Projet de recherche - Institut d`Asie Orientale

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Projet de recherche - Institut d`Asie Orientale
Une ethnographie de l’espace des sports taïwanais
Une étude diachronique de la diffusion du système sportif et des
pratiques sportives à Taïwan
Ce projet postdoctoral constitue à la fois un prolongement et une rupture avec ma
recherche en doctorat sur la fabrication du baseball comme passion nationale taïwanaise,
étudiée au travers de son processus de diffusion, de sa pratique quotidienne érigée en mode de
vie et de ses enjeux d’ordre identitaire. Tout d’abord il ne s’agit plus de se focaliser sur une
seule pratique, le baseball, mais de prendre en considération l’« espace des sports » à Taïwan
dans son ensemble. Je me réfère ici au « Programme pour une sociologie du sport » de Pierre
Bourdieu :
Pour qu’une sociologie du sport puisse se constituer, il faut d’abord apercevoir qu’on ne
peut pas analyser un sport particulier indépendamment de l’ensemble des pratiques
sportives ; il faut penser l’espace des pratiques sportives comme un système dont chaque
élément reçoit sa valeur distinctive. Autrement dit, pour comprendre un sport, quel qu’il
soit, il faut reconnaître la position qu’il occupe dans l’espace des sports. Celui-ci peut être
construit à partir d’ensembles d’indicateurs tels que, d’un côté, la distribution des
pratiquants selon leur position dans l’espace social, la distribution des différentes
fédérations selon leur nombre d’adhérents, leur richesse, les caractéristiques sociales de
leurs dirigeants, etc., ou, l’autre, le type de rapport au corps qu’il favorise ou exige selon
qu’il implique un contact direct, un corps-à-corps, comme la lutte ou le rugby, ou qu’au
contraire il exclut tout contact comme le golf, ou ne l’autorise que par balle interposée,
comme le tennis, ou par l’intermédiaire d’instruments, comme l’escrime. Cet espace des
sports, il faut ensuite le mettre en relation avec l’espace social qui s’y exprime. Cela afin
d’éviter les erreurs liées à la mise en relation directe entre un sport et un groupe que
suggère l’intuition ordinaire (Bourdieu, 1987 : 203-204).
Les données empiriques sur les pratiques sportives à Taïwan sont encore rares, surtout
en dehors du baseball. Le principal objet de cette recherche postdoctorale est d’effectuer une
enquête de terrain ethnographique permettant d’explorer l’espace des sports taïwanais. Il ne
s’agira pas de réaliser un balayage quantitatif de ce champ, à savoir déterminer l’ensemble des
activités sportives qui ont cours à Taïwan, le nombre de pratiquants qu’elles comptent
respectivement, et à quelles catégories socioculturelles ceux-ci appartiennent. La démarche
privilégiée dans cette étude sera plus qualitative et concernera prioritairement les logiques
internes. Il sera donc plutôt question d’étudier des pratiques précises au sein de groupes
spécifiques, d’en déduire à la fois les relations et les mécanismes internes constitutifs, et de
situer ces pratiques les unes par rapport aux autres. Cette démarche anthropologique serait
incomplète si elle ne prenait pas en compte la perspective historique de la diffusion des sports
dans le contexte de Taïwan. C’est pourquoi une approche diachronique, tenant compte des
sources historiques et des travaux antérieurs sur celles-ci, sera ici envisagée.
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Pour ce faire, il sera nécessaire de caractériser préalablement les pratiques et les
phénomènes observés au travers des concepts de système sportif et de cultures sportives. Je
proposerai ici un cadre théorique pour l’analyse de la diffusion des sports et pour les
processus de « sportisation » et de « désportisation ». Le principal axe de recherche retenu
sera l’étude des réappropriations des pratiques sportives par les Austronésiens, et plus
particulièrement l’inscription de ces pratiques dans leur ritualité. Le cas du basket-ball, sport
d’équipe populaire à Taïwan et particulièrement appréciés par les groupes atayaliques,
constituera une entrée privilégiée et complémentaire de la précédente étude sur le baseball.
I. Le système sportif et les cultures sportives
Aucune tentative visant à caractériser ce qu’est le sport ne s’est jusqu’ici montrée
pleinement opérante ou n’est parvenue à faire l’unanimité auprès des spécialistes de la
question. Aucun consensus n’a pu se dégager, même autour d’une définition restreinte du
sport comme activité physique mettant en jeu le corps humain dans un dispositif strictement
encadré par un ensemble réglementaire dans lequel un individu ou un groupe d’individus est
confronté à un autre. Allen Guttmann distingue cependant les jeux de compétitions
intellectuels, auxquels correspondent les échecs et le poker, des jeux de compétition
physiques qui incluent le billard et les fléchettes (Guttmann, 2006 : 28).
Norbert Elias et Eric Dunning ont démontré que les sports, dans leur acception
contemporaine, ont émergé dans un contexte spécifique, celui de l’Angleterre des XVIIIe et
XIXe siècles, parallèlement à l’avènement de la Révolution industrielle britannique, avant de
se diffuser dans d’autres pays. Ils ont également établi que ces pratiques ne se situent pas dans
une continuité avec ces jeux antérieurs, mais constituent plutôt une rupture, ou une invention,
au sens où elles présentent un ensemble de caractéristiques fondamentalement différentes,
voir opposées (Elias & Dunning, 1994 : 175-176).
Il est essentiel de souligner que cette rupture n’est pas temporelle ou chronologique,
mais épistémologique au sens où il ne s’agit pas d’une évolution ou d’une transformation,
mais d’un changement radical de cadre conceptuel (Bourdieu, 1984 : 176). Allen Guttmann le
décline sous la forme d’un catalogue de sept caractéristiques structurelles (Guttmann, 2006 :
37-87) :
1- Le sécularisme, tout d’abord, concrétise ici la rupture avec le sacré par
l’établissement d’un calendrier autonome – sans correspondance avec les fêtes
liturgiques et la temporalité communautaire – et l’absence de référence
systématique à une puissance supérieure qui motiverait la pratique.
2- Le principe d’égalité entre les adversaires – vers lequel tendent les sports de façon
croissante au fur et à mesure que se développe et se diffuse le système sportif – est
garanti, qu’il s’agisse des conditions d’affrontement entre les concurrents
(introduction de catégories de poids dans la boxe par exemple), ou d’appartenance
à un milieu social ou ethnique, pour ne reposer que sur des critères de
performances physiques.
3- La spécialisation des tâches réduit progressivement le champ de compétence de
l’athlète à sa seule pratique qui prend progressivement la forme d’un travail, et
dont la professionnalisation est un avatar ; tandis que dans les sports d’équipe,
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chaque membre se voit assigner une position et une fonction qui exigent des
aptitudes et des réflexes différents d’une autre, et pour laquelle il suit des
entraînements appropriés (le gardien de but d’une équipe de football ne travaille
pas les mêmes aspects du jeu, ni les mêmes muscles, qu’un attaquant ou qu’un
défenseur).
4- La rationalisation de la pratique, créant une relation directe et étroite entre la fin et
les moyens, est le produit des règles du jeu – inventées, augmentées, réduites ou
simplifiées au fil du temps – qui confèrent à chaque sport ses spécificités et dont
l’unité coupe court à toutes interprétations locales interdisant l’organisation de
compétitions à plus grande échelle.
5- La décision et l’application de ce dispositif, ainsi que la vérification de sa
potentielle universalité, sont garanties par des institutions bureaucratiques, toujours
plus ramifiées (entre fédérations locales, nationales et internationales) et
autonomes vis-à-vis des autres structures de pouvoir, y compris les États-nations.
6- Cette tâche est rendue possible notamment par la quantification de l’activité, selon
différentes mesures ou statistiques, soutenue par l’utilisation d’une technologie de
plus en plus précise, dont le chronomètre ne fut qu’une première manifestation.
7- De cette propriété découle une quête sans fin de records et de performances, se
déclinant sur de multiples catégories et registres, individuels ou collectifs, sur le
temps d’une compétition, d’une saison, d’une carrière ou d’une histoire, et pouvant
engendrer une forme d’engouement en marge de la confrontation sportive ellemême.
Sébastien Darbon propose enfin de qualifier cette configuration particulière décrite par
le catalogue de Guttmann, augmentée des précisions précédentes, de « système
sportif […] fondé sur l’autonomisation, l’uniformisation, l’abstraction, la codification et
l’institutionnalisation » (Darbon, 2008 : 2). Cette idée de système est fondamentale en ce
qu’elle souligne l’interdépendance des critères énoncés, impliquant que tout manque de
conformité à n’importe lequel d’entre eux déplace la pratique observée dans un cadre
conceptuel différent. En d’autres termes, si courir un marathon, pratiquer l’haltérophilie ou
jouer dans un club de football s’inscrit bel et bien dans le système sportif, ce n’est pas le cas,
du jogging, de la musculation, de la partie de ballon à la récréation de l’école.
Il convient aussi de distinguer le système sportif des différentes cultures sportives,
relatives à chaque pratique sportive distincte, que Sébastien Darbon définit comme « une
combinaison spécifique de pratiques, de comportements, de rapports au corps et de systèmes
de valeurs caractéristiques du groupe des pratiquants d’un sport donné » (Darbon, 2002 : 4).
Elles sont déterminées essentiellement par leur cadre réglementaire respectif. Les règles du
jeu constituent en effet un ensemble d’obligations et de libertés, qui se traduisent par des
propriétés formelles spécifiques à chaque sport (par exemple autoriser ou non les contacts
entre adversaires, faire progresser un ballon au pied ou à la main, utiliser ou non un
instrument médiateur, etc.) et qui laissent aux sociétés d’accueil une certaine marge de
manœuvre pour les réappropriations sans pour autant soustraire les pratiques au modèle du
système sportif (Darbon, 2008 : 321-323).
C’est à l’intérieur de ce cadre réglementaire précis et contraignant, et dans les limites
qu’imposent le respect du système sportif en tant que référence, que chaque société est libre
d’imprimer sa marque sur le sport qu’elle choisit d’adopter. L’organisation de la pratique
dépend de chaque fédération, qui décide par exemple du nombre de rencontres qui doivent se
jouer chaque saison au sein d’une ligue, de football ou de baseball par exemple, et combien de
clubs peuvent participer à cette dernière. Cette réappropriation peut être aussi d’ordre
stylistique, à l’image du futebol brésilien, qui s’oppose au football européen par le « jeu de
taille », c’est-à-dire par l’évitement de la confrontation directe avec un adversaire au moyen
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d’un mouvement à la fois élégant et trompeur. Les Brésiliens se reconnaissent dans cet « art
de la filouterie » qui permet de parvenir à ses fins, en politique comme dans la vie quotidienne
(Da Matta, 1982 : 71). La question du style est essentiellement d’ordre discursif, ou narratif.
Elle ne doit jamais être entendue comme recouvrant la réalité d’une pratique, sous peine
d’aboutir à une forme d’essentialisation excessive selon laquelle, par exemple, le football
brésilien ne serait que « jeu de taille » et les Brésiliens le pratiqueraient tous indistinctement
et presque « naturellement ». Ici, le lien entre style et processus d’identification nationale est
évident et la réappropriation relève d’enjeux sociaux et culturels spécifiques.
Certaines pratiques se sont inscrites, parfois depuis plus d’un siècle, dans un processus
de « sportisation », c’est-à-dire de mise en conformité et de correspondance avec le système
sportif, et non pas dans une perspective évolutionniste de pacification des mœurs. C’est le cas
par exemple du sumo japonais avec la création, au tournant du XXe siècle, du rang de
yokozuna et d’un système de championnat professionnel (Thompson, 1998).
Dans sa forme traditionnelle, le buzkashi afghan (appelé tudabarai) est un jeu équestre
où les cavaliers se disputent la carcasse d’une chèvre (généralement décapitée). Il est partie
intégrante des rapports de pouvoir politiques. Son organisation par les notables locaux
(khans), constitue un enjeu social majeur. Un tournoi, dont les préparatifs seront considérés
comme réussis, rehaussera le pouvoir du notable. S’il est le théâtre de conflits mal résolus, sa
position en pâtira. C'est véritablement à l'occasion d’un buzkashi que se nouent et se dénouent
les alliances et que se révèlent les relations et les positions de pouvoir. Un buzkashi se déroule
généralement à l’occasion de rites de passage (le plus souvent une circoncision). Cette
pratique se « sportise » à partir des années 1950 (sous le nom de qarajai), avec la délimitation
précise d’un terrain de jeu, des règles uniformisées, l’introduction de systèmes de points et de
critères de temps, l’imposition de calendriers de compétitions n’ayant plus aucune relation
avec les festivités liées aux rites de passage, et la mise en place de fédérations sous la coupe
du Comité national olympique. Cette dernière disposition surtout, a permis à l’État afghan de
déposséder presque entièrement les notables de leur pouvoir local. En s’inscrivant dans le
système sportif, le buzkashi doit désormais en respecter les règles universelles. Sa
standardisation fait cependant face à quelques poches de résistance ; avec par exemple
l’envahissement du terrain par les supporters, à la mi-temps des rencontres jouées l’aprèsmidi, disposant leur tapis et s’agenouillant pour les besoins de la prière (Azoy, 2003).
Les courses de bateaux-dragons se disputent lors du Festival du cinquième jour du
cinquième mois du calendrier lunaire, ou « Fête du double cinq » (端午節 Duānwǔ jié),
célébré au mois de mai ou de juin en Chine, à Taïwan, Hong-Kong, Macao, Singapour et en
Malaisie, où ce jour est férié. Ces courses apparaissent à Taïwan au milieu du XVIIIe siècle,
dans la région de Tainan. Elles opposent deux embarcations, de vingt à trente mètres de long,
chacune propulsée par un groupe d’une trentaine de pagayeurs qui rament au son d’un
tambour situé en tête de pirogue. Celle qui franchit la première la ligne d’arrivée, ou celle
dont l’équipage se saisit le premier du fanion placé en bout de parcours, est déclarée
vainqueur. Ces équipes représentaient des communautés villageoises ou rassemblées autour
des temples (Wang, 1990 : 95-96).
À Taïwan, ces courses se déroulent encore de nos jours lors des festivités du « double
cinq », sur les plus larges cours d’eau de la partie nord et occidentale de l’île, mais aussi
indépendamment du calendrier religieux. J’ai pu assister à ces compétitions en juin 2008 et en
juin 2010, chaque fois dans le comté de Changhua, ce qui m’a permis de recueillir quelques
informations sur leur déroulement. Ces compétitions sont à présent le lieu de confrontations
d’écoles, de corps de métiers, d’entreprises ou de clubs sportifs amateurs. De plus en plus de
concurrents non-taïwanais intègrent les équipages, y compris lors des festivités. Les
embarcations sont maintenant chronométrées et leur temps est consigné. L’équipe victorieuse
est récompensée par un trophée, parfois une somme d’argent.
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Les bateaux-dragons ont aujourd’hui leur championnat du monde annuel et leur
fédération internationale ; fondée en 1991 elle regroupe une soixantaine de fédérations
nationales, dont une qui représente Taïwan. Les courses opposent deux embarcations, plus
petites que celles utilisées lors des festivals. Chaque équipe se compose de vingt pagayeurs
répartis en deux rangées, un barreur à l’arrière de la pirogue et un batteur de tambour à l’avant
pour rythmer la cadence. L’équipement est strictement réglementé (taille des pagaies
comprise entre 1m05 et 1m30, gant, veste de flottaison, etc.), et les distances parcourues sont
standardisées. Les athlètes suivent à présent un entraînement intensif pour la préparation des
compétitions. Toutes ces innovations contribuent à la « sportisation » de la pratique.
D’autres pratiques semblent cependant résister à ce processus de transformation, à
l’instar de certaines formes d’arts martiaux (武術 wǔshù), ou encore de jeux athlétiques chez
les Aborigènes, encore pratiqués de nos jours. C’est le cas du kiavan, un jeu de balle paiwan.
Sa pratique est le point culminant de la « fête quinquennale » (maravuk), vouée à l’expulsion
des esprits malfaisants et durant laquelle chaque membre de la collectivité est mobilisé
(Zheng, 1997). Ces activités ne répondent pas aux critères du système sportif. Elles ne sont
encadrées par aucune organisation bureaucratique, ni par aucun cadre réglementaire
uniformisé pour réduire les différences de pratiques, parfois considérables, d’une localité à
une autre. Beaucoup d’entre elles s’inscrivent dans le cadre de fêtes religieuses, d’autres
s’inscrivent dans le cadre d’entraînements militaires ou de pratiques thérapeutiques (Hwang &
Jarvie, 2003 : 77).
Il existe enfin des cas extrêmes de réappropriations où les pratiques ont été
« désportisées », c’est-à-dire extraites du système sportif par des traditions culturelles locales
qui les ont détournées au terme d’un processus de réappropriation radical disjonctif, vidant
l’objet de son sens initial pour lui attribuer une toute autre signification, rituelle par exemple.
On en trouve quelques exemples dans la littérature anthropologique. Les Trobriandais ont
inscrit la pratique du cricket, héritage de la colonisation britannique, dans le cadre de leurs
rituels religieux (Leach, 2002). Les Gahuku-Gama de Nouvelle-Guinée se rassemblent pour
jouer au football plusieurs jours de suite, jusqu’à ce que s’équilibrent victoires et défaites pour
chaque camp, célébrant ainsi leurs relations sous une forme rituelle (Read, 1959 : 429). Dans
ces deux cas de figure, il n’y a ni volonté ni possibilité de rentrer dans un circuit de
compétitions internationales. Le jeu est adopté et réinterprété pour un usage strictement local,
comme substitution à une autre pratique à finalité cultuelle.
En Corée du Sud, un « messie » a élaboré son culte dominical sur et autour des terrains
de football universitaires. Occupant à la fois le poste d’attaquant, de capitaine et d’entraîneur
de l’une puis de l’autre équipe qui s’affrontent sur le terrain, Jesus Morning Star (son surnom)
commente aussi le match depuis le banc. Des actions qu’il observe, ou qu’il a menées, il tire
des paraboles pour l’enseignement de sa doctrine aux initiés rassemblés autour de lui. Ces
derniers l’encouragent pendant la rencontre qui fait office de rituel (Luca, 2000).
Observe-t-on des cas aussi radicaux de réappropriations dans le contexte de Taïwan ?
Répondre à cette question nécessite de prendre en compte l’histoire de la diffusion du système
sportif et des pratiques sportives à Taïwan. Il est également important de revenir sur la nature
de la « culture physique », concept qui tend encore à se confondre à celui de sport avec lequel
il entretient pourtant de profondes différences, voire une forme de concurrence dans le cadre
du processus de diffusion des pratiques sportives à Taïwan.
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II. Repères historiques et processus de la
diffusion des sports à Taïwan
La compréhension de la diffusion du sport implique que l’on se situe au carrefour
d’une histoire sociopolitique et d’un contexte culturel. L’histoire événementielle éclaire les
modalités selon lesquelles le processus de diffusion du système sportif (ou d’une pratique
sportive en particulier) s’opère au fil du temps. Mais elle ne parvient pas toujours à expliquer
les raisons de l’adoption (ou du rejet) d’une pratique sportive. La mise en perspective
anthropologique des propriétés formelles de la pratique et des représentations sociales du
groupe considéré est susceptible d’enrichir ce type d’analyse, à condition qu’elle se garde de
tout essentialisme et tienne compte de la coexistence d’autres facteurs explicatifs que ceux
qu’elle est en mesure de produire. Les approches historique et anthropologique sont, de ce
point de vue, résolument complémentaires. La diffusion du baseball à Taïwan, qui servira de
principal exemple dans cette section, est à la fois concomitante et inséparable de celle du
système sportif (Soldani, 2011).
II.A. L’apparition des sports à Taïwan
Le plus ancien témoignage de pratiques sportives à Taïwan remonte au milieu des
années 1880. Il s’agit de celui d’un marchand de thé nommé John Dodd, sujet de la Couronne
britannique. Arrivé à Formose pour la première fois en 1860, il s’y établit en 1864 et fonde
une compagnie de négoce en thé à son nom. En raison du conflit franco-taïwanais (18841885), et du blocus imposé par la flotte de l’amiral Courbet, Dodd est contraint de demeurer à
Tamsui durant neuf mois, en compagnie de compatriotes, soldats et officiers de marine pour
la plupart. Ensemble, ils s’adonnent au tennis sur gazon, au billard, à des courses (à pied, à
cheval et d’obstacles), à des épreuves de sauts (en longueur et en hauteur), au cricket, ainsi
qu’à d’autres pratiques sur lesquelles l’auteur n’apporte pas de précisions (Dodd, 1888 : 8788 ; 120 et 128-129).
En 1872, le pasteur canadien George Leslie Mackay (1844-1901) ouvre une mission
presbytérienne à Tamsui, dans le nord de Taïwan. Il sert de dentiste itinérant auprès de
populations aborigènes qui habitent les plaines et établit progressivement plusieurs églises,
écoles et hôpitaux pratiquants la biomédecine. Marié à une taïwanaise, il apprend la langue
taïwanaise (hokkien) et contribue à sa retranscription écrite en alphabet latin, dite h-ō -jī. Il
est aussi l’auteur d’un traité ethnographique sur les populations formosanes, publié en 1895,
l’année d’arrivée des Japonais. L’ouvrage de Mackay reste d’un intérêt anthropologique
certain pour la connaissance des sociétés peuplant Taïwan à la veille de la période japonaise.
Il n’offre cependant qu’un unique paragraphe concernant des jeux athlétiques ou sportifs
pratiqués par les populations locales et observés par le missionnaire canadien.
« Boat-racing is a common sport, and at Bang-kah I once witnessed an exhibition of
military horsemanship, that regularly draws immense crowds of spectators. The horses
are run singly in a long trench several feet high, without bridle or saddle. They are
trained, and are eager for the race. The rider carries a bow and arrow, and the object of
the game is to shoot at a target set up on one side of the trench near the end of course,
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after the principle of the game of tent-pegging. The horses require little urging once they
enter the trench. A curious custom is slitting the horses’ nostrils to increase their speed.
Jockeys observed that after the race a horse seemed to have great difficulty in breathing,
and this extra puffing they supposed was caused by an insufficient escape for the air from
the lungs. To relieve this difficulty, and to add to the racer’s speed, the nostrils are slit
open » (Mackay, 1895 : 119).
Cette description de Mackay vient battre un peu plus en brèche toute idée d’une
population taïwanaise sédentarisée et apathique jusqu’à l’arrivée des Japonais en 1895 (Yu,
2007c). Les sources, presque exclusivement japonaises, restent muettes sur toute éventuelle
pratique sportive par les Taïwanais (Hsieh, 2006). La plupart des historiens spécialistes de la
question s’accordent cependant sur le fait que l’introduction systématique du sport à Taïwan,
au sens de système sportif, concorde avec le début de la période du gouvernement japonais, au
tournant du XXe siècle (Tsai, 1992 : 88 ; Hsieh & Hsieh, 2003 : 18-19 ; Yu, 2007a : 11 ; Lin,
2012 : 119).
II.B. L’introduction des sports durant la période japonaise
Les Japonais importent les sports sur le sol taïwanais dès le tournant du XXe siècle. Le
baseball en fait partie, mais ils ne jouent qu’entre eux dans un premier temps (Tsai, 1992 :
13). Leurs enfants le pratiquent dans les écoles qui leur sont réservées. La première
compétition officielle se déroule en 1906. Elle oppose trois lycées de Taipei n’accueillant que
des élèves japonais. La première fédération de baseball à Taïwan est autorisée par le
gouvernement en 1915. Elle regroupe quinze équipes scolaires exclusivement japonaises. Les
Japonais semblent alors encore peu enclins à partager leur passe-temps favori avec les
Taïwanais et à risquer de se retrouver en situation d’égaux vis-à-vis d’individus considérés
comme inférieurs, craignant que cela n’attise la conscience identitaire des colonisés (Tsai,
1992 : 92 ; Lin & Lee, 2007 : 328). Certaines sources décrivent les parents taïwanais comme
réticents aux sports, dans un premier temps du moins, parce que leur pratique serait
contradictoire avec la conduite des études académiques (Yu, 2007c), mais aussi en raison des
risques de blessures – par exemple avec les balles dures en baseball (Hsieh, 2011 : 190-191) –
ou encore par crainte qu’ils ne constituent des exercices militaires déguisés visant à intégrer
leurs enfants à l’armée japonaise (Kann, 2001 : 198 ; Hsieh & Hsieh, 2003 : 18).
Les observations du consul américain Julean Arnold (1875-1945), en mission à
Tamsui au tout début du XXe siècle, disent cependant le contraire. Dans un rapport qu’il
adresse au Bureau de l’éducation des États-Unis en 1908, Arnold consigne l’enthousiasme des
enfants han pour les pratiques sportives qui leur sont proposées à l’école, notamment le
tennis, l’athlétisme et la gymnastique (Arnold, 1908 : 40-43). S’ils ne sont pas encore conviés
sur les terrains par le pouvoir colonial, de nombreux Taïwanais se passionnent pour les
compétitions sportives et s’adonnent parallèlement au baseball, ou à des jeux qui en sont
dérivés (Chen, 2005 : 212-241).
Au tournant des années 1920, les pratiques sportives sont perçues comme une
opportunité par les Japonais qui entament une politique d’« assimilation » (同化 tónghuà,
dōka en japonais) de la population taïwanaise (Morris, 2010 : 31-53). À partir de 1922, les
élèves taïwanais et japonais peuvent fréquenter les mêmes établissements scolaires du niveau
secondaire (collèges et lycées). Les enfants des deux sexes pratiquent la course, le tennis, le
basket-ball, le volley-ball et la natation tandis que le rugby, le football (soccer), le hockey sur
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gazon et le baseball sont réservés aux garçons (Tsurumi, 1977 : 169). Ce dernier est
systématiquement introduit dans les écoles publiques fréquentées par les Taïwanais à partir de
1919 (Yu, 2007a : 16). Il offre un espace de cohabitation entre Taïwanais de tous horizons et
colonisateurs japonais. Il vient compléter le rôle des écoles dans les mesures d’intégration à
l’Empire, tandis qu’il constitue, aux yeux des Japonais eux-mêmes, une forme de
quintessence de leur culture après une rapide phase de réappropriation dans les années 1870
(Roden, 1980). La normalisation des rencontres sportives devait du moins contribuer à une
pacification des relations entre les colonisateurs et les colonisés. Le gouvernement colonial
japonais enregistre de ce point de vue quelques succès retentissants qu’il s’empresse de
médiatiser, notamment afin de faire contrepoids aux soulèvements des populations aborigènes
de la fin des années 1920 et du début des années 1930.
La première équipe de baseball exclusivement composée de joueurs taïwanais à entrer
dans l’histoire est celle de l’Institut d’études agricoles du port de Hualien (花蓮港農業補習
學校 Huālián gǎng nóngyè bǔxí xuéxiào), connue sous le nom japonais de Nōkō (能高
Nénggāo en mandarin). Fondée en 1921 à l’initiative d’un Taïwanais han, Lin Kui-hsing (林
桂興), qui obtient le soutien des autorités japonaises du comté de Hualien, cette formation,
exclusivement composée de joueurs aborigènes du groupe des Pangcah (ou Amis), réalise en
1925 une tournée triomphale au Japon (Yu, 2007a : 17-18).
En 1931, l’équipe de baseball de l’école agricole et forestière de Chiayi (台灣公立嘉
義農林學校 Táiwān gōnglì jiāyì nónglín xuéxiào, en abrégé 嘉農 Jiānóng, ou Kanō en
japonais), fondée en 1928, réalise un véritable exploit en remportant, en 1931, une deuxième
place au prestigieux tournoi du Kōshien. Cette formation de Kanō a la particularité d’être
constituée d’un mélange de joueurs japonais, han et aborigènes – situation fort bienvenue
pour le gouvernement colonial. En effet, la composition originale de l’équipe est la
conséquence d’une fréquentation de l’établissement de Kanō, normalement réservé aux
Taïwanais, par quelques élèves japonais que l’entraîneur du lycée n’hésite pas à sélectionner.
La prestation du club lors de son passage au Japon ne manque pas d’être rapidement
récupérée par le gouvernement colonial afin de montrer à la métropole que la situation à
Taïwan n’est pas aussi dramatique que pouvait le laisser supposer l’« incident de Musha » (霧
社事件 Wùshè shìjiàn) et que la politique d’assimilation a des effets bénéfiques quant à la
pacification des relations interethniques sur le sol taïwanais (Morris, 2006 : 66-69 ; Morris,
2010 : 31-44 ; Hsieh, 2011 : 125-169).
Contrairement à ce que suggèrent certains auteurs (Lin & Lee, 2007), le baseball ne
semble pas constituer une forme de résistance des Taïwanais à l’ordre colonial. Revenant sur
le cas des deux lycées rivaux de Chiayi, l’historien taïwanais Lin Ting-kuo met en garde
contre les témoignages oraux collectés a posteriori, dont les approximations et les partis pris
compromettent les analyses. Il montre que les bagarres récurrentes en marge des rencontres de
baseball (dans les années 1920 et 1930) opposant ces deux établissements n’ont rien à voir
avec les appartenances ethniques. À cette époque, l’équipe de Kanō est indistinctement
composée de joueurs taïwanais, han et aborigènes, et japonais ; tandis que celle du lycée
Chiayi (嘉義中學 Jiāyì zhōngxué, en abrégé 嘉中 Jiāzhōng, ou Kagi en japonais) n’a jamais
eu de joueurs autres que japonais. Mais Lin insiste sur le fait qu’à la même période, Kagi
accueille autant d’élèves japonais que taïwanais, et que ces derniers soutiennent
systématiquement l’équipe de leur école et non Kanō où ils sont pourtant représentés du point
de vue ethnique. En 1938, les deux formations instaurent un programme de coopération et se
rencontrent à intervalles réguliers pour s’entraîner (Lin, 2009 : 26-29).
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II.C. Les sports durant la période d’après-guerre
La diffusion des sports à Taïwan se réalise sous la forme d’une négociation avec un
cadre conceptuel concurrent qui est celui de la « culture physique » (體育 tǐyù). Après la prise
de possession de Taïwan par le Kuomintang en 1945, le baseball, loin d’être banni comme
l’ont été de nombreux autres éléments rappelant la domination japonaise, conserve son rôle
d’initiation aux valeurs promues par les autorités et de pierre angulaire de la construction
nationale. Bien que Taïwan soit alors la seule province de Chine à disposer d’une véritable
tradition de baseball, celle-ci est incorporée au programme nationaliste de la « culture
physique » (tǐyù) (Morris, 2004 : 235-236). Ce programme avait déjà pour objectif, avant
1945, l’adhésion de la population au Parti nationaliste naissant sur les ruines de l’empire Qing
et la lutte contre les Japonais sur le continent (Lu, 2011).
Le baseball devient un levier de la mobilisation nationaliste sur un territoire où le
pouvoir, d’origine allogène, se retrouve confiné dans la foulée de la défaite face aux
communistes en 1949 (Morris, 2010 : 54-78, Soldani, 2011 : 680-681). Dans un contexte où
le Kuomintang est isolé sur la scène internationale du fait de la reconnaissance de Pékin par
les Nations unies, le baseball acquiert progressivement le statut de « sport national » (國球
guóqiú) et devient, grâce aux nombreux succès internationaux remportés par des équipes
scolaires, un instrument de la diplomatie du gouvernement de la République de Chine et un
symbole du succès de la bonne gestion économique par le pouvoir en place.
Entre 1969 et 1996, les jeunes joueurs taïwanais remportent à dix-sept reprises la Little
League Baseball World Series, compétition internationale réservée aux 10-12 ans dont les
phases finales se déroulent annuellement, depuis 1939, à Williamsport (Pennsylvanie), aux
États-Unis (Yu & Bairner, 2008). En 1969, un demi-million de personnes se pressent dans les
rues de la capitale pour accueillir les jeunes héros, les Dragons d’or (金龍 Jīnlóng) de
Taichung, de retour après la conquête du premier trophée. Les finales, qui ont lieu au beau
milieu de la nuit, en raison du décalage horaire, mobilisent un nombre considérable de
familles devant leur poste de télévision – une nouveauté pour les Taïwanais dans les années
1970 : en 1971, près de dix millions de téléspectateurs, soit les deux tiers de la population
totale de l’époque, assistent à la victoire des Géants (巨人 Jùrén) de Tainan (Yu & Bairner,
2008 : 227). L’équipe est reçue par le couple présidentiel et les joueurs sont qualifiés par le
président de « vertueux citoyens chinois » (堂堂正正的中國人 tángtáng zhèngzhèng de
Zhōngguórén) (Yu & Bairner, 2008 : 225).
Devenus les dépositaires de l’honneur national et les représentants d’une culture
chinoise aux valeurs « confucéennes » promues par le Kuomintang, les jeunes joueurs
taïwanais sont perçus par le public américain comme des robots fabriqués dans le seul but de
gagner et n’éprouvant aucun plaisir à se trouver sur le terrain (Sundeen, 2001 : 258 ; Morris,
2010 : 121). Hsieh Kuo-cheng (謝國城), alors directeur général de la Fédération de baseball
de la République de Chine (中華民國棒球協會理事長 Zhōnghuá mínguó bàngqiú xiéhuì
lǐshì zhǎng), affirme en 1977 que l’invincibilité des équipes taïwanaises en LLB tient à la
diligence et à l’obéissance des joueurs (Reaves, 2002 : 7). Ils doivent faire la démonstration
de leur soumission la plus complète aux décisions des entraîneurs et du respect à l’égard
d’une hiérarchie – appelée « système des aînés » (學長制 xuézhǎngzhì) – où les « aînés » (學
長 xuézhǎng) ont l’autorité sur leurs « cadets » (學弟 xuédì), conformément au modèle
« confucéen » promu par le nationalisme d’État du KMT, mais qui était déjà en vigueur
durant la période japonaise. Ce faisant, les athlètes taïwanais se conforment aux préceptes de
la culture physique (tǐyù).
9
Pour l’historien Andrew Morris, la notion chinoise de « culture physique » (tǐyù)
constitue, au début du XXe siècle, une nouveauté qui ne correspond pas à ce qui a été désigné
précédemment comme par « système sportif » :
« Tiyu was about more than just sports, physical education, fitness, or any combination of
these ; its yu (educational/cultivating aspect) was an important element that would
transform modern physical culture, with its scientific legitimacy, its clear rules regarding
physical movement, ans its emphasis on rational record keeping, into a set of lived and
played moral teachings designed to shape a new self-conscious, self-disciplining citizen »
(Morris, 2004 : 16).
À l’instar du système sportif, la culture physique est une matrice conceptuelle qui
transforme radicalement les pratiques qui s’y inscrivent de façon à ce qu’elles correspondent
le plus étroitement possible à son cahier des charges. C’est le cas des arts martiaux (武術
wǔshù), du qigong ( 氣 功 qìgōng) ou encore du taiji quan (太 極拳 tàijí quán) qui se
structurent au sein d’écoles durant les premières décennies du XXe siècle pour devenir des
« arts nationaux » (國術 guóshù) (Morris, 2004 : 185-229).
La culture physique répond avant tout à un projet politique et a pour but premier la
construction d’une nation. Elle est essentiellement un instrument de la régénérescence du
corps social. Elle est à la fois une question de discipline morale (socialement et culturellement
construite) et d’hygiène corporelle, se situant au carrefour d’influences occidentales,
japonaises, mais aussi locales (taïwanaises et/ou chinoises), avec notamment les principes
de « face » et de « préservation du corps » (Tang, 2009 et 2010). Cependant, la défense de
l’honneur national a longtemps justifié les entraînements intensifs et l’emploi abusif des
jeunes athlètes. Certains d’entre eux, parmi les plus brillants, et donc les plus usés
physiquement, n’ont pas pu poursuivre de carrière après leur scolarité en raison des blessures
et de la fatigue physique qu’ils ont ainsi accumulées.
Ainsi que le montre l’exemple de l’équipe de Hongyeh en 1968, dont la « légende »
est un instrument de la construction nationale (Yu, 2007b), les Austronésiens sont le cœur de
cible de l’intégration à la nation chinoise par le sport, ce qui constitue une forme de continuité
avec la période japonaise. Ils ne sont pas cependant restés passifs dans la réception de ces
nouvelles pratiques que sont les sports ou ne se sont pas contentés des modifications
apportées par le système de la culture physique. Dans le cadre de ce projet de recherche, je
propose d’observer les mécanismes de transformation des pratiques selon la grille d’analyse
exposée en première partie. Il s’agira plus précisément d’enquêter sur la façon dont certaines
pratiques sportives s’inscrivent dans la ritualité des groupes austronésiens. Leur conformité ou
non avec le système sportif constituera un important révélateur des logiques qui opèrent dans
leur processus de diffusion et de réappropriation.
III. Réappropriation des pratiques sportives par les
Austronésiens
Les Austronésiens ne se sont pas contentés de se fondre dans le moule que les
autorités successives (japonaises, puis chinoises) leur ont imposé à travers le sport. Non
10
seulement ils ont eux-mêmes pris en main le développement de certaines pratiques au sein de
leur communauté et se sont affirmés comme de redoutables compétiteurs, mais ils se sont
aussi réapproprié plusieurs pratiques, comme le sumo ou le baseball, notamment dans le cadre
de leurs fêtes rituelles. Cette recherche postdoctorale aura pour principal objet de comprendre
les logiques qui président à l’inscription des pratiques sportives dans cette ritualité, ainsi que
les processus de transformation des pratiques elles-mêmes, qu’il s’agisse de cas de
sportisation ou de désportisation. Quelques données empiriques collectées lors des enquêtes
conduites pour les besoins de ma thèse offrent un aperçu des pistes possibles pour cette
nouvelle recherche.
III.A. Le « baseball de village »
Les informations concernant le « baseball de village » (部落棒球 bùluò bàngqiú) chez
les Pangcah font cruellement défaut à ce jour. Je n’ai pour ma part jamais eu l’occasion
d’assister à ce genre de pratiques, de même que la sociologue Lin Wen-lan (林文蘭), qui a
réalisé un terrain ethnographique sur le baseball dans le comté de Taitung. Les rares
informations en ma possession sont des témoignages recueillis lors de mes investigations dans
le canton de Chengkung, en novembre 2008 et en mai 2010. Il semblerait que cette pratique,
apparue sous la période japonaise, ait décliné à partir des années 1970 pour quasiment
disparaître à la fin des années 1980 ou au début de années 1990. Des jeux de softball,
considérés comme plus simples et moins dangereux pour les enfants et les personnes âgées,
l’ont vraisemblablement remplacé.
De toute évidence, le « baseball de village » sort du cadre du système sportif décrit
précédemment. Ses propriétés sont variables d’un village à un autre ; il se déroule selon un
calendrier de festivités et ne se joue pas forcément sur un terrain réglementaire ; les deux
équipes en présence peuvent compter un nombre de joueurs différents ou appartenant aux
deux sexes ; les participants à une même rencontre présentent souvent un écart d’âge
important – de l’enfant au vieillard ; les compétitions sont d’ailleurs décrites comme des lieux
de transmission entre les aînés de la communauté et les plus jeunes.
Actuellement, des rencontres sont organisées par les églises et les chefferies de village,
le plus souvent les jours de fête et les week-ends, notamment après la messe dominicale. Les
grandes fêtes annuelles – fête du printemps (春節 chūnjié), fête du millet (小米祭 xiǎomǐjì),
fête de la moisson (豐年祭 fēngniánjì), etc. – qui voient le retour au village des enfants et des
jeunes adultes partis travailler en ville, sont l’occasion de grands rassemblements sportifs.
III.B. Du sumo chez les Austronésiens ?
Des compétitions de luttes organisées lors de ces mêmes festivités. Elles partagent
certaines propriétés avec le sumo. Elles reproduisent notamment la surface de combat (土俵
dohyō) caractéristique de ce sport, pratiqué à Taïwan lorsque l’île était administrée par les
Japonais. Le sumo, de par ses connexions nombreuses avec l’identité japonaise, était enseigné
dans les écoles des territoires colonisés avant la Seconde Guerre mondiale, dans le cadre du
processus de construction du « Grand empire japonais » et de l’assimilation des populations
sous son autorité (Watanabe, 2006 : 111).
11
Il est difficile de savoir avec certitude si la pratique de la lutte chez les Pangcah ou les
Puyuma est antérieure ou non à cette période. Certains de mes interlocuteurs affirment qu’il
n’existait aucune forme de lutte avant l’implantation des Japonais dans l’île à la fin du XIXe
siècle. D’autres prétendent que des jeux athlétiques de ce type se déroulaient avant leur
arrivée, notamment entre les garçons ou les jeunes hommes qui devaient partir à la chasse aux
têtes. Dans un cas comme dans l’autre, les formes de lutte auxquelles il est possible d’assister
aujourd’hui seraient un détournement du sumo, mélangé à des techniques de combat au corps
à corps des anciens chasseurs de têtes.
En langue pangcah, ces luttes sont nommées mitelu ou malalevu. Elles sont plus
particulièrement pratiquées par les agents de police locaux qui ont l’habitude de s’affronter
sur le « ring » (dohyō) lors de la Fête de la moisson. D’autres formes existent aussi chez les
Puyuma, et notamment dans le village de Katipul (Chihpen 知本, pour l’administration
taïwaniase), également situé dans le comté de Taitung. Ces compétitions sont appelées sumo
ou mariworiwosu. Elles se déroulent sur un dohyō, nommé rariwosan en langue vernaculaire,
et opposent des individus de sexe masculin uniquement, âgés de dix à quarante ans, selon leur
catégorie d’âge et des règles qui n’ont cours qu’à Katipul. Elles se tiennent généralement le
14 juillet, durant la Fête du millet (Kavakasaan en langue Katipul) qui s’étale du 11 au 18 du
mois (Watanabe, 2006 : 113-115).
III.C. Pratiques sportives et ritualité des groupes austronésiens
Les chamanes puyuma sont particulièrement redoutés par leurs voisins pangcah et
bunun, notamment à l’occasion des compétitions sportives, de baseball en particulier. Ils sont
souvent soupçonnés de jeter des mauvais sorts sur les adversaires de l’équipe de leur village.
Lin Chu-peng, directeur de l’école de Hungyeh au début des années 1960, rapporte que, du
temps où il était en fonction, les joueurs de son établissement étaient tombés malades
(problèmes digestifs) la veille d’une rencontre contre les joueurs de l’école du village de
Puyuma. Leurs parents avaient immédiatement suspecté les sorciers puyuma de les avoir
ensorcelé et refusèrent d’envoyer leurs enfants jouer la rencontre (Yu, 2007b : 1268).
Deux officiants puyuma (benabulu ou « maîtres du rituel »), deux hommes, rencontrés
au village de Puyuma (Nanwang) le 18 mai 2010, insistaient quant à eux sur le fait qu’ils
n’agissent que pour le bien et la protection des leurs. Ils m’ont indiqué être venus en aide à
des entraîneurs du village venus les voir avant une compétition importante pour protéger et
renforcer leurs joueurs. Ils leur ont chaque fois fabriqué des talismans à partir de noix d’arec
et de fils perlés, bénis par les esprits. Ces noix d’arec sont enterrées près de la ligne de
démarcation du terrain par l’entraîneur, afin que les esprits des ancêtres protègent son équipe.
Ces talismans ressemblent à ceux qui étaient préparés autrefois pour la guerre, plus puissants
car conférant aussi à leurs utilisateurs un esprit belliqueux, moins approprié à la compétition
de baseball.
Les officiants m’ont également parlé de la marche qu’ils ont eu à accomplir dans la
montagne de Dulan (都蘭), lieu mythique de leurs origines, en compagnie de l’équipe de
baseball du collège Peinan (卑南國中 Bēinán guózhōng), de leur entraîneur et de quelques
autres villageois, afin d’y graver une stèle à la gloire de leur plus vieil ancêtre : la Montagne
sacrée des Puyuma. Ce pèlerinage se déroula conformément à la promesse faite par
l’entraîneur aux esprits des ancêtres si son équipe remportait une importante compétition dont
la phase finale se disputait aux États-Unis.
12
Ce dernier exemple montre l’implication, chez les Puyuma, de toute la communauté
villageoise dans le baseball, et l’inscription de ce dernier dans la ritualité locale. Le baseball
est aussi attaché à l’histoire des lieux, puisque Chen Keng-yuan (陳耕元), le père de l’ancien
maire du comté de Taitung Chen Chian-nian (陳建年), lui-même Puyuma originaire de
Peinan (卑南), est un ancien joueur de la fameuse équipe de Kanō durant la période japonaise.
De retour à Taitung, il devint directeur d’une école primaire où il fonda une équipe de
baseball et s’attela à la promotion de ce sport dans tout le comté, ainsi que le système
d’internat, hérité de la période japonaise, qui régit les équipes scolaires (Soldani, 2012b). Ce
système n’est pas propre aux établissements majoritairement fréquentés par les Aborigènes,
mais il est souvent décrit par ces derniers comme proche des maisons des adolescents dans les
villages, où se reproduisent les structures de transmission.
Il n’est pas anodin de relever que chez les Puyuma, les adolescents de 13 à 18 ans sont
régis par « les “grands” qui diffusent les enseignements, font respecter la discipline,
commandent tous les garçons. “Celui qui joue l’ancien” et “celui qui joue le chef” sont élus
par les sous-échelons. Les “jeunes” respectent les interdits de fumer, de boire du vin, de
mâcher le bétel » (Cauquelin, 1995 : 162). Une organisation semblable se retrouve dans la
société Pangcah voisine, à laquelle appartient la majeure partie du contingent aborigène parmi
les joueurs de baseball.
Cette adéquation, si elle est insuffisante pour expliquer le succès du baseball parmi
certains groupes autochtones, a pu amplement favoriser sa diffusion. Les groupes Pangcah,
Paiwan, Bunun et Puyuma, qui ont en commun le système de classes d’âge, sont aussi ceux
qui ont le plus largement adopté le baseball (Lin, 2010 : 47). On ne peut pas cependant écarter
certains facteurs politiques et historiques. Il s’agit aussi des communautés qui ont le plus
volontiers collaboré avec l’administration japonaise, du moins au cours de la seconde moitié
de la période coloniale. Les groupes atayaliques du nord (Atayal, Truku et Seediq), qui ne
connaissent pas de système de classes d’âge et qui ont opposé la plus farouche résistance aux
Japonais, sont remarquablement peu présents dans le monde du baseball taïwanais et dans son
histoire. Ils ne sont représentés en ligue professionnelle que depuis 2009 par un unique joueur,
Lin Ko-Chien (林克謙) (dont le père est atayal, mais la mère pangcah), et semblent plutôt
apprécier le basket-ball et le football (soccer). C’est là une raison supplémentaire d’élargir le
champ d’investigation au-delà de la seule pratique du baseball et de considérer d’autres
sports, comme le basket-ball, au sein l’espace des sports à Taïwan. Par ce biais, il sera mieux
possible de comprendre les relations que les groupes ethniques nouent entre eux, ou avec
l’État, à travers le sport.
IV. Le cas du basket-ball
Il n’est pas question de procéder dans cette recherche à une quelconque tentative
d’établir une topographie exhaustive de l’espace sportif taïwanais. Un tel programme
nécessiterait un tout autre type d’investigation que celui d’une enquête ethnographique à visée
qualitative. Celle-ci peut en revanche renseigner sur les dynamiques internes et les pratiques
observées dans un groupe donné. Le baseball ayant été déjà étudié dans le cadre de mon
doctorat, et faisant désormais l’objet d’une abondante littérature académique (Hsieh & Hsieh,
2003 ; Yu, 2007a ; Morris, 2010 ; Lin W.-L., 2010 ; Lin T.-K., 2012 ; Soldani, 2012a), je
13
propose d’aborder ici une autre pratique faisant l’objet d’une large diffusion à Taïwan et
souffrant d’un certain désintérêt de la part des universitaires : le basket-ball.
Il n’est guère plus représenté dans les rayons « sport » des librairies que le football –
pourtant très marginal à Taïwan – et bien moins que le golf ou le tennis. Le basket-ball
connaît pourtant d’autres dimensions que sportives dans l’espace social taïwanais. Il est, par
exemple, employé comme moyen de promotion du bouddhisme par le temple de Fo Guang
Shan (佛光山 Fóguāngshān, dans la région de Kaohsiung), fondé en 1967 par le Maître
Hsing Yun (星雲大師, né en 1927), qui appartient lui-même au groupe des Continentaux et
ne cache pas sa passion pour ce sport. Son ordre entretient d’ailleurs une équipe féminine qui
porte son nom depuis 2001 et fait partie des meilleures formations taïwanaises (Yu, 2011).
Hormis le baseball, c’est le seul autre sport à Taïwan qui dispose d’une ligue professionnelle.
Il est généralement préféré au baseball par les membres des groupes atayaliques ou parmi les
Continentaux.
Présent dès la période japonaise, le basket-ball ne suscite guère l’enthousiasme des
Taïwanais durant la première moitié du XXe siècle (Tsurumi, 1977 : 169). Ce sont les
Continentaux qui en développent la pratique sur l’île après leur repli en 1949. Ils ne pratiquent
guère le baseball avant l’engouement des années 1970. Le basket-ball se diffuse dans le reste
de la société via l’école et le service militaire où il est ardemment pratiqué et encouragé par le
régime qui le soutient aussi financièrement (Yu, 2007a : 26).
Les nombreux terrains de basket-ball, à ciel ouvert ou dans les gymnases, dans les
établissements scolaires, les universités ou dans les parcs urbains sont toujours très fréquentés
en fin d’après-midi, principalement par des adolescents et de jeunes adultes qui viennent faire
quelques paniers ou s’affronter dans un match improvisé après une journée passée au travail
ou à l’étude.
Comme en baseball, le milieu scolaire concentre la grande majorité des équipes
amateurs de basket-ball du pays. Mais contrairement aux équipes de baseball scolaire, celle de
basket-ball sont le plus souvent à la charge des professeurs d’éducation physique, voire
d’autres enseignants de l’établissement qui se passionnent pour le jeu. Le basket-ball
professionnel est ancré dans le nord-ouest de Taïwan, où se jouent toutes les rencontres de la
ligue, faute de public suffisant dans le sud, tandis que la ligue de baseball se joue à travers
tout le pays.
L’attitude des deux disciplines envers le sexe féminin est, dans la pratique, assez
différente, même si les interdits qui portent sur les femmes dans le baseball (toucher le
matériel – surtout les gants – s’asseoir sur le banc de touche, traverser l’abri pendant une
rencontre, etc.) tendent aujourd’hui à s’effacer. De façon assez symptomatique, le baseball
rejette toute participation féminine, même si l’on peut rencontrer quelques rares équipes
mixtes en école primaire, le plus souvent pour compléter un effectif peu nombreux et, selon
les entraîneurs de ces formations, parce que les écarts de force physique ne sont pas encore
importants. Les filles sont plus généralement orientées vers le softball, le volley-ball ou le
basket-ball, dont près de la moitié des formations sont féminines, bien qu’il existe des équipes
amateurs et une équipe nationale de baseball féminin. De ce point de vue, la dimension
comparative qu’implique la prise en compte de l’espace des sports, et non de chaque sport
isolément, apportera de nouveaux éléments sur les relations de genre qui se construisent en
son sein.
Une autre distinction réside dans les langues véhiculaires de chacun de ces deux
sports. Le taïwanais et le japonais dominent dans le baseball, à côté de nombreux termes
conservés de l’anglais. Les propos qui réfutent l’usage du chinois ne sont cependant pas
exacts. La « langue nationale », qui est aussi la principale langue de l’école et des médias, est
largement utilisée dans la ligue professionnelle, pour les commentaires des rencontres et les
interviews. Elle est aussi la langue véhiculaire des formations scolaires de l’est du pays
14
majoritairement aborigènes et où les locuteurs du hokkien sont plus rares. Dans les
compétitions de basket-ball, professionnelles ou amateurs, le mandarin est parfaitement
hégémonique. Lors des rares tournois ou matchs officiels de basket-ball auxquels j’ai pu
assister, dans le nord comme dans le sud, je n’ai que très rarement entendu un mot qui ne soit
de langue chinoise, y compris de la part des parents et supporters venus encourager les
équipes présentes sur le parquet.
Dans l’espace sportif taïwanais, baseball et basket-ball apparaissent cependant plus
complémentaires qu’opposés. Le premier est un sport essentiellement estival. À l’abri des
salles, le second prend le relais durant l’hiver. Ils partagent certaines propriétés structurelles,
comme la valorisation de l’évitement au détriment du contact. Ces deux pratiques, si elles ont
pu faire office de repoussoir entre les différentes communautés dans un premier temps, sont
devenues par la suite un lieu d’échanges soutenus entre elles. La mise en parallèle des
représentations de ces deux sports mériterait sans doute d’être plus poussée et plus nuancée
qu’elle ne l’a été jusqu’ici. Les pratiquants du baseball sont-ils également adeptes de basketball, et inversement ? Il est possible aussi de s’interroger sur la place occupée par le basketball dans les villages de garnison ou sur les liens qu’entretiennent encore de nos jours les
Continentaux avec ce sport. Fait-il l’objet de réappropriations au sein des communautés
autochtones qui l’ont adopté et comment s’inscrit-il dans leur ritualité ?
V. Programme d’enquête et résultats attendus
Pour la réalisation de cette recherche, je conduirai une enquête ethnographique sur
trois terrains différents : la ligue professionnelle de basket-ball ; le canton de Ren’ai, dans le
comté de Nantou, que se partagent les groupes atayal et seediq ; et le comté de Taitung durant
la période estivale pour l’observation des festivités annuelles et des compétitions sportives
chez les Bunun, les Pangcah et les Puyuma. Chacun de ces trois sites exigera un minimum de
trois mois d’observation participante et systématique, ponctuée d’entretiens semi-dirigés avec
les acteurs et les spectateurs. L’analyse des données empiriques recueillies et la rédaction des
résultats exigeront trois mois supplémentaires et pourront donner lieu à plusieurs publications
sous forme d’articles et de chapitres d’ouvrages, éventuellement d’un livre, ainsi qu’à une
série de communications sur l’espace des sports à Taïwan.
Afin d’adopter une perspective diachronique permettant une analyse plus fine des
processus de diffusion en jeu, une prise en compte des sources historiques apparaît nécessaire.
Cette recherche se fondera donc également sur les travaux récemment entrepris par les
historiens sur la question des sports à Taïwan et sur les archives disponibles sur le sujet, plus
particulièrement celles qui concernent les lieux et les pratiques retenues pour cette enquête.
L’accès au fonds documentaire de l’Academia Sinica et aux séminaires de l’Institut d’histoire
de Taïwan offriront un environnement optimal pour la réalisation de ce projet.
Il est attendu que cette recherche ouvre à une meilleure connaissance de l’espace des
sports à Taïwan, de ses continuités dans le système sportif global et des spécificités que
certaines pratiques sportives y ont acquises au cours de leur diffusion par l’effet de
réappropriations. De manière plus générale, cette étude vise à enrichir le savoir historique et
anthropologique sur le contexte taïwanais au travers du phénomène transversal à la société
15
que sont les sports. Réciproquement, le cas de Taïwan et ses particularités éclaireront d’un
jour nouveau le concept de « sport » que cette recherche ambitionne de redéfinir.
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