Les trombes en France - Climat-Energie

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Les trombes en France - Climat-Energie
Les trombes en France
Mise à jour du 30 janvier 2012
F. Paul, Climat-Energie-Environnement
Méthodologie pour l’étude des trombes
TERMINOLOGIE
En France, plusieurs mots ont été ou sont utilisés pour caractériser ce météore. Le premier a
été le mot trombe, avec ses déclinaisons, terrestre, marine, lacustre. Il a été en usage
jusqu’à la seconde moitié du XIXe siècle, mais est encore utilisé de nos jours. Depuis la
seconde moitié du XIXe siècle jusqu’à la fin de la première guerre mondiale, c’est le mot
cyclone qui a surtout été utilisé. Depuis les années 1950, c’est le mot tornade qui a cours en
France, et plus récemment, les médias ont introduit une expression qui n’a aucun sens, la
mini-tornade. Aujourd’hui, deux termes peuvent et doivent être utilisés : la trombe, dans sa
déclinaison terrestre, et la tornade.
SOURCE D’INFORMATION
Le travail d’inventaire des trombes en France a démarré en 1984 (Dessens 1984 et 1989). A
cette époque 100 trombes d’intensité supérieure ou égale à F2 avait été recensées. Ce
travail a été poursuivi par Climat-Energie-Environnement (Paul 1999, 2001 et 2009). Une
autre structure, Keraunos, grâce à son réseau d’observateurs, a permis depuis 2006
d’enrichir le nombre de données. En début 2012, la base de données gérée par ClimatEnergie-Environnement totalisait 519 événements.
Un premier rapport sur les trombes en France a été établi par Jean Dessens en 1984 pour la
Délégation aux Risques Majeurs (Dessens 1984). 100 cas de forte intensité y étaient
recensés. Les informations sur les cas antérieurs à 1960 provenaient de la littérature
scientifique française : Comptes rendus de l’Académie des Sciences, Annuaire de la société
météorologique de France, La Météorologie. Pour les cas les plus récents, des dossiers de
presse ont été réalisés et complétés par des comptes-rendus de témoins, par des rapports
établis par les mairies à partir de questionnaires et aussi par des visites sur le terrain.
Depuis 1993, François Paul (Climat-Energie-Environnement) travaille avec Jean Dessens à
la poursuite du recensement des trombes françaises. La méthode de travail s’est développée
de la façon suivante :
F. PAUL – Climat-Energie-Environnement
•
pour la période historique, les journaux sont consultés en bibliothèque (Paul, 1999 et
2001) et les articles sont recopiés ou photographiés. Depuis 2008, on trouve sur
internet des journaux d’information avec possibilité de recherche "plein texte". Ceuxci sont interrogés avec les mots trombe, cyclone et tornade.
•
pour la période récente, avec l’avènement des journaux en ligne, il est possible de
consulter assez facilement les articles concernant les trombes. Des visites de terrain
sont aussi effectuées et des photos sont prises. Les traces du passage de la trombe
sont relevées sur une carte et des témoignages sont recueillis.
VALIDATION DES INFORMATIONS
Le premier travail consiste à s’assurer que l’évènement étudié est bien une trombe. Pour la
reconnaissance d’une trombe, il faut :
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•
•
•
•
•
un ou plusieurs témoignages décrivant la trombe elle-même, cela peut-être un ou des
articles de presse,
ou des photos de la trombe ; attention, le numérique permet toutes les falsifications
possibles,
ou des dégâts limités sur une faible largeur,
que le phénomène soit bref, de quelques secondes à quelques dizaines de secondes,
que la trombe touche le sol, sans quoi il s’agit simplement d’un tuba en altitude,
l’enlèvement à grande hauteur d’objets divers, tels que branches d’arbres, tôles,
poutres...,
un bruit caractéristique, dont la dénomination a évolué dans le temps : cavalerie, train,
avion à réaction.
Dès qu’un évènement est connu, il y a échange d’informations entre différentes personnes
afin de déterminer s’il s’agit bien d’une trombe et quels en sont les paramètres.
L’ajout d’une trombe dans la base de données de Climat-Energie-Environnement se fait en
concertation avec Jean Dessens. Il y a donc une "double lecture", ce qui limite les risques
d’erreur.
CARACTERISATION DES TROMBES
Le second travail consiste à documenter le plus possible l’événement par le recueil de
données : témoignages, articles de presse, photos, données météorologiques.
Si les témoignages, articles de presse, visites de terrain sont suffisamment précis, il est
possible de tracer sur une carte la trajectoire suivie par la trombe sur le sol, c’est-à-dire la
longueur de la trombe.
Toutes les données recueillies sont introduites dans la base de données de Climat-EnergieEnvironnement. Les données sont gérées par le S.I.G. MAPINFO.
F. PAUL – Climat-Energie-Environnement
Intensité des trombes
L’intensité des trombes a été déterminée en utilisant l’échelle de Fujita (Fujita, 1971). Celle-ci
a été modifiée en 2007 et comporte toujours 6 classes allant de EF0 à EF5 (MCDonald et
Kishor, 2006 et Potter, 2007).
Echelle
Dommages
Vitesse
du vent
EF0
Légers
29-38 m/s
EF1
Modérés
38-49 m/s
EF2
Considérables 49-61 m/s
EF3
Sévères
61-74 m/s
EF4
Dévastateurs
74-89 m/s
EF5
Incroyables
>89 m/s
Type de dégâts
Quelques morceaux de recouvrement de toit
enlevés (tuiles, bardeau d’asphalte, etc.),
dommages aux gouttières, cheminées et
revêtement de façade, branches cassées, arbres
à racines de surface renversés
Recouvrement de toit complètement enlevés,
maisons mobiles renversées ou endommagées
sévèrement, portes extérieures envolées,
fenêtres et autres pièces en verre cassés
Toits soufflés sur des maisons bien construites,
maisons à charpente légère déplacées de leurs
fondations, maisons mobiles complètement
détruites, gros arbres cassés ou déracinés,
objets légers devenus des missiles, voitures
soulevées
Etages complets de maisons solides détruits,
dommages importants aux édifices publics
comme les centres commerciaux et les centres
d’affaires, trains renversés, arbres écorcés,
camions et grosses voitures soulevés et
déplacés, bâtiments légers complètement
soufflés à distance
Maisons bien construites et maisons à charpente
légère détruites, voitures soufflées à distance et
nombreux objets devenus des missiles
Maisons solides rasées et les débris projetés,
objets de la grosseur d’une voiture projetés à
plus de 100 mètres, gratte-ciels avec des
dommages structuraux
Echelle de Fujita modifiée
F. PAUL – Climat-Energie-Environnement
Localisation des trombes
Localisation des trombes répertoriées en France (503 cas), 1680-2011
Les trombes sont concentrées dans la partie Nord-Ouest du pays (Nord-Pas-de-Calais,
Champagne, Picardie, Normandie, Ile-de-France, Val de Loire, Poitou), dans le Sud
(Languedoc) et dans l’Est (Franche-Comté). Par contre, il y a peu de cas de trombes dans
les régions montagneuses (Alpes, Pyrénées, Massif-Central), exception faite du Jura.
Intensité
EF0
EF1
EF2
EF3
EF4
EF5
Total
Nombre de cas
78
183
162
80
14
2
519
Fréquence
15,0 %
35,3 %
31,2 %
15,4 %
2,7 %
0,4 %
Occurrence des trombes en France
F. PAUL – Climat-Energie-Environnement
Densité des trombes
Pour chacune des 22 régions françaises, il a été calculé une densité de trombes (nombre
d’événements par unité de surface). Dans l’état actuel des connaissances, la densité est
plus forte dans la partie Nord-Ouest que dans le reste de la France. Il faut noter que la base
de données est toujours en construction et qu’elle est donc incomplète.
Densité de trombes, 1680-2011, en trombes par 10000 km²
F. PAUL – Climat-Energie-Environnement
Occurrence annuelle
Les fluctuations ne sont pas dues à un changement climatique mais à la méthode de collecte
des données. La faible fréquence observée avant 1830 est due au manque de liberté de la
presse et donc au faible nombre de journaux. La trombe meurtrière de Montville en 1845 a
été bien rapportée dans l’ensemble de la presse française. Une des conséquences est que
durant les années suivantes beaucoup de cas de trombes ont été rapportés dans les
journaux. Ceci explique qu’on observe plus ou moins la même fréquence durant la période
1840-1860 que pour la période 1960-1989. A partir de 1995-2000, le développement
d’internet en France, permet un accès plus facile à l’information. La mise en ligne des
données par Keraunos et ESWD a fait considérablement augmenter le nombre des cas
recensés.
Occurrence moyenne annuelle des trombes en France, basée sur 503 trombes
F. PAUL – Climat-Energie-Environnement
Distribution mensuelle et diurne
Les trombes se produisent surtout durant la période chaude (avril à octobre), essentiellement
durant les mois de mai à septembre. Août est le mois où l’on observe le plus souvent les
trombes. Toutefois, les trombes ne sont pas absentes pendant la saison froide (novembre à
mars). Celles-ci se produisent surtout dans l’Ouest de la France où elles représentent
environ 20 % des cas recensés. Les trombes qui se produisent pendant la saison froide sont
souvent moins violentes (une seule trombe d’intensité supérieure ou égale à EF4) que celles
de la saison chaude.
Répartition mensuelle des trombes en France, basée sur 512 trombes
F. PAUL – Climat-Energie-Environnement
Les trombes se produisent surtout de la fin de la matinée jusqu’à la fin d’après-midi, le
maximum d’occurrence se rencontrant vers 17-18 heures. Cette répartition laisse suggérer
une relation entre l’occurrence de la trombe et l’insolation. Les trombes nocturnes sont rares ;
elles représentent environ 2 % des cas, et leur nombre est sans doute sous-estimé par
manque de témoignages directs.
Répartition horaire des trombes en France, basée sur 454 trombes
Majoritairement, les trombes ont une direction SW-NE ou W-E (80 % des cas). On observe
des trombes avec une direction S-N ou SE-NW sur le littoral méditerranéen.
F. PAUL – Climat-Energie-Environnement
Trombes meurtrières
En France, on a recensé 48 trombes meurtrières, c’est-à-dire 9 % des cas, dans l’état actuel
de la base de données. Ce taux est surestimé, car la base de données est incomplète : les
trombes les plus faibles, et donc les moins meurtrières, ne sont pas toutes recensées. Aux
Etats-Unis, le taux de trombes meurtrières est d’environ 2 %. Les trombes meurtrières sont
assez bien réparties sur le territoire national. Toutefois, les trombes meurtrières sont plus
nombreuses dans le Nord-Pas-de-Calais et le Languedoc-Roussillon. La majeure partie des
trombes meurtrières font peu de victimes, 1 à 2 généralement. 7 trombes ont causé la mort
de plus de 6 personnes ; celle de Montville (Seine-Maritime) en 1845, a été responsable de
la mort de 70 personnes.
Répartition des trombes meurtrières en France, basée sur 503 trombes
F. PAUL – Climat-Energie-Environnement
Les trombes meurtrières sont toujours présentes à notre époque, 3 cas entre 1980-1989, 2
cas entre 1990-1999, 4 cas entre 2000-2009.
Occurrence décennale des trombes meurtrières en France, basée sur 503 trombes
F. PAUL – Climat-Energie-Environnement
Conclusion
Après le travail de Jean Dessens en 1984, il était nécessaire de faire une synthèse sur les
trombes françaises, d’autant plus que le nombre de cas connus a été multiplié par trois.
Pour beaucoup de régions, les événements recensés sont rares et le nombre de cas où les
paramètres de longueur ou de largeur sont inconnus est encore trop important. Aussi, le
travail de collecte des informations se poursuit, à la fois sur la période contemporaine et la
période historique. Cette synthèse sera régulièrement mise à jour.
Bibliographie
Dessens, J., 1984. Les trombes en France. Climatologie et caractéristiques physiques.
Commissariat à l’Etude et à la Prévention des Risques Naturels Majeurs, Paris, 31 pages et
annexes.
Dessens, J., and Snow, J.T., 1989. Tornadoes in France. Weather and Forecasting, 4, 110132.
Fujita, T. T., 1971. Proposed characterization of tornadoes and hurricanes by area and
intensity. Satellite and Meteorology Research Paper n° 91, Chicago, 42 pp.
MCDonald, J., Kishor C. Mehta, 2006. A recommendation for an Enhanced Fujita Scale (EFScale). Wind Science and Engineering Center, Lubbock, 16 pp.
Paul, F., 1999. An inventory of tornadoes in France. Weather 54, 217-219.
Paul, F., 2001. A developing inventory of tornadoes in France. Atmospheric Research 56,
2001, 269-280.
Paul, F., 2009. The tornado at Hautmont (department du Nord, France), 3 August 2008.
Journal of Meteorology, vol. 34, n° 344, December 2 009, 327-337.
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