À la Cité de la Santé, les lève-personne soulèvent même les passions
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À la Cité de la Santé, les lève-personne soulèvent même les passions
D D O S S I E R À la D O S E Z V O S E F F O R T S Cité de la Santé, les lève-personne soulèvent même les passions « À la Cité de la Santé, nous avons fait Gaston Pouliot 14 • OBJECTIF PRÉVENTION • VOL. 24 – NO 5 – 2001 asstsas la démonstration que l’installation de lève-personne sur rail au plafond (LPSRAP) en soins de courte durée, ça peut donner des résultats excessivement concrets et ce, très rapidement. De plus, le retour sur l’investissement se traduit non seulement au plan économique, mais aussi au plan de la réduction des accidents au dos. » Ces commentaires de satisfaction viennent de Robert Bourbonnais, responsable de la prévention de cet important centre hospitalier de la région lavalloise. Si les avantages des LPSRAP sont aussi évidents, comment se fait-il que si peu d’établissements emboîtent le pas dans cette direction ? Robert Bourbonnais a sa propre explication. Selon lui, les avantages engendrés par l’implantation de LPSRAP ne sont pas encore largement connus. C’est ce qui pourrait expliquer que les établissements, où la prévention ne constitue pas une priorité, hésitent encore à investir là-dedans. La prévention, un objectif fondamental Pour ce passionné de prévention, l’importance que les établissements fassent de la prévention un objectif fondamental ne fait pas de doute. En effet, prend-il soin de préciser, il est primordial qu’au plus haut niveau de décision de l’organisation, on reconnaisse officiellement et clairement un objectif de prendre tous les moyens nécessaires pour Il ne faudrait surtout pas enlever garder le personnel en santé. un lève-personne ici. Ce serait la Sans une assise dans une polirévolution ! tique cadre, les initiatives en prévention, même les plus positives, ne suffiront pas à assurer la pérennité de la prévention. Lorsque les travailleurs se trouvent menacés dans leur intégrité physique et psychique, ils doivent pouvoir bénéficier rapidement des soins requis. Enfin, les dossiers d’accidents du travail doivent être gérés adéquatement. À la Cité de la Santé, la prévention est reconnue comme un principe fondamental. Une politique en santé-sécurité existe depuis maintenant dix ans. « Nous l’avons élaborée tout en demeurant confiants que les syndicats l’endossent », de dire M. Bourbonnais. Selon lui, peu d’établissements bénéficient d’un tel outil. « Lorsque le directeur des ressources humaines, André Desbiens, m’a demandé de venir travailler avec lui en 1989-90, il m’avait alors convaincu de son intention de faire de la prévention un objectif prioritaire dans l’établissement. » Selon Robert Bourbonnais, il n’y pas de recette magique. Pour que la prévention occupe une place importante, il faut, au départ, une volonté politique au niveau des plus hautes instances. « Chez-nous, précise-t-il, nous pouvons compter à la Robert Bourbonnais, fois sur des gens engagés à travailler en prévention et sur responsable de la prévention, Cité de la Santé d’habiles gestionnaires. Nous devons coopérer avec pas moins de 11 syndicats et cela se passe relativement bien. » Mais ce n’est pas tout de prendre la décision de faire de la prévention une priorité. Une fois le train en marche, il faut y croire profondément. Sans quoi, il n’est guère possible d’aller bien loin, selon la propre expérience de notre interlocuteur. Parlons-en justement d’expériences. Avant 1990, il semble que les projets de prévention débouchant sur des résultats positifs, visibles et tangibles constituaient plutôt une denrée rare à la Cité de la Santé. Mais au début des années 90, le vent a commencé à tourner. Des projets ont donné des résultats significatifs. « En prévention, plus souvent qu’autrement, ça prend des preuves. Les efforts investis, surtout lorsqu’il est question de sous, doivent générer un retour sur l’investissement. Il faut lire un retour en termes économiques évidemment. » Les efforts excessifs dans les chambres En 1993, la Cité de la Santé a été invitée à participer à un projet de recherche en partenariat avec l’ASSTSAS, l’IRSST et une firme privée. Un prototype de lèvepersonne mobile au sol a été mis à l’essai dans le centre d’accueil pour personnes âgées faisant partie de la Cité de la Santé. Le comité paritaire de santé-sécurité s’était totalement engagé dans ce projet. L’initiative a contribué, dans le milieu, à une prise de conscience que le problème des efforts excessifs était loin d’être réglé. De plus, si le problème était présent en soins de courte durée, les soins de longue durée n’en n’étaient probablement pas exempts non plus. D’ailleurs, le CPSST savait déjà, à l’époque, statistiques à l’appui, que les accidents liés aux efforts excessifs survenaient en grande majorité dans les chambres. L’établissement, construit en 1978, souffrait d’un manque évident D O S E Z V O S E F F O R T S d’espace dans les chambres. Pour cette raison, la solution du lève-personne mobile au sol ne pouvait représenter à elle seule une avenue de solution valable. Il semble que l’influence de l’ASSTSAS ait été déterminante notamment grâce à la publication d’articles qui témoignaient d’expériences fructueuses dans le secteur en matière de lève-personne sur rail au plafond (LPSRAP)1. « Cela nous fournissait des arguments de poids pour convaincre nos supérieurs d’aller dans cette direction », de dire M. Bourbonnais. Si c’était bon ailleurs, pourquoi en serait-il autrement ici ? En 1996-97, la demande d’un budget de 60 000 $ est faite pour l’achat de 35 LPSRAP ainsi que de 143 rails pour couvrir les besoins de 124 chambres. En 1997-98, 35 LPSRAP ont été achetés, en 1998-99, cinq autres et le même nombre en 1999-2000. En 2000-01 et 2001-02, déficit oblige, aucun achat de lève-personne n’a été réalisé. En 2002-03, il est prévu de procéder à l’acquisition de cinq autres lève-personne. Selon Robert Bourbonnais, l’objectif de 125 ne sera peut-être pas atteint à court terme, mais les 45 LPSRAP en opération permettent déjà d’observer des résultats probants. De quels résultats est-il question au juste ? D’abord, on enregistre une réduction de 25 % du nombre d’accidents dans les chambres où les LPSRAP ont été installés et où ils sont utilisés. Il a été démontré, statistiques à l’appui, qu’il y a moins de risque qu’un employé se blesse s’il travaille sur une unité où des LPSRP ont été installés2. Autre avantage non négligeable : les LPSRAP s’autofinancent en deux ans tout au plus. Le calcul est simple. Un seul accident coûte en moyenne 3 000 $ en frais directs d’indemnisation de la CSST. Une réduction de huit accidents annuellement, à raison de 3 000 $ par événement, permet de couvrir entièrement, en l’espace de deux ans, les frais d’acquisition à 2 000 $/pièce d’une trentaine de LPSRAP, rails au plafond inclus. Aucun administrateur ne peut rester insensible devant de tels arguments, de souligner Robert Bourbonnais, fort convaincant. Qu’à cela ne tienne, il en remet encore. Quel autre moyen de prévention, dit-il, pourrait permettre d’arriver à des résultats aussi spectaculaires ? Aucun, on l’aura deviné. Et pour achever de nous convaincre, M. Bourbonnais dit qu’il ne faudrait surtout pas enlever un lèvepersonne ici. Ce serait la révolution ! La prévention présente au quotidien Le préventionniste observe également que, dans son établissement, la prévention est beaucoup plus présente depuis deux ans, tant chez les cadres que chez les travailleurs. En même temps que les travailleurs vivent un accroissement de la charge de travail et de la charge de stress qui en découle, il semble que, pour contrer le mieux possible les effets négatifs de cette situation, ils se tournent davantage vers la prévention. Un des mécanismes qui contribuent à une intégration au quotidien de la prévention, c’est la procédure de déclaration de situation dangereuse. Il en aura fallu du temps pourtant, avant que le personnel ne fasse confiance à cet outil. Les infirmières, entre autres, ont manifesté de la résistance. Elles semblaient penser que les dangers pour la santé-sécurité n’étaient pas présents dans leur situation de travail. Paradoxalement, après en avoir expérimenté les bienfaits, ce sont elles qui, maintenant, déclarent le plus de situations dangereuses. Il faut dire que la procédure de déclaration est prise très au sérieux à la Cité de la Santé. Ce mécanisme a été à la source de bon nombre de modifications. Qu’il suffise de mentionner l’agrandissement des chambres par l’intérieur avec la disparition des somnos et la modification des vestiaires. Cette mesure parmi d’autres, ajoutée à l’utilisation du LPSRP, fait que la proportion d’accidents dans les chambres continue à diminuer et ce, même si le nombre absolu, lui, continue d’augmenter. Pourquoi parler de proportion ? « C’est que, de préciser Robert Bourbonnais, si le nombre d’accidents augmente, c’est en raison de l’augmentation du volume de la tâche. » Pour lui, il ne fait pas de doute, si le volume de travail était demeuré constant depuis cinq ans, il y aurait eu baisse nette d’accidents pour cette même période. Que réserve l’avenir ? Selon Robert Bourbonnais, malgré les temps difficiles que vit son établissement – un déficit de six millions de dollars est prévu cette année – l’avenir s’annonce plutôt bien au chapitre de la prévention. Un très gros projet pour une nouvelle urgence est sur la table à dessin actuellement. On fonde beaucoup d’espoir dans le milieu sur ce nouvel aménagement. L’ASSTSAS, par le biais des projets PARC (Prévention-Aménagement-RénovationConstruction), est mise à contribution. Pour l’ASSTSAS, c’est l’histoire qui se répète. En effet, elle a participé à un important projet de rénovation de la cuisine en 1993. Une centaine de recommandations énoncées par le conseiller de l’ASSTSAS, Jocelyn Villeneuve, ont été retenues. En terminant, Robert Bourbonnais lance un message qui s’adresse en fait à tous les artisans de la prévention dans le secteur. « En prévention, rappelle-t-il, il ne faut surtout pas s’asseoir sur ses lauriers. Il faut toujours avoir en tête de nouveaux projets. » De plus, souligne-t-il, il faut aimer faire de la prévention et pardessus tout, aimer les gens. « Tu ne peux pas faire de la prévention, isolé dans ton bureau. » À n’en pas douter, Robert Bourbonnais est l’incarnation même de cette passion, à la fois pour la prévention et pour les personnes. ◆ RÉFÉRENCES 1ASSTSAS. « Dossier : Le lève-personne sur rail au plafond : outil de travail indispensable », Objectif prévention, vol. 17, no 2, 1994, pages 13-39. Aussi sur le même sujet : CORMIER, Yves. « L’installation de LPSRAP, une expérience réussie au Centre hospitalier régional de Baie-Comeau », Objectif prévention, 1999, vol 22, no 3, p. 14. 2Diminution du risque de blessure parmi le personnel soignant d’un centre hospitalier de soins de courte durée (CHSCD) après l’installation de LPRSP, Cahiers des conférences et des abrégés, 4e Conférence internationale de la CIST sur la santé au travail des travailleurs de la santé, Montréal, octobre 1999. 15 • OBJECTIF PRÉVENTION • VOL. 24 – NO 5 – 2001 D D O S S I E R