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30 –
Clash
Par Anouk Brissac | Photos DR
– Ken Loach et Bridget Jones :
même combat ?
Bridget Jones Baby, troisième opus girly des aventures de l’Anglaise romantique et gaffeuse,
et Moi, Daniel Blake, tragédie sociale et palmée signée Ken Loach, dessinent les deux faces
d’un même personnage : la mère célibataire anglaise que la société n’épargne pas.
s
t Jone
Bridge DGET
I
R
dans B
BABY
JONES
Pourquoi elle en est arrivée là ?
↘ Déjà l’éternelle célibataire trentenaire avait dû,
dans les volets précédents, arrêter de cloper, de boire comme
un trou et maigrir. Aujourd’hui Bridget a 40 ans et est (encore !)
sous le feu des jugements d’une société qui, quoi qu’elle dise,
supporte mal la non-maternité. Résultat ? Bridget flippe à mort
et tombe en cloque. De deux mecs.
Katie d
ans
MOI, D
ANIEL
BLAK
E
↘ Katie déboule dans le film d’un coup d’un seul,
ses deux mômes à la main, en pleine prise de bec avec
une conseillère de type Pôle Emploi, infichue de lui trouver
du travail. Si son passé est à peine évoqué, on le devinera
en une fraction de seconde : teen mom, père absent
et déterminisme social.
Mais que fait le père ?
↘ LES pères. On est face à un monstre à deux (jolies) têtes (C. Firth et
P. Dempsey, on se bile pas trop sur la mignonnitude du bébé), où chacun
incarne un versant de la paternité moderne. D’un côté un « ultra papa »
au taquet sur tout (allaitement, calibre des roues de la poussette, yoga
prénatal), de l’autre un futur père plus old school, pas à l’aise à l’idée
d’enfiler un porte-bébé mais qui sait qu’il n’y coupera pas.
↘ LES pères, car à la vue des enfants, il est clair
qu’ils n’ont pas le même. Loach leur confère dans le film la même
place qu’ils ont auprès de Katie : aucune. Comment ? En les évidant
tout bonnement de son script. Il les remplace par Daniel, menuisier
veuf de 59 ans qui va se substituer à la figure paternelle
en les prenant tous les trois sous son aile.
En quoi elle est « so UK » ?
↘ Bridget est une Londonienne pur jus, une citadine pressée dédiée
à son job « dans les médias » la semaine, à ses copines et ses potes
gays le week-end, et qui va chez Tesco en cas de crise junk food.
Issue de la middle class aisée, elle est tiraillée entre conservatisme
et émancipation, accablée par une mère hyper tradi qui la harcèle
pour qu’elle se reproduise.
↘ Déjà parce que Hayley Squires qui incarne Katie est le portrait
craché de la pop star brit Lily Allen. Ceci étant dit, Katie est
l’archétype de l’Anglaise issue du précariat, cette population au
bas de l’échelle d’une société de plus en plus fragmentée. Son
personnage trimballe toutes les galères assimilées à cette classe :
misère, chômage, genre Restos du Cœur…
Est-ce qu’elle va s’en sortir ?
Bridget Jones baby. Sortie le 5 octobre.
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↘ On vous le dira pas. On notera juste que, tout drame social qu’il
est, la Palme d’Or 2016 rappelle que les premières victimes des
injustices sociales sont bien les femmes - plus encore les mères
célibataires – qui, d’une façon ou d’une autre, en payent le prix fort,
dans leur chair, comme un éternel recommencement. Une chose
reste néanmoins vivace et ne se marchande pas : la dignité.
UGC Ciné Cité - RCS Nanterre 347 806 002
↘ On vous le dira pas. On notera juste que, toute comédie
romantique qu’il est, le film rappelle qu’il vaut mieux avoir un bon
boulot pour faire un bébé toute seule, que la famille peut être une
plaie et que la solidarité féminine, c’est pas une légende. Ah oui, et
aussi que les capotes, ça se périme. Un détail de taille.
Moi, Daniel Blake. Sortie le 26 octobre.
22/09/2016 19:40