Les 25 ans de la Fraternité Saint-Pierre

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Les 25 ans de la Fraternité Saint-Pierre
Les 25 ans de la Fraternité Saint-Pierre
Table des matières
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Message du pape transmis par le nonce en France, Mgr Luigi Ventura : .................................. 1
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Sermon de l’abbé Ribeton, Supérieur du district de France, donné en l’église Saint-Sulpice à
l’occasion des 25 ans de la FSSP ............................................................................................... 2
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Entretien avec M. l’abbé Ribeton, supérieur du district de France ............................................ 5
Message du pape transmis par le nonce en France, Mgr Luigi Ventura :
A l’occasion du vingt-cinquième anniversaire de la fondation de la Fraternité sacerdotale
Saint-Pierre, le Pape François s’unit à l’action de grâce de ses membres pour l’œuvre
accomplie au cours du quart de siècle écoulé au service de la communion ecclésiale cum Petro
et sub Petro.
C’est dans un moment de grande épreuve pour l’Église qu’est née la Fraternité sacerdotale
Saint-Pierre. Dans un grand esprit d’obéissance et d’espérance ses fondateurs se sont tournés
avec confiance vers le successeur de Pierre afin d’offrir aux fidèles attachés au Missel de
1962 la possibilité de vivre leur foi dans la pleine communion de l’Eglise.
Le Saint-Père les encourage à poursuivre leur mission de réconciliation entre tous les
fidèles, quelle que soit leur sensibilité, et ainsi à œuvrer afin que tous s’accueillent les uns les
autres dans la profession d’une même foi et le lien d’une intense charité fraternelle.
Qu’en célébrant les Mystères sacrés selon la forme extraordinaire du rite romain et les
orientations de la Constitution sur la Liturgie Sacrosanctum Concilium, ainsi qu’en
transmettant la foi apostolique telle qu’elle est présentée dans le Catéchisme de l’Eglise
catholique, ils contribuent, dans la fidélité à la Tradition vivante de l’Eglise, à une meilleure
compréhension et mise en œuvre du Concile Vatican II.
Le Saint-Père les exhorte, selon leur charisme propre, à prendre une part active a la
mission de l’Eglise dans le monde d’aujourd’hui par le témoignage d’une vie sainte, d’une foi
ferme et d’une charité inventive et généreuse.
Recommandant à l’intercession de la Sainte Vierge Marie et de saint Pierre, apôtre,
tous les pèlerins réunis à Lourdes ou rassemblés à l’église Saint-Sulpice à Paris pour rendre
grâce au Seigneur en cette occasion, le Saint-Père leur accorde de grand cœur la Bénédiction
apostolique.
Sermon de l’abbé Ribeton, Supérieur du district de France, donné en
l’église Saint-Sulpice à l’occasion des 25 ans de la FSSP
Monsieur le Curé,
Chers confrères,
Mes bien chers frères,
Dans le message remis par Mgr Luigi Ventura, Nonce apostolique en France, le Souverain
Pontife rappelle que c’est dans un moment d’épreuve pour l’Eglise qu’est née la Fraternité
sacerdotale Saint-Pierre. Les larmes inscrites sur le blason de notre communauté témoignent
de cette histoire douloureuse.
Lors de la session qui réunissait nos prêtres cette semaine à Lourdes, M. l’abbé Denis Coiffet
a rappelé ces circonstances. Elles furent d’autant plus crucifiantes pour nos fondateurs qu’ils
avaient tout reçu de Mgr Marcel Lefebvre et qu’ils l’aimaient comme un père. En raison
même de la fidélité à l’entière tradition de l’Eglise que leur avait enseigné ce prélat, laquelle
réclame la fidélité au successeur de Pierre, la foi dans les promesses du Christ à son
Eglise : Tu es Pierre et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise ; en raison encore de cet esprit
de romanité appris de Mgr Lefebvre, qui l’avait lui-même reçu lors de ses années de
séminaire à Rome, sous la direction du Révérend Père Le Floch, nos fondateurs ne purent se
résoudre à adhérer au sacre d’évêques contre la volonté du successeur de Pierre. Là où est
Pierre, là est l’Eglise. Animés de cette foi, nos fondateurs ont posé un acte d’obéissance et
d’espérance. Ils se sont tournés, comme le dit le message papal, avec confiance vers le
successeur de Pierre, et cette confiance n’a pas été déçue, puisqu’à cette petite dizaine de
prêtres, les conditions prévues par le protocole d’accord du 5 mai 1988 furent garanties,
offrant aux fidèles attachés au Missel de 1962 et aux traditions latines la possibilité de vivre
leur foi dans la pleine communion de l’Eglise.
En célébrant ce matin cette messe d’action de grâces, je vous invite, bien chers fidèles, à
partager une intention particulière pour nos frères prêtres de la Fraternité Saint-Pie-X. Nous
savons que la main du Pape leur est toujours tendue, et nous les savons hésitants, tiraillés.
Prions pour qu’ils aient le courage de faire le choix de Pierre. Même dans sa décision de
sacrer quatre évêques, Mgr Lefebvre a toujours refusé d’être considéré comme le chef d’une
église autocéphale. Il jugeait que les évêques qu’il consacrait devraient un jour remettre leur
épiscopat entre les mains de Pierre. Prions pour qu’ils ne tardent plus, afin que le meilleur de
ce qu’ils ont reçu puisse servir au bien de toute l’Eglise, et que la vérité soit prêchée dans
l’unité de la charité. Cela est d’autant plus urgent que la situation présente interdit la division.
Cela est d’autant plus impératif, que c’est coude à coude que nous devons agir face à la
culture de mort, dans une société sécularisée.
L’encouragement du Pape à servir la mission de réconciliation entre tous les fidèles est un
appel que la Fraternité Saint-Pierre veut spécialement mettre en œuvre. Oui, nous adhérons de
toutes nos forces à cette demande du pape que « tous s’accueillent dans la profession d’une
même foi et le lien d’une intense charité fraternelle ».
En ce vingt-cinquième anniversaire de notre communauté, nous sommes puissamment
affermis dans notre vocation par les paroles du Saint-Père. Il affirme notre charisme propre et
nous demande de ne pas enfouir ce talent reçu mais de le faire fructifier en le mettant au
service de l’Eglise. Ces paroles fortes du pape montrent que nous avons toute notre place dans
l’Eglise, affirment que nous sommes des catholiques à part entière.
Le pape nous exhorte, avec cette spécificité, dans la possession paisible du patrimoine décrit
par nos Constitutions, en particulier la célébration des mystères sacrés selon la forme
extraordinaire du rite romain, à prendre une part active à la mission de l’Eglise, et pour cela à
donner le témoignage d’une vie sainte, d’une foi ferme et d’une charité inventive et
généreuse.
Quel encouragement de nous voir ainsi acceptés par l’Eglise, par la bouche du Souverain
pontife, tels que nous sommes, tels que nous avons été fondés, tels que nous avons été
reconnus lorsque le Saint-Siège nous a érigés comme Société de vie apostolique de droit
pontifical. Ces paroles du Saint-Père montrent que les mesures prises depuis 1988 ne sont pas
une parenthèse miséricordieuse mais l’affirmation d’un droit de cité, une entière
reconnaissance.
Quel encouragement également de voir le Pape inscrire ses paroles dans la continuité des
efforts de ses prédécesseurs, en particulier Benoît XVI, qui n’a eu de cesse de prêcher une
meilleure compréhension et mise en œuvre du Magistère récent, ce que dans son discours à la
curie romaine, en décembre 2005, il avait appelé l’herméneutique de continuité, cette
interprétation de l’enseignement de l’Eglise qui en situe les textes non pas en rupture, mais en
cohérence profonde avec la Tradition vivante de l’Eglise. Alors que nous approchons du
terme de l’année de la Foi, le message du Saint-Père prend un relief particulier. C’est bien la
foi apostolique que nous devons transmettre, et c’est dans cette Foi que le successeur de
Pierre vient nous confirmer. Cette foi est une lumière que nous ne pouvons pas mettre sous le
boisseau.
Nous recevons également le message du pape accompagnant sa bénédiction comme pressant
et exigeant. Au cours des premiers mois de son pontificat, le Saint-Père n’a eu de cesse de
nous mettre en garde contre toute forme de narcissisme ou d’auto-référentialité. En célébrant
nos 25 ans d’existence, nous ne voulons pas faire notre propre éloge. Ce serait bien
orgueilleux. Nous ne voulons pas nous regarder nous-mêmes, ce serait bien stérile. Aussi
entendons-nous l’appel du Pape à faire preuve, avec notre charisme propre, d’une charité
inventive. Nos prêtres ont fait l’oblation de leur vie au Seigneur pour répondre à son appel,
pour jeter les filets avec Pierre sur l’ordre du Seigneur, pour participer à l’évangélisation, pour
prêcher le Salut qui vient de Dieu. Nos prêtres savent que pour répondre à cet appel, il faut
accepter de semer dans les larmes pour récolter dans la joie. Nous sommes envoyés dans un
monde qui est souvent redevenu terre de mission. Le bon pasteur aime ses brebis, et pour aller
chercher la brebis perdue ou blessée, il n’a pas peur de s’avancer vers ce que le Pape appelle
de manière imagée « les périphéries existentielles ».
Au cours des vingt-cinq premières années de son existence, la Fraternité Saint-Pierre a fait
l’expérience de la puissance de la liturgie traditionnelle pour opérer le retour des âmes vers
Dieu. Parce que cette liturgie est théocentrique, elle tourne l’homme vers le Seigneur, elle est
propre à toucher et à transformer le cœur de tout homme. Elle permet de prendre un soin
pastoral de toute personne. Elle n’est pas réservée à quelques-uns, à quelques initiés. Elle peut
fonder un apostolat très large. Elle est un instrument pastoral proportionné aux besoins de
notre temps, tout simplement parce que le cœur de l’homme ne change pas, et que l’art de la
prière de l’Eglise, forgé au cours des siècles dans l’expérience de l’évangélisation, demeure
une pastorale très sûre, d’autant plus efficace qu’elle a été davantage éprouvée par le temps.
Parce que cette liturgie met l’homme à genoux devant Dieu, elle répond à ce que le
bienheureux Jean-Paul II appelait à raison « l’apostasie silencieuse ». Elle répond à la folie
d’un monde sans Dieu en replaçant Dieu au centre, en façonnant par ce caractère
christocentrique – selon la belle expression de Benoît XVI – la piété des peuples. Elle a une
grande puissance de rayonnement. Elle attire car elle est pleine d’intériorité. Aux âmes qui ont
soif d’absolu, faim de Dieu, elle donne un aliment solide. Elle nourrit la piété. Elle fait goûter
combien est bon le Seigneur. Cette liturgie est une école de sanctification. C’est un trésor qui
appartient à toute l’Eglise, dont tous sont héritiers, auquel tous les fidèles ont le droit de
puiser, comme l’a reconnu le Motu proprio Summorum Pontificum.
Aussi n’avons-nous pas le droit, égoïstement, de garder ce trésor pour nous. Que de
conversions, que de retour au bercail du Christ avons-nous pu constater par la médiation de
cette liturgie. Beaucoup d’entre les fidèles qui y sont attachés ne la connaissaient pas dans
leur enfance. Ils n’en sont donc point des nostalgiques. Rencontrant un jour des passeurs
d’Espérance, ils l’ont – sur les routes d’un pèlerinage, lors d’une retraite, dans le scoutisme, à
l’occasion d’un camp d’été, ou bien tout simplement en entrant sous le porche d’une église –
découverte ; ils en sont revenus émerveillés, et leur vie en a été profondément changée. Avec
cette liturgie, avec cette lex orandi, ils ont approfondi leur foi ou même se sont convertis, tant
est fort le lien qu’elle possède avec la lex credendi, tant elle exprime magnifiquement, dans
les mystères célébrés, la Foi de l’Eglise, tant elle invite à les vivre, à les mettre en pratique
dans une vie chrétienne sans cesse renouvelée.
Quelle force puisée dans cette prière de l’Eglise pour l’apostolat de nos prêtres. Marchant de
messe en messe, l’eucharistie étant le cœur de la vie, ils puisent à l’autel tout leur élan
apostolique, et ils ont vocation à ramener ensuite vers ce même autel, au lieu de la rencontre
avec le Seigneur, les âmes que Dieu met sur leur chemin. Ils ont certainement, comme le pape
les y invite, à faire preuve de charité inventive pour aller trouver les âmes là où elles sont,
pour les prendre là où elles en sont, pour se pencher sur elles comme de bons samaritains, et
appliquer à leurs blessures le baume de la grâce.
Ces prêtres, bien chers fidèles, ont besoin de vos prières. Car en même temps qu’ils
accomplissent la mission confiée par Notre-Seigneur, ils demeurent des hommes pécheurs qui
doivent chaque jour de leur vie travailler à leur conversion pour être davantage conformés à
Jésus-Christ qui est le Souverain prêtre.
En raison même de cette condition fragile, de ce combat spirituel dans lequel nous sommes
tous, bien chers fidèles, engagés, nos prêtres ont à demeurer dans l’humilité, qui apporte la
simplicité de cœur, la pauvreté en esprit louée par Notre-Seigneur dans les béatitudes, la
componction de l’âme, la pureté d’intention, la magnanimité, la miséricorde envers les
pécheurs.
Cette humilité est une vertu essentielle pour vivre en fils de l’Eglise. Nous en avons tous
besoin, et nous en manquons tous, tant l’esprit du temps, qui conduit à juger de tout à partir
des illusions de notre ego, nous caractérise tous. Sans humilité du cœur pourtant, il est
impossible de correspondre à la volonté de Dieu et d’accomplir notre vocation.
Demandons à Notre Dame de renouveler cette humilité en nos âmes, afin que nous servions
Dieu et l’Eglise avec un cœur d’autant plus désintéressé que nous ne nous rechercherons pas
nous-même, un cœur joyeux qui chantera avec la sainte Vierge le Magnificat d’une action de
grâce s’élevant sans cesse vers Dieu.
Entretien avec M. l’abbé Ribeton, supérieur du district de France
« La liturgie traditionnelle est un moyen très efficace de ramener les hommes vers Dieu »
A l’occasion du 25e anniversaire de la Fraternité Saint-Pierre, et au lendemain de la messe
célébrée à Paris, en l’église Saint-Sulpice, à cette occasion (Présent du 19 novembre), l’abbé
Ribeton, supérieur du district de France, a accepté de répondre à nos questions.
— 25 ans : est-ce l’âge de la maturité, et comment s’exprime-t-elle ?
— Je ne sais si l’on peut parler d’âge de maturité. La Fraternité Saint-Pierre demeure une
jeune communauté, de fondation récente, qui compte des prêtres souvent très jeunes. Leur
moyenne d’âge est de 37 ans. C’est une force incontestable, et c’est l’un des signes de la
vitalité du catholicisme traditionnel. Il nous faudrait cependant un peu plus de prêtres à
cheveux blancs, car la sagesse vient avec l’expérience. Il est très important pour une
communauté de pouvoir s’appuyer sur des anciens. Heureusement, nos fondateurs, qui furent
ordonnés prêtres par Mgr Lefebvre avant 1988, apportent de la maturité à notre Fraternité. Ils
ont vécu bien des crises et sont restés fidèles à leur sacerdoce. Ils ont gardé l’enthousiasme de
leurs vingt ans et nous communiquent cette flamme. Grâce à eux, la Fraternité est restée fidèle
à ses fondamentaux : tradition, romanité, thomisme.
— Vos fondateurs étaient une dizaine. Où en êtes-vous de votre développement ?
— La Fraternité Saint-Pierre compte actuellement 244 prêtres et 163 séminaristes. C’est dire
qu’elle a connu une belle croissance. En moyenne, 12 prêtres de notre communauté sont
ordonnés chaque année. 77 prêtres français appartiennent à la Fraternité Saint-Pierre. En
France, la FSSP exerce son apostolat dans 35 diocèses. Remarquons que c’est aux Etats-Unis
que notre communauté s’est développée le plus vite. Le district nord-américain dessert 42
diocèses. 24 paroisses personnelles nous ont été confiées en Amérique du Nord… 3 seulement
en Europe.
— Comment expliquer ce contraste ?
— En Amérique, le Motu Proprio Summorum Pontificum a été particulièrement bien reçu. Il
a été appliqué sans réserves et selon toutes ses dispositions. En France ou en Allemagne, les
progrès dans la reconnaissance du plein droit de cité de la messe traditionnelle ont été
considérables. Mais des blocages idéologiques demeurent parfois.
— Saint-Sulpice, c’est un peu une première parisienne. Parce que la FSSP a toujours quelque
mal à paraître à Paris, si l’on excepte quelques ancrages (à commencer par la « messe du
mercredi » célébrée par l’abbé Le Coq qui réunit à Saint-François-Xavier beaucoup
d’étudiants). Est-ce une nouvelle ouverture ?
— Ce n’est pas un nouveau ministère confié puisque cette messe anniversaire était un
événement ponctuel. Néanmoins c’est le signe d’un accueil qui sera, je l’espère, toujours plus
large, et dont je tiens à remercier le cardinal Vingt-Trois. Avoir pu célébrer, grâce à la
bienveillance du curé de la paroisse, dans l’église Saint-Sulpice, est une grande grâce. La
présence massive de fidèles montre que les Parisiens attachés à la forme extraordinaire sont
nombreux. En Ile-de-France, la Fraternité Saint-Pierre est implantée avec un apostolat stable
et bien enraciné dans les diocèses de Versailles, de Créteil et de Meaux. Dans les diocèses de
Paris et de Nanterre, nos prêtres agissent en lien avec les prêtres diocésains qui sont investis
dans l’application du Motu proprio mais qui ont déjà de lourdes charges pastorales. L’abbé
Guilhem Le Coq apporte ainsi son aide dans le cadre de la paroisse Saint-François-Xavier,
sous l’autorité de son curé, Mgr Chauvet, particulièrement auprès des étudiants, ou encore
pour l’aumônerie de groupes scouts. Il assure aussi des permanences de confessions à NotreDame-des-Victoires. A Sceaux et à Colombes, des cours de catéchisme sont donnés aux
enfants grâce à l’accueil des curés qui mettent à disposition de nos prêtres leurs salles
paroissiales. Tout cela est modeste, mais l’important est le bien spirituel que l’on peut
procurer aux âmes. Et par ailleurs nos prêtres ne manquent pas d’apostolat… ils suffisent tout
juste à la tâche. Ce qui nous est confié correspond à nos possibilités actuelles. Dans les années
à venir, le district de France de la Fraternité Saint-Pierre comptera beaucoup de jeunes prêtres
nouvellement ordonnés. La FSSP pourra alors proposer une aide plus active en région
parisienne, comme dans d’autres régions de France où le manque de prêtres se fait sentir de
plus en plus cruellement. Pour le moment, nous en sommes souvent encore à des
commencements modestes, mais autre est le geste du semeur, autre celui du moissonneur.
— 25 ans après le rapport-opposition avec la FSSPX, quelle est la nature spécifique
(l’identité, pourrait-on dire) du prêtre de la FSSP ?
— La Fraternité Saint-Pierre est née dans un contexte douloureux en 1988 et nos fondateurs
sont effectivement des prêtres qui appartenaient d’abord à la Fraternité Saint-Pie-X. Ils
avaient tout reçu de Mgr Marcel Lefebvre dans leur formation et reconnaissaient en lui un
père. Aussi n’est-il pas surprenant de retrouver dans la nature propre de la Fraternité SaintPierre des éléments de ressemblance avec la Fraternité Saint-Pie-X.
Notre Supérieur général, M. l’abbé John Berg, a coutume d’expliquer que notre Fraternité
repose sur trois piliers : on peut les résumer par trois mots : tradition, romanité, thomisme.
Tradition, parce que nos prêtres célèbrent la liturgie romaine traditionnelle, appelée depuis
Benoît XVI forme extraordinaire du rite romain. Romanité, parce que la Fraternité SaintPierre vit l’attachement aux traditions liturgiques et spirituelles latines dans la fidélité au
Siège de Pierre, cum Petro et sub Petro. Thomisme, parce que l’enseignement dans nos
séminaires s’appuie sur saint Thomas d’Aquin, Docteur commun de l’Eglise, préparant ainsi
nos prêtres à la transmission de la saine doctrine. Si l’on veut être complet sur la nature de la
Fraternité Saint-Pierre, il faut ajouter qu’elle est une « société de vie apostolique de droit
pontifical ». Cela signifie deux choses : d’abord que nos prêtres vivent en communauté, ce qui
est une force pour vivre son sacerdoce fidèlement et mener l’apostolat dans un monde
sécularisé. Notre-Seigneur n’envoyait-il pas déjà ses disciples deux à deux ? Ensuite, cela
signifie que la Fraternité Saint-Pierre est une communauté directement placée sous l’autorité
du Saint-Siège. Le pape vient d’ailleurs de nous délivrer un message et sa bénédiction
apostolique à l’occasion de notre vingt-cinquième anniversaire.
— Le district de France s’est enrichi des régions francophones de pays voisins, tels la
Belgique ou le Luxembourg. Pourquoi ? N’est-ce pas trop gros ? Trop disparate aussi ?
— En fait, la partie francophone du Benelux, c’est-à-dire essentiellement la Belgique
francophone, est rattachée à l’administration du district de France. Cela tient à ce que, à ce
jour, ce sont des prêtres originaires de France qui y assurent l’apostolat. Lorsqu’une mission
leur est confiée en Belgique, ils sont toujours des membres à part entière du district de France.
Ils participent aux retraites ou sessions de nos prêtres, comme à Lourdes voici deux semaines.
Cela est important pour eux, afin d’éviter un certain isolement par rapport aux confrères de la
Fraternité. Le rattachement au district de France traduit donc un souci pour les prêtres, mais
absolument pas un déni de la spécificité belge, qui naturellement doit être comprise et
honorée.
— Quelle est la place spécifique de la FSSP au sein de ce qu’on appelle les communautés
Ecclesia Dei ?
— Les communautés Ecclesia Dei ont été reconnues sur la base du Motu proprio Ecclesia Dei
du 2 juillet 1988. A côté de communautés religieuses, la Fraternité Saint-Pierre est la première
communauté regroupant des prêtres séculiers à en avoir bénéficié. Cela est logique puisque le
Motu Proprio du 2 juillet 1988 était spécialement destiné aux prêtres et fidèles liés à Mgr
Marcel Lefebvre. Notre fondation s’est faite dans la logique du protocole d’accord du 5 mai
1988 entre Mgr Lefebvre et le Saint-Siège. Notre développement depuis 1988 est resté dans
cette ligne, assumant la fidélité à l’entière tradition de l’Eglise qui comporte naturellement la
fidélité au Siège de Pierre. Notre spécificité liturgique a été dès 1988 reconnue. Elle est un
talent reçu de l’Eglise que nous voulons faire fructifier pour la sanctification des âmes.
— La FSSP a-t-elle des perspectives à l’aurore du nouveau pontificat ?
— Le pape vient de nous appeler à faire preuve, avec notre charisme propre, avec notre
spécificité, de « charité inventive » pour participer à la mission de l’Eglise dans le monde
d’aujourd’hui. Cela rejoint notre souci, qui est d’être missionnaire. Le choix de la liturgie
traditionnelle n’a rien à voir avec un repli frileux ou nostalgique. Il est au contraire fondé sur
la conviction que cette liturgie est un moyen très efficace de ramener les hommes vers Dieu,
de réorienter un monde sans boussole vers le Seigneur. Benoît XVI avait souligné la
puissance de la liturgie au cours des siècles passés pour « façonner la piété des peuples ». La
liturgie traditionnelle garde cette puissance de rayonnement qui conduit de nombreux jeunes à
la découvrir et à l’embrasser avec émerveillement. Leur vie, notre vie peut en être
transformée. Nos prêtres peuvent en témoigner, car ils n’ont pour la plupart pas connu cette
liturgie dans leur enfance. Ils l’ont découverte providentiellement, à l’occasion d’une retraite,
d’un pèlerinage ou en poussant la porte d’une église et s’y sont attachés. Cette lumière qui
oriente les âmes vers le Christ ne doit pas être gardée sous le boisseau. Nous avons à être
missionnaires avec les moyens de sanctification que nous confie l’Eglise, avec cette liturgie
qui a la puissance de toucher tant d’âmes.
Par ailleurs faire preuve de « charité inventive » signifie certainement aller chercher les âmes
là où elles sont, les prendre là où elles en sont, avec la miséricorde d’un bon pasteur, pour les
conduire à Jésus-Christ. De ce point de vue, l’appel du pape à aller vers les « périphéries
existentielles » retentit fortement en nos cœurs. Nous sommes en France revenus à une
situation comparable à celle des missions. Dans une telle situation, le simple fait de porter la
soutane est un excellent outil apostolique. Porter la soutane dans un monde où l’Eglise a
perdu beaucoup de visibilité permet de rencontrer des âmes qui reconnaissent à son habit le
prêtre, l’homme de Dieu, et qui en le voyant s’interrogent, veulent lui parler…
Nous voulons enfin que nos communautés paroissiales soient d’une ferveur contagieuse,
qu’elles soient des foyers de reconquête, qu’elles soient, selon les mots de Benoît XVI, des
« oasis spirituelles » où l’on vient se ressourcer, refaire ses forces. A côté de cela, nous
pensons qu’un bon moyen de tout restaurer dans le Christ est de développer des œuvres
comme les écoles, et plus généralement toutes les œuvres de formation de la jeunesse. C’est
pourquoi, depuis quelques années, le district de France s’est résolument engagé dans cette
voie. C’était celle suivie autrefois par les missionnaires dans les terres où ils apportaient
l’Evangile.
Propos recueillis par Olivier Figueras
Article extrait du n° 7986 de Présent du Samedi 23 novembre 2013