SILENCE TWISTER ELECTRIQUE Hamilton aEro
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SILENCE TWISTER ELECTRIQUE Hamilton aEro
DÉCOUVERTE Hamilton aEro SILENCE TWISTER ELECTRIQUE Et si l’électrique démocratisait la voltige ? C’est le pari que relève l’horloger Hamilton en soutenant deux pilotes suisses qui ont électrifié un Silence Twister. Nicolas Ivanoff a pu découvrir les premières sensations en vol, notre reporter s’est rendu au lancement officiel. R arogne, Suisse. Dans ce petit village du Valais où repose le célèbre poète Rainer Maria Rilke on entendrait presque planer ses mots : « Pour écrire un seul vers, il faut avoir vu beaucoup de villes, d’hommes et de choses, il faut connaître les animaux, il faut sentir comment volent les oiseaux ». À quelques nautiques de mythique Matterhorn et de Zermatt, l’ancienne piste militaire de « Raron » (en allemand) est désormais civile. Vallées encaissées et parois abruptes. On comprend vite pourquoi l’écho, le bruit, la voltige et le voisinage ne peuvent pas toujours s’entendre. Mais que les riverains de la terre entière se rassurent, l’avion électrique de voltige arrive et ne rompt pas le calme et le « silence qui possède / tout l’espace et vous souffle aux oreilles / comme si son revers / était le chant auquel nul ne résiste », comme l’écrit ce même Rilke. L’union fait la force Nicolas Ivanoff vient saluer le premier vol officiel du Twister électrique piloté par Dominique Steffen. 22 INFO-PILOTE 728 C’est à l’invitation de l’horloger Hamilton que nous nous posons le 21 septembre dans le Valais, en Suisse. Les hélicoptères d’Air Zermatt enchaînent les rotations et acheminent les passagers à la petite fête qui se prépare sur la plateforme. Nicolas Ivanoff est déjà là avec son Extra. Devant un public rassemblé pour l’occasion, Sylvain Dolla, l’énergique CEO d’Hamilton, dévoile le concept de l’« Hamilton aEro ». Il s’agit d’un monoplace de voltige électrique, construit sur la base d’un Silence Twister (cf. notre essai dans IP n° 693) et équipé d’un moteur Siemens. L’événement est assez rare pour être souligné. Le soutien financier de l’horloger a permis à un projet aéronautique novateur de se lancer. La démarche est remarquable ! D’ordinaire, les grandes marques manient davantage le principe de précaution que celui de risque. Si désormais on peut compter sur une marque pour soutenir l’évolution technologique, le sponsorship prend alors toute sa dimension. C’est tout à l’honneur et à l’image de la personnalité de Sylvain Dolla, qui répète à l’envi : « Une entreprise qui n’innove pas et ne prend pas de risque décline ». Le projet repose techniquement sur les épaules de ses deux instigateurs : Dominique Steffen, champion de parapente acrobatique, ingénieur civil qui a eu le premier l’idée d’électrifier le Twister, et Thomas Pfammatter, pilote d’hélicoptère chez Air Zermatt, qui a plus de 10 000 hdv de sauvetage en montagne à son actif. Leur société Hangar 55 a développé et mis au point en dix-huit mois ce magnifique monoplace désormais électrique aux allures de Spitfire. Il faut aussi compter avec Sébastien Demont, ingénieur électrique et CEO de Demont Technologies, ex-chef des systèmes électriques de Solar Impulse de Bertrand Picard, qui a pris en charge la partie électrique, intégration et interface du projet Hamilton. Enfin, l’implication du docteur Frank Anton, président d’Aircraft chez Siemens, n’est pas une surprise car il est derrière tous les projets d’avion électrique : Diamond D36 eStar, l’Alpha Electro de Pipistrel, le Magnus eFusion, l’Extra LE, l’eFan et maintenant l’Hamilton aEro. Lors de notre essai en vol du Silence Twister à piston en compagnie de ses constructeurs et pilotes d’essai, Michel Sudre, Didier Ilcinkas et Crispin Brown, nous avions été conquis par cette machine dont les performances rappelaient celle du CAP 10 mais dont les coûts de mise en œuvre étaient bien inférieurs. L’avion est un petit chasseur dont les qualités de vol sont reconnues. La patrouille anglaise Twister Aerobatic Team fait d’ailleurs sensation lors des meetings aériens. Malgré un prix du kit assez élevé à l’achat (+ /- 50 000 euros), les coûts d’opération semblaient attractifs. Ajoutons sa ligne superbe et l’avantage de pouvoir se démonter/ remonter en quelques minutes seulement. Matthias et Thomas Strieker (www.silence-aircraft.de), les deux frères 728 INFO-PILOTE 23 DÉCOUVERTE qui ont conçu et fabriquent ce kit, étaient d’ailleurs présents pour ce premier vol public. Voltiger en électrique ouvre un nouveau champ d’exploration. On peut faire plus de tonneaux sans prendre de vitesse en descente et faire une voltige un peu moins physique. Avec un pas variable, on va créer de nouvelles figures. Le moteur électrique a de la force partout sur l’hélice et est efficace de 1 000 à 3 000 rpm. Le couple est fabuleux. Challenges techniques Il y a quatre-vingt-dix ans, l’amiral Richard E. Byrd, équipé d’une montre Hamilton, survolait le pôle Nord. Près d’un siècle plus tard, Dominique Steffen enlève son Hamilton Khaki Takeoff de son poignet, la fixe sur son tableau de bord et décolle avec un avion électrique de voltige. Deux moments pionniers à un siècle d’intervalle mais surtout avec deux technologies différentes. Nous semblons redécouvrir les débuts de l’aviation avec l’électrique : vols de durée relativement courte, technologie en amélioration constante, promesses du futur. Jamais le Silence Twister n’aura aussi bien porté son nom. Plus besoin de temps de chauffe, plus de point fixe bruyant. « J’ai été surpris au début au roulage, le moteur s’arrête quand on ne le sollicite pas. Mais une fois en vol, L’avion électrique est prometteur. Les performances actuelles des batteries sont réalistes avec la durée des vols d’entraînement. Sylvain Dolla espère ainsi rendre la voltige accessible aux jeunes ! après deux minutes, on oublie complètement que l’on pilote un avion électrique », confie Nicolas Ivanoff. Pas une goutte d’essence, pas un gramme de CO2, un avion suisse propre en quelque sorte. L’empreinte sonore perçue du sol est feutrée, insignifiante. À ce jour, l’avion compte près de 30 heures de vol et d’essais. La masse à vide est de 319 kg avec les batteries et la MTOW est de 420 kg. L’hélice tripale Woodcomp est en carbone et bois à pas réglable au sol. Les 160 kg de batteries sont répartis dans les ailes et derrière le moteur. Le moteur et le CU (Contrôleur Unit) ne pèsent que 13 kg. Désormais, changer les batteries prend cinq minutes pour les ailes et vingt minutes à l’avant. Mais les développements se penchent vers un système plug and play pour une utilisation plus facile. « L’autonomie maximale aujourd’hui est d’une heure à la vitesse de 170 km/h. Il faut seulement 30 kW d’énergie normale pour voler. On peut aussi faire 20 minutes de voltige avec deux fois 10 minutes pour les transits », explique Thomas. Aujourd’hui l’avion tourne à 270° seconde mais une aile type Extra est à l’étude pour atteindre 400°. D’autres développements comme un pod escamotable sous le ventre du fuselage pourraient équiper une alimentation thermique rechargeant les batteries pour les vols de convoyage par exemple. « On travaille sur des cellules de batterie au lithium, donc ça demande pas mal d’électronique pour bien les contrôler. Sur Solar Impulse on avait besoin d’un petit courant mais sur une longue durée. En voltige, c’est l’inverse, la décharge est rapide. Les grands ampérages et grands voltages demandent une électronique particulière et une communication simultanée avec beaucoup de cellules de batteries (108 cellules). Comme c’est un avion de voltige, on va lui demander beaucoup d’énergie instantanée. Il faut donc gérer les cellules en temps réel. Le challenge technique Maximum 200 amp/h, 450 volts, le challenge est technique. J’ai donc programmé un contrôleur qui travaille sous la milliseconde », explique Sébastien. Pilote de voltige lui-même (1 000 h de vol planeur/ Cap 10), Sébastien traduit les informations électriques en données compréhensibles par Sébastien Demont, l’ingénieur qui a conçu le système électrique du Solar Impulse travaillle aussi sur l’Hamilton aEro. De gauche à droite : les frères Strieker, dessinateurs du Silence Twister, Frank Anton, de Siemens, Sylvain Dolla, CEO d’Hamilton, Thomas Pfammatter, Dominique Steffen, Sébastien Demont et Nicolas Ivanoff. 24 728 INFO-PILOTE 25 DÉCOUVERTE un pilote : le niveau d’essence, c’est la tension (énergie qui reste à l’intérieur), qui s’exprime en volts, le courant, c’est la pression d’admission, qui s’exprime en ampères. Plus il y a de courant, plus le moteur a de la puissance. La manette des gaz gère ce courant. Le centrage était aussi une question technique à régler car le moteur électrique est plus léger. La répartition des packs batterie a permis d’obtenir un bon comportement de l’avion en vol. La répartition de la charge dans les ailes a moins d’impact qu’ailleurs. Voler la tête en bas ne pose aucun problème techniquement en électrique, les seules contraintes sont les systèmes de refroidissement (par eau) qui doivent être alimentés dos. Si les petites puissances peuvent être refroidies par air, les grosses puissances le sont par air et eau. Le moteur électrique Siemens tourne à 11 000 rpm, donc il y a un réducteur qui permet à l’hélice d’atteindre les 2 900 rpm environ. En voltige, il a beaucoup de forces Silence Twister électrique Monoplace de voltige Envergure : 7,5 m Longueur : 6,21 m Surface alaire 8,73 m² Charge alaire 47 kg/m2 Train classique fixe Hélice tripale Woodcomp réglable au sol Moteur Poids du moteur Poids de l’équipement Masse de la cellule Poids des batteries Électrique Siemens 100 kW 13 kg 13 kg 140 kg 160 kg Masse à vide (batteries, équipement et moteur inclus) app. 3 10 kg Charge utile (pilote, bagages) 110 kg MTOW 420 kg Facteurs de charge maximum +6g/-4g Puissance du moteur 80 kW Vitesse de croisière 270 km/h Puissance minimale en vol 30 kW Autonomie 160 km Contact : [email protected] 26 INFO-PILOTE 728 L’Hamilton aEro peut voler une heure en croisière à 170 km/h ou 20 minutes en voltige avec 2 x 10 minutes de temps de trajet. La réduction du bruit et du coût à l’heure est un atout indéniable. latérales qui s’exercent sur l’hélice. Le roulement à bille et réducteur a dû être conçu spécialement pour la voltige. L’avenir de l’activité « Cet avion et cette technologie doivent permettre aux jeunes d’accéder à la voltige pour moins cher, lance Sylvain Dolla. Nous voulons établir un projet long terme avec nos partenaires. Ca fait déjà dix ans que nous travaillons avec Nicolas Ivanoff ou Air Zermatt. Mais nous sommes aussi partenaires d’événements comme Oshkosh, les Free Flight World Master avec la FFA. D’ici quelques années cette technologie sera fiabilisée et accessible. » « Avec le développement continu des technologies et la vitesse à laquelle les composants évoluent, la voltige à moteur à combustion va être dépassée rapidement. Je Le cockpit s’est simplifié vois ce changement arriver en moins de cinq ans. Au niveau de la motorisation pure, on arrive à battre le moteur à essence. Un moteur électrique, c’est très puissant et très léger. On obtient 90 % de rendement au moins tandis qu’un moteur à piston c’est de l’ordre de 35 %. Le facteur limitant reste à ce jour les batteries », analyse Sébastien. La voltige électrique semble donc présenter beaucoup d’avantages même si les défis techniques sont nombreux à résoudre. La durée d’une séance de voltige est en accord avec l’autonomie des batteries à ce jour. La réduction du bruit, la maintenance allégée, le remplacement rapide des batteries, le faible coût opérationnel et le rendement d’un moteur électrique vont dans ce sens. l Texte et photos : Jean-Marie Urlacher L’avion se recharge sur le flanc gauche du capot moteur.