angle de frottement interne
=
40° dans les flysch à dominante marneuse
=
70° dans les flyschs à dominante calcaire
=
55° dans les flyschs indifférenciés
=
25° dans les argiles gypsifères du Trias
β*S
=
angle du versant corrigé selon l'orientation
des dicontinuités
=
βS x f
(5)
et
f = 0,8 à 1,5 selon l'orientation
des discontinuités.
On notera que l'angle de frottement interne des matériaux est un angle "équivalent" tenant
compte de la cohésion.
Figure 5 : Ajustement entre Indice d'Instabilité et Niveau d'Aléa
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Le graphique précédent illustre la bonne corrélation obtenue entre Indice d'instabilité calculé
"IS" et niveau d'aléa estimé par approche dite d'expert. Il est ainsi possible de considérer que
dans 94 % des cas, l'approche par calcul permet de retrouver le niveau d'aléa évalué par
l'expert, ceci dans un intervalle de confiance de +/- 0,5 (le niveau d'aléa étant associé à une
valeur allant de 1 à 4).
Grâce à cette approche rigoureuse, plusieurs tronçons sortant sensiblement du fuseau de
corrélation ont été mis en évidence. Pour ces sections de côte, des études de terrain
particulières plus poussées ont été menées afin de comprendre l'origine des ces écarts et, si
nécessaire de réévaluer le niveau d'aléa initialement estimé.
5. Conclusions
Les 30 km de littoral du Pays Basque Français ont fait l'objet d'une étude d'aléa
mouvements de terrain selon deux approches.
La première, dite d'expert, repose sur des méthodes classiques, plutôt naturalistes, faisant
appel à l'expérience et à l'appréciation du cartographe. Celui-ci analyse les instabilités
identifiées sur la zone d'études, et examine si des contextes similaires (géométrie, géologie,
géomorphologie, hydrologie, etc.) se représentent sur le secteur à cartographier.
La seconde, plus statistique, consiste à identifier et quantifier de façon rigoureuse les
principaux paramètres de prédisposition aux instabilités de terrain. Ces paramètres sont ensuite
associés dans une formule analytique pour évaluer un Indice d'Instabilité IS. On soulignera que
la formule analytique ainsi déterminée n'est applicable qu'à la cote du littoral Basque français.
La comparaison entre niveau d'aléa estimé par l'expert et Indice d'Instabilité, s'est révélée
excellente dans la mesure où l'ajustement peut être considéré comme fiable à 94 %. Cela
démontre que l'approche de type expert repose sur une certaine rigueur intellectuelle, validant
ainsi cette démarche très largement employée, mais pourtant parfois décriée pour sa part de
subjectivité.
Cependant, l'approche par analyse statistique, outre qu'elle permet d'évaluer simplement et
rigoureusement le niveau d'aléa en tout point du littoral, a pour avantage de mettre en lumière
les tronçons délicats où l'avis de l'expert a pu être biaisé.
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