Une cabine de peinture aux vertus multiples
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Une cabine de peinture aux vertus multiples
entreprise petite et moyenne plaisance Ventilation Une cabine de peinture aux vertus mult Pour la première fois, une entreprise spécialisée dans la petite et moyenne plaisance, sur la côte varoise, s’équipe d’une cabine de peinture réalisée sur mesure. Son ingénieux système de ventilation permet d’améliorer non seulement la sécurité et le confort de travail, mais également le rendu de la peinture. Sans compter des gains de temps considérables. Rencontre avec le directeur du Chantier naval des Issambres qui entend bien faire rimer sécurité avec productivité. C des Issambres, face à SaintTropez, rutilent sous un soleil de novembre encore rayonnant. Les navigateurs n’ont activités pour capter de nou veaux marchés. C’est pourquoi nous avons choisi d’investir dans l’activité de peinture. Mais nous voulions que les peintres travaillent dans de bonnes conditions, tout en diminuant les délais de réalisation. » Une gageure lorsque l’on peint à l’air libre : le vent véhicule des poussières qui se collent à la peinture, la quantité de solvants est augmentée pour que la peinture adhère, Dans cette cabine, le peintre ne grimpe plus sur des échafaudages dangereux mais se déplace sur des rebords fixes et larges. © Claude Almodovar pour l’INRS e matin-là, les coques et les chromes des yachts amarrés dans le paisible port de plaisance pas confié par hasard leurs luxueux bateaux à JeanFrançois Mateo, le directeur du Chantier naval des Issambres. Outre les activités de gardiennage et de vente, il propose à ses clients exigeants, depuis avril 2009, une prestation qui, il l’espère, fera la différence : une cabine de peinture conçue sur mesure pour les yachts de petite et moyenne plaisance (de longueur inférieure à 25 m). « Au départ, raconte Jean-François Mateo, l’enjeu était économique. Dans un contexte de crise, nous avons fait le choix de diversifier nos 38 Travail & Sécurité – Février 2010 La ventilation de la cabine repose sur un air pulsé par le plafond et évacué par le système intégré dans les rebords surélevés, entraînant avec lui les vapeurs et les aérosols de peinture. tiples © Claude Almodovar pour l’INRS les vapeurs et aérosols de peinture ne sont pas évacuées, le froid ralentit la phase de séchage… D’où l’idée d’un local étanche, isolé de l’air ambiant, avec un système d’extraction des vapeurs toxiques. « Mais cela nous semblait trop cher, explique Jean-François Mateo, et il fallait faire avec un local existant et une place limitée. » En janvier 2008, après un an de réflexion et de tâtonnements, il sollicite la CRAM Sud-Est. Et obtient, dans le cadre d’un contrat de prévention, une assistance technique de la part du laboratoire Le laboratoire interrégional de chimie (LIC) P armi ses nombreuses activités, le LIC, qui vient tout juste de souffler ses 50 bougies, réalise des prélèvements et des analyses chimiques de polluants et conseille les entreprises notamment sur la mise en place de systèmes de ventilation. Il veille également à la bonne application des préconisations adressées à l’entreprise. interrégional de chimie de la CRAM. Il reçoit également une aide financière d’environ 50 000 euros, soit 30 % des 170 000 euros nécessaires à l’investissement. Pour Roland Nieri, contrôleur de sécurité à la CRAM Sud-Est et copilote de ce projet, « c’est une réalisation exemplaire car ce sont les pre miers du secteur [de la petite et moyenne plaisance] à avoir acheté une cabine de peinture. Cela montre que la prévention des risques n’est pas réservée à la haute plaisance », c’est-àdire aux grands yachts de 30 m et plus (cf. encadré p. 40). De plus, ajoute-t-il, « c’est la première fois que le décret du 12 janvier 1990 (1), qui impose que toute activité de pulvéri sation de peinture soit réalisée dans une cabine de peinture, est respecté dans ce type d’en treprise ». Des trottoirs surélevés Mais à quoi ressemble cette cabine ? Direction le hangar dans lequel elle a été installée, situé à quelques kilomètres dans les terres. Là, un Princess V39 de 12 m de long, d’un bleu nuit, trône au cœur d’une grande « boîte » toute blanche aux fines parois en tôle, de 19 m de long, 7 m de large et 6 m de haut. Cette cabine se révèle en fait plus sophistiquée qu’elle n’en a l’air… L’originalité repose sur son système de ventilation que Jean-François Mateo détaille avec entrain. L’air est prélevé à l’extérieur par deux cheminées d’aspiration. Il est chauffé puis diffusé dans la cabine fermée en légère surpression, dans laquelle le peintre travaille. L’air comprimé est pulsé par le plafond à travers des filtres qui retiennent les poussières. Le flux d’air descendant (2) entraîne avec lui les vapeurs et aérosols de peinture qui sont évacués non pas par le sol mais par un système intégré dans les rebords surélevés de 80 cm, sortes de trottoirs équipés de grilles, sur lesquels travaille et se déplace le peintre. Au final, l’air pollué remonte par des cheminées (six au total) pour être évacué vers l’extérieur. Une ingénieuse invention qui offre de nombreux avantages. D’abord et avant tout, les conditions de travail et la sécurité du peintre qui ne grimpe plus sur des échafaudages dangereux mais se déplace sur des rebords solides, fixes et de bonne largeur. À peine a-t-il appuyé sur son pistolet à peinture que les vapeurs et aérosols de peinture émises sont entraînés vers les grilles sous ses pieds. Les risques liés au bruit n’ont pas été oubliés : le compresseur a été insonorisé. Teddy Hibon, le peintre nautique de la société de Jean-François Mateo, semble satisfait de travailler dans cette cabine « vraiment performante ». « Je respire beaucoup moins de polluants, déclare-t-il. Il n’y a quasiment pas d’odeur. Je vois mieux, car l’éclairage a été optimisé. Et puis il n’y a plus de superstructures à installer. » Les Issambres, en bref • Nom : Chantier naval des Issambres (groupe Jeanneau Var Est). • Activités : Vente de bateaux neufs et d’occasion, gardiennage, entretien et réparation. • Effectif : 20 personnes dont un peintre nautique. • Date de création : 1960. • Chiffres clés : Port de 200 bateaux, 5 à 10 bateaux repeints chaque mois. Travail & Sécurité – Février 2010 39 entreprise petite et moyenne plaisance Un système de ventilation au-dessus du plan de travail permet d’aspirer les émanations des peintures lors du nettoyage des pistolets ou du mélange des couleurs. Les bonnes pratiques pour les gros bateaux P eindre (et repeindre) des bateaux, qu’ils soient petits ou grands, requiert la même exigence si l’on veut assurer un rendu optimal de la peinture : travailler dans un espace confiné, à l’abri de l’air ambiant. Pour les bateaux dits de haute plaisance, c’est-à-dire d’une taille supérieure à 30 m, deux types de structures sont utilisés. Les plus traditionnelles (et les moins coûteuses) sont les cocons. Il s’agit de structures métalliques ou de coques PVC recouvertes d’une bâche en plastique souple et jetable, fixée à l’échafaudage. En second lieu, il existe des structures fixes comme, depuis 2007, au chantier naval de La Ciotat, appartenant à la société Monaco Marine, qui dispose d’un immense hall de peinture de plus de 30 m de haut (cf. Travail & Sécurité n° 677 d’octobre 2007, p. 2 à 10, disponible sur www.travail-et-securite.fr). Ces deux types de structures sont soumis à une réglementation stricte qui impose, entre autres, la mise en place d’un système de ventilation. Pour aider les entreprises de ce secteur, la CRAM Sud-Est et le laboratoire interrégional de chimie ont publié un guide de bonnes pratiques (1) qui recommande des mesures de prévention à mettre en place dans les trois principales situations de travail pourvoyeuses de risques : les cocons, mais également les échafaudages et les ateliers mobiles (type conteneur métallique). Pour ces deux derniers, les recommandations sont applicables à la petite et moyenne plaisance. 1. Guide des bonnes pratiques Hygiène/Sécurité/Environnement n° 1 pour les entreprises de la grande plaisance, disponible sur www.e-ventail.fr (documentation CRAM Sud-Est). 40 Travail & Sécurité – Février 2010 Après six mois d’utilisation, il ne regrette pas d’avoir investi dans cette cabine dont la durée de vie est estimée à 20 ou 30 ans. Même si, il le reconnaît, « il s’agit d’un investis sement à long terme qui ne sera probablement pas rentabilisé avant cinq ou six ans ». Ses clients paieront-ils la facture ? « Non, on doit rester dans les tarifs du marché, c’est impératif. On réduit donc notre marge réelle, qui reste confortable, pour inté grer ce surcoût. » Et d’ajouter avec conviction : « L’important, c’est notre image de marque. Maintenant, nous pouvons dire à nos clients : nous avons la capacité de faire, nous respec tons les délais, et la qualité du travail est incontestablement meilleure. » L’augmentation de sa capacité de production pourrait même lui permettre d’embaucher un ou deux autres peintres. © Claude Almodovar pour l’INRS des moindres, ce dispositif a un impact direct sur la qualité du travail réalisé. Grâce à un air ambiant exempt de poussières associé à une hygrométrie et une température contrôlées, le rendu approche la perfection. Durant la phase de travail, l’air chauffé en moyenne à 22 °C permet d’accélérer le séchage de la peinture – finalisé ensuite par la phase d’étuvage. Enfin, la surélévation du système d’évacuation de l’air pollué a permis d’« éviter de creuser le sol pour faire entrer le bateau », sou- Côté sécurité, tout est prévu. « Si la porte s’ouvre pendant la phase de peinture, le pisto let à peinture est immédiate ment bloqué ! Car l’air pollué, du fait de la ventilation et de la légère différence de pression entre l’intérieur et l’extérieur de la cabine, risque de sor tir », explique Jean-François Mateo. Enfin, l’évacuation des produits toxiques et inflammables diminue également les risques d’incendie et d’explosion. Deuxième avantage, et non ligne Jean-François Mateo. En effet, seules les œuvres mortes du bateau (les parties hors de l’eau) sont peintes dans cette cabine, car elles nécessitent une finition soignée. Pas besoin donc d’accéder aux œuvres vives (les parties immergées) qui se retrouvent sous le niveau des caillebottis. Et le peintre travaille à bonne hauteur. Un investissement à long terme Le local de préparation des peintures, qui fait partie de l’installation et jouxte la cabine, n’a pas été oublié. Un système de ventilation au-dessus du plan de travail permet d’aspirer les émanations des peintures lors du nettoyage des pistolets ou du mélange des couleurs, et de les évacuer vers l’extérieur (3). JeanFrançois Mateo assure que sa cabine ne rejette pas de produits toxiques dans la nature car « l’air pollué est filtré avant d’être rejeté vers l’extérieur ». 1. Le décret n° 90-53 du 12 janvier 1990 définit les conditions d’hygiène et de sécurité auxquelles doivent satisfaire les cabines de projection, les cabines et enceintes de séchage et les cabines mixtes de projection et de séchage destinées à l’emploi de peintures liquides, de vernis, de poudres ou de fibres sèches. 2. Conformément à la norme NFT 35-009, la vitesse de ventilation doit être en moyenne supérieure ou égale à 0,4 m/s et jamais inférieure, en aucun point, à 0,3 m/s. 3. Ce local est conforme à la norme NFT 35-014. Jérôme Lemarié