la réforme des sûretés immobilières - Lacourte Notaires

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la réforme des sûretés immobilières - Lacourte Notaires
LACOURTE n°12
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N°12 | JUILLET 2006
> DANS CE NUMÉRO :
> LA LETTRE D’INFORMATION DE LACOURTE NOTAIRES ASSOCIÉS
P.02 | IMMOBILIER
P.04 | LE DOSSIER :
• Encore du nouveau concernant
les diagnostics en cas de vente d’immeuble !
> LA RÉFORME DES SÛRETÉS IMMOBILIÈRES
• La réforme des sûretés immobilières
• Entretien avec le Professeur Laurent AYNÈS
ÉDITORIAL
D’importantes réformes
en ce second trimestre 2006
La première concerne les sûretés. Nous avons
détaillé l'an passé le mécanisme de l'hypothèque
rechargeable et du prêt viager hypothécaire qui
viennent de trouver dans l'ordonnance du 24 mars
dernier une assise législative (cf. numéro 7 d’ avril
2005). La réforme ne se limitant pas à ces deux
nouvelles garanties, nous avons décidé de consacrer
le dossier de ce numéro à l'ensemble des sûretés
immobilières. Le professeur Laurent Aynès, avec
lequel nous nous sommes entretenus l'année
dernière alors qu'il travaillait sur la réforme au
sein du Groupe Grimaldi, nous livre dans ce
numéro son analyse "post-réforme".
L'actualité juridique de ce second trimestre est
également marquée par la parution de nombreux
décrets d'application relatifs aux diagnostics
immobiliers. Le CREP (constat de risque d'exposition
au plomb) est entré en vigueur en avril et l'état
des risques naturels et technologiques en juin. Le
diagnostic sur les performances énergétiques qui
devait entrer en vigueur en juillet est reporté à
l’automne. Notre rubrique Immobilier est consacrée
à ces nouveaux diagnostics dont on ne verra sans
doute jamais l'unicité promise l'an dernier : le
diagnostic unique n'est que le regroupement de
“
P.10 | PATRIMOINE
• Présentation des travaux du
102ème congrès des notaires de France
• Simplification du changement
de régime matrimonial
”
nombreux diagnostics dont les régimes sont très
disparates.
Enfin, ce second trimestre est marqué par la
création d'un nouveau code : le Code général de la
propriété des personnes publiques. Malgré des
apports notables, on reste sur notre faim car ce
code soulève beaucoup de nouvelles interrogations.
Nous ferons paraître prochainement un document
de synthèse sur ce code.
L'actualité juridique est également marquée par
la réforme des successions qui entrera en vigueur
le 1er janvier 2007. Nous abordons dans ce numéro
la simplification du changement de régime matrimonial. La réforme modernisera également la
gestion des biens indivis, le mécanisme de la
réserve héréditaire, les donations partages et la
transmission intergénérationnelle. Des évolutions
dont nous parlerons dans nos prochains numéros.
Notre rubrique patrimoine s'inspire également du
dernier congrès annuel des notaires qui s'est
déroulé en mai et dont le thème était la protection
des personnes vulnérables.
De l’écoute à la plume, le Droit d’imaginer
Bonne lecture.
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IMMOBILIER
ENCORE DU NOUVEAU CONCERNANT
LES DIAGNOSTICS IMMOBILIERS
L’ordonnance du 8 juin 2005 a mis en place le dossier de diagnostic technique
de l’immeuble dont certains des éléments sont au centre de l’actualité juridique
de la vente d’immeuble.
JUILLET 2006
Le dossier de diagnostic technique comprend
(article L. 271-4 du Code de la construction et
de l'habitation (CCH), outre les diagnostics
habituels tels que ceux qui sont relatifs au
plomb, à l’amiante et aux termites, d’autres
éléments et notamment un état des risques
naturels et technologiques et un diagnostic de
performance énergétique. Un point s’impose !
LA COURTE NOTE
02
Le constat de risque d’exposition
au plomb (CREP)
La réglementation en matière de plomb vient de
subir des modifications : l’état des risques
d’accessibilité au plomb (ERAP) a été supprimé
par la loi du 9 août 2004 pour être remplacé par
le constat de risque d’exposition au plomb
(CREP).
Aujourd’hui, un constat de risque d’exposition
au plomb doit être obligatoirement annexé à
toutes les promesses de vente, ou, à défaut de
promesse, à tout acte authentique de vente,
lorsque l'immeuble vendu est à usage d'habitation
et qu’il a été construit avant le 1er janvier 1949.
La grande nouveauté est que, désormais, il n’est
plus fait référence à la situation de l’immeuble
dans une zone à risque d’exposition au plomb.
Le constat de risque d’exposition au plomb n’est
obligatoire que pour les immeubles ou parties
d’immeuble à usage d’habitation (art. L. 271-4
du CCH). Applicable aux parties privatives des
immeubles en copropriété, il ne porte que sur
les parties de l’immeuble affectées à
l’habitation. La recherche des canalisations en
plomb est exclue de son champ d’application.
L’arrêté du 25 avril 2006 relatif au CREP contient
dans son annexe 1, un protocole qui rappelle le
cadre réglementaire et les objectifs de ce
constat, précise les parties du logement visées
par ce document, et les méthodes à utiliser.
Ce constat de risque d’exposition au plomb, tout
comme l’ancien état, a une durée de validité d’un
an. Cependant, les textes relatifs au constat
précisent que le vendeur est dispensé de
l'actualiser si ledit constat met en évidence une
absence de plomb dans les revêtements ou si le
taux de concentration en plomb est inférieur à
certains seuils fixés par arrêté.
À titre de disposition transitoire, il est prévu que
les parties peuvent annexer un état des risques
d’exposition au plomb à la place du constat exigé
désormais, à condition que cet état soit conforme
à celui qui était exigé jusqu’alors et qu’il soit
également en cours de validité.
À défaut d’annexer un tel constat sur le plomb
à l’avant-contrat (ou à la vente), le vendeur ne
pourra s’exonérer de la garantie des vices
cachés.
L’ état des risques naturels
et technologiques
Autre élément constitutif du dossier de diagnostic
technique, conformément à l’article L. 271-4
I 5° du CCH, un état des risques naturels et
technologiques doit être annexé aux promesses
et aux actes de vente portant sur tout ou partie
d’immeuble bâti situé dans des zones couvertes
par un plan de prévention des risques technologiques ou par un plan de prévention des risques
naturels prévisibles, prescrit ou approuvé, ou
dans des zones de sismicité définies par décret
en Conseil d'État.
Depuis le 1er juin 2006, dans de telles hypothèses,
le vendeur doit informer l’acquéreur de l'existence
des risques visés par ce plan ou ce décret en annexant
un état des risques naturels et technologiques à
toutes promesses de vente et toutes ventes.
Cet état, qui a une durée de validité de six mois,
doit être effectué par le vendeur sur un imprimé
dûment rempli, les extraits cartographiques des
risques permettant de localiser géographiquement
le bien à l'intérieur des zones à risque, et une
lettre ou déclaration du vendeur indiquant si ce
dernier a perçu ou non des indemnisations
d'assurance suite à un sinistre.
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IMMOBILIER
Plan de zonage réglementaire du PPRI de Paris
réduction de la carte d’assemblage du PPRI de Paris approuvé par Arrêté Préfectoral du 15 juillet
Légende
Niveau de submersion supérieur à 1m
Zone inondable
Grand écoulement
Expansion des crues
Secteurs stratégiques pourle développement économique
et social de Paris ou d’intérêt national
34.50
PHEC en m suivant le nivellement général dela France
(dit IGN 69) et limites des casiers quileur sont associés
Limites de parcelles (situation Décemebre 1998)
Limites d’arrondissements
SECTEURS HACHURÉS : Les secteurs hachurés correspondent à des parties deparcelles ou d’îlots inclus dans le périmètre des zones potentiellemnt inondables, par application duprincipe de précaution explicité
page 21 du rapport de présentation. Il s’agitdu complément delaparcelle pour la zone bleu sombre, et delîlotpour la zone bleu claire, situé au delà de la limite estimée l’aléa.
En cas de modification de la situation entre
l’avant-contrat et l’acte authentique de vente
(art. 271-5 alinéa 3 du CCH) un état des risques
naturels et technologiques mis à jour devra être
fourni pour la vente.
En cas d’absence de fourniture (et donc
d’annexion à l’acte authentique de vente) de
cet état, la sanction est très lourde puisque
l’acquéreur pourra poursuivre en justice la
résolution de la vente ou demander une
diminution du prix.
Le diagnostic
de performance énergétique
Un diagnostic de performance énergétique devra
également être annexé aux promesses de vente
et aux actes de vente des biens immobiliers en
cas de vente de tout ou partie d’immeuble,
quelle que soit son affectation.
Ce diagnostic de performance énergétique
devait être applicable à partir du 1er juillet 2006
(et à partir du 1er juillet 2007 pour les contrats
de location). Il a été reporté à l’automne.
L’article L. 134-1 du CCH dispose que « le diagnostic
de performance énergétique d'un bâtiment ou d'une
partie de bâtiment est un document qui comprend
la quantité d'énergie effectivement consommée ou
estimée pour une utilisation standardisée du bâtiment
ou de la partie de bâtiment et une classification en
fonction de valeurs de référence afin que les consommateurs puissent comparer et évaluer sa performance
énergétique. Il est accompagné de recommandations
destinées à améliorer cette performance. »
Ce diagnostic doit être établi par le maître
d’ouvrage lors de la construction ou de l’extension
d’un bâtiment et être remis au propriétaire du
bâtiment au plus tard à la réception de l’immeuble.
Il doit être communiqué à l’acquéreur par le vendeur.
S’agissant d’un des éléments constitutifs du dossier de
diagnostic technique, il doit être annexé à la promesse
de vente ou, à défaut de promesse de vente, à l’acte
authentique de vente. Il doit être en cours de validité
lors de la signature de l’acte authentique de vente.
La durée de validité de ce diagnostic doit être fixée
par un décret qui paraîtra prochainement. Cette durée
sera probablement de dix ans.
Ce document n’a qu’une valeur toute relative ;
l’acquéreur ne pouvant se prévaloir à l’encontre du
propriétaire vendeur des informations contenues
dans ce diagnostic de performance énergétique qui
n’a qu’une valeur informative.
Sophie Porée
Notaire assistant
Département Immobiliers complexes
03
LA COURTE NOTE
A titre d’exemple, l’arrêté préfectoral n° 200645-1 du 15 février 2006 vient de désigner Paris
comme commune exposée aux risques technologiques et naturels majeurs.
JUILLET 2006
Source : I.G.N - Fond de plan : IGN BD Topo - 1998 - Echelle : 1/50 000 - DULE - BU - BU1 - Michel ALBERT- Février 2006
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DOSSIER
LA RÉFORME DES SÛRETÉS IMMOBILIÈRES
LA RÉFORME DES SÛRETÉS IMMOBILIÈRES
JUILLET 2006
La loi du 26 juillet 20051 avait habilité le gouvernement à légiférer par voie
d'ordonnance pour réformer les sûretés, avec la volonté de répondre à un
besoin de simplification, de modernisation et d'uniformisation internationale,
et avec l’espoir de faire du Code civil français un modèle, un « outil » efficace
dans la concurrence mondiale. Mais si le groupe « Grimaldi » avait travaillé sur
une réforme globale des sûretés, la loi d'habilitation – et l'interprétation
restrictive faite par le Conseil d'État – a réduit l'ampleur du projet et la
réforme a perdu au fil des projets de sa cohérence et de son ambition.
L'ordonnance du 23 mars 2006 modernise cependant profondément les sûretés,
tant personnelles que réelles. Les dispositions sont entrées en vigueur immédiatement, excepté pour le prêt viager hypothécaire qui fera l'objet d'un décret
d'application. Nous nous attacherons ici à commenter la partie de la réforme
intéressant les sûretés immobilières. Deux catégories de mesures peuvent
être distinguées : celles qui modernisent les sûretés existantes, et celles qui
en créent de nouvelles.
LA COURTE NOTE
04
La rénovation des sûretés
immobilières existantes
peut donc, pour garantir sa créance, se réserver
la propriété du bien jusqu'au paiement du prix
par l'acquéreur.
> Le « cautionnement réel » : à défaut de
définition, une réponse pratique
Concernant les modalités, en matière immobilière,
le nouvel article 2373 du Code civil précise
seulement que la propriété de l'immeuble peut
être retenue en garantie ; il n'y a de développements
qu'en matière de sûretés mobilières. En se référant
aux dispositions relatives aux meubles, il en
résulte que la clause de réserve de propriété
doit, à peine de nullité, être écrite. S'il n'est pas
encore prévu de publicité pour informer les tiers,
un décret d'application devrait organiser une
publicité nominative. Pour faciliter la réalisation
de la clause, le créancier bénéficiera d'un report
de la garantie sur le prix de vente ou sur
l'indemnité d'assurance subrogée au bien.
On a pris l'habitude d'appeler « cautionnement réel »
le fait de constituer une sûreté réelle pour garantir
la dette d'un tiers. Cette qualification a entraîné
une confusion dans la pratique : s'agissait-il d'un
cautionnement assorti d'une sûreté réelle (comme
une hypothèque), ou uniquement d'une sûreté réelle ?
Si l'ordonnance n'a pas réglé la qualification du
« cautionnement réel » (la loi n'habilitait pas le
gouvernement à légiférer sur cette matière), la
question de l'intervention du conjoint commun en
biens2 qui alimentait le débat est tranchée. Un nouvel
alinéa à l'article 1422 dispose que les époux ne
peuvent, l'un sans l'autre, affecter un bien de la
communauté à la garantie de la dette d'un tiers.
> L'antichrèse : un nouveau départ ?
> La propriété retenue à titre de garantie
consacrée
L'antichrèse est l'affectation d'un immeuble en
garantie d'une obligation. Elle était peu utilisée car
impliquait la dépossession de celui qui la constitue.
La réserve de propriété, ou propriété-sûreté est
consacrée. Elle est définie comme la clause qui
suspend l'effet translatif d'un contrat jusqu'au
complet paiement de l'obligation. Le vendeur
L'ordonnance consacre l'antichrèse-bail, validée en 2002
par la Cour de cassation3. La possibilité, ainsi clairement
offerte au créancier de donner l'immeuble à bail à un
tiers ou au débiteur relancera-t-elle la pratique ?
1- Article 24 de la loi n° 2005-842 du 26 juillet 2005 pour la confiance et la modernisation de l'économie
2- Article 115 du Code civil
3- Cass. 3ème civ., 18 déc. 2002.
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DOSSIER
LA RÉFORME DES SÛRETÉS IMMOBILIÈRES
La réforme va dans le sens d'une simplification.
Les principes généraux de l'hypothèque ne sont
pas modifiés même si des exceptions sont créées
pour les besoins de l'hypothèque rechargeable et
du prêt viager hypothécaire. Nous examinerons ici
les dispositions concernant les hypothèques
conventionnelles.
La constitution de l'hypothèque
La réforme aménage d'abord la constitution de
l'hypothèque. Dorénavant, le montant doit être
indiqué dans l'acte constitutif, à peine de nullité.
Le montant n'est donc plus seulement une
condition de l'inscription : c'est désormais une
condition de validité. Si la créance est assortie
d'une clause de réévaluation, la garantie s'étend à
la créance réévaluée si l'acte constitutif le prévoit.
L'hypothèque en garantie d'une créance future
est consacrée. Il s'agit de l'hypothèque à durée
indéterminée de créances futures déterminables.
Cette innovation s'accompagne d'un droit de
résiliation unilatérale à tout moment, sous
réserve d'un préavis de trois mois. Comme pour
le cautionnement à durée indéterminée, cette
résiliation ne vaudra que pour l'avenir : l'hypothèque
demeurera pour les créances nées antérieurement.
La réforme reprend l'exigence des tribunaux
d'indiquer dans l'acte la cause de l'hypothèque.
Consécration de la purge amiable
La pratique notariale de la purge amiable, très
répandue, était acceptée par la jurisprudence.
Le plus souvent, c'est en effet le notaire qui
effectue le remboursement des prêts (ou autres
créances hypothécaires) au moment de la
revente du bien, le vendeur convenant avec les
créanciers que le prix de cession sera affecté au
remboursement. Cette "purge" amiable, impliquant
l'accord des créanciers inscrits, est consacrée
par la réforme, le droit de préférence se trouvant
alors reporté sur le prix de vente, ceci étant
opposable aux autres créanciers (chirographaires)
Simplification de la mainlevée
Jusque-là, le créancier devait intervenir, ce qui
entraînait des difficultés pratiques, alors même que
l'on savait qu'il avait été payé et qu'il n'avait plus
aucun intérêt à conserver l'inscription. Le notaire peut
désormais certifier, sans comparution des parties,
que le créancier a, à la demande du débiteur, donné
son accord à la radiation de l'inscription.
Le coût de la mainlevée diminue. Conformément à
l'acceptation de la part du Conseil supérieur du
Notariat d'accompagner la réforme d'une diminution
des émoluments, un décret relatif au tarif des notaires
a été adopté en mai dernier4: les émoluments ont été
divisés par deux. Le salaire du conservateur des
hypothèques a été diminué dans les mêmes
proportions5. Les autres prélèvements revenant à
l'État, à ce stade en tout cas, ne sont pas modifiés
(droits d'enregistrement et la taxe de publicité
foncière qui a même augmenté le 1er janvier 2006).6
Modification de la durée des inscriptions
L'ordonnance réforme également la durée des
inscriptions. Depuis le 25 mars dernier, trois
situations doivent être distinguées :
Date d'échéance ou
dernière échéance
déterminée
Date d'échéance ou
dernière échéance
indéterminée
Echéance ou
dernière échéance
concomitante
à l'inscription
Délai maximum
ou postérieur
à l’échéance
Durée totale
de l’inscription
1 an*
50 ans**
/
50 ans
/
10 ans
* Au lieu de deux ans / ** Au lieu de 35 ans
De nouveaux modes de réalisation
de l'hypothèque
Jusqu'à présent, l'hypothèque se réalisait par la
saisie immobilière (et la vente forcée, par
adjudication, à ce titre). Désormais, l'attribution
judiciaire au créancier et la stipulation dans la
convention d'hypothèque d'un pacte commissoire
au profit du créancier sont possibles.
>>>
4- Décret n° 2006-558 du 16 mai 2006.
5- Le taux passe de 0,10 % à 0,05 % selon le décret n° 2006-729 du 22 juin 2006
6- Un décret d'application relatif au tarif de la publicité foncière est en préparation
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> Aménagements du régime de l'hypothèque
qui ne peuvent saisir le prix, et l'immeuble se
trouvant purgé du droit de suite.
05
LA COURTE NOTE
L'ordonnance permet par ailleurs au créancier
antichrésiste de percevoir les fruits, à charge
de les imputer sur les intérêts puis sur le
principal de la créance.
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DOSSIER
LA RÉFORME DES SÛRETÉS IMMOBILIÈRES
L'ordonnance limitait la purge amiable, la
simplification de la mainlevée et l'attribution
judiciaire aux sûretés conventionnelles, excluant
les privilèges. Or, la pratique des privilèges de
prêteurs de deniers (PPD) est très répandue. Le
projet de tarification étend ces mesures à toutes
les sûretés immobilières, et donc aux PPD.
La réforme résout également les difficultés pratiques
liées à l'hypothèque d'un immeuble indivis ou de
quotes-parts indivises (Article 2414).
06
Transmission de l'hypothèque
LA COURTE NOTE
JUILLET 2006
Cependant, dans ces deux cas, des mesures de
protection du débiteur sont prévues : il faudra
expertiser le bien et si l'immeuble est d'une valeur
supérieure à la créance garantie, le créancier devra
une somme égale à la différence, ou consigner à
hauteur d'autres créanciers hypothécaires le cas
échéant. Ensuite, pour protéger le logement, le pacte
est neutralisé s’il grève la résidence principale. Par
ailleurs, l'ouverture d'une procédure de sauvegarde
ou de redressement fait obstacle à la conclusion et à
la réalisation d'un pacte commissoire. On notera que
la clause de voie parée demeure nulle.
Quant à la transmission de l'hypothèque, l'ordonnance
transpose dans le Code civil les règles dégagées
par la pratique et la jurisprudence. L'hypothèque
est transmise avec la créance. La cession d'antériorité et la cession d'hypothèque sont définies. On
doit souligner que le créancier pourra désormais
subroger un autre créancier dans l'hypothèque tout
en conservant sa créance ; tendance, à l'instar de la
création de la recharge possible de l'hypothèque, à
aller vers une certaine autonomie de l'hypothèque.
Les nouvelles formes hypothécaires
L'hypothèque rechargeable et le prêt viager hypothécaire ont été très médiatisés, avec en toile de
fonds la crainte de l'endettement des Français.
> L'hypothèque rechargeable
L'hypothèque est une sûreté efficace mais coûteuse.
Commandée par Bercy, l'hypothèque rechargeable
est destinée à diminuer les coûts en utilisant
une hypothèque initiale pour garantir d'autres
crédits. Ainsi, l'emprunteur fait l'économie des
frais de mainlevée de la première hypothèque et
des frais d'inscription d'une seconde.
Le but est aussi de relancer la consommation :
l'hypothèque pourra être utilisée pour financer
des crédits immobiliers ou mobiliers.
7- Voir interview du Professeur Laurent Aynès page 8.
L'hypothèque rechargeable peut être consentie à
un autre créancier que le créancier originaire.
Concrètement, l'emprunteur pourra s'adresser à
un autre établissement de crédit.
Il s'agit d'une hypothèque de nature conventionnelle.
Ainsi, on ne pourra pas recharger d'hypothèques
autres que de nature conventionnelle ni un privilège
spécial tel qu'un PPD. Le projet de ratification prévoit
cependant que le créancier bénéficiant d'un
privilège au jour de la promulgation de la loi pourra
renoncer à son PPD en contrepartie de la constitution
d'une hypothèque rechargeable. Cette "transformation"
n'est offerte que pendant un délai de deux ans à
compter de la promulgation de la loi.
La recharge n'est pas de droit : elle suppose une
clause particulière de l'acte constitutif qui doit la
prévoir expressément. Mais, les hypothèques
conventionnelles constituées avant le 26 mars 2006
peuvent devenir rechargeables moyennant un avenant.
Selon l'article 2423 du code civil, l'hypothèque
est toujours consentie pour le capital à hauteur
d'un montant déterminé. Ce montant pourra être
supérieur au montant de la créance garantie7.
L'intérêt sera de rendre l'hypothèque immédiatement
rechargeable sans attendre que la créance soit
remboursée, totalement ou partiellement. La
limite de prudence sera la valeur de l'immeuble.
Fonctionnement
La convention de recharge peut être passée par
le créancier originaire ou par un nouveau
créancier, dans la limite du montant maximal
indiqué dans l'acte constitutif. Ce montant initial
est figé : il ne pourra pas varier en fonction de la
baisse ou de la hausse de valeur de l'immeuble.
La recharge est faite par acte notarié et est publiée
(on retrouve les mêmes conditions protectrices que
pour la constitution d'hypothèque). La publicité se
fait moyennant une mention en marge de l'inscription
initiale . C'est une condition d'opposabilité aux tiers :
le créancier qui n'a pas publié la convention de
rechargement ne peut justifier de sa qualité de
créancier hypothécaire vis-à-vis d'autres créanciers.
Extinction de l'hypothèque rechargeable
L'hypothèque rechargeable ne s'éteint pas par
l'extinction de la créance : même si la créance a
été totalement remboursée, l'hypothèque survit.
Il est possible de renoncer au caractère rechargeable
de l'hypothèque. Contrairement à l'hypothèque sur
créance future, il n'y a pas de préavis car cela ne
préjudicie à personne.
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DOSSIER
LA RÉFORME DES SÛRETÉS IMMOBILIÈRES
Exemple :
> A publie une hypothèque rechargeable en juin 06;
> B inscrit une hypothèque en juillet 06;
> C bénéficie d'une convention de rechargement
en août 06.
> A vient en 1er rang. C vient en 1er rang, derrière A.
> B vient en 2nd rang, alors que sa sûreté a été
inscrite antérieurement à C.
> B avait donc intérêt à se glisser dans la recharge.
Si B a une créance supérieure à celle de C, il pourra
se glisser dans la recharge à hauteur de l'hypothèque
rechargeable et inscrire une hypothèque de 2nd rang
pour le surplus.
On notera que pour ne pas ruiner l'hypothèque
conservatoire, il est prévu que cette dernière
prendra rang avant la convention de rechargement
inscrite postérieurement.
Ces dispositions sont d'ordre public ce qui exclut les
clauses d'exclusivité ou les clauses de préférence
que les banques auraient été tentées d'imposer.
Ces clauses seraient nulles. Le caractère d'ordre
public pourrait également condamner les cessions
d'antériorité entre créanciers de la recharge, alors
que le principe a été reconnu par la réforme.
L'hypothèque rechargeable est ouverte à tous, y compris au consommateur. Cependant, lorsque cela
relève du Code de la consommation, l'hypothèque est
encadrée . Le Code exige à peine de nullité que soit
annexé à l'offre préalable de crédit un document intitulé
« situation hypothécaire » contenant huit mentions
obligatoires. Les crédits concernés sont les crédits à
la consommation, les crédits immobiliers à l'habitation
et les crédits consentis à des petits entrepreneurs.
Les crédits renouvelables ne pourront être garantis
par une hypothèque rechargeable.
Ce prêt viager hypothécaire permet de mobiliser la
valeur de l'immeuble sous forme d'un crédit in fine.
L'idée est que les personnes ne disposant pas de
revenus suffisants tirent crédit de leur habitation
pour subvenir à leurs besoins, tout en conservant
leur logement. Le prêteur doit remettre les fonds
en une fois ou par versements périodiques et le
remboursement de l'emprunt incombera à la succession de l'emprunteur. Le prêt viager hypothécaire
relève du droit des opérations de crédit aux particuliers,
donc du Code de la consommation.
Ses conditions sont strictement encadrées. L'emprunteur
doit être une personne physique. Même si l'esprit de la
réforme destine le prêt viager aux personnes âgées,
aucune condition d'âge n'est fixée. L'emprunteur ne
pourra pas utiliser le prêt viager hypothécaire pour
financer une activité professionnelle. Le prêteur doit
être un établissement de crédit. Quant à l'immeuble
affecté, il doit appartenir à l'emprunteur et être affecté
à l'habitation.
Pour protéger le constituant, un formalisme calqué sur
celui des prêts à l'habitation, est exigé : une offre
préalable et un délai de réflexion de 10 jours sont
prévus. L'obligation d'information est ici renforcée par
une condition d'information sur la valeur du bien qui
doit être estimé par un expert.
La sanction du formalisme est la déchéance du droit
aux intérêts et des sanctions pénales.
S'agissant d'un prêt in fine, le capital et les intérêts
sont exigibles lors du décès de l'emprunteur ou lors de
l'aliénation du bien. Le remboursement est limité
à la valeur de l'immeuble hypothéqué au jour de
l'échéance, sauf en cas de remboursement anticipé.
Au décès, les héritiers seront tenus de rembourser ou
de laisser l'immeuble au créancier qui poursuivra une
exécution forcée. Pour faciliter la réalisation de la
sûreté, l'attribution judiciaire et le pacte commissoire
sont possibles, et ceci bien que l'immeuble constitue la
résidence principale de l'emprunteur.
Il est difficile d'évaluer quel sera l'impact pratique de
ces innovations. L'hypothèque rechargeable deviendra
t-elle une clause de style ? Les propriétaires et les
banques accepteront-elles de jouer le jeu du prêt
viager hypothécaire ?
Bertrand Lacourte, Notaire associé
Christine Montébrun, Notaire assistant
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L'inscription est attributive d'un rang dont vont
profiter tous ceux qui bénéficieront de cette hypothèque rechargeable. La publicité des conventions
de rechargement permet de déterminer le « sousrang » entre les créanciers successifs de recharge.
Les créanciers de recharge s'inclinent toujours
devant le créancier initial. Les créanciers qui ne
bénéficient pas de la recharge prennent rang après
le créancier initial de l'hypothèque rechargeable et
les créanciers de recharge. L'intérêt de l'inscription de 2nd rang est donc nettement réduit chaque
fois que l'hypothèque rechargeable absorbe la
totalité de la valeur de l'immeuble.
> Le prêt viager hypothécaire
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LA COURTE NOTE
HYPOTHÈQUE RECHARGEABLE ET RANG
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DOSSIER
LA RÉFORME DES SÛRETÉS IMMOBILIÈRES
INTERVIEW
ENTRETIEN AVEC LE PROFESSEUR LAURENT AYNÈS
JUILLET 2006
Un an après notre entretien d'avant réforme, nous avons une nouvelle fois
eu le plaisir de nous entretenir avec Monsieur le Professeur Laurent
Aynès, membre du groupe de travail sur la réforme du crédit hypothécaire.
Compte-rendu post-réforme.
Laurent Aynès membre du groupe
de travail chargé par le ministère
de réformer les sûretés.
LA COURTE NOTE
08
La courte Note : Cette réforme marque
l'introduction de pratiques inspirées d'autres
systèmes juridiques. Cette introduction se fait
"en douceur", par l'introduction d'exceptions aux
principes. Pensez-vous que d'autres matières
vont connaître cette pratique ?
Laurent Aynès : Il y a un projet "fiducie" : un
groupe de travail constitué il y a un an avait
préparé un projet de loi ; il est difficile de savoir
ce qui en sortira. Philippe MARINI réfléchit à
la fiducie-gestion, mais concernant la fiducietransmission, on connaît les traditionnelles
réticences de l'Administration fiscale ; Par ailleurs,
on attend un arrêt de principe de la Cour de
cassation qui reconnaîtrait clairement la fiduciesûreté.
Quant à l'hypothèque rechargeable créée par
l'actuelle réforme des sûretés, on doit noter que,
inspirée des droits belge et germanique, elle n'a
été créée que pour contourner l'exigence de la
taxe de publicité foncière (TPF). L'hypothèque
rechargeable, qui vient porter atteinte au principe
de spécialité, ne serait sans doute pas née s'il n'y
avait pas eu en France de TPF ou si on avait
accepté de la voir diminuer. On a introduit par là
l'idée que l'extinction de la dette principale
n'éteint pas l'hypothèque (si elle est stipulée
rechargeable), changeant ainsi le fondement de
“
l'hypothèque, uniquement pour contourner un
problème de coût. Avec la "recharge", l'hypothèque
devient la faculté pour le propriétaire d'avoir une
réserve hypothécaire qu'il peut affecter à des
créances futures. Il peut d'ailleurs en ressortir
une certaine confusion en pratique entre l'hypothèque sur une créance future mais déterminable,
également reconnue par la réforme, et l'hypothèque
rechargeable, inaugurée par cette réforme, et qui
porte sur une créance qui n'est ni déterminée ni
déterminable.
”
LCN : Cette pratique, associée à la simplification
des autres sûretés permettra-t-elle selon vous
d'atteindre l'objectif de reconnaissance au plan
mondial du droit français ?
L.A. : La CNUDCI (Commission des Nations Unies
pour le droit commercial international) a chargé un
groupe de travail d'élaborer un guide législatif sur
les sûretés. Ce guide comporte plus de 200
recommandations aux états pour faire un droit des
sûretés. Même si ce guide concerne essentiellement
des sûretés mobilières, on note que la loi française,
telle qu'elle résulte de l'ordonnance, semble se
conformer pour l'essentiel et par avance à l'esprit
du projet de guide législatif de la CNUDCI. Cela
devrait permettre à la France d'être mieux notée
par les organes de la Banque Mondiale.
Cependant, il reste deux points noirs. L'incidence
des procédures collectives d'abord. Les sûretés
françaises sont bonnes, elles fonctionnent bien,
mais la réglementation "procédures collectives",
avec la suprématie du droit de rétention et de la
réserve de propriété, conduit à sacrifier des
créances antérieures, même munies de sûretés.
Par ailleurs, on n'a pas réussi, surtout pour les
sûretés mobilières, à généraliser le système de
l'inscription. Il a fallu maintenir le gage avec
dépossession, pour des raisons psychologiques (la
réticence des débiteurs à publier) et pour conserver
l'avantage du droit de rétention en cas de
redressement judiciaire.
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LA RÉFORME DES SÛRETÉS IMMOBILIÈRES
INTERVIEW
On pourra regretter que la réforme ne porte pas
sur le cautionnement et les privilèges. Le
Parlement s'est réservé – ou s'est vu réserver ces domaines qui sont politiquement plus sensibles. Les privilèges ont traditionnellement une
charge particulière et sont un terrain fort des
lobbies. Quant au cautionnement, il pose un vrai
problème de société : celui du surendettement.
Les sûretés réelles sont moins sensibles politiquement car il n'y a pas de risque de surendettement (le risque porte sur le bien considéré, à
la manière anglo-saxonne). On admet donc aisément qu'une personne consente des sûretés
réelles sur ses biens, on l'incite même, avec
l'hypothèque rechargeable et le prêt viager
hypothécaire à mobiliser l'immeuble, à en faire
un instrument de crédit ; la seule limite étant la
préservation du logement familial.
LCN : La loi de ratification devrait reprendre la
proposition du groupe de travail de déclasser les
privilèges pour les ramener au rang de simples
hypothèques légales qui prennent rang à la date de
leur inscription. Avez-vous confirmation de ce projet ?
“
L.A. : Deux solutions sont envisageables : soit la
loi de ratification reprend la partie du projet qui
prévoyait de déclasser les privilèges ; soit, de
manière plus modeste, la loi alignera le privilège
de prêteur de deniers sur certaines dispositions
nouvelles de l'hypothèque : la purge amiable et la
”
LCN : Certains doutent que l'hypothèque
rechargeable puisse être souscrite pour un montant
supérieur à la valeur de la créance, permettant
immédiatement la recharge. Qu'en pensez-vous ?
L.A. : C'est certain dans l'esprit de ceux qui ont
préparé la réforme. Le Code civil ne l'interdit pas
: l'article 2423 ne précise pas que l'hypothèque
est consentie à hauteur de la créance garantie.
De plus, l'article L.313-14-1 du Code de la
consommation prévoit deux montants dans les
mentions obligatoires de l'annexe : le montant
maximal garanti et le montant de l'emprunt
initial garanti. On voit bien que ce sont deux
choses différentes. Si le cas est prévu dans des
hypothèses de protection du consommateur, il
n'y a aucun doute que cela puisse être pratiqué
en droit commun.
LCN : Les banques vont-elles jouer le jeu du prêt
viager hypothécaire alors qu'elles assumeront le
risque d'une longévité exceptionnelle du constituant
et qu'elles ne bénéficieront d'aucun avantage dans
l'hypothèse inverse ?
L.A. : Il est possible que les banques n'acceptent de
prêter qu'à hauteur de 20 % de l'immeuble par
exemple. Aux Etats-Unis, le système est adossé à
une assurance-vie. Je crois que le principal frein ne
viendra pas des banques mais des emprunteurs.
Deux obstacles psychologiques devront être
franchis : combattre la fausse impression de
transmettre à ses héritiers une dette; changer la
relation des propriétaires avec leur immeuble : les
Français ne le voient pas comme une "valeur",
mobilisable, mais comme un bien patrimonial
destiné à être transmis. Ce sont de nouvelles
finalités à explorer, comme celle d'emprunter pour
faire des donations.
Propos recueillis par
Bertrand Lacourte
JUILLET 2006
L.A. : Je suis tout à fait partisan du recours à
l'ordonnance dans ce cas précis pour deux raisons.
D'abord, parce que cette méthode a fait ses
preuves : jamais un livre IV consacré aux sûretés ne
serait né par voie législative en raison de
l'encombrement du Parlement, de la multitude
probable d'amendements, etc. Ensuite, parce que
cette même méthode a été utilisée pour créer le
Code civil : une commission de quatre juristes a
soumis pour avis un projet à différents corps
constitués avant son adoption. La plupart des
grands codes ont été adoptés par cette voie
autoritaire qui permet plus de rapidité et de
cohérence.
recharge. Concernant la recharge, cela pose une
difficulté pratique car tout le mécanisme de
l'hypothèque rechargeable repose sur la convention
initiale. Or, le PPD ne repose pas sur une convention.
En pratique cependant, le PPD fait toujours l'objet
d'une convention, ce qui devrait permettre de
convenir une éventuelle "rechargeabilité".
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LA COURTE NOTE
LCN : La méthode utilisée par le gouvernement
pour réformer les sûretés a été beaucoup discutée.
On insiste beaucoup sur les inconvénients du
recours aux ordonnances mais y a-t-il aussi des
avantages à souligner ?
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PATRIMOINE
PRESENTATION DES TRAVAUX DU 102ÈME CONGRES
DES NOTAIRES DE FRANCE
La réunion annuelle des Notaires de France s’est tenue cette année
à STRASBOURG du 21 au 24 mai 2006. Son thème : « les personnes
vulnérables » constitue l’un des défis les plus importants –avec les
retraites- de notre société.
JUILLET 2006
L’espérance de vie des français n’a cessé
d’augmenter et a entraîné le développement de
la population âgée. Malheureusement les progrès
de la médecine contre le vieillissement n’ont pas
suivi et cette population risque de devenir de
plus en plus dépendante. En vingt ans, les plus
de soixante ans ont doublé : en 2010 20% de la
population aura plus de soixante ans et 6% plus
de quatre-vingts ans.
LA COURTE NOTE
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Cependant, il ne faut pas en conclure que toutes
les personnes âgées sont vulnérables : chacun
en connaît, dans son cercle familial ou amical
qui restent, jusqu’à la fin, parfaitement maîtres
de leur discernement. Le mérite de l’équipe du
Congrès a été de naviguer entre l’écueil de la
protection totale et impersonnelle et celui d’une
trop grande indépendance.
Ainsi la première commission s’est penchée sur
l’accès à l’emploi des handicapés. Elle s’est
d’abord préoccupée de l’accès (ou des freins à
cet accès) au monde du travail ordinaire puis des
structures spécialisées dans le travail des
personnes handicapées (les centres d’aide par
le travail et les entreprises adaptées).
La seconde commission a plus spécialement
étudié le choix des modes de représentation :
tutelle et incapacité.
Ainsi sont distinguées les tutelles familiales et
les tutelles administratives. Deux sortes de
tutelle familiale existent : la tutelle avec conseil
de famille et la tutelle sous forme d’administration
légale. Quant aux tutelles administratives, leurs
formes en sont diverses : tutelle en gérance
(préposé de l’établissement de traitement ou
administrateur spécial), tutelle d’Etat et pupille
de l’Etat.
La troisième commission s’est surtout intéressée
à un problème récurrent dans les familles : la
notion de créance d’assistance dévolue à l’enfant
1- 1ère Ch. Civ. Bull. civ. N° 250 page 181
qui s’est occupé seul de ses parents. La jurisprudence, notamment l’arrêt du 12 juillet 1994
de la Cour de Cassation1, confirmée sans cesse
depuis, décide que le devoir moral d’un enfant
envers ses parents n’est pas exclusif d’une
demande d’indemnisation pour l’aide et l’assistance apportées, pour autant que celles-ci aient
dépassé les exigences de la piété filiale et qu’il y
ait appauvrissement de l’enfant et enrichissement
corrélatif des parents. Après cette analyse historique, la commission a défini la nature juridique
de cette créance d’assistance, ses modalités
possibles de reconnaissance (par convention,
par donation simple, par donation-partage, par
exécution d’une disposition testamentaire), ses
modes de calcul et de règlement ainsi que son
interaction, face à une créance d’aide sociale et
enfin des aspects fiscaux.
La quatrième commission s’est attachée à la
transmission à titre gratuit du patrimoine d’une
personne vulnérable. En premier lieu a été
décrite la problématique de l’anticipation
successorale, puis sa forme (minorité, majeur
protégé, testament de la personne atteinte d’un
handicap physique) et son contenu (donation
avec charges).
En conclusion, il faut retenir le rôle éminent que
peut jouer la société civile « figure élaborée
d’alternative patrimoniale » (selon le rapporteur
général Me Philippe POTENTIER) : elle permet de
déplacer les pouvoirs de gestion de la personne
vulnérable et de son représentant légal au profit
d’un gérant qui agit sous le contrôle des
associés.
Frédéric VINCENT
Notaire associé
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PATRIMOINE
SIMPLIFICATION DU CHANGEMENT DE RÉGIME
MATRIMONIAL
Les époux peuvent, au cours de leur mariage, changer de régime matrimonial pour protéger les biens du ménage ou le conjoint au moment du
décès. La loi vient d’alléger les formalités et par conséquent le coût du
changement de régime.
La réforme
L'enjeu était de simplifier la procédure tout en
assurant la protection des enfants et des créanciers. Pour cela, le projet de changement de
régime matrimonial sera impérativement notifié
aux enfants majeurs qui auront trois mois pour
s'y opposer. S'il existe des mineurs, le changement de régime matrimonial devra toujours être
homologué.
Pour informer les créanciers, le projet de modification sera publié dans un journal d'annonces
légales (JAL). Les créanciers auront trois mois
pour s'y opposer.
En cas d'opposition des enfants majeurs ou des
créanciers, le projet sera soumis à homologation.
Un décret doit préciser les modalités d'application de ces dispositions qui devraient entrer en
vigueur le 1er janvier 2007.
Décision de changement de régime
Publication dans un JAL
Opposition
Le créancier
a 3 mois pour
s'y opposer
Absence
d'opposition
Procédure d'homologation
Acte notarié
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PROCÉDURE EN PRÉSENCE
D'ENFANT MAJEUR
Décision de changement de régime
Notification aux enfants majeurs
et publication dans un JAL
Opposition
Enfant(s) et créancier(s) ont 3 mois
pour s'y opposer
Absence
d'opposition
Procédure d'homologation
Acte notarié
PROCÉDURE EN PRÉSENCE
D'ENFANT MINEUR
Acte de changement de régime
Procédure d'homologation
Récapitulatif : trois procédures
A partir du 1er janvier, 3 procédures seront possibles
selon qu'il existe ou non des enfants et selon
qu'ils sont ou non mineurs.
JUILLET 2006
L'exigence du délai de 2 ans et du changement
dans l'intérêt de la famille sont maintenus.
L’acte notarié contiendra la liquidation du
régime matrimonial à peine de nullité.
PROCÉDURE EN L'ABSENCE D'ENFANT
Christine Montébrun
Notaire assistant
LA COURTE NOTE
La loi du 23 juin 2006 portant réforme des successions et libéralités assouplit l'exigence d'une
homologation judiciaire du changement de
régime matrimonial. Désormais, ce n'est qu'en
présence d'enfants mineurs ou en cas de
contestation du changement de régime que les
créanciers ou les enfants saisiront le juge.
L’avantage de la réforme est la possibilité de
limiter l’intervention du juge dans cette procédure, de diminuer les délais et d’éviter les coûts
relatifs à la représentation par avocat.
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N
BLOC NOTES
NOS CONTRIBUTIONS ÉDITORIALES
Bulletin Lamy Droit Immobilier
Catherine Minot, consultante en droit public à l’étude, a commenté la réforme de la propriété des personnes publiques. Son
article est paru dans le bulletin de mai 2006 du Lamy droit Immobilier sous le titre « Code général de la propriété des personnes publiques, entre modernisme et poursuite de l'intérêt général ».
Revue de droit Civil Lamy
Suite à la réforme du droit des sûretés, le Code civil a connu une importante renumérotation et la création d'un nouveau Livre
intitulé « Des sûretés ». Une table de concordance établie par Christine Montébrun, responsable de la documentation de
l'étude, a été publiée sur le site Lamyline et dans la revue Lamy Droit civil de mai 2006.
Jurishebdo
Catherine Minot commente régulièrement l’actualité de la jurisprudence en droit de l’urbanisme dans l’hebdomadaire
Jurishebdo, la lettre du droit immobilier pour les professionnels. Au cours du second trimestre 2006, deux chroniques sont
parues : Demande d'urbanisme : l'effet de l'expiration du délai d'instruction (N° 229 du 25 avril 2006), et La question préjudicielle de la légalité d'un permis de construire (Numéro spécial 10 du 16 mai 2006).
La lettre EVF
"Le notariat participe à la construction européenne". C'est le titre d'un article de Bertrand Lacourte paru en juin dans le
numéro 15 de La lettre EVF, revue d'information de la société "Expertise et Valorisations Foncières". Grâce au congrès des
notaires européens (le 1er a eu lieu en 2005) et aux travaux des instances représentatives de la profession, des réflexions
sont menées sur la fonction notariale et l'harmonisation des règles de droit.
NOS INTERVENTIONS
Le Moniteur
Catherine Minot, consultante en droit public à l’étude, anime régulièrement des formations pour Le Moniteur. Le point sur
ses interventions à venir.
« Contentieux de l’urbanisme : prévention et gestion des risques » - Le 4 décembre 2006
L’objectif de cette journée de formation est de maîtriser, à chaque étape des opérations de construction, les risques de litige
et d’identifier la conduite à adopter en cas de contentieux. Des études de cas pratiques à partir de jurisprudences récentes
seront proposées.
« Les montages d’opérations immobilières » - Les 4 et 5 octobre 2006
Ces deux journées de formation seront consacrées au pilotage d'une opération immobilière, depuis les études préalables
jusqu’à la réalisation.
Retrouvez le programme complet de ces formations et inscrivez vous en ligne sur le site du moniteur :
www.lemoniteur-formations.com.
NOS LECTURES
Les droits de tradition civiliste en question, volume 1 - Réponse de l’Association Henri
Capitant aux Rapports Doing business de la Banque mondiale (Société de Législation Comparée)
L’Association Henri Capitant des Amis de la Culture Juridique vient de publier une réponse aux très controversés
rapports Doing Business de la Banque mondiale. Ces rapports concluaient à l'inefficacité économique des pays de
droit civil en général et classaient la France en très mauvaise position. L'association réfute les données qu'elle juge
inexactes, critique la méthode des auteurs des rapports et dégage les atouts du droit civil. Cet ouvrage peut également
être consulté librement sur le site de l'association : www.henricapitant.org
>
Etude LACOURTE
54, avenue Victor HUGO - 75116 PARIS
Standard : (1) 01 44 28 40 00
Télécopie : (1) 01 45 01 88 28
E-mail général : [email protected]
Site Web : www.scp-lacourte.com
>
Pour approfondir les questions abordées,
demandez une documentation à la bibliothèque :
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Directeur de la publication : Bertrand Lacourte •
Rédactrice en chef : Christine Montébrun •
Secrétariat de rédaction : Catherine Minot Pierrick Le Bourdiec • Création et réalisation :
Thalamus 01 47 00 58 83 • Parution trimestrielle •
Dépôt légal : n° ISSN 1774-7732