Les 25 ans de la Fraternité Saint-Pierre
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Les 25 ans de la Fraternité Saint-Pierre
Les 25 ans de la Fraternité Saint-Pierre Table des matières - Message du pape transmis par le nonce en France, Mgr Luigi Ventura : .................................. 1 - Sermon de l’abbé Ribeton, Supérieur du district de France, donné en l’église Saint-Sulpice à l’occasion des 25 ans de la FSSP ............................................................................................... 2 - Entretien avec M. l’abbé Ribeton, supérieur du district de France ............................................ 5 Message du pape transmis par le nonce en France, Mgr Luigi Ventura : A l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de la fondation de la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre, le Pape François s’unit à l’action de grâce de ses membres pour l’œuvre accomplie au cours du quart de siècle écoulé au service de la communion ecclésiale cum Petro et sub Petro. C’est dans un moment de grande épreuve pour l’Église qu’est née la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre. Dans un grand esprit d’obéissance et d’espérance ses fondateurs se sont tournés avec confiance vers le successeur de Pierre afin d’offrir aux fidèles attachés au Missel de 1962 la possibilité de vivre leur foi dans la pleine communion de l’Eglise. Le Saint-Père les encourage à poursuivre leur mission de réconciliation entre tous les fidèles, quelle que soit leur sensibilité, et ainsi à œuvrer afin que tous s’accueillent les uns les autres dans la profession d’une même foi et le lien d’une intense charité fraternelle. Qu’en célébrant les Mystères sacrés selon la forme extraordinaire du rite romain et les orientations de la Constitution sur la Liturgie Sacrosanctum Concilium, ainsi qu’en transmettant la foi apostolique telle qu’elle est présentée dans le Catéchisme de l’Eglise catholique, ils contribuent, dans la fidélité à la Tradition vivante de l’Eglise, à une meilleure compréhension et mise en œuvre du Concile Vatican II. Le Saint-Père les exhorte, selon leur charisme propre, à prendre une part active a la mission de l’Eglise dans le monde d’aujourd’hui par le témoignage d’une vie sainte, d’une foi ferme et d’une charité inventive et généreuse. Recommandant à l’intercession de la Sainte Vierge Marie et de saint Pierre, apôtre, tous les pèlerins réunis à Lourdes ou rassemblés à l’église Saint-Sulpice à Paris pour rendre grâce au Seigneur en cette occasion, le Saint-Père leur accorde de grand cœur la Bénédiction apostolique. Sermon de l’abbé Ribeton, Supérieur du district de France, donné en l’église Saint-Sulpice à l’occasion des 25 ans de la FSSP Monsieur le Curé, Chers confrères, Mes bien chers frères, Dans le message remis par Mgr Luigi Ventura, Nonce apostolique en France, le Souverain Pontife rappelle que c’est dans un moment d’épreuve pour l’Eglise qu’est née la Fraternité sacerdotale Saint-Pierre. Les larmes inscrites sur le blason de notre communauté témoignent de cette histoire douloureuse. Lors de la session qui réunissait nos prêtres cette semaine à Lourdes, M. l’abbé Denis Coiffet a rappelé ces circonstances. Elles furent d’autant plus crucifiantes pour nos fondateurs qu’ils avaient tout reçu de Mgr Marcel Lefebvre et qu’ils l’aimaient comme un père. En raison même de la fidélité à l’entière tradition de l’Eglise que leur avait enseigné ce prélat, laquelle réclame la fidélité au successeur de Pierre, la foi dans les promesses du Christ à son Eglise : Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ; en raison encore de cet esprit de romanité appris de Mgr Lefebvre, qui l’avait lui-même reçu lors de ses années de séminaire à Rome, sous la direction du Révérend Père Le Floch, nos fondateurs ne purent se résoudre à adhérer au sacre d’évêques contre la volonté du successeur de Pierre. Là où est Pierre, là est l’Eglise. Animés de cette foi, nos fondateurs ont posé un acte d’obéissance et d’espérance. Ils se sont tournés, comme le dit le message papal, avec confiance vers le successeur de Pierre, et cette confiance n’a pas été déçue, puisqu’à cette petite dizaine de prêtres, les conditions prévues par le protocole d’accord du 5 mai 1988 furent garanties, offrant aux fidèles attachés au Missel de 1962 et aux traditions latines la possibilité de vivre leur foi dans la pleine communion de l’Eglise. En célébrant ce matin cette messe d’action de grâces, je vous invite, bien chers fidèles, à partager une intention particulière pour nos frères prêtres de la Fraternité Saint-Pie-X. Nous savons que la main du Pape leur est toujours tendue, et nous les savons hésitants, tiraillés. Prions pour qu’ils aient le courage de faire le choix de Pierre. Même dans sa décision de sacrer quatre évêques, Mgr Lefebvre a toujours refusé d’être considéré comme le chef d’une église autocéphale. Il jugeait que les évêques qu’il consacrait devraient un jour remettre leur épiscopat entre les mains de Pierre. Prions pour qu’ils ne tardent plus, afin que le meilleur de ce qu’ils ont reçu puisse servir au bien de toute l’Eglise, et que la vérité soit prêchée dans l’unité de la charité. Cela est d’autant plus urgent que la situation présente interdit la division. Cela est d’autant plus impératif, que c’est coude à coude que nous devons agir face à la culture de mort, dans une société sécularisée. L’encouragement du Pape à servir la mission de réconciliation entre tous les fidèles est un appel que la Fraternité Saint-Pierre veut spécialement mettre en œuvre. Oui, nous adhérons de toutes nos forces à cette demande du pape que « tous s’accueillent dans la profession d’une même foi et le lien d’une intense charité fraternelle ». En ce vingt-cinquième anniversaire de notre communauté, nous sommes puissamment affermis dans notre vocation par les paroles du Saint-Père. Il affirme notre charisme propre et nous demande de ne pas enfouir ce talent reçu mais de le faire fructifier en le mettant au service de l’Eglise. Ces paroles fortes du pape montrent que nous avons toute notre place dans l’Eglise, affirment que nous sommes des catholiques à part entière. Le pape nous exhorte, avec cette spécificité, dans la possession paisible du patrimoine décrit par nos Constitutions, en particulier la célébration des mystères sacrés selon la forme extraordinaire du rite romain, à prendre une part active à la mission de l’Eglise, et pour cela à donner le témoignage d’une vie sainte, d’une foi ferme et d’une charité inventive et généreuse. Quel encouragement de nous voir ainsi acceptés par l’Eglise, par la bouche du Souverain pontife, tels que nous sommes, tels que nous avons été fondés, tels que nous avons été reconnus lorsque le Saint-Siège nous a érigés comme Société de vie apostolique de droit pontifical. Ces paroles du Saint-Père montrent que les mesures prises depuis 1988 ne sont pas une parenthèse miséricordieuse mais l’affirmation d’un droit de cité, une entière reconnaissance. Quel encouragement également de voir le Pape inscrire ses paroles dans la continuité des efforts de ses prédécesseurs, en particulier Benoît XVI, qui n’a eu de cesse de prêcher une meilleure compréhension et mise en œuvre du Magistère récent, ce que dans son discours à la curie romaine, en décembre 2005, il avait appelé l’herméneutique de continuité, cette interprétation de l’enseignement de l’Eglise qui en situe les textes non pas en rupture, mais en cohérence profonde avec la Tradition vivante de l’Eglise. Alors que nous approchons du terme de l’année de la Foi, le message du Saint-Père prend un relief particulier. C’est bien la foi apostolique que nous devons transmettre, et c’est dans cette Foi que le successeur de Pierre vient nous confirmer. Cette foi est une lumière que nous ne pouvons pas mettre sous le boisseau. Nous recevons également le message du pape accompagnant sa bénédiction comme pressant et exigeant. Au cours des premiers mois de son pontificat, le Saint-Père n’a eu de cesse de nous mettre en garde contre toute forme de narcissisme ou d’auto-référentialité. En célébrant nos 25 ans d’existence, nous ne voulons pas faire notre propre éloge. Ce serait bien orgueilleux. Nous ne voulons pas nous regarder nous-mêmes, ce serait bien stérile. Aussi entendons-nous l’appel du Pape à faire preuve, avec notre charisme propre, d’une charité inventive. Nos prêtres ont fait l’oblation de leur vie au Seigneur pour répondre à son appel, pour jeter les filets avec Pierre sur l’ordre du Seigneur, pour participer à l’évangélisation, pour prêcher le Salut qui vient de Dieu. Nos prêtres savent que pour répondre à cet appel, il faut accepter de semer dans les larmes pour récolter dans la joie. Nous sommes envoyés dans un monde qui est souvent redevenu terre de mission. Le bon pasteur aime ses brebis, et pour aller chercher la brebis perdue ou blessée, il n’a pas peur de s’avancer vers ce que le Pape appelle de manière imagée « les périphéries existentielles ». Au cours des vingt-cinq premières années de son existence, la Fraternité Saint-Pierre a fait l’expérience de la puissance de la liturgie traditionnelle pour opérer le retour des âmes vers Dieu. Parce que cette liturgie est théocentrique, elle tourne l’homme vers le Seigneur, elle est propre à toucher et à transformer le cœur de tout homme. Elle permet de prendre un soin pastoral de toute personne. Elle n’est pas réservée à quelques-uns, à quelques initiés. Elle peut fonder un apostolat très large. Elle est un instrument pastoral proportionné aux besoins de notre temps, tout simplement parce que le cœur de l’homme ne change pas, et que l’art de la prière de l’Eglise, forgé au cours des siècles dans l’expérience de l’évangélisation, demeure une pastorale très sûre, d’autant plus efficace qu’elle a été davantage éprouvée par le temps. Parce que cette liturgie met l’homme à genoux devant Dieu, elle répond à ce que le bienheureux Jean-Paul II appelait à raison « l’apostasie silencieuse ». Elle répond à la folie d’un monde sans Dieu en replaçant Dieu au centre, en façonnant par ce caractère christocentrique – selon la belle expression de Benoît XVI – la piété des peuples. Elle a une grande puissance de rayonnement. Elle attire car elle est pleine d’intériorité. Aux âmes qui ont soif d’absolu, faim de Dieu, elle donne un aliment solide. Elle nourrit la piété. Elle fait goûter combien est bon le Seigneur. Cette liturgie est une école de sanctification. C’est un trésor qui appartient à toute l’Eglise, dont tous sont héritiers, auquel tous les fidèles ont le droit de puiser, comme l’a reconnu le Motu proprio Summorum Pontificum. Aussi n’avons-nous pas le droit, égoïstement, de garder ce trésor pour nous. Que de conversions, que de retour au bercail du Christ avons-nous pu constater par la médiation de cette liturgie. Beaucoup d’entre les fidèles qui y sont attachés ne la connaissaient pas dans leur enfance. Ils n’en sont donc point des nostalgiques. Rencontrant un jour des passeurs d’Espérance, ils l’ont – sur les routes d’un pèlerinage, lors d’une retraite, dans le scoutisme, à l’occasion d’un camp d’été, ou bien tout simplement en entrant sous le porche d’une église – découverte ; ils en sont revenus émerveillés, et leur vie en a été profondément changée. Avec cette liturgie, avec cette lex orandi, ils ont approfondi leur foi ou même se sont convertis, tant est fort le lien qu’elle possède avec la lex credendi, tant elle exprime magnifiquement, dans les mystères célébrés, la Foi de l’Eglise, tant elle invite à les vivre, à les mettre en pratique dans une vie chrétienne sans cesse renouvelée. Quelle force puisée dans cette prière de l’Eglise pour l’apostolat de nos prêtres. Marchant de messe en messe, l’eucharistie étant le cœur de la vie, ils puisent à l’autel tout leur élan apostolique, et ils ont vocation à ramener ensuite vers ce même autel, au lieu de la rencontre avec le Seigneur, les âmes que Dieu met sur leur chemin. Ils ont certainement, comme le pape les y invite, à faire preuve de charité inventive pour aller trouver les âmes là où elles sont, pour les prendre là où elles en sont, pour se pencher sur elles comme de bons samaritains, et appliquer à leurs blessures le baume de la grâce. Ces prêtres, bien chers fidèles, ont besoin de vos prières. Car en même temps qu’ils accomplissent la mission confiée par Notre-Seigneur, ils demeurent des hommes pécheurs qui doivent chaque jour de leur vie travailler à leur conversion pour être davantage conformés à Jésus-Christ qui est le Souverain prêtre. En raison même de cette condition fragile, de ce combat spirituel dans lequel nous sommes tous, bien chers fidèles, engagés, nos prêtres ont à demeurer dans l’humilité, qui apporte la simplicité de cœur, la pauvreté en esprit louée par Notre-Seigneur dans les béatitudes, la componction de l’âme, la pureté d’intention, la magnanimité, la miséricorde envers les pécheurs. Cette humilité est une vertu essentielle pour vivre en fils de l’Eglise. Nous en avons tous besoin, et nous en manquons tous, tant l’esprit du temps, qui conduit à juger de tout à partir des illusions de notre ego, nous caractérise tous. Sans humilité du cœur pourtant, il est impossible de correspondre à la volonté de Dieu et d’accomplir notre vocation. Demandons à Notre Dame de renouveler cette humilité en nos âmes, afin que nous servions Dieu et l’Eglise avec un cœur d’autant plus désintéressé que nous ne nous rechercherons pas nous-même, un cœur joyeux qui chantera avec la sainte Vierge le Magnificat d’une action de grâce s’élevant sans cesse vers Dieu. Entretien avec M. l’abbé Ribeton, supérieur du district de France « La liturgie traditionnelle est un moyen très efficace de ramener les hommes vers Dieu » A l’occasion du 25e anniversaire de la Fraternité Saint-Pierre, et au lendemain de la messe célébrée à Paris, en l’église Saint-Sulpice, à cette occasion (Présent du 19 novembre), l’abbé Ribeton, supérieur du district de France, a accepté de répondre à nos questions. — 25 ans : est-ce l’âge de la maturité, et comment s’exprime-t-elle ? — Je ne sais si l’on peut parler d’âge de maturité. La Fraternité Saint-Pierre demeure une jeune communauté, de fondation récente, qui compte des prêtres souvent très jeunes. Leur moyenne d’âge est de 37 ans. C’est une force incontestable, et c’est l’un des signes de la vitalité du catholicisme traditionnel. Il nous faudrait cependant un peu plus de prêtres à cheveux blancs, car la sagesse vient avec l’expérience. Il est très important pour une communauté de pouvoir s’appuyer sur des anciens. Heureusement, nos fondateurs, qui furent ordonnés prêtres par Mgr Lefebvre avant 1988, apportent de la maturité à notre Fraternité. Ils ont vécu bien des crises et sont restés fidèles à leur sacerdoce. Ils ont gardé l’enthousiasme de leurs vingt ans et nous communiquent cette flamme. Grâce à eux, la Fraternité est restée fidèle à ses fondamentaux : tradition, romanité, thomisme. — Vos fondateurs étaient une dizaine. Où en êtes-vous de votre développement ? — La Fraternité Saint-Pierre compte actuellement 244 prêtres et 163 séminaristes. C’est dire qu’elle a connu une belle croissance. En moyenne, 12 prêtres de notre communauté sont ordonnés chaque année. 77 prêtres français appartiennent à la Fraternité Saint-Pierre. En France, la FSSP exerce son apostolat dans 35 diocèses. Remarquons que c’est aux Etats-Unis que notre communauté s’est développée le plus vite. Le district nord-américain dessert 42 diocèses. 24 paroisses personnelles nous ont été confiées en Amérique du Nord… 3 seulement en Europe. — Comment expliquer ce contraste ? — En Amérique, le Motu Proprio Summorum Pontificum a été particulièrement bien reçu. Il a été appliqué sans réserves et selon toutes ses dispositions. En France ou en Allemagne, les progrès dans la reconnaissance du plein droit de cité de la messe traditionnelle ont été considérables. Mais des blocages idéologiques demeurent parfois. — Saint-Sulpice, c’est un peu une première parisienne. Parce que la FSSP a toujours quelque mal à paraître à Paris, si l’on excepte quelques ancrages (à commencer par la « messe du mercredi » célébrée par l’abbé Le Coq qui réunit à Saint-François-Xavier beaucoup d’étudiants). Est-ce une nouvelle ouverture ? — Ce n’est pas un nouveau ministère confié puisque cette messe anniversaire était un événement ponctuel. Néanmoins c’est le signe d’un accueil qui sera, je l’espère, toujours plus large, et dont je tiens à remercier le cardinal Vingt-Trois. Avoir pu célébrer, grâce à la bienveillance du curé de la paroisse, dans l’église Saint-Sulpice, est une grande grâce. La présence massive de fidèles montre que les Parisiens attachés à la forme extraordinaire sont nombreux. En Ile-de-France, la Fraternité Saint-Pierre est implantée avec un apostolat stable et bien enraciné dans les diocèses de Versailles, de Créteil et de Meaux. Dans les diocèses de Paris et de Nanterre, nos prêtres agissent en lien avec les prêtres diocésains qui sont investis dans l’application du Motu proprio mais qui ont déjà de lourdes charges pastorales. L’abbé Guilhem Le Coq apporte ainsi son aide dans le cadre de la paroisse Saint-François-Xavier, sous l’autorité de son curé, Mgr Chauvet, particulièrement auprès des étudiants, ou encore pour l’aumônerie de groupes scouts. Il assure aussi des permanences de confessions à NotreDame-des-Victoires. A Sceaux et à Colombes, des cours de catéchisme sont donnés aux enfants grâce à l’accueil des curés qui mettent à disposition de nos prêtres leurs salles paroissiales. Tout cela est modeste, mais l’important est le bien spirituel que l’on peut procurer aux âmes. Et par ailleurs nos prêtres ne manquent pas d’apostolat… ils suffisent tout juste à la tâche. Ce qui nous est confié correspond à nos possibilités actuelles. Dans les années à venir, le district de France de la Fraternité Saint-Pierre comptera beaucoup de jeunes prêtres nouvellement ordonnés. La FSSP pourra alors proposer une aide plus active en région parisienne, comme dans d’autres régions de France où le manque de prêtres se fait sentir de plus en plus cruellement. Pour le moment, nous en sommes souvent encore à des commencements modestes, mais autre est le geste du semeur, autre celui du moissonneur. — 25 ans après le rapport-opposition avec la FSSPX, quelle est la nature spécifique (l’identité, pourrait-on dire) du prêtre de la FSSP ? — La Fraternité Saint-Pierre est née dans un contexte douloureux en 1988 et nos fondateurs sont effectivement des prêtres qui appartenaient d’abord à la Fraternité Saint-Pie-X. Ils avaient tout reçu de Mgr Marcel Lefebvre dans leur formation et reconnaissaient en lui un père. Aussi n’est-il pas surprenant de retrouver dans la nature propre de la Fraternité SaintPierre des éléments de ressemblance avec la Fraternité Saint-Pie-X. Notre Supérieur général, M. l’abbé John Berg, a coutume d’expliquer que notre Fraternité repose sur trois piliers : on peut les résumer par trois mots : tradition, romanité, thomisme. Tradition, parce que nos prêtres célèbrent la liturgie romaine traditionnelle, appelée depuis Benoît XVI forme extraordinaire du rite romain. Romanité, parce que la Fraternité SaintPierre vit l’attachement aux traditions liturgiques et spirituelles latines dans la fidélité au Siège de Pierre, cum Petro et sub Petro. Thomisme, parce que l’enseignement dans nos séminaires s’appuie sur saint Thomas d’Aquin, Docteur commun de l’Eglise, préparant ainsi nos prêtres à la transmission de la saine doctrine. Si l’on veut être complet sur la nature de la Fraternité Saint-Pierre, il faut ajouter qu’elle est une « société de vie apostolique de droit pontifical ». Cela signifie deux choses : d’abord que nos prêtres vivent en communauté, ce qui est une force pour vivre son sacerdoce fidèlement et mener l’apostolat dans un monde sécularisé. Notre-Seigneur n’envoyait-il pas déjà ses disciples deux à deux ? Ensuite, cela signifie que la Fraternité Saint-Pierre est une communauté directement placée sous l’autorité du Saint-Siège. Le pape vient d’ailleurs de nous délivrer un message et sa bénédiction apostolique à l’occasion de notre vingt-cinquième anniversaire. — Le district de France s’est enrichi des régions francophones de pays voisins, tels la Belgique ou le Luxembourg. Pourquoi ? N’est-ce pas trop gros ? Trop disparate aussi ? — En fait, la partie francophone du Benelux, c’est-à-dire essentiellement la Belgique francophone, est rattachée à l’administration du district de France. Cela tient à ce que, à ce jour, ce sont des prêtres originaires de France qui y assurent l’apostolat. Lorsqu’une mission leur est confiée en Belgique, ils sont toujours des membres à part entière du district de France. Ils participent aux retraites ou sessions de nos prêtres, comme à Lourdes voici deux semaines. Cela est important pour eux, afin d’éviter un certain isolement par rapport aux confrères de la Fraternité. Le rattachement au district de France traduit donc un souci pour les prêtres, mais absolument pas un déni de la spécificité belge, qui naturellement doit être comprise et honorée. — Quelle est la place spécifique de la FSSP au sein de ce qu’on appelle les communautés Ecclesia Dei ? — Les communautés Ecclesia Dei ont été reconnues sur la base du Motu proprio Ecclesia Dei du 2 juillet 1988. A côté de communautés religieuses, la Fraternité Saint-Pierre est la première communauté regroupant des prêtres séculiers à en avoir bénéficié. Cela est logique puisque le Motu Proprio du 2 juillet 1988 était spécialement destiné aux prêtres et fidèles liés à Mgr Marcel Lefebvre. Notre fondation s’est faite dans la logique du protocole d’accord du 5 mai 1988 entre Mgr Lefebvre et le Saint-Siège. Notre développement depuis 1988 est resté dans cette ligne, assumant la fidélité à l’entière tradition de l’Eglise qui comporte naturellement la fidélité au Siège de Pierre. Notre spécificité liturgique a été dès 1988 reconnue. Elle est un talent reçu de l’Eglise que nous voulons faire fructifier pour la sanctification des âmes. — La FSSP a-t-elle des perspectives à l’aurore du nouveau pontificat ? — Le pape vient de nous appeler à faire preuve, avec notre charisme propre, avec notre spécificité, de « charité inventive » pour participer à la mission de l’Eglise dans le monde d’aujourd’hui. Cela rejoint notre souci, qui est d’être missionnaire. Le choix de la liturgie traditionnelle n’a rien à voir avec un repli frileux ou nostalgique. Il est au contraire fondé sur la conviction que cette liturgie est un moyen très efficace de ramener les hommes vers Dieu, de réorienter un monde sans boussole vers le Seigneur. Benoît XVI avait souligné la puissance de la liturgie au cours des siècles passés pour « façonner la piété des peuples ». La liturgie traditionnelle garde cette puissance de rayonnement qui conduit de nombreux jeunes à la découvrir et à l’embrasser avec émerveillement. Leur vie, notre vie peut en être transformée. Nos prêtres peuvent en témoigner, car ils n’ont pour la plupart pas connu cette liturgie dans leur enfance. Ils l’ont découverte providentiellement, à l’occasion d’une retraite, d’un pèlerinage ou en poussant la porte d’une église et s’y sont attachés. Cette lumière qui oriente les âmes vers le Christ ne doit pas être gardée sous le boisseau. Nous avons à être missionnaires avec les moyens de sanctification que nous confie l’Eglise, avec cette liturgie qui a la puissance de toucher tant d’âmes. Par ailleurs faire preuve de « charité inventive » signifie certainement aller chercher les âmes là où elles sont, les prendre là où elles en sont, avec la miséricorde d’un bon pasteur, pour les conduire à Jésus-Christ. De ce point de vue, l’appel du pape à aller vers les « périphéries existentielles » retentit fortement en nos cœurs. Nous sommes en France revenus à une situation comparable à celle des missions. Dans une telle situation, le simple fait de porter la soutane est un excellent outil apostolique. Porter la soutane dans un monde où l’Eglise a perdu beaucoup de visibilité permet de rencontrer des âmes qui reconnaissent à son habit le prêtre, l’homme de Dieu, et qui en le voyant s’interrogent, veulent lui parler… Nous voulons enfin que nos communautés paroissiales soient d’une ferveur contagieuse, qu’elles soient des foyers de reconquête, qu’elles soient, selon les mots de Benoît XVI, des « oasis spirituelles » où l’on vient se ressourcer, refaire ses forces. A côté de cela, nous pensons qu’un bon moyen de tout restaurer dans le Christ est de développer des œuvres comme les écoles, et plus généralement toutes les œuvres de formation de la jeunesse. C’est pourquoi, depuis quelques années, le district de France s’est résolument engagé dans cette voie. C’était celle suivie autrefois par les missionnaires dans les terres où ils apportaient l’Evangile. Propos recueillis par Olivier Figueras Article extrait du n° 7986 de Présent du Samedi 23 novembre 2013